samedi 20 octobre 2007

BD - Petits tracas d'une adolescente

Les adolescentes d'aujourd'hui ont toutes les chances de se reconnaître dans cette bande dessinée. Le problème c'est que les adolescentes d'aujourd'hui lisent très peu de BD. Elles sont plus sur le net, à commenter les blogs de leurs semblables. C'est peut-être cette constatation qui a guidé le choix de la dessinatrice de cette série écrite par Lorris Murail. 

Laurel a débuté dans le dessin en publiant sur son blog, « Un crayon dans le cœur », des croquis puis des notes plus construites où elle racontait avec force de détail sa vie au quotidien. Sa famille, ses premiers petits boulots, sa fille, sa séparation d'avec le père de cette dernière, ses conquêtes... 

Un blog parfois très fleur bleue, mais affichant une fréquentation qui a fait bien des jaloux. Bref, Laurel a un public et nul doute qu'il achètera le second titre de sa série. Et il n'aura pas tort car le résultat est plus que potable. 

Carmilla, adolescente amoureuse d'un garçon un peu trop passionné de foot, tente de comprendre avec ses copines du Tagada's club ce qui pourrait rendre un peu moins ignare la moitié de l'humanité. C'est souvent bien vu, jamais méchant, peut-être un peu trop superficiel. Mais dans le genre, rien n'égalera le Bidouille et Violette de Bernard Hislaire.

("Le journal de Carmilla", Vents d'Ouest, 9,40 €) 

vendredi 19 octobre 2007

BD - Retour d'une fine gâchette

Il nous aurait presque manqué. Pourtant il est solitaire, froid, sans pitié et très professionnel. Le Tueur imaginé par Matz et Jacamon est de retour. Une éclipse au cours de laquelle il a troqué ses petites lunettes rondes d'intellectuel pour des solaires sportives à la mode. Quatre années au cours desquelles il a pris du recul. 

Il a suffisamment d'argent pour être à l'abri mais il s'ennuie dans le petit paradis tropical du Venezuela : « L'inactivité commençait à sérieusement me peser. J'avais besoin d'action. Et pour moi, cela signifiait faire ce que je savais faire. La seule chose que je savais faire... » Il accepte donc plusieurs contrats d'un même commanditaire. Un courtier en pétrole, le sous-directeur d'une banque.

 Du classique. Mais il a un doute quand il découvre l'identité de sa troisième victime : une religieuse très impliquée dans l'aide aux enfants des bidonvilles de Colombie. Pour la première fois il hésite à presser sur la gâchette. Un petit retard qui n'est pas du goût du commanditaire qui lui fait comprendre (avec force) qu'il n'a pas le choix. 

Retour gagnant pour ce héros hors normes. En cinq tomes il était devenu une référence du polar noir. Il revient un peu contre le gré des auteurs qui voulaient passer à autre chose. Le lecteur, lui, en redemande...

("Le tueur", Casterman, 9,80 €)

jeudi 18 octobre 2007

BD - Quand la réalité dépasse le gore...


Un scénariste, trois dessinateurs et surtout un personnage réel : Richard Trenton Chase surnommé par la police américaine du temps de ses exploits « le vampire de Sacramento ». Un album qui affiche clairement en quatrième de couverture un « Déconseillé aux moins de 16 ans » tout à fait justifié car les dessinateurs n'ont pas occulté les sévices infligés aux victimes. 

Le lecteur suit la traque du tueur par l'intermédiaire des déductions d'un profileur. On découvre grâce à de multiples retours en arrière l'adolescence de Chase, sa difficulté pour s'affirmer face à sa mère, sa découverte des drogues. Il semble en fait ne jamais être redescendu d'un long trip destructeur. 

L'album revient également sur les premiers délits de Chase. Bagarre dans une soirée, menaces sur des colocataires. Il a même été interné dans un hôpital psychiatrique. Ses parents l'en ont sorti. Il a alors commencé son délire sanglant. Il tuait des lapins et buvait leur sang. Puis un soir il est rentré dans une maison et a massacré une jeune femme. 

Scénario très documenté de Mosdi et dessins de Fino, Vitti et Kolle, se partageant les séquences de 5 à 7 pages. L'ensemble est très cohérent et fait froid dans le dos.

