vendredi 5 novembre 2021

De choses et d’autres - (T)robot pour être élue

La campagne de l’élection présidentielle d’avril 2022 reste une mine pour ceux qui, comme moi, regardent ces joutes avec l’œil de celui qui a connu pas moins de huit présidents élus. Huit vainqueurs et des dizaines de perdants, la loi du genre. Fabrique d’aigris, obligés de remiser leur destin national au fond d’un tiroir.


Pour l’instant règne le flou le plus complet. J’ai même l’impression que l’esprit des quelques candidats déclarés bat la campagne, à défaut de s’y investir vraiment. Un peu comme ces poulets décapités dont le cerveau sectionné zappe de passer l’info au reste du corps. Prenez Anne Hidalgo, investie par le parti socialiste. Non seulement elle ne progresse pas dans les sondages mais ses sorties médiatiques sont parfois tellement en décalage avec la réalité qu’on se demande d’où elle vient. 

De Paris, vraiment ? Alors pourquoi cette vidéo dans une petite gare de province (de la Drôme), pour dénoncer ce distributeur automatique de billets de train ?

Elle ne doit pas souvent prendre le métro ou le RER pour ignorer que les robots délivrent 98 % des tickets. Et que de toute manière, ils représentent l’avenir car eux n’ont pas d’horaires ni de convention collective restrictive et contraignante. Oublions ceux qui débitent les billets de banque (bouts de papier qui eux-mêmes ont du plomb dans l’aile) et constatons qu’il existe dans certains lieux touristiques des distributeurs de pizzas chaudes ou de baguettes.

Le plus impressionnant reste cette machine en gare de Besançon. Anne Hidalgo serait horrifiée de constater qu’elle propose, sans l’aide du moindre fonctionnaire, du morbier, du comté et même des saucisses de Morteau. Allez, bon appétit les amateurs de « robotmaton » !

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 5 novembre

jeudi 4 novembre 2021

BD - Hommage au far-west par les meilleurs dessinateurs du moment


Tiburce Oger ne cache pas sa fascination pour le western. Cet auteur complet de BD a voulu faire de la BD en lisant les titres phares du genre par Jijé, Giraud ou Blanc-Dumont. Il a donc imaginé une suite d’histoires courtes qu’il a confiées aux plus grands dessinateurs réalistes actuels.


 Avec un fil rouge : la possession d’une montre, de 1763 à 1938. On retrouve au générique de ce Go west, young man, Blanc-Dumont, Ralph Meyer, Marini, Rossi, Rouge, Boucq, Labiano, Meynet ou TaDuc

« Go west, young man », Bamboo, 19,90 € (il existe une version grand format à 29,90 €)


De choses et d’autres - La drague verte

En pleine COP26, l’écologie est partout. Même sur les sites de rencontres en ligne qui ont constaté qu’une des principales qualités recherchées par les célibataires est de trouver un partenaire écoresponsable, voire adepte du bio ou même vegan. Il en  existe carrément de spécialisés comme Amours Bio ou GreenLovers.

Étonnant comme les modes poussent les gens à accepter des pratiques qu’ils auraient réprouvées avec véhémence il y a trois ans à peine. Car mesdames, sortir avec un écolo, c’est prendre le risque de vous retrouver en tête à tête avec un homme qui n’utilise pas de déodorant (à part celui fabriqué maison à base de fécule de maïs et d’huile de coco) et ne se brosse les dents qu’avec un dentifrice composé de clou de girofle, de bicarbonate de soude et d’argile verte.

J’imagine le premier baiser après une chaude après-midi d’été passée à sauver des animaux de l’abattoir.

Vous me direz, la dame du rendez-vous pourrait faire mieux dans le genre « Je sauve la planète à moi toute seule ». Par exemple économiser l’eau devenue si précieuse en ne se lavant que tous les deux ou trois jours.

Je caricature un peu et grossis le trait, mais si ce sont de véritables amoureux de la nature qui veulent trouver chaussure à leur pied, ils ne devraient pas se contenter, comme à Glasgow, de vœux pieux mais d’actions concrètes.

Au risque d’être rapidement déçus et de voir, étrange paradoxe, la température dramatiquement chuter lors de leurs ébats enflammés.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 4 novembre

mercredi 3 novembre 2021

BD - Trop de Pat dans ce Mickey signé Cornette et Thierry Martin


Nouvelle aventure de Mickey par deux auteurs qui s’approprient le personnage créé par Disney. Cornette au scénario et Thierry Martin au dessin plongent Mickey dans un monde de magie. 


La petite souris va croiser la route d’un sorcier débonnaire qui ne maîtrise pas toutes ses formules magiques. Pour preuve, une poudre permet de se démultiplier. Une aubaine pour Pat Hibulaire qui y voit la meilleure façon de tyranniser le village. Simple, merveilleusement dessinée, ce Mickey plaira aux petits comme aux grands.

