Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
mardi 21 juillet 2015
DE CHOSES ET D'AUTRES - Marché ou rêve
Une fois installés dans le presbytère de nos amis de ce hameau rural et verdoyant, se pose rapidement la question de tout vacancier encore dans le rythme d'une année d'activités intenses : on fait quoi maintenant ? Par chance nous sommes arrivés le jour du marché nocturne hebdomadaire d'un gros bourg, distant de deux kilomètres à vol d'oiseau, sept par la route aussi sinueuse que la démarche d'un touriste tombé dans un traquenard rue de la Soif à Canet. Pas le banal marché avec fruits défraîchis et habits des années 70 mais celui dit « de producteurs » où l'on peut déguster le meilleur de la gastronomie locale. Un véritable cauchemar pour ma femme qui ne désespère pas de me faire perdre ma quinzaine de kilos en trop. Entre aligot et truffade, une seule bouchée suffit à combler les besoins en calories et protéines d'une journée de régime. Tout est fait pour transformer la soirée en sommet de la convivialité. De grandes tables sont installées au centre de la place, les stands disposés autour des arcades moyenâgeuses. A trente mètres on sent la douce odeur des saucisses qui grillent. A moins que ce ne soit ces généreuses brochettes de magret de canard. D'autres fumets me titillent les narines : fromage de chèvre, melon à point, jambon sec... Bref, un rêve éveillé pour mon estomac affamé. Glandes salivaires en pleine production, je suis coupé dans mon élan quand le choix du menu tombe. « Bon, on va prendre des assiettes gourmandes : de la salade, du pâté, des rillettes et du cou farci. » « Et deux portions d'aligot... », ça y est, je bave... C'est beau l'amour.
lundi 20 juillet 2015
DE CHOSES ET D'AUTRES - Quand les vacances clochent
La plage ? Non merci. Quand vient le temps des vacances, certains habitants du Sud (dont je fais partie), plutôt que de rejoindre la horde des adorateurs du triptyque sable, mer, bronzage, cherchent calme et tranquillité. Telle une vache se trompant de sens de transhumance, j'ai pris la direction du Nord, vers cette France rurale et verte, où les arbres poussent droit, non contrariés par la tramontane. Des amis nous ont proposé de passer une semaine dans leur résidence secondaire, un presbytère rénové dans un hameau niché entre les vallons au cœur de la future région Midi-Languedoc-Pyrénées-Roussillon. Qui dit maison de curé, dit église. Arrivés à bon port, on se gare à l'ombre du clocher. Situé à exactement dix mètres de notre chambre. Une église aux vitraux lumineux, toit de lauzes parfaitement entretenu et murs récemment ravalés. Par chance, les paroissiens locaux ont totalement oublié de réparer le déclencheur du tintinnabulement des cloches à chaque heure. Nous avons pris conscience de notre chance à midi quand un bedeau mécanique a lancé la farandole. Etonnant comme ce bruit si naturel depuis des siècles devient agressif pour nos oreilles cependant habituées à bien pire en ville. Impression confirmée par le concert d'aboiement des chiens du village, perturbés eux aussi par ces cloches incongrues. Quand l'un d'eux se met à hurler à la mort l'évidence s'impose : cette église ne sert plus qu'à célébrer les enterrements des derniers et rares habitants permanents de ce bout de France en voie de désertification.
BD - Contes policiers
Humpty Dumpty a été jeté du haut d'un mur. Comme c'est un œuf, il a été salement amoché. Humpty est un grand bavard. Il était au courant des derniers développements de la guerre que se livrent les reines et les sorcières. Frankie enquête, interrogeant à tour de rôle Noke (Pinocchio), ou la charmante Alice, qui a grandi et pris des formes. Assez déroutant au début, ce polar est mis en image par Ramon Bachs dans un style plus franco-belge que comics US.
« Fiction Squad » (tome 1), Glénat, 13,90 €
dimanche 19 juillet 2015
BD - Chevalier en jupon
Agnès Maupré en a terminé de dessiner des robes colorées à fanfreluches. Elle vient de boucler le second et dernier tome des aventures du Chevalier d'Éon. 120 pages pour raconter la fin de l'existence mouvementée de cet espion de Louis XV, obligé de se faire passer pour femme afin de mieux infiltrer les cours européennes. Après ses aventures en Russie, le Chevalier est envoyé en Angleterre pour cartographier les fortifications de l'île. Un jour il est un homme fier, en uniforme, secrétaire de l'ambassadeur de France, un autre il se déguise en Lia, jolie bourgeoise qui aime tant peindre des aquarelles. Si possible sur la côte, près des garnisons anglaises...
