dimanche 22 décembre 2024

BD - Sommeil assuré avec ce Pillow Man


Vous avez le sommeil compliqué ? Pourquoi ne pas faire appel aux services de cette jeune start-up qui propose un pillow man pour une nuit reposante ? Littéralement des hommes oreillers sur lesquels on peut dormir sereinement.

Jean, ancien chauffeur routier, la quarantaine bedonnant, est au chômage depuis trois ans. Il a découvert une petite annonce étonnante. Postule et après un test dans un canapé, est embauché. Mais comment dire à sa chérie, Marianne, qu’on va dormir, tous les soirs, chez de riches clientes ? En tout bien tout honneur, mais dans leur lit, leur intimité. Il invente alors un poste de veilleur de nuit.


Imaginée par Stéphane Grodet et dessinée par Théo Calmejane, cette histoire assez déconcertante semble pourtant tout à fait réaliste. La solitude tue. Ou plus sûrement empêche de dormir. Un peu de chaleur sous les draps suffisent à rendre les nuits calmes et reposantes. Jean, assez timide, a des difficultés au début.

Mais son « confort » est tel qu’il est très demandé. bonhomie et gentillesse lui permettent de gagner beaucoup d’argent. De quoi payer la maison de ses rêves à Marianne. Mais comment va-t-elle réagir quand elle découvrira la vérité ?
« Pillow Man », Glénat, 224 pages, 26 €

samedi 21 décembre 2024

BD - Dad, un papa exemplaire

Pour le 11e recueil de gags de Dad et ses filles, Nob, dessinateur et scénariste de cette série vedette du magazine Spirou, dévoile la vie de son héros avant l’arrivée des enfants. Une quarantaine de flashbacks présentés chronologiquement avec d’entrée, un Dad à peine sorti de l’adolescence, déjà papa d’une petite fille sérieuse avant l’heure.

Car notre héros, malgré un métier aléatoire (comédien de casting…), ne peut s’empêcher, dès qu’il tombe amoureux, de concevoir un enfant avec sa belle. Une fille. Tout le temps.

Il y a donc la première, Pandora, intelligente, sérieuse, réfléchie. Elle ne veut pas de petite sœur mais craque complètement face à la mignonerie de la petite blonde Ondine, fille d’une starlette. Enfin arrive dans le foyer Roxane, aussi rousse que sa maman, employée dans une ONG à l’étranger. On rit aux facéties du père et relations parfois compliquées entre les trois sœurs.



Et puis au final, on ne peut retenir une petite larme quand arrive dans le foyer une quatrième fille, adorable Bébérénice, orpheline ayant déjà vécu son lot de malheurs. Une histoire de famille moderne, avec un papa que personne ne renierait.
« Dad » (tome 11), Dupuis, 48 pages, 12,50 €

vendredi 20 décembre 2024

BD - Petit homme, mais remarquable


Fétichiste des souliers et des jolis pieds, Stanislas a trouvé le métier de rêve : vendeur dans un magasin de chaussures pour femmes. Mais sa timidité maladive l’empêche de supporter la clientèle. La patronne relègue le petit homme (1 m 57 seulement) au sous-sol à ranger les stocks.

Le nouveau roman graphique de Zanzim (révélé avec Peau d’Homme) est délicieusement osé. Car Stanislas assume son voyeurisme. Sa vie n’est pas tout rose, mais il est quand même heureux dans sa chambre de bonne en compagnie de son chat et de ses rêves.

Tout change quand il fait un vœu en caressant ses bottines préférées. Fabriquées en peau de vache indienne sacrée, elles exaucent son rêve… à l’envers. Il devient vraiment petit, à peine quelques centimètres. Il va dès lors lutter pour survivre mais découvrir aussi qu’être presque invisible est l’idéal pour voir sans être vu. Démasqué par une des vendeuses, il va être transformé en doudou sexuel avant de tomber amoureux d’une fleuriste. Et finalement réussir à devenir un grand homme.

Une jolie fable très réussie et convaincante, sur le vivre ensemble, les différences et le sacrifice.
« Grand petit homme », Glénat, 144 pages, 25 €

jeudi 19 décembre 2024

Roman - Petites contrariétés fatales dans "Fort Alamo", roman de Fabrice Caro

On est souvent confronté à des situations du quotidien énervantes. Problème, le personnage imaginé par Fabrice Caro dans « Fort Alamo » tue les malotrus qui l’insupportent. 