("Le vampire de Sacramento", Soleil, 12,90 €) 

mercredi 17 octobre 2007

BD - Inspecteur Saboum : du vieux Chakir


La collection Patrimoine BD exhume des œuvres qui parfois n'ont jamais eu la chance d'être publiées en album. C'est le cas de cette aventure de l'inspecteur Saboum de Jean Chakir, parue initialement dans l'hebdomadaire Bayard entre septembre 1959 et septembre 1960. Une page par semaine avec systématiquement un rebondissement dans la dernière image pour tenir en haleine les jeunes lecteurs de cette revue catholique. 

Saboum est un policier, toujours affublé de lunettes noires, intrépide et plein de bon sens. Il se rend dans le sud de la France pour tenter de découvrir l'identité d'un homme amnésique retrouvé grièvement blessé au fond d'un ravin. Saboum, à partir d'un tout petit indice va remonter la piste, d'un hôtel du Pays basque, au port de Bordeaux en passant par une ferme isolée au cœur de la forêt landaise. 

Courses poursuites (403 Peugeot contre Simca Aronde...), bagarres, abordage en mer, fusillades : cela bougeait beaucoup à l'époque dans les BD. Chakir n'avait pas encore trouvé son propre style (Tracassin dans Pilote quelques années plus tard) et faisait de la ligne claire un peu rigide. Presque une oeuvre de jeunesse en espérant que quelqu'un se penchera sur ses BD plus personnelles et parfois très étonnantes (L'Insulaire).

("L'inspecteur Saboum", Glénat, 20 €) 

mardi 16 octobre 2007

BD - Long poème dessiné sous forme de livre d'art


En quelques années, Arthur Rimbaud a révolutionné la poésie. En décidant d'arrêter d'écrire et d'aller vivre en Afrique, il a laissé toute une génération de poètes orphelins. Mais ils ont toujours espoir de retrouver des originaux de Rimbaud. Parmi eux Adrien, qui avec ses amis de la revue « Le décadent » écrit même des faux pour maintenir l'esprit de Rimbaud. Il va se lancer physiquement sur les traces du poète, à Charleville, puis à Aden en passant par Marseille. 

Cette quête s'achèvera sous le soleil aliénant de l’Érythrée. Elle est racontée par Christophe Dabitsch et mise en images (des aquarelles très lumineuses) par Benjamin Flao, virtuose du croquis sur le vif. Un long poème dessiné sous forme de livre d'art.

"La ligne de fuite", Futuropolis, 19 euros 

lundi 15 octobre 2007

BD - Taniguchi propose du fantastique zen, calme et serein

Dans la préface de cet album, Jiro Taniguchi explique sa fascination pour la bande dessinée européenne. Il a toujours voulu faire un album pour le marché occidental. « Mon rêve devient réalité grâce à Casterman » explique-t-il. 

Cet album de plus de 60 pages est un mélange de souvenirs personnels et de légendes locales. Un jeune garçon, ayant perdu son père et dont la mère est gravement malade découvre qu'il peut parler avec une salamandre géante. Elle lui demande de la conduire à l'intérieur de la montagne dominant la petite localité. Du fantastique zen, calme, serein, avec un beau message d'espoir.

"La montagne magique", Casterman, 13,75 euros 

dimanche 14 octobre 2007

BD - La réalité avant les tranchées

Début du siècle dernier, le destin de deux jeunes Français est au centre de cet album de BD en deux parties. Le scénario est de Lax, les dessins de Frédéric Blier. Jean Gadoix est un braconnier de Haute-Loire. Ousmane Dioum est chasseur au Sénégal. Deux adolescents qui vont se retrouver responsable de leur famille. Jean car son père, alcoolique, est paralysée après un accident, Ousmane après que le mari de sa sœur ait été dévoré par un lion. 

Par touches successives, au fil des années et des événements, on suit ces existences, difficiles, rudes. Les deux hommes se forgent des caractères d'acier. Pendant ce temps, le monde s'agite et en 1914, les bruits de guerre se font insistants.

"Amère patrie", Dupuis, 13,50 euros 

samedi 13 octobre 2007

Roman - Odieux mais séduisant

Avec « Portrait de l'écrivain en animal domestique », Lydie Salvayre raconte comment une intellectuelle peut sombrer face à un homme d'affaires.