Une double vie qui va parfaitement à cet aventurier entièrement dévoué à son roi. Mais les aléas de la politique font qu'il tombe en disgrâce, n'est plus payé, subit l'humiliation de devoir rester en permanence habillé en femme. Prisonnier de ses jupons en France, il préfère redevenir homme en Angleterre. Mais là aussi il doit donner le change pour garder la vie. L'auteur brosse le portrait d'un homme qui a tellement joué avec son identité qu'il ne sait plus, au final, qui il est. Cela ne l'empêchera pas de vivre jusqu'à l'âge de 81 ans...
« Le chevalier d'Éon » (tome 2), Ankama, 15,90 €
samedi 18 juillet 2015
BD - Dictature à moustache
Bienvenue à Sublimeland, dictature imaginaire issue de l'esprit de Fabrice Erre. A sa tête le Guide sublime, nabot caractériel arborant d'énormes moustaches. Il aime bien les moustaches. Aussi quand il arrive au pouvoir il exige que tout le monde porte la moustache. Question subsidiaire de Plonk, son Premier ministre « Et les femmes ? » Réponse du Guide Sublime : « on va les obliger à porter une frange. Une super longue frange pour leur cacher la tête ! Leur tête de femme !! » Pour dénoncer les dictateurs, on peut être instructif ou corrosif. Fabrice Erre a choisi la seconde voie.
Pour notre plus grand plaisir tant ses gags en quatre dessins sont irrésistibles en raison de leur extrémisme. Car le Guide Sublime n'y va pas avec le dos de la cuillère pour tyranniser son peuple. Plutôt à la pelle. Car « Moi, du moment que quelqu'un se prend des coups de pelle, je suis content... » Parmi les autres passe-temps du monstre, lancer des vaches depuis un hélicoptère, tirer les tresses des femmes, exterminer des minorités et écrire un livre. Mais ce qui lui tient le plus à cœur reste d'être porté sur la liste de l'axe du mal. Pas gagné car vraiment trop marrant...
« Guide Sublime », Dargaud, 14,99 €
vendredi 17 juillet 2015
BD - Yoko Tsuno sur Mars
Impossible de faire plus fidèle que Roger Leloup. Le dessinateur belge a consacré toute sa vie à une seule héroïne : Yoko Tsuno. La jeune Japonaise vit sa 27e aventure depuis ses débuts en 1970 dans les pages du journal de Spirou. 45 ans au cours desquels Leloup a fait bonifier cet univers entre technologie et pure science-fiction. Agé aujourd'hui de plus de plus de 80 ans, il n'envisage pas pourtant de prendre sa retraite, s'amusant toujours à mettre sa jolie héroïne dans des situations de plus en plus compliquées. Toute la force de la série est dans la multiplication des personnages secondaires.
Comme l'auteur semble être un grand sentimental, il n'ose pas les délaisser au fil des albums. Résultat c'est presque une équipe de foot qui évolue autour de Yoko, de Pol et Vic, les fidèles, à Rosée, sa fille en passant par Emilia, Mieke ou Bonnie. Sans compter les Vinéens, ces extra-terrestres à la peau bleue dont la meilleure représentante est Khâny, au centre de cet album. Avec Yoko elle part sur Mars combattre un « méchant » qui envisage de détruire toute forme de vie sur Terre. Toujours aussi précis dans les dessins, Leloup semble simplement un peu à l'étroit dans ces 46 pages trop formatés.
« Yoko Tsuno » (tome 27), Dupuis, 10,60 €
jeudi 16 juillet 2015
Livre - Assassins invisibles de "Pandemia"
Pour tuer en masse, un virus est plus efficace que deux serial-killers. Les héros récurrents de Franck Thilliez se confrontent à des assassins d'un nouveau genre dans « Pandemia ».