Les histoires sorties de l’imagination de Fabrice Caro, auteur de Montpellier connu également pour ses BD signées Fabcaro, semblent au début des anecdotes d’un quotidien tout ce qu’il y a de plus banal. Dans Fort Alamo, on suit les déambulations et réflexions de Cyril, simple professeur, marié, deux enfants. Un Français moyen dans toute sa splendeur. Aimant les habitudes, un peu râleur. De ces hommes ou femmes trop bien élevés pour les nouveaux codes de notre société.

Dans les premières pages, il fait ses courses dans un supermarché. Une fois son chariot rempli, il fait la queue. Et sans coup férir, se fait doubler par un inconnu faisant mine de ne pas l’avoir vu. Un peu contrarié le Cyril. Énervé même. S’il osait, il lui dirait ses quatre vérités. Voire un peu plus. De vilaines pensées qui semblent s’exaucer quand le malotru s’écroule en sortant du magasin. Un malaise qui provoque panique chez les employés et fuite de Cyril, mal à l’aise, comme s’il était indirectement le responsable.

Le lendemain, il découvre que l’homme qui l’a doublé à la caisse est mort, foudroyé par un AVC. Le doute commence à le submerger. D’autant que quelques jours plus tard, après une prise de bec avec la proviseur adjointe, cette dernière tombe raide morte dans la salle des profs. Et le soir, en regagnant son petit pavillon, Cyril, excédé par les aboiements du chien des voisins, lui lance un caillou. Il le touche à la cuisse et l’animal s’écroule, muet pour l’éternité.

En quelques pages, Fabrice Caro transforme ce quotidien morne et aseptisé en terreau fertile d’une intrigue presque fantastique. Cyril a-t-il des superpouvoirs ? Pourra-t-il bientôt se fabriquer un costume de « Super-AVC-man » ? Encore faudrait-il qu’il maîtrise son don. Car trop souvent il se retrouve dans des situations où son exaspération atteint des sommets.

Comme cette rencontre dans un grand magasin, quelques jours avant Noël, alors qu’il tente de trouver une idée originale de cadeau pour sa belle-sœur qu’il exècre (il craint d’ailleurs qu’elle ne termine pas le repas de fêtes vivante). Un autre client, smartphone à l’oreille, parle fort avec son interlocuteur. Sans gène. Et Cyril de regretter ces mauvaises manières : « Les boutiques s’ajoutaient à tous ces lieux publics que l’être humain avait fini par rendre infréquentables par sa seule présence, les trains, les salles de cinéma, les rues. Les gens se croyaient dans leur salon partout où ils allaient. Le portable avait abattu les cloisons de l’intime, qui s’était vulgairement déversé dans l’espace public, de sorte que tout lieu était devenu invivable. » Invivable pour Cyril, mortel pour les importuns qui se trouvaient à proximité…

Sous couvert de raconter les affres du quotidien, Fabrice Caro dresse le portrait d’un homme qui, comme l’auteur certainement, se pose trop de questions. Il est dans une mauvaise passe. Persuadé d’être dangereux, il se recroqueville. Encore plus quand sa femme pense qu’il débloque et qu’on apprend qu’il a récemment perdu sa mère. Ce Fort Alamo de Fabrice Caro semble en réalité la description d’une certaine folie ordinaire qui nous menace insidieusement.

« Fort Alamo » de Fabrice Caro, Gallimard, 180 pages, 19,50 € (« Journal d’un scénario » vient de sortir en poche chez Folio)

mercredi 18 décembre 2024

Thriller - « Surfacing », enquêtrices qui parlent aux cadavres

 Jayne et Steelie sont deux médecins légistes et anthropologues employées par la police de Los Angeles pour faire parler… les cadavres.


La meilleure façon de démasquer l’identité un tueur est de demander à la victime. Mais une fois morte, le dialogue est plus que réduit. A moins de trouver les trucs et astuces pour faire « parler » un cadavre. C’est devenu la spécialité de Jayne et Steelie, deux jeunes femmes qui ont ouvert une agence spécialisée dans l’identification des corps. Ces deux enquêtrices, qui collaborent régulièrement avec le FBI pour identifier des victimes et traquer les criminels ont une grande expérience de la mort.

Après des formations d’anthropologues et de médecine (spécialisation en médecine légiste), elles ont travaillé pour l’ONU dans les Balkans et ont vu plus que de raison des charniers. Depuis elles tentent de se reconstruire, évitant les émotions fortes. Un parcours assez identique à leur créatrice, la jeune romancière Clea Koff dont c’est le second thriller.

