mercredi 30 avril 2025

BD - Coup de foudre improbable dans le nouveau monde d'Ales Kot et Tradd Moore

La science-fiction n'empêche pas les sentiments. Dans un futur apocalyptique, Ales Kot et Tradd Moore racontent un coup de foudre aussi bizarre qu'improbable. Mais avant de faire connaissance avec les nouveaux Roméo et Juliette de la Nouvelle Californie, petit rappel de la situation. En 2037, plusieurs bombes atomiques ont pulvérisé simultanément les grandes agglomérations américaines. Le pays est en ruines. 

Une guerre civile se déclenche, les USA se partagent en plusieurs zones plus ou moins indépendantes et sûres. La Nouvelle Californie s'en tire le mieux. Grâce à un mur qui assure sa sécurité au Sud. Mais c'est au prix d'une politique implacable. Toute infraction est punie par les Gardiens, des flics surarmés qui officient en direct à la télévision. La nouvelle téléréalité qui se transforme en tribunal populaire, le coupable, une fois capturé, est au centre d'un dernier sondage où les téléspectateurs se transforment en juges. Deux choix : épargner ou supprimer. La mort en direct. 

Parmi les Gardiens, Stella Marris est la plus célèbre. Une jeune femme, petite fille du président, qui a la particularité de toujours épargner ses prisonniers, même si le public réclame la mort. Un état policier combattu par quelques idéalistes dont Kirby, fils d'un vétéran, hacker de génie. La flic et l'anarchiste. La rencontre est torride. Et comme Kirby est désigné ennemi public numéro 1, Stella doit choisir entre l'ordre et l'amour. 

Une incroyable cavale, dans ce pays qui a tout l'air d'être sorti de l'esprit tordu de Trump, alimente ce comics au dessin très original, tout en courbes et plein de couleurs, de Tradd Moore. Le côté fleur bleue est peut-être un peu trop présent, mais les amateurs de combats, duels et grosses bastons ainsi que les purs et durs en matière de science-fiction qui pousse à la réflexion en auront quand même pour leur argent.    

"The new world", Hi Graphics, 176 pages, 24,95 €

dimanche 27 avril 2025

BD - Duel au sommet dans le Clovd pour gagner Excalibur



Dessinateur génial, Florent Maudoux poursuit son bonhomme de chemin, loin des modes, avec constance et sérieux. Après l'exploration de Freaks' Squeele (sept albums), il a développé cet univers entre fantastique et science-fiction dans Rouge puis Funérailles. Des personnages et des décors (la terre ravagés après une extinction de masse due à la pollution, aux maladies et aux guerres...) que l'on retrouve dans sa nouvelle série intitulée "CLOVD". Le Clovd c'est ce monde d'après, où des monstres se cachent dans les ruines, où des maraudeurs cherchent à vous dévorer et où les rares survivants se sont scindés en clans. Rivaux souvent. Parfois alliés pour se défendre. 

Au début du second tome de cette saga avant-gardiste ambitieuse (le premier est sorti en novembre 2023), on découvre comment Katelyn s'échappe d'un bunker souterrain. A la surface, deux ans plus tard, elle croise la route de Funérailles et d'Isatis. Elle a aussi adopté deux enfants. Le petit groupe va rejoindre le grand regroupement annuel des clans dans un très bizarre parc d'attraction. Loin des dangers, c'est le défoulement maximum. Avec au final un combat entre clans pour savoir qui aura le droit de tenter de retirer Excalibur d'une solide enclume. 

Découvrir une série de Florent Maudoux c'est plusieurs "effets wahou" assurés. D'abord son dessin. Précis, lumineux, bourré de détails, aux décors fouillés et imaginatifs. Ce sont des ruines mais elles sont incroyablement belles sous son pinceau. Les femmes guerrières, souvent charnues comme la rousse et rayonnante Isatis, méritent aussi le détour. Elles sont les égales des hommes, avec souvent un petit plus côté empathie et volonté de trouver des arrangements avant d'en venir aux mains. Mais elles n'hésitent pas à plonger dans la mêlée quand il le faut. 

Et justement, la grande réunion des clans va être perturbée par l'attaque de Lucifer, le chef des Missionnaires, un clan agressif et expansionniste. On se laisse alors charmer aussi par cette histoire, où la violence, si elle est présente, n'est pas automatiquement mise en vedette, seule solution pour s'en sortir. C'est un futur imaginaire, mais on aurait bien besoin, de nos jours, de l'intelligence d'Isatis et de ses amis. 