Rien de plus beau qu'un cygne. Ces oiseaux gracieux se transforment pourtant en messagers de la mort dans les premières pages de « Pandemia », le nouveau thriller de Franck Thilliez. L'alerte est donnée par un guide d'une réserve ornithologique dans le Nord de la France. Trois cadavres de cygnes sauvages au bord d'un lac. Des spécialistes du GIM (Groupe d'intervention microbiologique) sont dépêchés en urgence sur place. La moindre mort suspecte d'oiseaux est prise très au sérieux depuis l'apparition du virus de la grippe H5N1. Johan et Amandine se rendent sur place. Cela va les changer de longues journées passées devant leur paillasse à scruter microbes et autres virus dont ils cherchent en permanence à découvrir les secrets. Amandine est le personnage pivot de ce roman, celle qui sera du début à la fin au centre de l'action, épaulée au fil des chapitres par les flics récurrents de l'univers de Thilliez, le couple Sharko et Lucie, leur chef Nicolas et la petite nouvelle, Camille, gendarme greffée du cœur (voir le précédent roman, Angor, paru récemment chez Pocket). Amandine traque les virus mais a une peur bleue d'eux. Elle est à la limite de la folie : elle se lave les mains 20 fois dans la journée, porte un masque en permanence et vide toutes les deux heures un flacon de lotion antiseptique. Quand elle part travailler le matin, obligée de prendre les transports en communs parisiens, elle sait que tout le monde la remarque. « Comme toujours, on la regarda avec curiosité dans la rame. Son teint d'albâtre, sa protection sur le visage, sa coupe militaire. On devait la prendre au mieux pour une malade atteinte d'une pathologie gravissime et incurable, au pire pour une espèce de junkie. » Dans les cygnes, les deux techniciens découvrent un virus de la grippe jusqu'alors inconnu. Un « mutant » qui vient du porc, est propagé par les oiseaux et peut se transmettre aux hommes. L'alerte est immédiatement donnée. L'action se déroule fin novembre, dans cette période où la traditionnelle épidémie se met en place. Justement, des malades, il y en a de plus en plus au sein des équipes de la criminelle. Lucie notamment est terrassée en quelques heures.
Nouveau terrorisme
Le prologue rejoint alors l'action principale : c'est le fameux virus des cygnes qui décime le Quai des Orfèvres. Une action délibérée, un acte de terrorisme d'un genre nouveau. Et la pandémie menace.
Sharko, force de la nature, semble le plus résistant. Il se lance à corps perdu dans l'enquête qui comme toujours avec Thilliez est dense et complexe (et personne ne s'en plaint). Il se retrouve alors à recueillir le témoignage d'un SDF vivant sous les ponts. Malgré son alcoolisme chronique, Jasper est persuadé que plusieurs de ses compagnons d'infortune ont été enlevés par un être étrange, direction les égouts, « quelqu'un habillé tout en noir, avec un genre de robe, un long bec courbé comme un vautour. Il avait des griffes immenses sur chaque main. Des trucs capables de te couper en morceaux. Un oiseau de malheur. Moi, j'ai pensé à un démon. » Le ton est donné. Dans l'antre de ce terrifiant « homme-oiseau », Sharko découvre l'innommable. Mais ce n'est que le supplétif qu'un être encore plus machiavélique, le fameux « Homme en noir » déjà entraperçu dans « Angor ».
Le roman imposant (plus de 600 pages) se lit pourtant dans un état d'urgence, de fébrilité, tant les événements s'enchainent et la tension va crescendo. Certains passages sont âpres, cauchemardesques, tout le monde n'en sort pas indemne. Quant au lecteur, après avoir ingurgité le roman, il risque faire quelques cauchemars à la vue du moindre oiseau, encore plus d'un rat ou d'une bête puce...
« Pandemia », Franck Thilliez, Fleuve Noir, 21,90 €
mercredi 15 juillet 2015
Romans jeunesse - Rire à tous les âges
Lire et rire, rien de mieux pour se sentir en vacances avant l'heure...
Benjamin Jinks, neuf ans, déteste les maths. Stinky, son hamster, aime les carottes et, surtout… il parle et a le cerveau d’un génie. Ecrit par Dave Lowe, cette amitié intéressée est pour les plus jeunes. A partir de 7 ans exactement. Benjamin a tout du cancre. L'arrivée de ce hamster de génie dans son foyer va lui permettre de remonter sa moyenne. Mais pour le redoutable instituteur McCreedy, Benjamin triche forcément. Il le dit aux parents du jeune héros. Le père, parieur impénitent, prétend que Benjamin n'a pas triché. Pour en avoir le cœur net, il faut qu'il fasse une interrogation écrite dans la salle, seul, loin de son petit protégé... Comment va-t-il s'en sortir ? Il y a juste ce qu'il faut de merveilleux dans ce petit roman pour faire rêver, mais tout le reste est suffisamment réel pour que les lecteurs s'identifient à Benjamin.

Pour les plus âgés (à partir de 9 ans), place à Timothée Lafarge, petit Français moyen doté de super pouvoirs. Après une piqûre de moustique alien, Timothée voit sa force décupler. Il super-pédale jusqu’à l’école en moins de trois minutes, soulève le bureau du prof avec son index et troue les murs en jouant au ping-pong. Timothée est devenu un super-héros
et pour sauver le monde des super-vilains, il lui faut absolument un nom et un costume de super (sans slip par-dessus).