Tout débute par la découverte d’ossements sur le campus d’UCLA, l’université de Los Angeles par des ouvriers. Nous sommes en 2003 et le cadavre a été enterré depuis presque un an. Jayne et Steelie analyse les restes et découvrent que c’est le cadavre d’un étudiant. Un autre cadavre est retrouvé à proximité. Tueur en série ? Quel lien entre ces deux victimes ?

Les deux jeunes femmes vont rapidement faire avancer l’enquête mais se retrouvent, de ce fait, sur le devant de la scène et le meurtrier aux mystérieuses motivations va les pister. Un thriller très documenté, d’une grande rigueur, avec une intrigue un tout petit peu trop linéaire.

Pour pimenter le tout, Clea Koff greffe sur les péripéties de ses héroïnes une petite guerre des polices et surtout deux histoires d’amour naissantes. Comme quoi, la proximité de la mort au quotidien n’empêche pas de rêver d’avenir radieux.

« Surfacing », Clea Koff, Éditions Héloïse d’Ormesson, 368 pages, 22 €

mardi 17 décembre 2024

BD - Un libertin dans les forêts du Canada sauvage


Le chevalier de Saint-Sauveur, libertin ambitieux rêvant de faire sa place dans la cour, est criblé de dettes. Pour les effacer, il promet à un noble de faire pousser une jeune noble française dans les bras d’un Iroquois. Un plan machiavélique qui l’oblige à rejoindre la Nouvelle-France, de l’autre côté de l’Atlantique.


Alain Ayroles, sous forme de lettres, raconte ce périple épique qui va pousser le vert galant à courir les bois en compagnie de son valet, Gonzague. Des bois dangereux car peuplés de multiples tribus d’Indiens, pas toujours amicales.

Le format nettement plus grand de l’album permet d’apprécier au mieux les planches de Richard Guérineau.
« L’ombre des Lumières » (tome 2), Delcourt, 72 pages, 22,95 €

lundi 16 décembre 2024

BD - Séjour en enfer pour les naufragés du Jakarta

En 1629, des navires de la VOC (Compagnie hollandaise des Indes orientales) quittent l’Europe. Dans la flotte, le Jakarta, avec 300 personnes à bord et une énorme quantité d’or, change de cap. Jéronimus Cornélius, le second, mène une rébellion. Le Jakarta fait naufrage, une partie de l’équipage et des passagers trouve refuge sur des îlots rocheux. Le capitaine tente de rejoindre Java pour y trouver de l’aide.

Cette histoire vraie, racontée par Xavier Dorison, est illustrée par Thimothée Montaigne. Le second et dernier tome, de plus de 140 pages, raconte la survie sur ces îles démunies de toute ressource. Cornélius, avec sa bande, va rapidement éliminer toute opposition et imposer sa loi. Seule Lucrétia Hans, une jeune femme téméraire, ose lui tenir tête.

Dans ce décor minéral entouré d’eau, le dessinateur parvient à varier sans cesse les angles et points de vue. La tension, la peur puis l’horreur sont retranscrites avec brio dans des planches fourmillant de détails.

Un long cauchemar qui reste comme un des pires naufrages de l’histoire de la marine à voile.
« 1629 ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (tome 2), Glénat, 144 pages, 35 €

dimanche 15 décembre 2024

Cinéma - "Leurs enfants après eux", l’histoire ordinaire d’un amour impossible

“Leurs enfants après eux”, film des frères Boukherma, raconte l’amour destructeur de deux adolescents dans la France des années 90.

Tiré du roman de Nicolas Mathieu, prix Goncourt en 2018, ce film, sans doute un poil trop long, restera dans les mémoires pour quelques scènes d’une formidable virtuosité. Celle de la piscine, de la moto en feu ou du slow durant le bal du 14 juillet 1998 sur la chanson iconique de Francis Cabrel, Un samedi soir sur terre où il parle d’une « histoire d’enfant, une histoire ordinaire ». C’est le résumé très succinct de Leurs enfants après eux, nouveau film des toujours inattendus frères Boukherma.

Après avoir tâté de l’horreur pure avec Teddy (entièrement tourné en Vallespir dans les Pyrénées-Orientales et sorti en 2020), puis de la comédie sanguinolente avec L’année du requin, ils osent la grande saga familiale romantique et sociale.

