vendredi 26 mai 2017

De choses et d'autres : Amazing Trump


Le premier voyage à l’étranger de Donald Trump est une mine pour les observateurs un peu critiques et prêts à relever toutes les gaffes, bévues et autres incongruités que le nouveau président ne manque pas de commettre. Après l’Arabie Saoudite il rejoint Israël. Dès la descente d’avion il se fend d’une déclaration et le fort vent qui souffle sur Tel Aviv suscite les pires craintes pour sa chevelure péroxydée. Baste, grâce à une couche de laque aussi performante qu’un bouclier anti-missiles et de la colle (peut-être la même que pour le dentier), sa coiffure bouge mais ne rompt pas.
On rit beaucoup moins quand il se rend au mémorial de la Shoah après un détour par le mur des Lamentations où tous les visiteurs de marque laissent un message dans le livre d’or. En 2008, Barack Obama avait rempli une page d’un texte poignant, où il insistait sur le besoin de se souvenir de ceux qui ont péri. Trump se contente de quatre lignes et d’une conclusion un peu abrupte et sans la moindre profondeur selon tous les observateurs : « So amazing + Will never forget » soit « C’est dingue + je n’oublierai jamais ! » Le « amazing » est pour le moins déplacé.
Suite du voyage au Vatican. Là, pas de déclaration mais des photos qui interpellent. Entre sa femme et sa fille, vêtues de noir, un crêpe sur les cheveux blonds, et un pape François taciturne, il est hilare. Le contraste entre son sourire et la gravité du pape est frappant. Enfin il rejoint la Belgique pour une réunion de l’Otan. Là aussi il en a sorti une belle, se déclarant particulièrement heureux de découvrir « cette belle ville qu’est la Belgique ».
Hier il a reçu pour la première fois en tête à tête Emmanuel Macron. S’il continue sur sa lancée, Trump pourrait, au choix, croire que Macron est toujours conseiller à l’Élysée, chercher Sarkozy dans la délégation ou draguer Sylvie Goulard la ministre des Armées françaises. 
(Chronique parue le 26 mai en dernière page de l'Indépendant)

jeudi 25 mai 2017

De choses et d'autres : la vigne rescapée


L’été est quasi là. Je m’en rends compte tous les jours en allant au travail au guidon de mon scooter. La visière relevée, je profite du paysage et des odeurs. Cinq minutes dans la campagne, cinq autres dans la ville avant de me garer en face du journal.
A ma gauche, des genets d’ordinaires discrets éclatent d’un jaune presque fluorescent. A droite des prairies fraîchement fauchées commencent déjà à sentir le foin sec. Les acacias ont perdu leurs grappes de fleurs blanches, mais le parfum des tilleuls de l’avenue d’Espagne arrivent à surpasser les relents de gaz s’échappements dus aux embouteillages.
Et puis il y a les vignes. Vertes, resplendissantes, aux longues tiges encore intactes et non disciplinées. Enfin les rares qui restent dans cette zone péri-urbaine de Perpignan. La semaine dernière, une nouvelle parcelle a été « traitée » définitivement. Un énorme tracteur, des socs et un rouleau. Déracinés tous ces ceps sans doute trop anciens. Longtemps il ont fourni le raisin avec lequel on confectionne ces vins râpeux, pas forcément goûteux ni distingués mais qui ont fait vivre des générations de viticulteurs. Tous arrachés. Tous sauf un pied, un miraculé, seul au milieu de ces « cadavres » qui déjà font le bonheur des particuliers venus les ramasser pour se chauffer dans deux ou trois hivers. Un petit pied rescapé, vaillant, comme un symbole de ce monde agricole en pleine mutation. Ou disparition penseront les plus pessimistes. 
(Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le 25 mai. Malheureusement le pied de vigne rescapé a disparu quelques jours pus tard...)

