dimanche 9 janvier 2022

Série Télé - « The Witcher », ce père qui s’ignore


Seconde saison de la série ambitieuse de Netflix The Witcher. La plateforme cherche à marcher dans les traces de Game of Thrones en lançant un univers de fantasy peuplé de magiciens et de monstres. Trois personnages émergent de cette histoire inspirée des romans de l’auteur polonais Andrzej Sapkowski. Celui qui donne son nom à la série, The Witcher (le sorceleur en français), Geralt de Riv (Henry Cavill), la femme qu’il aime, la sorcière Yennefer (Anya Chalotra) et une jeune princesse, sa fille adoptive, Ciri (Freya Alan, photo ci-dessus). 

Dans les premiers épisodes de cette seconde saison, Yennefer a utilisé tous ses pouvoirs pour sauver une ville. Geralt, qui protège Ciri, est persuadé que sa belle sorcière est morte. L’essentiel de l’intrigue porte sur la relation entre le sorceleur, sorte de mercenaire chargé de tuer les monstres qui errent dans le pays, et la jolie blonde, princesse orpheline mais aussi dotée de pouvoirs sans doute plus puissants que toutes les sorcières réunies. Ciri, à l’image de son mentor, veut intégrer l’ordre des sorceleurs. 

Elle va s’entraîner dur pour manier épée avec dextérité. Pendant ce temps, Yennefer, est enlevée par des elfes. Un peuple de déplacés, subissant le racisme des humains et qui fomente une révolte. 

En huit épisodes, on suit les aventures des uns et des autres, avec rebondissements et réunion pour le final. Les paysages sont à couper le souffle et les effets spéciaux dignes des meilleurs films. Seul bémol, certains comédiens manquent cruellement de charisme et de talent. Par chance, ceux qui assurent permettent de faire oublier cette petite faiblesse de l’ensemble.  

BD - Amour divin à Lore Olympus



La bande dessinée s’adapte aux nouvelles technologies. Les jeunes ne lisent plus que sur leur smartphone. Donc des auteurs ont totalement déstructuré leurs récits pour s’adapter à ce mode de consommation différent. Cela donne des histoires ou le lecteur découvre l’intrigue image par image. Rachel Smythe, autrice néo-zélandaise, est devenue la championne de cette mode. 



Ses dessins, très stylisés et colorés, s’adaptent parfaitement à ce format. Sa série Lore Olympus est numéro 1 sur la principale plateforme, Webtoon, et compte déjà 175 épisodes. Logiquement ce succès planétaire est adapté pour retrouver un format plus classique de roman graphique sur support papier. 

Le volume 1 de 360 pages vient de paraître et raconte la version très moderne de l’enlèvement de Perséphone par Hadès, souverain des Enfers. 

« Lore Olympus » (tome 1), Hugo, 24,95 €

samedi 8 janvier 2022

De choses et d’autres - Gare à la crevette brésilienne

 


Au Brésil, le 5 janvier est désormais célébré comme le « jour national de la crevette antifasciste ». Une crevette élevée au rang de guerrière intransigeante contre la politique de droite très dure du gouvernement de Jair Bolsonaro. Un phénomène totalement délirant et pourtant sur les réseaux sociaux la crevette est devenue un symbole brandi par tous les démocrates. L’histoire est assez croquignolesque.

 

Le 2 janvier, les Brésiliens apprenaient que leur président venait d’être hospitalisé après des douleurs à l’abdomen. Blessé d’un coup de couteau lors de la campagne électorale de 2018, il a subi plusieurs opérations. Mais finalement, pour une fois, ce ne sont pas les séquelles de l’attentat mais une bête occlusion intestinale. Le président est ressorti le lendemain et les toubibs ont donné les vraies raisons de l’hospitalisation.

Et c’est là qu’on retrouve la fameuse crevette. Car Bolsonaro a mangé des crevettes avant le déclenchement de l’occlusion. Notamment une qui n’aurait pas été assez mastiquée et qui donc a bloqué toute la machinerie.

Voilà pourquoi cette petite crevette se retrouve élevée au rang de guerrière antifasciste par tous les démocrates brésiliens. Car Bolsonaro, déjà en campagne, espère être réélu. Il va devoir cependant se méfier des crevettes.

