lundi 15 janvier 2007

Roman français - Libertinage chez Voltaire

Réflexion sur le théâtre, la tolérance et la guerre, ce court roman de Jacques-Pierre Amette offre de plus quelques scènes torrides.

« Le fanatisme de Mahomet », pièce de Voltaire, avait reçu un accueil très mitigé lors de sa création. Le philosophe, déçu, a décidé de donner une seconde chance à ce texte qu'il considère comme essentiel dans la dénonciation des intégrismes. En plein été 1761, alors qu'il profite de la douceur de vivre de son domaine de Ferney en Suisse, il fait venir de Paris deux actrices italiennes renommées pour participer aux premières répétitions de cette histoire toujours aussi controversée de nos jours. 

Jacques-Pierre Amette ne s'est pas trop appesanti sur la pièce et son message préférant, dans ce court roman, raconter la vie quotidienne de cette petite société, lettrée, intelligente, mais très éloignée des réalités de l'Europe du 17e siècle. Autour de Voltaire, chef de tribu, pièce maîtresse et pensante du domaine, on retrouve quelques intellectuels, religieux, militaires et artistes.

Les amours de Gabriella et Zanetta

Dans cette dernière catégorie, le romancier consacre beaucoup de pages aux deux artistes italiennes, aussi belles l'une que l'autre mais aux caractères diamétralement opposés. Gabriella, exubérante, sûre d'elle, séductrice implacable, tombe rapidement sous le charme du comte Fleckenstein, officier prussien envoyé par Frédéric II pour négocier un traité de paix par l'intermédiaire de Voltaire. Le comte oubliera sa mission dès qu'il franchira la couche de Gabriella. 

Cette dernière profitera goulûment de l'émissaire comme le laisse entendre cet extrait : « Elle souleva le drap, découvrit les cuisses, les jambes, les pieds. Elle songea longtemps sur le sexe assoupi. Un corps parfait. Elle repoussa le linge pour jouir de ce si beau corps. Elle fut saisie, troublée, enthousiaste : des bras admirables, un sexe adouci par l'ombre de la cuisse. D'infimes petites contractions des muscles l'émerveillent ».

Mais il n'y a pas que Gabriella à Ferney. Zanetta, l'autre comédienne, plus timide, ténébreuse, rêveuse, s'intéresse elle aussi au militaire. Le bel été va s'écouler au rythme des répétitions et des tentatives de séduction de deux belles invitées. Ce sont les meilleurs passages de ce roman très sensuel, avec aussi les quelques apparitions du peintre Goussier, si leste pour croquer (au sens propre et au figuré) les plantureuses servantes des cuisines.

« Un été chez Voltaire », Jacques-Pierre Amette, Albin Michel, 15 €

dimanche 14 janvier 2007

BD - Etranges voisins

Un immeuble ordinaire dans une ville comme les autres. Le n° 109. Un couple et son bébé aménagent au second. Et mauvaise surprise, les déménageurs se sont trompés et 80 % des meubles sont partis vers Lourdes. Dans leur appartement vide, ils ne savent pas quoi faire. Mais ce serait sans compter avec la proverbiale solidarité entre voisins. 

Des voisins assez étranges, notamment ceux qui sont sur le même palier. Amateurs de rock gothique, ils vivent continuellement dans le noir, ont pour animal de compagnie un hérisson et contrairement à leur apparence cauchemardesque, sont d’une gentillesse à toute épreuve. 

Dès la première histoire complète, Nini Bombardier et Coyote, les auteurs de cette nouvelle série comique, séduisent le lecteur avec leurs trouvailles. Les autres voisins sont tout aussi délirants : le gardien, Musclor toujours accompagné de son chien-loup, mais si doux avec sa femme slave, le comédien raté, homosexuel refoulé n’ayant toujours pas rompu le cordon ombilical avec ses parents, la vieille mégère acariâtre, la catholique pratiquante, délaissant son mari pour le nouvel abbé, jeune, musclé et si bon entraîneur du club de natation.