BD : Presque mieux que du Jules Verne


Prêts pour la grande aventure au fond des mers ? Embarquez à bord du Fulgur, ancêtre du sous-marin inventé par un savant français et financé par un riche Américain. Avec équipage et explorateurs, ils décident de plonger à plus de 4 000 mètres pour explorer des fosses marines mystérieuses. Mais ce n’est pas la science qui guide le promoteur de l’expédition mais l’appât de l’or. Il compte renflouer un bateau chargé de tonnes du métal précieux. Mais rien ne se passe comme prévu et le Fulgur, pris dans un tourbillon, est englouti dans des cavernes. Le reste du récit raconte sa dérive, dans des cavernes gigantesques, à chercher une sortie tout en affrontant des animaux monstrueux, du calamar géant au requin préhistorique. Une série prévue en quatre tomes, écrite par Christophe Bec en hommage à Jules Verne et dessinée par le serbe Nenadov.
➤ « Le Fulgur » (tome 1), Soleil, 15,50 €

mercredi 24 mai 2017

BD : "Ter", la « Main d’or » du futur


Dans un futur que l’on imagine très éloigné, quand la civilisation se sera écroulée sur elle-même, une petite communauté survit sur un bout de terre. Pip, adolescent qui améliore l’ordinaire en pillant des tombes la nuit venue, découvre dans un caveau un homme nu. A son contact, il se réveille. Ne sait pas parler, n’a pas de mémoire. Seule indication : il a tatoué sur l’épaule droite le sigle « Main d’Or 1 ». Pip lui donne le nom de Mandor et le ramène à la maison. L’homme a la particularité de savoir réparer les objets cassés. Et même de connaître leur utilité, chose que Pip et sa sœur Yss ne savent souvent pas. Un récit de science-fiction signé Rodolphe, dessiné par Christophe Dubois, éclatant d’imagination dans les costumes ou les bestioles dangereuses qui vivent sur Ter. Un zeste de religion et nous voilà embarqués dans une saga prometteuse d’autant que la dernière image rebat toutes les cartes.
➤ « Ter » (tome 1), Daniel Maghen éditions, 16 €

mardi 23 mai 2017

Roman : La fin des Ferrailleurs



Il existe des livres qui sont un peu plus qu’un assemblage de feuilles de papier remplies de mots. En les ouvrant, on a immédiatement l’impression non pas de pénétrer dans une histoire mais de plonger dans un monde. La saga des « Ferrailleurs » d’Edward Carey interpelle. Gros, il alterne chapitres courts, dialogues inventifs et dessins en noir et blanc. « La ville », troisième et dernier titre de la série, raconte comment les Ferrailleurs, lignée maudite, parviennent à étendre l’obscurité sur la ville de Londres. La capitale anglaise vit dans la peur. Des gens disparaissent, des objets se modifient : rien n’est plus comme avant.
Cela intrigue la jeune Eleanor, d’autant qu’elle voudrait savoir qui sont les nouveaux voisins. Elle va oser frapper chez les Ferrailleurs et croiser la route de Clod. Dernier de la lignée, il sera peut-être le sauveur de la ville. Du moins s’il parvient à échapper à la surveillance de son cousin Rippit. « Rippit le coasseur, le croasseur, l’éructeur, le brailleur qui s’égosillait sous mon nez, avec sa voix perçante, sa voix de porte qui grince, Rippit qui me crie dans les oreilles, s’infiltre dans mes pensées, dans mon esprit affligé, ses yeux jaunes fixés sur moi. Mon fidèle compagnon, mon cousin, mon crapaud de cousin. »
Un roman fantastique, dans tous les sens du terme.
➤ « La ville » (troisième et dernière partie de la saga des Ferrailleurs), d’Edward Carey, Grasset, 23 €