Et d’un calamar. Mais celui-là, sera plus compliqué à avaler et à digérer. Calamar en brésilien se dit Lula, comme le nom de l’ancien président et leader syndicaliste qui a retrouvé la liberté et brigue de nouveau le poste suprême.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 8 janvier 2022

BD - U4 : un virus sélectif


Encore une histoire de virus. Mais U4 est apparu bien avant notre Covid-19. Par contre il est beaucoup plus dangereux. Une grande partie de la population a été décimée en quelques jours. Ne restent en vie dans une société en totale déliquescence, comme immunisés, les jeunes âgés de 15 à 18 ans. La parution simultanée des quatre albums permet de suivre la trajectoire de quatre d’entre eux : Stéphane, Jules, Yannis et la Bretonne Koridwen. 


Adaptée d’un roman, cette BD est écrite par Lapière et Renders est dessinée par Huelva. Un Espagnol qui ne rechigne pas à la tâche : chaque titre compte plus de 120 pages. Construite comme un puzzle, l’histoire est composée de ces quatre titres qui peuvent être lus dans n’importe quel ordre. Par contre pour connaître le dénouement, commun, il faudra attendre la parution du 5e titre, Chronos. 

« U4 » (tomes 1 à 4), Dupuis, 14,50 €

vendredi 7 janvier 2022

De choses et d’autres - Tout augmente mon bon monsieur...

 


Il y a 20 ans, l’Europe est devenue une réalité tangible pour les Français. Impossible de l’ignorer puisqu’en 2001 l’euro a remplacé le franc. Je me souviens avoir méchamment phosphoré dans le but de trouver une astuce afin de convertir facilement les prix. Au début j’ai eu du mal. Impossible de me défaire de ces francs, que mes parents, jusqu’à leur mort, affublaient de la précision désuète de « nouveaux ».

 

Aujourd’hui je suis totalement incapable de déterminer l’équivalence en francs (anciens comme nouveaux) de 10 euros. Par contre, il est certain que tout a augmenté. Alors que bruissent des rumeurs d’explosion du prix de la baguette pour cause de raréfaction de la farine, ou des chocolatines en raison du beurre presque aussi cher que l’or (ils ont déjà la même couleur), la meilleure façon de savoir si la vie en euros est beaucoup plus chère qu’en francs, c’est de demander à un certain Patrick, cadre bancaire à la retraite vivant en région parisienne.

Un article du journal Le Parisien raconte comment ce fou du classement a conservé dans des boites soigneusement rangées par année toutes les notes de ses courses du quotidien depuis 1967. Il peut ainsi faire une courbe hyperréaliste du prix d’une boîte de cassoulet ces 50 dernières années. Certes, ça ne sert strictement à rien, mais Patrick semble un peu psychorigide sur le sujet.

Le plus étonnant, sur la photo illustrant l’article, Patrick tient une liasse de notes qu’il vient de sortir d’une boite de chocolats de la marque catalane Cémoi. Et je me pose la question : a-t-il acheté ces chocolats car ils étaient bons ou simplement car la boite semblait idéale pour collecter les notes de ses courses ?

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 7 janvier 2022

BD - Avenirs parallèles avec Demain chez Delcourt

Léo et Rodolphe multiplient les séries de SF. En plus d’Amazonia, ils ont signé Centaurus chez Delcourt. Et lancent toujours pour cet éditeur Demain. Ils quittent le space opéra pour la SF plus conventionnelle. 

Deux univers parallèles avec un garçon et une fille qui apparaissent dans les rêves de l’autre. Une partie uchronie, aux USA dans les années 50, des jeunes découvrent une mystérieuse pièce noire, une autre partie du récit se déroulant en France dans une époque postapocalyptique. Deux ambiances très différentes mais un seul dessinateur, Louis Alloing, qui rejoint la galaxie Léo-Rodolphe. 

Un premier tome de plus de 50 pages avec, les fans apprécieront, quelques grosses bestioles agressives comme seul Léo sait les inventer.  

« Demain » (tome 1), Delcourt, 13,50 €

jeudi 6 janvier 2022

De choses et d’autres - Trop jeunes pour mourir

 


Les avis de décès sont de plus en plus nombreux. Des personnes physiques qui ont croisé malencontreusement un virus en évitant soigneusement auparavant de prendre rendez-vous avec un vaccin, mais aussi des entreprises qui pourtant étaient plus que prospères il y a quelques années.