Bref tout un échantillon de l’Humanité, avec ses défauts, ses frustrations mais aussi son bon fond. Egalement disponible "Le dessous des voisins", par les mêmes auteurs. (Le Lombard, 9,80 €)

samedi 13 janvier 2007

BD - Une petite guerrière impitoyable

Zarla, comme le laisse entendre le titre de son premier album, est une « Guerrière impitoyable ». C'est surtout une petite fille inconsciente, persuadée de pouvoir affronter tous les dangers puisque ses parents étaient des chasseurs de dragon. Ce qu'elle ne sait pas, et qui fait tout le ressort humoristique de la série, c'est que son chien, le brave Hydromel, est chargé de la protéger. 

Dès qu'elle est en danger, de vieux toutou fatigué, il se transforme en guerrier bestial et sans pitié. Gare à ceux qui osent menacer Zarla. Toute la difficulté pour Hydromel, est de ne pas se faire surprendre en guerrier par Zarla qui ne doit pas se douter qu'elle est sous sa protection. 

Imaginée par Janssens, cette série d'héroïc fantasy devient un peu plus dramatique dans les dernières pages, quand le lecteur comprend que Zarla a effectivement quelques dons pour le combat. Zarla est dessinée par Guilhem, dessinateur d'origine aveyronaise (c'est le frère de Christophe Bec) qui signe son entrée dans le catalogue Dupuis. (Dupuis, 8,50 €) 

vendredi 12 janvier 2007

BD - Un enfant sème la panique chez les Schtroumpfs

Panique chez les Schtroumpfs : un enfant turbulent fait son irruption dans le village. Mais comment est-il arrivé là ? Cette 25e histoire des Schtroumpfs intègre dans le récit un élément humain qui faisait parfois défaut dans les précédentes aventures. Les plus jeunes pourront certainement s'identifier au petit Jeanty, qui porte si mal son nom. Car l'enfant en question est une véritable catastrophe. 

Un teigneux de la pire espèce, râleur, coléreux et prêt à tout pour obtenir immédiatement ce qu'il convoite. Quand il arrive dans le village, Jeanty est paniqué. Mais quand il comprend que les Schtroumpfs ne font pas le poids contre lui, il en profité et détruit méthodiquement les maisons en forme de champignons. Il faut que le Grand Schtroumpfs sorte de son laboratoire une potion de son invention pour calmer le gamin. 

Mais plutôt que de le chasser, il va tenter de le rendre meilleur en lui apprenant les bonnes manières. Il y a du travail ! Scénario plaisant, sans être trop moralisateur de Culliford et Diaz Vizoso, dessiné dans la tradition de Peyo par De Coninck. (Le Lombard, 8,70 €) 

jeudi 11 janvier 2007

BD - Le crépuscule du Donjon

L'univers de Donjon a de nouveaux dessinateurs. Donjon Zénith a été confié à Boulet et Donjon Crépuscule à Kerascoët. Mais les scénarios sont toujours du duo le plus novateur de la bande dessinée française : Lewis Trondheim et Joann Sfar. Dans cet épisode, le numéro 105 de Crépuscule, Marvin Rouge est particulièrement à l'honneur. 

Le lapin rouge, acariâtre et coléreux, devient presque un sauveur pour les armées de dragons du maître de Vaucanson. Il est en effet le seul à maîtriser la technologie Nitro qui permet aux armures de se transformer en engins volants. Une option essentielle pour vaincre les troupes de la forteresse noire. Dans cette aventure, toujours aussi dense, il est également question de complot, de trahisons familiales, de jalousie et de viol de soubrette. 