De choses et d'autres : tourner en bourrique

Depuis quelques semaines, le net regorge d’articles sur les « hand spinners », sortes de toupies manuelles en pleine invasion des cours de récréation. Sceptique sur ces modes souvent dictées par un mercantilisme de bas étage (un hand spinner coûte de 3 à 15 € dans le commerce), j’ai pris conscience du phénomène en croisant trois collégiens à la sortie des cours. Tout en discutant, ils faisaient tournoyer frénétiquement leur petit bidule. Le hand spinner, de virtuel, devenait tout à coup réel sous mes yeux ébahis.
Ces jouets, formés d’un roulement à bille central et de trois branches, sont à la base des objets destinés à certains autistes. Ils agissent comme « un exutoire moteur aux tensions et désirs de mouvement » pour les « enfants et adultes hyperactifs ou ayant des troubles de l’attention et de la concentration. » En le faisant tourner le plus longtemps possible et si possible en équilibre sur un doigt, on apprend, en théorie, « dextérité, agilité, motricité et force cinétique.
Problème, aux USA d’où vient la mode, plusieurs écoles ont interdit le hand spinner et en France certains profs aussi commencent à en avoir ras-le-bol. Car loin de se limiter aux récréations, la toupie virevolte en cours. Résultat les élèves n’écrivent plus, écoutent encore moins et quand le jouet tombe, cela déclenche un brouhaha immédiat. A mon avis, le hand spinner ne présente qu’un avantage : il oblige son utilisateur à choisir entre lui et son portable. Moins d’écran ne peut pas nuire à la jeunesse… 
(Chronique parue le 23 mai en dernière page de l'Indépendant)

lundi 22 mai 2017

Livres de poche : trois balades au cœur des villes américaines



Quatre fillettes mystérieusement disparues, quatre poupées en porcelaine, sosies des enfants, envoyées à leurs parents un mois plus tard. À Crystal Lake, petite ville paisible sous le coup d’un hiver glacial, non loin de Chicago, Joe Lasko est prêt à tout pour retrouver sa fille de quatre ans, Lieserl. Il engage son amour de jeunesse devenue détective privée pour mener leur propre enquête mais, aidés de la célèbre profileuse Hanah Baxter et son inséparable pendule, ils sont loin d’imaginer l’ampleur des secrets liés à ces disparitions. Ce thriller de Sonja Delzongle surfe entre frisson et fantastique. Le nouveau titre de cet auteur française, « Récidive », toujours avec Hannah Baxter en vedette, vient de paraître chez Denoël.
➤ « Quand la neige danse », Folio Policier, 8,20 €


Eté 1915, New Jersey. Constance Kopp est devenue l’une des premières femmes shérifs adjoints du pays. La terreur des voyous et des scélérats, avec arme et menottes… mais toujours sans insigne. L’époque, la loi et l’opinion publique résistent encore à sa nomination. Au point que le shérif se voit contraint de la déchoir provisoirement de ses fonctions. La voilà reléguée gardienne de prison, trépignant dans l’ennui routinier de la cage à poules en attendant que les critiques se tassent. Jusqu’à ce qu’un étrange Allemand, confié à sa garde, ne prenne la poudre d’escampette. Et que Constance ne se lance dans une chasse à l’homme, bien décidée à retrouver son prisonnier enfui et son honneur perdu.
➤ « La femme à l’insigne », inédit, 10/18, 8,40 €


Pendergast est contacté par Percival Lake, un sculpteur à qui on a volé une collection de vins rares. En compagnie de Constance Greene, Pendergast se rend à Exmouth, petit village de pêcheurs situé au nord de Salem, dans le Massachusetts. En examinant la cave pillée, Pendergast découvre, derrière les rayonnages, une niche secrète ayant abrité un corps. Le vol des précieux flacons ne serait donc qu’un leurre destiné à masquer la disparition du squelette. Quelques meurtres plus tard, le héros imaginé par Preston et Child se trouve face à des sabbats d’adorateurs de Lucifer et du démon Morax… Les amateurs des enquêtes de Pendergast peuvent retrouver leur héros préféré dans « Noir Sanctuaire » qui vient de paraître à l’Archipel.
➤ « Mortel sabbat », J’ai Lu, 8 €

De choses et d'autres : la barbe !