Est de la France, dans ce bassin sidérurgique sinistré après la fermeture de toutes les aciéries, Anthony (Paul Kircher), 14 ans au début des années 90, s’ennuie comme un rat mort. Le grand ado, aux cheveux longs et rebelles, un peu lunaire et rêveur, sous un blouson de cuir, cache un romantique à la recherche du premier amour. Il est persuadé de le croiser au bord d’un lac.

Steph (Angelina Woreth) bronze avec une amie. Elles invitent Anthony et son cousin à une soirée. Pour s’y rendre, ils empruntent la moto du père, Patrick (Gilles Lellouche). Au petit matin, en plus d’avoir été repoussé par la jeune fille, Anthony découvre que la moto a été volée. Sa vie va alors basculer vers la violence et la vengeance.

Radiographie rigoureuse d’un milieu social gangrené par la crise, le film conserve une grâce innée en suivant la relation, compliquée mais si belle, entre Anthony et Steph. En contrepoint, on retrouve la montée du racisme, la délinquance (Raphaël Quenard au top dans un petit rôle de fou furieux cultissime) et la parenthèse enchantée de 1998 et de l’épopée de l’équipe de France Black blanc beur.

Côté distribution, les jeunes comédiens sont touchants de sincérité, alors que Ludivine Sagnier et Gilles Lellouche apportent plus de complexité en interprétant ces parents dépassés par les événements mais prêts à toutes les compromissions pour aider leur fils unique. Notamment le père, alcoolique, violent, colérique, incapable de trouver les bons mots pour expliquer combien il aime sa famille. Gilles Lellouche propose une prestation haut de gamme qui ne peut laisser personne de marbre.

Film de Ludovic et Zoran Boukherma avec Paul Kircher, Angelina Woreth, Sayyid El Alami, Gilles Lellouche, Ludivine Sagnier

 

samedi 14 décembre 2024

En vidéo, “Super papa” avec Ahmed Sylla


La mode est aux comédies gentilles et familiales. Et dans le genre, Super Papa de Léa Lando avec Ahmed Sylla dans le rôle du père moderne n’est pas loin du mètre étalon. Tom adore son fils Gaby (Ismaël Bangoura). Pour lui faire plaisir, il lui offre un livre aux pages blanches.


Un livre magique, qui peut réaliser les rêves du petit garçon s’il les écrit en détail. Reste ensuite au papa débrouillard à réaliser ces rêves. Une comédie familiale qui sort en DVD opportunément avant les fêtes (cadeau !) chez M6 Vidéo, dans l‘air du temps et donnant l’occasion à Ahmed Sylla de conforter son personnage d’humoriste bienveillant et pote avec tout le monde.

vendredi 13 décembre 2024

Thriller - « Octopus » ou l’intelligence des profondeurs

Des pieuvres géantes, devenues mystérieusement intelligentes, menacent la suprématie des hommes. Un thriller scientifique signé d’un expert en la matière : Xavier Müller.

Jamais plus vous ne vous régalerez de petits poulpes grillés sur une plancha après avoir lu Octopus, thriller de Xavier Müller. S’il est compliqué de s’identifier à une pieuvre, c’est pourtant un des animaux les plus intelligents sur Terre, après les humains. On découvre dans ce roman comment, en très peu de temps, tous les animaux ont développé une super intelligence. Cela bouscule l’ordre des choses. Notamment pour les plus doués d’entre eux.

Singes, dauphins, mais aussi pieuvres. Et cet éveil donne l’occasion à des poulpes géants, ordinairement cantonnés au fond de leurs grottes sous-marines au fond de l’océan, de vouloir découvrir le vaste monde. Des animaux gigantesques, de 30 mètres de long, pesant une bonne tonne et aux puissants tentacules.

La confrontation de ces krakens avec les humains est inéluctable. D’autant qu’ils sont très curieux : « tout ce qui était anormal piquait sa curiosité. Nombre de ses congénères se seraient enfuis dans les tréfonds de l’océan, mais ce n’était pas son tempérament. Au contraire, il avait le goût du risque. Aller au-devant des problèmes lui procurait des ondes de plaisir qui remontaient tout le long de ses tentacules. »

Pour essayer de comprendre ces animaux, l’armée américaine fait appel à Margot Klein, une scientifique française experte en langage des animaux. C’est elle qui va tenter de décrypter le langage des poulpes, tenter de comprendre s’ils sont amicaux ou agressifs.

Une belle parabole sur la tolérance, la compréhension de l’autre et l’acceptation des différences. Tout en restant un roman d’action palpitant aux multiples rebondissements.

« Octopus », Xavier Müller, XO Éditions, 396 pages, 21,90 €