Kerascoët, pseudonyme de deux jeunes dessinateurs passés par l'école Estienne, se sont parfaitement appropriés cet univers merveilleux comptant de plus en plus de fans et d'exégètes. (Delcourt, 9,80 €)

mercredi 10 janvier 2007

BD - Horreur glacée

Dans le grand nord canadien, Steeve, Mary et Johnny, trois teenagers américains tentent de se faire oublier. Le deux premiers sont suspectés d'avoir assassiné plusieurs personnes. En fuite, ils ont reçu l'aide de Johnny qui est, mais ils ne le savent pas encore, le véritable serial killer. 

En cours de route ils ont perdu Ed, le plus jeune des trois suspects, mordu par un loup-garou, il est lui aussi devenu une créature poilue et affamée à chaque pleine lune. Dans ce Canada presque désertique, Steeve et Mary, de nuit, renversent un vieillard. Ils lui portent secours et le conduisent à un hôpital isolé dans les neiges. Début de la troisième aventure, ou plutôt du troisième cauchemar venu d'Outre tombe intitulé « Trois petits tours et puis s'en vont ». Imaginée par Jean et Simon Léturgie (père et fils), cette série est illustrée par Richard Di Martino. 

Les « Léturgie » puisent dans les classiques de l'horreur, mis à la mode gore et humour. Di Martino, tout en conservant un trait franco-belge classique, signe quelques scènes aussi rigolotes que violentes. (Vents d'Ouest, 9,40 €) 

mardi 9 janvier 2007

SF - Dantec, noir visionnaire du futur

1957, lancement de Spoutnik, premier satellite artificiel. 2057, sur la base spatiale de Grande Jonction, la Cosmos Incorporated s'apprête à fêter le centenaire de cet événement. 

Un jour anniversaire qui correspond également à la date qu'a choisi Plotkine pour exécuter son contrat : tuer le maire de cette ville autonome coincée entre ce qui reste des Etats-Unis et le Québec. De la science-fiction et de l'action, les prémices du roman de Maurice G. Dantec semblent on ne peut plus classiques. Mais l'auteur français exilé au Canada quitte rapidement les sentiers battus du genre. 

Parfois cynique, souvent désespérante, cette histoire mêlant religion et science se termine par un message d'espoir malgré cette réflexion du personnage principal : "Plotkine laissa s'installer le silence. Il n'y avait pas le moindre souffle de vent, il n'entendait aucun insecte, pas un bruit ne provenait de la masse agglutinée des réfugiés. La fin du monde serait probablement d'un grand calme." Dantec, écrivain polémique aux positions souvent très tranchées, signe un grand roman de SF. (Cosmos Incorporated, Le Livre de Poche, 7,50 €) 

lundi 8 janvier 2007

Roman - Une « Douce France » inaccessible

Prise dans une rafle de sans papiers, une jeune Française découvre les centres de rétention. Karine Tuil raconte cette descente aux enfers.

A la base, Claire voulait simplement aménager une bibliothèque dans son studio. Un ami lui avait expliqué qu'elle trouverait, devant un magasin de bricolage discount en région parisienne, de la main-d'oeuvre pas chère. Au moment où elle découvre la trentaine de personnes attendant le bon vouloir d'un patron français, la police débarque. Contrôle d'identité. Tout le monde est embarqué. Même elle qui était sur le point d'interroger un ouvrier. Arrivée au commissariat, Claire se rend compte qu'elle n'a pas ses papiers sur elle. Elle remarque aussi Yuri, un sans papier prétendant être biélorusse, taciturne et au charme certain. Quand elle affirme qu'elle est Française, les policiers ne la croient pas.

Cette jeune romancière, dont les parents sont absents actuellement de Paris, se dit que visiter un centre de rétention peut être intéressant. Elle est donc conduite dans le centre de Mesnil-Amelot, juste à côté de l'aérogare d'où décollent les avions qui reconduisent les « irréguliers » hors des frontières françaises. Les gendarmes chargés de surveiller les « retenus » se persuadent que Claire est Roumaine. Elle ne dément pas, usurpe l'identité de l'ancienne femme de ménage de son grand-père et peut ainsi rester dans le centre, le découvrir au plus près et mieux connaître Yuri...