 

Ainsi ce fabricant de téléphone mobile avait écoulé 10,6 millions d’appareils durant le premier trimestre 2010. 11 ans plus tard, les derniers smartphones encore en service ne fonctionnent plus depuis hier car le système d’exploitation est devenu obsolète. Pourtant ces téléphones, lourds et résistants, très efficaces et sécurisés, étaient synonymes à l’époque de ce qui se faisait de mieux dans le secteur. L’erreur fatale de ses dirigeants aura été de ne pas croire au clavier tactile. Persuadé que les utilisateurs préféreraient le petit clavier physique, BlackBerry a dénigré avec beaucoup de morgue l’iPhone d’Apple. Les acheteurs ont vite tranché. Malgré sa relative jeunesse, BlackBerry est mort et enterré.

Une autre entreprise a fermé boutique cette semaine. Moins connu du grand public car ouvertement dans l’illégalité, le site de streaming pirate Popcorn Time a publié son propre avis de décès en envoyant un mail annonçant sa fermeture aux rédactions. Devenu l’ennemi public numéro 1 de Netflix, le vilain Popcorn permettait de voir séries et films sans débourser un centime, grâce aux liens détenus par d’autres.

Netflix va pouvoir continuer sa marche en avant, comme Apple. Mais gare, ces deux mastodontes ne sont malgré tout pas à l’abri d’une mort prématurée face à de nouveaux concurrents plus innovateurs et inventifs qu’eux.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 6 janvier 2022

Roman. Houellebecq écrit, gare à l’anéantissement



Que serait la littérature sans les quelques auteurs qui en plus d’un indéniable talent de plume savent bousculer les idées reçues tout en critiquant la société contemporaine ? Un nouveau roman de Michel Houellebecq c’est la certitude qu’on va mieux comprendre le monde dans lequel on vit, que certains romans auront désormais un goût particulièrement fade et que certaines scènes vont longtemps rester présentes à notre esprit, tel un phosphène dans la rétine de l’idiot qui a osé regarder le soleil. Anéantir, paru cette semaine, caracole en tête des ventes. 

Copieux, sous une couverture rigide, le roman suit la trajectoire de Paul, un énarque qui fait carrière dans l’ombre de Bruno Juge, ministre de l’Économie. Située dans un futur proche, l’intrigue semble montrer la fin du second mandat d’un Macron facilement réélu. Il doit passer la main. Bruno fait figure de favori. La France, grâce à son action efficace, a retrouvé de sa splendeur industrielle. Mais il n’est pas aimé de tout le monde. Pour preuve cette vidéo qui tourne sur internet qui montre un montage au cours duquel il est guillotiné. 

A cette intrigue politique (on assiste à la campagne, avec son lot de surprises tout à fait transférables en ce début 2022), s’ajoutent les doutes de Paul, cinquantenaire sans enfant, qui voit son couple se déliter. Un homme qui doute, surtout de lui : « C’était probablement mauvais signe d’avoir envie de se replonger dans ses années de jeunesse, c’est probablement ce qui arrive à ceux qui commencent à comprendre qu’ils ont raté leur vie. » Paul a une sœur, très croyante et un frère, très artiste. Son père, ancien haut responsable de l’espionnage français, est à la retraite. Il s’est remarié avec une femme beaucoup plus jeune que lui. Il vient d’avoir un AVC, elle s’occupe de lui avec dévouement : « La fin de vie pouvait peut-être dans certains cas ne pas être tout à fait malheureuse, se dit-il ; c’était surprenant. » Pas très gai, avouons-le, Anéantir est du pur Houellebecq, presque comme un testament littéraire agrégeant l’esprit de ses précédents ouvrage. Mais reste bien dans l’air du temps car Houellebeck reste avant tout un romancier du présent.

 « Anéantir » de Michel Houellebecq, Flammarion, 26 €

mercredi 5 janvier 2022

De choses et d’autres - Fantastique galette

 


Mardi 4 janvier 2022. Je sors de ma sieste quotidienne avec une incroyable envie de galette des Rois. La bonne frangipane, cachée sous la pâte feuilletée dorée ; la fève, si dangereuse pour les dents ; la couronne, si ridicule, une fois sur la tête.