« Mickey et les mille Pat », Glénat, 19 €

De choses et d’autres - Netflix sur grand écran

Quand Netflix n’était qu’une plateforme diffusant des séries, le pas encore géant de la culture mondiale était royalement dédaigné par les autres acteurs de la profession. Les grandes maisons de productions comme les chaînes de télé. Il a fallu attendre que Netflix ait plus de 100 millions d’abonnés et que tout le monde parle de ses « coups » à la machine à café (La casa de papel ou Lupin) pour que certains comprennent que le danger était là.


Tout a changé quand Netflix a décidé de produire et de diffuser en exclusivité des films de cinéma. Un paradoxe puisqu’une production audiovisuelle, pour être considérée comme cinématographique, doit être diffusée dans une salle, sur grand écran. Quelques dizaines de films plus tard, dont de remarquables comme Roma, The Irishman ou Marriage Story, Netflix négocie avec quelques salles la possibilité d’organiser un festival en décembre pour permettre de voir quelques-uns de ces films dans des conditions optimales. Et là, Netflix devient du jour au lendemain l’ennemi absolu, la pire peste qui risque de tuer le cinéma français, de la production la distribution.

Pourtant il est envisagé de sortir dans ce cadre The Power of the Dog de Jane Campion, film salué par tous les critiques. Œuvre qui, tiens c’est bizarre, a été présentée en avant-première sur grand écran, en présence de la réalisatrice, ovationnée au festival Lumière de Lyon.

En fait, les films de Netflix dans les salles de cinéma c’est mal, sauf quand ils sont réservés à une petite élite du milieu qui peut en profiter avant tout le monde.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 3 novembre

mardi 2 novembre 2021

BD - Tarpon au turbin


Cabanes continue son exploration de l’œuvre de Manchette. Il propose dans la collection Aire Libre l’adaptation de Morgue Pleine, roman paru dans les années 70. On retrouve le détective privé Tarpon


Cet ancien gendarme n’arrive pas à s’en sortir dans ce Paris déjà hostile aux provinciaux. Il envisage de rentrer sagement chez sa maman quand une certaine Memphis Charles débarque chez lui. Elle demande de l’aide : sa colocataire a été égorgée. Tarpon, telle une auto tamponneuse sans volant, va aller de choc en choc dans une affaire qui lui sera longtemps incompréhensible. 

« Morgue pleine », Dupuis, 22 € (il existe un tirage de tête numéroté et signé à 35 €)


De choses et d’autres - Cinq emplois… pour la frime

Si l’on en croit certains leaders politiques, les Français sont des fainéants qui ne travaillent pas assez. Non seulement il faut mettre fin à ces honteuses 35 heures, mais on doit aussi repousser l’âge de la retraite au-delà de 65 ans.

Un discours de droite qui doit dans doute plaire à ce jeune de 20 ans seulement qui s’est fait une sacrée réputation en diffusant un petit film résumant sa journée : « Boulangerie de 4 h à 8 h, agent laborantin de 9 h à 12 h, pizzeria de 12 h à 15 h, matelot sur un catamaran de luxe de 16 h à 21 h, agent d’entretien de 21 h à minuit. »

Cela représente selon lui 120 heures de travail par semaine. En voilà un de Français qui aime bosser. Sans doute qu’il est animé par un besoin impérieux de nourrir sa famille nombreuse ou de rembourser les dettes de ses parents. Mais en réalité, ce jeune se tue à la tâche (il n’y a pas d’autre mot) juste pour faire le beau à la fin de son clip et de se vanter de s’être acheté une Audi RS3 à 20 ans. Tout ça pour une voiture de sport. Pour la frime…

Avec en plus les risques de mélange de boulot : il analyse un croissant au labo puis garni sa pizza avec des souches de virus…

Finalement, en voyant ce montage, je me dis qu’à choisir entre travailler 120 heures par semaine ou me retrouver bénéficiaire du RSA, je choisis sans hésiter la seconde solution. Certes je ne pourrais jamais m’acheter de voiture de sport, mais au moins j’aurais du temps pour mes proches et profiter de la vie, la vraie. 

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 2 novembre 2021
 

lundi 1 novembre 2021

Poches - Folio enquête


La collection Folio Policier reprend essentiellement des thrillers ou romans noirs issus de la célèbre Série Noire. Mais avec ces trois titres parus mi-octobre le sombre laisse la place à un style plus lumineux, celui du « cosy mystery ». 

L’occasion de reprendre Meurtre à l’anglaise (7,50 €), exercice de style de Didier Decoin. Une morte, plusieurs suspects, un lieu clos (une île en Écosse) et un enquêteur, l’inspecteur John William Sheen. Plein de finesse et de chausse-trappes. 

Les deux autres titres sont de Georges Flipo et ont pour héroïne la commissaire Viviane Lancier. Une première enquête dans le milieu de la littérature (La commissaire n’aime point les vers, 8,10 €), la seconde (La commissaire n’a point l’esprit club, 8,10 €) se déroule sur l’île de Rhodes dans le cadre d’un village de vacances.