Un monde totalement clos

D'un côté les femmes, de l'autre les hommes. Peu de confort, pas de chauffage, le tout entouré de grillages et de fils de fer barbelés. « Il faut quand même dissuader les gens de revenir en France » explique la fonctionnaire chargée de la gestion du centre. Un centre de rétention qui n'est pas le pire existant selon les déclarations de certains habitués. « C'était un monde totalement clos mais sans vocation carcérale; une organisation réglementée, contrôlée jusqu'aux moindres détails, sans but répressif, une société qui affichait ses contradictions : il s'agissait de retenir contre leur gré des individus qui n'avaient commis aucun crime, en préservant leurs droits les plus élémentaires tout en les privant de l'essentiel, en restant inhospitaliers ».

Elle découvre qu'elle n'est pas la seule à se fabriquer une identité. Tout est bon pour ne pas quitter la France. En devenant Roumaine, elle se raconte une histoire, toutes les histoires de sa famille, immigrés juifs fuyant perpétuellement. « Je revêtais des centaines de masques, en affublais les autres, le centre devenait le lieu du Roman, celui où convergeaient tous les imaginaires possibles, où étaient autorisées toutes les affabulations, et nous détournions le réel, travestissions la vérité au nom du principe de survie ». Et puis il y a Yuri. Il n'y a pas pire endroit pour tomber amoureuse.

Le roman de Karine Tuil, tout en donnant une vision très réaliste des centres de rétention, offre en plus au lecteur un parallèle affolant avec un passé récent montrant d'autres endroits clos, lieux de passage avant une destination redoutée. « Douce France » est un récit d'actualité, au titre très provocateur...

« Douce France » de Karine Tuil. Editions Grasset. 14,90 euros

dimanche 7 janvier 2007

BD - Nao et les araignées

Si vous avez la phobie des araignées, n'ouvrez pas cette BD. Les "méchants" sont des extraterrestres à la forme très arachnéenne. Cailleteau, le scénariste, a beaucoup puisé dans les us et coutumes de ces insectes pour décrire les sévices infligés au beau Nao, le héros de la série Aquablue. 

Vaincu par la reine Marachna, il est presque entièrement vidé de toute vie sur l'autel du dieu Arakh. Laissé inconscient dans le désert, il ne doit son salut qu'à l'arrivée impromptue de pillards. Il devra puiser dans ses dernières forces pour expliquer ce qui vient de lui arriver. Le final, dans la forteresse des sables, est grandiose. 

Série de science-fiction phare du catalogue Delcourt, dessinée par Siro depuis peu, Aquablue délaisse un peu son crédo, l'écologie, pour plus d'action. Une édition limitée de 96 pages de ce tome 11 propose, en plus de l'histoire, crayonnés, croquis et story-board. (Delcourt, 12,90 €, 17,50 € pour l'édition limitée)

samedi 6 janvier 2007

BD - Les nanotechnologies illustrées

Les nouvelles technologies sont au centre de cet album de la série STAR contant les aventures, techniques et mouvementées, de quatre scientifiques de haut vol. Basés à Bruxelles, ils sont sollicités pour retrouver un attaché-case en provenance des Etats-Unis et dérobé dans un grand hôtel de la capitale européenne. Avec un message impératif à faire passer aux ravisseurs : ne pas ouvrir la malette. Ce que bien évidemment les malfrats s'empressent de faire... 

Le scénario de Patrick Delperdange, tout en restant accessible au commun des mortels, aborde un thème très pointu : les nanotechnologies. Des machines microscopiques qui peuvent être introduites dans les corps des malades pour y effectuer des réparations au niveau des cellules. 

Thierry Cayman, le dessinateur, après les aventures médiévales de Sylvain de Rochefort, est tout aussi à l'aise dans cette ambiance beaucoup plus hightech. Une bonne série intelligente à découvrir. (Casterman, 9,80 €)