La recomposition politique ne présente pas que des avantages. Prenez le nouveau Premier ministre Edouard Philippe, homme de droite passé par le PS, fils spirituel de Juppé, énarque, maire du Havre et… barbu. Ne croyez pas que cet ornement soit anecdotique.
Au contraire, dès le lendemain de sa nomination nombre d’analystes politiques ont relevé ce détail, comme si désormais ses joues plus ou moins velues prenaient autant d’importance que le fond de sa pensée. Signe de virilité assumée pour certains, de paternité bienveillante pour d’autres, ces quelques poils ont beaucoup fait parler d’eux. Jusqu’à dire n’importe quoi sur l’émergence d’une nouvelle génération de décideurs plus au goût du jour, dans le coup. Pas des hipsters ni des métrosexuels, mais des hommes politiques qui se soucient simplement de leur apparence et ne se rasent pas tous les matins minutieusement en pensant au futur poste important qu’ils espèrent conquérir.
La réalité est peut-être moins belle. Edouard Philippe porte la barbe depuis qu’il est devenu maire du Havre en 2010 à la place d’Antoine Rufenach. Pour se vieillir. Il l’a reconnu. Également pour changer de tête. Dans son parti quelques mauvaises langues trouvaient qu’avec sa calvitie naissante et ses joues lisses, il ressemblait de plus en plus à son mentor Alain Juppé. Car malgré ses 46 ans, le Premier ministre a désormais le cheveu rare. Bref, il utilise sa barbe pour détourner les regards de son crâne lisse. Pour l’instant, le subterfuge fonctionne à merveille. 
(Chronique parue le 22 mai en dernière page de l'Indépendant)

dimanche 21 mai 2017

BD : La petite Louve à la manœuvre



Quand Yann, scénariste des Innommables, de Bob Marone ou de Sambre, se lance dans la réinterprétation du monde de Thorgal, il truffe ses récits de références aux légendes et dieux nordiques. Avec Roman Surzhenko (un dessinateur Russe parfait continuateur de la période au trait de Rosinski) il a imaginé la jeunesse de Thorgal et des aventures spécifiques à sa fille, Louve. Cette dernière série est très riche. Déjà le 7e album et peut-être la fin. La petite fille, accompagnée du nain Tjahzi, se rend dans l’entre-deux-mondes pour persuader le serpent Nidhog de l’aider à chasser les Alfes noirs. Une mission impossible dont elle réchappe de justesse. Pour finalement tomber dans griffes du mage Azzalepston. L’intervention d’Aaricia sera-t-elle suffisante ? Comme souvent pour satisfaire les Dieux et obtenir des faveurs de leur part, il faut faire de grands sacrifices…
➤ « Louve » (tome 7), Le Lombard, 12 € 

samedi 20 mai 2017

DVD et blu-ray : Insomnies cauchemardesques avec "Nocturnal animals" de Tom Ford


Les scènes d'ouverture ou les génériques de certains films sont déstabilisants, voire répulsifs. Ne tombez pas dans le panneau des premières minutes de « Nocturnal animals » de Tom Ford avec Amy Adams et Jake Gyllenhall. On découvre avec effroi un happening artistique que l’on peut considérer, au mieux de grotesque, au pire, comme le personnage joué par Amy Adams, de médiocre. Médiocre cet art contemporain exposé par une galeriste qui a réussi. Médiocre comme sa vie privée, entre villa de luxe, personnel pléthorique, mari gravure de mode dans la finance et fille prometteuse. Des symboles de réussite qu’elle rejetait du temps de son premier mariage avec un jeune écrivain. 20 ans plus tard, en plein doute existentiel, elle reçoit le nouveau manuscrit de cet homme qu’elle a toujours aimé. Une histoire violente, de viol et de vengeance, dans laquelle elle se reconnaît.


Film troublant et parfois glauque, cette réalisation de Tom Ford, entre thriller et expérience artistique fait partie de ces œuvres qui provoquent plus de questionnement au sein du public que de réponse. Une noria de pistes, de références et de croisement des situations qui en font une œuvre unique, forte et pleine de ces interrogations existentielles qui, malgré tout, nous font mieux comprendre la vie.
 ➤ « Nocturnal Animals », Universal, 19,99 €