Roman - L’étoile filante du Bourdigou

De l’infime à l’infiniment grand. Du petit village du Bourdigou en bord de mer à l’immensité du cosmos. Le nouveau roman d’Hélène Legrais, Le cabanon à l’étoile, nous fait voyager dans tous les sens du terme. Au bord de la Méditerranée sur ces plages de sable encore vierges de tout béton, mais aussi dans les étoiles, tout là-haut entre galaxies et constellations. Un parcours émouvant en compagnie de deux héroïnes comme seule la romancière catalane sait les imaginer. La rencontre a lieu au bord d’une route. Une jeune fille fait du stop. 

La conductrice d’une vieille deux-chevaux s’arrête et l’embarque. Elles ne se quitteront plus jusqu’à la dernière page. La première prétend s’appeler Cassiopée. À peine 20 ans, belle et libre, elle ne parle pas beaucoup, déteste se livrer, mais quand la seconde, Estelle, lui propose de l’héberger quelques jours dans son petit paradis, Cassiopée accepte. Le paradis c’est un cabanon au milieu du village du Bourdigou à Sainte-Marie-la-Mer dans les Pyrénées-Orientales

Dans ces années 70, des milliers de familles ont construit ces cabanes de bric et de broc, sans le moindre confort, souvent avec des roseaux. Elles y passent l’été au frais, les enfants profitent du soleil, du bon air et des joies de la baignade. Une sorte de bidonville selon les promoteurs avides d’y couler du béton, une utopie libertaire pour les Bordigueros

Deux étoiles jumelles

Hélène Legrais ressuscite cette communauté d’entraide et de gentillesse dans ce lieu unique. Mais l’histoire se concentre surtout sur ces deux femmes qui, contre toute attente vont développer une amitié forte. On devine que Cassiopée, après de rudes épreuves, est en fugue. Estelle, fille de la grande bourgeoisie catalane l’admire et voudrait l’aider, la protéger. Estelle, la propriétaire du cabanon à l’étoile, qui refuse d’avoir des enfants et se contente d’une liaison sans avenir avec un amant par ailleurs marié et père de famille.

 Reste l’énigme Cassiopée. Rapidement, elle attire les regards de tous les hommes. Elle se promène dans un minuscule bikini bleu et ne rechigne pas à leur procurer quelques moments de plaisir. La jeune fille, à l’abri des dunes, profite de cette époque de libération sexuelle exacerbée. Pour son plaisir et aussi une forme d’évasion : « son corps était un bout de cosmos où ses membres planètes gravitaient autour de ses deux cœurs, celui qui bondissait dans sa poitrine et l’autre qui pulsait au creux de son ventre, deux étoiles jumelles… » Sublime Cassiopée, belle et mystérieuse étoile filante d’un été mémorable du Bourdigou. Pourtant, Estelle devine que son attitude n’est pas naturelle, que derrière cette fureur de vivre, de se donner corps et âme, le désespoir rôde. Hélène Legrais nous confie : « Je suis allée puiser très loin au fond de moi, l’écriture était parfois douloureuse ». Une réussite pour un roman passionné et passionnant.

M. Li et F. H.

« Le cabanon à l’étoile » d’Hélène Legrais, Calmann-Lévy, 19,50 €

De choses et d’autres - Revenu d’entre les morts

 

Le titre de la chronique du jour est certainement excessif. Mais pour un retour, après un mois d’absence quand même, je me dois de frapper les esprits. D’autant qu’on est le 1er novembre, jour des morts. Par ailleurs date anniversaire des débuts de mes scribouillages en dernière page de l’Indépendant. Dix ans que je squatte cet emplacement pour le pire et le meilleur, doublé d’un podcast depuis trois ans.

Et pourtant je ne pensais pas revenir frais et dispo. A la base, l’intervention chirurgicale programmée n’est pas spécialement dangereuse, même si j’ai dû signer un document précisant que j’avais bien compris tous les risques, dont l’ultime : la mort. 

Le matin de l’opération, dans la salle d’anesthésie, harnaché par une myriade d’infirmières, un homme masqué apparaît dans mon champ de vision et me demande : « Bonjour je suis l’anesthésiste. Je vais vous endormir. Vous êtes le Litout qui écrit des billets dans l’Indépendant ? » Obligé de répondre oui.

Et immédiatement de gamberger. Mince, et si cet anesthésiste est un des lecteurs qui ne m’apprécient pas et me le fait savoir avec des lettres anonymes pleines de sous-entendus sur mon inutilité et ma nullité ? Et s’il n’avait pas apprécié que je me moque de Jean Castex, Mélenchon ou Zemmour ? Et s’il en profitait pour mettre juste ce qu’il faut de produit en plus pour que je ne me réveille pas.

Voilà comment j’ai cru, durant quelques secondes, ma dernière heure venue. Quelques secondes seulement car avant de sombrer dans le grand sommeil j’ai eu le temps de l’entendre dire « J’aime bien ce que vous faites, je vous écoute aussi parfois en pod… » Bonne nuit tout le monde

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 1er novembre