Quelle mouche a piqué la narratrice quand elle a accepté d'écrire « la biographie de Jim Tobold, le roi du hamburger » de la marque King Size. Cette femme écrivain, intellectuelle, aux idées progressistes, a pourtant dit oui quand le grand capitaliste lui a demandé de le suivre durant quelques semaines pour décrire sa vie et raconter comment il a façonné cette fortune colossale. Chez les amis de la romancière, les avis étaient partagés : « certains prédisaient que cet engagement signerait ma perte (car se commettre avec un patron vendu au Capital ne pouvait, selon eux, que conduire à la perdition) tandis que d'autres, jugeant ma situation hautement enviable, prédisaient qu'il ferait ma fortune ». Toujours est-il qu'elle a accepté, quitté son petit appartement parisien pour aller vivre dans un immeuble newyorkais d'une centaine de pièces, avec une armée de serviteurs aux ordres.

Les travers d'un être abject

Elle se transforme en petite souris et suit Tobold dans tous ses déplacements, ses rendez-vous, ses conseils d'administrations ou soirées de beuverie. Tobold est le prototype de l'homme qui ne doute jamais. Parti de rien, il se confie facilement sur son enfance à Toulouse, sous la coupe d'une mère qui « me fit longtemps gober qu'elle m'avait conçu sans l'intervention d'aucun homme, mais simplement en entrant en communion spirituelle avec une photo d'Alain Delon. » Aujourd'hui, quand il a une contrariété, pour se calmer, il descend dans son garage et entreprend de compter ses... 365 voitures.

Mais ce n'est pas toujours facile de supporter les avis à l'emporte-pièce de cet homme ne supportant pas la contradiction. Il mène ses entreprises comme des armées, est persuadé d'être infaillible et devient un autre homme dès qu'une négociation s'ouvre : sa drogue, c'est le deal. Plus les jours passent, plus la narratrice découvre les travers de cet être abject, jetant l'argent par les fenêtres, considérant sa femme comme un objet (il l'a rencontrée alors qu'elle était danseuse dans un peep show). Pourtant elle doit continuer a noter, tout noter, pour transformer ces pensées en une nouvelle évangile.

Un grand solitaire

Mais Tobold reste un homme, un être humain. La proximité va petit à petit changer son regard sur le milliardaire. « Il n'y avait pas homme plus détesté sur terre, pensais-je. Il n'y avait pas homme plus seul. Plus effroyablement seul. De là à avoir de la peine pour lui, ça non, jamais, enfin, pas trop, quoique, quoique je finisse par ressentir à son endroit un mélange de pitié, de rancoeur et de fascination. » La petite scribe va-t-elle tomber sous le charme de l'affreux profiteur ? Ce serait beaucoup trop simple et Lydie Salvayre dans ce roman jubilatoire, notamment quand elle décrit avec force détail les excès de son héros mâle ou les atermoiements de son héroïne femelle, pousse la réflexion un peu plus loin. Quelques rebondissements christiques plus tard, ce ne sont plus les mêmes personnages qui vont cohabiter, apprendre à s'apprivoiser. Un double glissement de personnalité qui accompagne cette féroce charge contre la société de consommation dans laquelle nous nous vautrons de jour en jour, trame de ce roman toujours présent dans la dernière sélection du prix Goncourt.

« Portrait de l'artiste en animal domestique », Lydie Salvayre, Seuil, 18 € (au format poche chez Points)

vendredi 12 octobre 2007

BD - L'impossible enfant de Martina Wachendorff chez Rivages

Une héroïne journaliste à la télévision, un fait divers sordide, le tout dans la région de Nîmes : un polar atypique signé Martina Wachendorff.

Si vous cherchez de l'intrigue bien ficelée avec force de rebondissements et de fausses pistes, passez votre chemin. Ce premier roman de Martina Wachendorff, tout en intégrant une collection de roman policier, est avant tout le récit des doutes d'une journaliste face à certains faits divers. Cette journaliste, c'est Nadia Mamméri, jeune, jolie, d'origine khabile. Elle travaille pour France 3 Languedoc Roussillon. Basée à Nîmes, elle a connu la notoriété quand elle présentait un magazine de décryptage des faits divers. Quelques enquêtes délicates plus tard, l'émission est supprimée, Nadia doit se contenter de « couvrir » la petite actualité de la région tournant autour des quelques notables provinciaux, dont « l'empereur de Septimanie » qui au passage en prend un peu pour son grade.