"Clovd" (tome 2), Label 619 - Rue de Sèvres, 112 pages, 18,90 €

samedi 26 avril 2025

BD - Alix fait escale dans la supposée Atlantide

Héros méditerranéen par excellence, Alix quitte pour une fois les rivages de Mare Nostrum. Il passe les fameuses colonnes d'Hercule (Gibraltar) pour l'Atlantique, plein ouest. Pour comprendre comment le jeune Gaulois devenu Romain a décidé d'aller dans cette zone inconnue, Roger Seiter, le scénariste de cet album, raconte la fuite de d'Iphis. Cette jeune esclave est de sang royal. Avant d'âtre rachetée puis affranchie par Alix et Enak, elle était la fille du roi de Kamarès, un territoire composé d'îles, loin du continent et à l'abri de tout contact. L'Atlantide ? 

Un petit royaume coupé du monde volontairement mais à l'agonie, trop d'habitant, moins de ressources. Iphis devait aller demander de l'aide aux autres civilisations. Jetée à l'eau durant le trajet, elle se retrouve esclave de ses sauveteurs. La rencontre avec Alix va lui permettre de terminer sa mission. Elle revient donc à Kamarès mais son pays a bien changé en quelques années. 

Dessinée par Marc Jailloux, cette aventure est tout à fait dans la lignée des titres imaginés par Jacques Martin. Un dessin précis, notamment en ce qui concerne l'architecture, une intrigue bourrée de rebondissements, avec l'éternel affrontement entre le bien et le mal, la raison et la folie. Ce n'est pas du vintage-hommage, c'est de la nouveauté venue en droite ligne du passé.

"Alix" (tome 44), Casterman, 48 pages, 13,50 €

vendredi 25 avril 2025

BD - A la recherche de son totem


Ernesto ne sait pas grand chose de son passé. Ce gamin vit avec sa mère aux USA depuis qu'elle est mariée à un riche Blanc, aux affaires sulfureuses. Ernesto voudrait qu'elle lui raconte ses premières années en Haïti. Elle refuse, pour le protéger, le ménager. Son beau-père par contre a décidé de transformer cet enfant de 13 ans en homme. Il décide de l'amener avec lui à Cuba où il fait des affaires. Affaires louches avec le dictateur au pouvoir et la mafia. Alors Ernesto découvre La Havane la nuit, les petites frappes, la police corrompue, les rumeurs sur les Barbudos, ces révolutionnaires cachés dans la montagne. Un gamin abandonné dans une immense villa face à la mer, avec pour seule compagnie une petite tortue et une gouvernante. Cette femme est une activiste révolutionnaire. Elle profite de son poste pour voler des milliers de dollars au beau-père d'Ernesto. 

Cette BD, entre politique, histoire et fantastique, est écrite par Charlotte Girard et Jean-Marie Omont. Dessinée par Grégory Charlet, elle devient quasi mystique quand l'enfant rencontre une fillette farouche. C'est avec elle qu'il va aller dans des grottes pour trouver quel est son animal totem. Un récit puissant illustré par un trait de toute beauté.  

"L'île crocodile" (tome 1), Métamorphose, 88 pages, 18,50 €

jeudi 24 avril 2025

BD - Souvenirs d'un drame et d'un vieux moulin

Les vacances à la campagne. Cela peut-être de très bons souvenirs. Où des journées interminables. Pour Daniel, au début des années 60, les deux mois passés chez sa grand-mère dans le bocage normand alternent ennui et exaltation. C'est Rodolphe qui raconte ce récit d'apprentissage. Patrick Prugne, aquarelliste d'exception, se charge de la mise en images. Mise en tableaux plus exactement tant ses paysages décors et scènes sont de toute beauté. 

Daniel se sent bien seul en compagnie de sa vieille mamie. Il y a bien les illustrés (Blek, Kit Carson...), mais cela ne suffit pas à occuper ses journées, à rompre la solitude. Aussi quand il croise, près d'un joli petit moulin en activité au bord de la rivière, Paul, un jeune de son âge, ses journées changent du tout au tout. Encore plus quand il croise sa mère, Suzy. Jeune, belle... Un chouette été en perspective. 