Mais quand on a une mère envahissante, des jumeaux insupportables pour frère et sœur, un costume qui gratte, et, surtout, quand il n’y a pas un seul méchant à l’horizon, super-héros, ça craint (grave) ! Naïma Murail-Zimmerman, à peine 20 ans, raconte des aventures loufoques et très décalées. Si Timothée est bien super fort, il n'en voit pas l'utilité s'il n'y a pas le moindre super méchant dans son petit village perdu dans la campagne. Rien de glorieux à faire si ce n'est sauver un chat dans un arbre ou rendre service aux profs qui eux, ont tout compris. L'histoire bénéficie en plus d'une mise en page très ludique avec insertion de dessins, d'onomatopées et autres exclamations dans le texte normal.
Le dernier roman est plus particulièrement destiné aux adolescents. Adolescentes exactement. Un texte vif et incisif de la Canadienne Elizabeth Lepage-Boily. Lorsqu'on a une mère qui jongle entre les cours de sexologie et les séminaires bouddhistes ; trois sœurs aînées prénommées Ariel, Jasmine et Belle, qui n'ont rien des princesses Disney ; sa meilleure amie sur le point de vous trahir pour Simon Bazin, le plus beau mec du lycée, la vie peut sembler un enfer. Heureusement, Maude, quinze ans, rebelle, blasée et tout simplement irrésistible, ne manque ni d'humour ni de caractère pour traverser cet enfer qu'on appelle l'adolescence. Finement observé, avec un zeste de mauvais esprit et de résignation, ce texte est une mine pour les parents qui ont une adolescente à la maison et qui ne comprennent plus rien à ses agissements.
« Mon hamster est un génie », PKJ, 4,90 €
« Super héros, ça craint (grave) », PKJ, 11,90 €
« Maude, comment survivre à l'adolescence », PKJ, 12,90 €
mardi 14 juillet 2015
BD - "Ab Irato", l'immortalité à portée de vaccin
Chaque année, notre espérance de vie moyenne s'allonge. Devenir centenaire n'est plus exceptionnel. La difficulté c'est de conserver une bonne santé. Dans cette série de science-fiction écrite et dessinée par Thierry Labrosse, une entreprise pharmaceutique a commercialisé un vaccin de rajeunissement. Cher, rare, il n'est pas à la portée de tout le monde. Une infime minorité peut envisager cette quasi immortalité en échange d'une fortune.
L'action se déroule en 2111 à Montréal (Labrosse est Québécois) et montre un pays en pleine révolte. La pollution, le réchauffement climatique, transforment la cité en grand marécage. Les pauvres meurent, les riches prospèrent. Riel, le jeune héros, tente de trouver un avenir meilleur mais se retrouve vite au centre d'un complot mené par des rebelles. Action, fantastique, romance : ce troisième et dernier tome d'une série ambitieuse, malgré ses 56 pages, semble trop court. Mais au final cette première BD de Labrosse en solo est une belle réussite.
« Ab Irato » (tome 3), Vents d'Ouest, 14,50 €
lundi 13 juillet 2015
BD - L'orgueil des pilotes dans "Typhoon"
La victoire des Alliés durant la seconde guerre mondiale doit beaucoup à la mobilisation de milliers de Français et de Belges ayant choisi la France Libre. De jeunes patriotes qui ont préféré l'exil au joug allemand. Christophe Gibelin, dessinateur de la remarquée série « Les ailes de plomb », s'intéresse à cette partie de l'histoire européenne dans sa nouvelle BD une nouvelle fois largement consacrée à l'aviation, sa seconde passion après le dessin.
Jean de Selys, jeune Belge, a franchi la Manche à bord d'un vieux coucou au moment de l'invasion allemande. Il a laissé son frère qui lui, a préféré s'engager dans la Résistance. En 1943, Jean peut enfin prendre part à l'offensive contre les hordes nazies. Aux commandes d'un Typhoon, redoutable chasseur bombardier, il abat des chasseurs et va même, sans le moindre ordre, mitrailler l'immeuble de la Gestapo à Bruxelles. Mais en voulant s'illustrer, il a fait plus de mal que de bien. Le jeune pilote est décrit comme un orgueilleux assez inconscient. Tout ce qu'il ne faut pas être en plein effort de guerre...
« Typhoon » (tome 1), Paquet, 14 €
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