 

Mais, est-il encore politiquement correct de parler de galette des Rois en ces temps où le wokisme s’invite à toutes les tables.

Pourquoi des rois et pas des reines ? Pourquoi des cadeaux pour la naissance de Jésus ? Pourquoi ces rois sont-ils exotiques ? En vrai, mon estomac ne s’est jamais posé ces questions. Aussi, quand je découvre qu’un journal local de Besançon, L’Écho de la Boucle, annonce que la maire écolo vient de recommander aux boulangers de sa ville de ne plus vendre des Galettes des Rois, mais une « Fantastique Galette », je sens à plein nez le site parodique, genre Gorafi de province. Bingo.

Désormais, le plus marrant, dans ces pièges, ce n’est plus l’idée en elle-même, mais les cris d’indignation, sur les réseaux sociaux, des couillons - qui vivent, sans doute, dans une réalité parallèle pour penser que cette recommandation est du domaine du possible. On trouve, dans le lot, quelques journalistes de droite, des élus (de droite aussi) et d’extrême droite également, mais ça, on s’en serait douté. Marrant, certes, mais comme le fait remarquer la maire de la ville, cette promptitude à croire l’incroyable « révèle à quel point l’idéologie anti EELV de ces personnes les pousse à croire et relayer ce qui n’est qu’une blague ».

Que cela ne vous empêche pas de savourer une fantastique Galette des Rois achetée chez votre boulanger, ce sont les meilleures, et de trouver la fève pour couronner le tout.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 5 janvier 2022

Rentrée littéraire d’hiver : L’amour chez les jeunes et… les vieux



Maladie la plus agréable qui soit, l’amour frappe sans discernement. Les jeunes filles de 13 ans comme les vieux messieurs de 60 ans. Ces deux romans de la rentrée d’hiver sont des témoignages. Des expériences aux deux extrêmes de la vie, la découverte de l’amour et des choses du sexe par une adolescente, le retour de flamme pour un homme de 60 ans. Dans les deux cas, la passion est dévorante.

Dans un collège privé de Beyrouth, des filles de 13 ans n’ont qu’une seule envie : goûter aux garçons. Dans son premier roman au titre si explicite, Le goût des garçons, Joy Majdalani raconte comment sa narratrice cherche la bonne amie, celle qui lui permettra d’en apprendre plus sur ces mystérieux garçons, leur sexe, leurs désirs. Elle en rêve et craint ne jamais pouvoir devenir une femme. « Des hommes, j’étais condamnée à ne glaner que des bribes, la compagnie circonstancielle et désintéressée d’oncles, de professeurs, de pères d’amies. Jamais je ne serais initiée à leurs mystères. » Pourtant elle va enfin trouver le Graal. Un premier baiser, quelques caresses puis le grand saut conté dans une langue vraie, crue et audacieuse. 



À l’opposé, dans Pars, oublie et sois heureuse de Pierre Mérot, c’est le récit d’un amour inespéré qui vient ensoleiller la vie de l’écrivain l’année de ses 60 ans. Sandy est professeur, comme lui. Il va lui écrire quotidiennement des emails de septembre 2019 à janvier 2021. Le roman ne contient que ces courts textes, pas les réponses hormis une lettre de rupture. La plupart du temps on devine ce qu’elle lui dit, comment deux êtres qui ont pourtant tout vécu peuvent redécouvrir l’enchantement de l’existence quand on tombe amoureux, les rendez-vous rares mais intenses et, malgré l’âge, les jeux coquins. « Heureusement qu’il y a ta photographie hors la loi le jour où l’on a soixante ans… Soixante ans, c’est-à-dire une âme enfantine dans un corps qui a marché si longuement. » 

Ce superbe réveil de la flamme du désir va finalement se révéler très destructeur. Un texte entre beauté de la passion, tristesse de l’éloignement et excitation des scènes érotiques.

« Le goût des garçons » de Joy Majdalani, Grasset, 16 € (en vente le 5 janvier)

« Pars, oublie et sois heureuse » de Pierre Mérot, Albin Michel, 18,90 € (en vente le 5 janvier)