Problème, Paul est souvent absent. Un jour, lassé de l'attendre, Daniel se rend au moulin. Il le découvre en ruines. Et découvre l'histoire de ce lieu-dit nommé "Ecoute s'il pleut" qui donne son titre à l'album. Un zeste de fantastique fait une brutale irruption dans cette BD sensible et envoûtante. 

"Ecoute s'il pleut", Editions Daniel Maghen, 72 pages, 18 €

BD - Se sentir vivre... au moins "Dix secondes"

Trouver sa place, avoir un but, se forger un avenir. Des actions essentielles pour tout être humain qui se respecte. Sauf peut-être pour Marco, grand adolescent belge traînant son ennui chronique dans la province wallonne. Marco n'est pourtant pas malheureux. Il a une famille, des amis, craque parfois pour une fille, n'est pas trop mauvais en classe. Mais il lui manque ce petit quelque chose qui nous pousse à nous lever le matin. Alors il tente des expériences. Aime ce qui est interdit. Fumer des joints, tester de nouvelles drogues, boire à tomber par terre... 

Max de Radiguès, auteur devenu incontournable dans la nouvelle BD belge indépendante, a proposé ce roman graphique sous forme de feuilleton dans un fanzine. Une fois bouclé, il est logiquement édité chez Casterman, sa maison d'édition grand public de prédilection. L’occasion pour l'auteur de raconter une partie de sa jeunesse : scooter, nuit dans les bois ou les champs, école buissonnière et autres petites bêtises. 


En lisant les non-aventures de Marco, on a parfois envie de le secouer. Lui dire entre quatre yeux d'arrêter ses dérives. Qu'il risque gros. Que la vie vaut le coup, même si elle n'est pas aussi palpitante qu'un jeu vidéo. Marco, tête à claques, qui semble totalement imperméable à tous ces avertissements. Venant de ses potes ou de la jolie Zoé. Et puis il trouve enfin un dérivatif qui lui donne l'impression d'être vivant. Le jeu des dix secondes... 

Ce roman graphique est une chronique authentique, un peu nostalgique, très amère.  

"Dix secondes", Casterman, 120 pages, 22 €

mercredi 23 avril 2025

Roman – Moments de flottement

Paru l'an dernier aux USA, ce roman de Jessica Anthony semble pourtant écrit au moment des faits, à la fin des années 50, alors que les Russes viennent de lancer leur premier Spoutnik dans l'espace et que les Américains tentent de profiter de la vie après une longue guerre et malgré la « menace rouge ». Kathleen et Virgil Beckett est le couple témoin de ces USA triomphants. 

Il gagne bien sa vie, elle s'occupe de leurs deux enfants. Ils vivent dans un bel appartement d'une résidence avec piscine. Mais un dimanche de novembre, sous un timide soleil, Kathleen décide d'aller profiter de la piscine. Elle plonge, nage, farniente et n'en sort plus de la journée. Sur ce simple petit événement, l'autrice décortique la vie du couple. On découvre les doutes de Virgil, son immobilisme et conformisme. 

Puis on plonge dans les frustrations de Kathleen, femme se sentant de plus en plus enfermée dans un rôle, trouvant dans cette piscine l'occasion de sortir des rails, d'en faire une scène pour les plus grand plaisir des autres habitants de la résidence. 

Un roman amer sur ces moments de flottement que l'on affronte forcément au cours de notre vie. 

« Nage libre » de Jessica Anthony, Le Cherche Midi, 144 pages, 18 €

mardi 22 avril 2025

BD - L'enfance simple et enchantée du petit Nekomaki


Un chat, un canard, la passion des trains, un papa joueur, une maman attentionnée : l'enfance de Nekomaki dans la campagne japonaise dans les années 70 a tout du conte de fées. Même s'il n'y a rien de magique dans ce quotidien d'un gamin âgé de 7 ou 8  ans. Ce récit, constitué de petites histoires, plonge le lecteur dans un Japon insoupçonnable. Celui des années 70, quand tout était encore simple. 

Ken a le sommeil lourd. Il dort le plus possible sur son futon, en compagnie de Momo, son gros chat, tendre, câlin et farceur. Un gros matou qui le suit comme un petit chien quand Ken part se promener le long des canaux, pas loin des rizières. Là, il joue avec des grenouilles, des scarabées ou à marcher comme un géant sur ses échasses fabriquées par son père avec des boites de conserves vides. Il aime aussi regarder passer les trains au loin. Il les connait tous, nom, horaires, type de locomotive. Une BD qui va vous réconcilier avec la vie familiale. 