Enlèvement d'un enfant

Son chef, Prost, « l'envoie aux cocktails des pompiers... Mais attention, elle peut encore retomber plus bas, retourner aux piges de ses débuts. Sa place est fragile, elle la doit à son physique, sorte de diplôme supérieur pour une femme arabe désireuse de travailler dans les médias ».

Mais Nadia doit également être disponible quand un faits divers survient dans son rayon d'action. Son chef, Prost, l'envoie dans un institut spécialisé pour jeunes handicapés. Un enfant de 5 ans, Max, a été enlevé en plein jour. Atteint d'une maladie génétique, il est sourd, muet et défiguré. Nadia se souvient de lui. Sa famille avait bénéficié d'un vaste élan de solidarité pour faite opérer le visage du petit aux USA. Des fonds avaient été collectés. L'opération reportée. Prost est persuadé qu'il s'agit d'un acte raciste, la mère de Max est Maghrébine. Nadia n'y croit pas. Elle sait par expérience que dans la région tout est systématiquement mis sur le dos du racisme... ou des arabes.

Fausse couche

L'enquête change d'orientation quand une lettre de revendication arrive. Les ravisseurs exigent qu'un texte soit publié dans le Monde. Une longue déclaration dénonçant le manque de moyens dont souffre la recherche génétique. Cet enlèvement bouleverse Nadia. La jeune journaliste est en plein doute. Elle est amoureuse de José, un graphiste indépendant dans son travail et sa vie. Ils se retrouvent parfois, au restaurant puis dans l'appartement de l'un ou de l'autre. Quand Nadia découvre qu'elle est enceinte, elle sent que le moment est venu de franchir le pas. Elle n'en fera rien. Chez elle, alors qu'elle pensait si fort à cet enfant, elle fait une fausse couche. La jeune femme ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec l'enlèvement de Max. Et la revendication qui indique également que « les désordres génétiques sont dans 70% des cas à l'origine d'une fausse couche, de la mort enfantine subite et de la stérilité. »

Nadia va tout faire pour tenter de retrouver Max, comme pour sauver son enfant qu'elle n'aura pas. Une longue marche vers la vérité, vers l'horreur aussi. Mais comment Nadia Mamméri, petite journaliste de province, peut-elle faire exploser cette affaire aux dimensions nationales ?

On sera séduit par la personnalité de Nadia, volontaire mais également réaliste. Quant au fond politique du roman, chacun aura son avis, les débats entre scientifiques n'ayant jamais clarifié la situation. Mais il est probable que certains « devoirs de précauton » mis en avant de nos jours auraient été plus utiles il y a 50 ans...

« L'impossible enfant », Martina Wachendorff, Rivages Noir, 7,50 €

jeudi 11 octobre 2007

BD - Rire tout en travaillant avec Bamboo Job


Les éditions Bamboo, de petit éditeur en province, est devenu un poids lourds de la BD classique. Le succès est venu avec la série « Les Profs » de Pica et Erroc. Le filon a été creusé et différents métiers ont été passés au crible des gags. En cette rentrée, ce ne sont pas moins de quatre nouveautés « Bamboo job » qui partent à l'assaut des librairies, dont deux aux tirages très conséquents. 

A tout seigneur tout honneur, les Profs rentrent une 10e fois avec une « Motivation : 10/10 ». On retrouve avec délice tous ces enseignants, bornés, découragés, enthousiastes, luttant contre les élèves ignares (la rédaction sur la biographie de Jules Ferry est à se rouler par terre) et l'administration parfois opaque. 

Autre succès, les Pompiers imaginés par Cazenove et Stédo. Les hommes du feu se trouvent devant des situations toutes aussi délirantes les unes que les autres, incendies, accidents ou entraînements. Une série qui sort du lot en raison de ses dessins signés Stédo. Une fonction publique qui est particulièrement brocardée puisque vous pourrez également rire aux dépens des Postiers (par Godard et Du Vigan) et des Fonctionnaires (Bloz et Béka).

(Bamboo, 9,45 € chaque titre)