Papa rentre parfois pompette du travail, mais il a souvent des cadeaux pour son fils. Il revient une fois avec une petite boule jaune. Un caneton qui grandira très vite (couvé par Momo qui finalement est une chatte et vient de donner naissance à trois adorables chatons). Le canard très dégourdi répond au nom de Mimosa. 

Le trio est constitué. Place à de grandes aventures dans ces 160 pages dessinées avec douceur et colorées dans des tons pastels  lumineux. Bref, c'est un bijou à offrir à toute personne encore capable de s'émouvoir pour les choses simples de la vie.   

"Mimosa, Momo et moi", Le Renard Doré, 160 pages en couleur, 12,90 €

lundi 21 avril 2025

Thriller – Dante et son enfer reviennent

L'âme pèse-t-elle véritablement 21 grammes ? Et où se cache-t-elle dans notre cerveau ? Deux questions parmi des dizaines qui émaillent ce thriller scientifico-mystique signé d'un maître du genre : Fabrice Papillon. Après « Aliénés », on retrouve la commissaire Louise Vernay au centre de cette enquête internationale qui va de Paris à Londres en passant par le Portugal ou Rome. De nombreux retours dans le passé permettent aussi aux lecteurs les moins savants de réviser les vies (et morts surtout) de quelques génies comme Einstein, Descartes ou Dante, justement. 

L'écrivain italien tient une place particulière au cœur de ce tsunami de menaces. Dans cette tension allant crescendo, Louise Vernay tente d'avancer à sa façon : sans mettre de gants. Ce flic très individualiste, limite borderline, est en pleine dépression. Son grand amour vient de mourir dans l'espace (relire « Aliénés ») et son petit frère, dans le coma depuis des années, est sur le point d'être « débranché ». Alors quand la fin du monde menace, elle n'y va pas avec des pincettes. 

Un thriller mené tambour battant, l'héroïne multipliant les difficultés. Mais comment va-t-elle s'en tirer ? 

« La conjuration de Dante », Fabrice Papillon, Points, 528 pages, 9,90 €

dimanche 20 avril 2025

BD - Les futurs angoissants de Koren Shadmi


L'évolution actuelle de la société vous inquiète ? Il risque pourtant y avoir pire. Comme dans les romans graphiques de Koren Shadmi parus récemment chez Marabulles. Un titre déjà connu, "Le voyageur" et un plus récent, "La passe visage". Des thématiques inquiétantes et assez angoissantes sur la fin du monde ou la prépondérance de la technologie dans nos existences d'humains si imparfaits. 


Dans "Le voyageur" on suit le périple d'un homme dans l'Amérique du futur. Il fait de l'auto-stop, semble chercher quelque chose, un but, une finalité. Il se lie avec plusieurs conducteurs. Se désespère de leur peu d'intelligence. Parfois il fait des mauvaises rencontres. Y laisse la vie. Enfin reste simplement mort quelques minutes. Car ce voyageur est immortel. Le but du voyage risque de nous faire cauchemarder...

L'autre album de Koren Shadmi disponible dans les librairies est très récent. "La passe visage" est une jeune comédienne. Rose court les cachets. Sans grand succès.

Alors elle accepte des boulots alimentaires. Elle se glisse dans différentes personnalités à la demande de clients qui veulent des véritables rencontres. De l'improvisation facilitée par son aspect physique. Car Rose a subi une intervention médicale qui lui permet de modifier les traits de son visage. A partir d'une simple photo, elle peut devenir sa cible. Épouse partie, fille morte trop jeune, mère irremplaçable : elle dîne avec ses clients, voire passe une soirée avec eux. Mais ce petit jeu de caméléon a l'inconvénient de chambouler la psyché de Rose qui ne sait plus trop qui elle est. A-t-elle même une propre personnalité ? 

Une réflexion fine et intelligente sur notre côté unique par un auteur à découvrir. Le tout dessiné dans un style très ligne claire, avec décors futuristes, ville dantesque et solitude imposée.   

"Le voyageur", "La passe visage", Koren Shadmi, Marabulles, 176 et 192 pages, 25 € chaque volume