dimanche 7 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Matt ne viendra pas

Catastrophe pour les cœurs d'artichaut des adolescentes pré-pubères : Matt Pokora ne se produira pas à Argelès le 25 juillet. Ainsi qu'à Juan Les Pins et Bayonne, le concert vient d'être annulé.


Bon, perso, ça ne me fait ni chaud ni froid. J'aurais même tendance à me réjouir du non-événement. Sur le site de l'Indep' qui annonce ce regrettable contretemps, Rick émet ce jugement critique : « C'est pas un chanteur, juste un mannequin qui gesticule sur des chansonnettes grotesques. » A moi aussi, le succès de cette gravure de mode sponsorisée par TF1, aux ritournelles dramatiquement débilitantes, m'a toujours paru louche. Et d'espérer que le phénomène (dans tous les sens du terme) soit en phase déclinante. En mon for intérieur, je me persuade que l'annulation ne peut venir que d'une désaffection des réservations.
Ce serait être naïf et croire que la grande entreprise de décervelage de la jeunesse française patiemment fomentée par les médias de masse est sur le point d'échouer. Non, l'explication est tout autre : Matt Pokora ne vient pas à Argelès car la scène de son spectacle est trop grande pour le site. Impossible matériellement de la monter au pied du château de Valmy. Il restera aux fans locales la possibilité de se pâmer d'amour (il paraît que c'est l'effet principal de Matt Pokora auprès de la gent féminine de moins de 14 ans) le 18 juillet à la Fajeolle à Carcassonne.
Quant à moi, je me console en m'abonnant à la page Facebook de « Ceux qui n'aiment pas la musique de Matt Pokora ». Nous ne sommes que 620... Contre plus de deux millions à la page officielle du chanteur.

En bonus vidéo, cette analyse parfaite du dernier clip de Matt Pokora. Habillé pour l'hiver, le jeune homme...

samedi 6 juin 2015

BD - Récits parallèles de Tromelin aux moulins de Don Quichotte

Un dessinateur sur les traces d’esclaves naufragés dans l’Océan indien, un marines américain qui se prend pour Don Quichotte : ces deux albums, le premier de Savoia, le second de Lax explorent la voie de la double narration en parallèle.

En 1761, un navire négrier fait naufrage sur un îlot perdu entre Madagascar et La Réunion. Avec les débris de l’épave, les marin français confectionnent un esquif de secours. Mais il est trop petit pour accueillir à son bord tous les naufragés. 80 esclaves sont abandonnés à leur sort sur l’île de Tromelin qui n’a pas encore de nom. Les rares survivants, une poignée de femmes et un bébé, seront secourus quinze ans plus tard par le chevalier de Tromelin. Cette histoire, caractéristique de la façon étaient traités les esclaves originaires de Madagascar, a failli être totalement oubliée. Au début des années 2000, quelques chercheurs ont monté une expédition pour retrouver les traces archéologiques de ces “
Esclaves oubliés de Tromelin”. Sylvain Savoia, dessinateur de Marzi, a eu la chance de faire partie de cette mission de quelques semaines. Il raconte en dessin cette plongée dans l’adversité. Tromelin, simple base météo, est une bande de sable peuplée de bernard-l’hermite, de fous et parfois de tortues quand elles viennent pondre sur la plage. Une solitude qu’il décrit minutieusement. Un reportage en parallèle avec l’histoire de ces esclaves, obligés de survivre avec rien. Les deux ambiances alternent avec bonheur, donnant encore plus de relief aux recherches de cette dizaine de scientifiques.

Passé et présent s’imbriquent aussi dans “
Un certain Cervantès”, gros roman graphique en noir et blanc signé Lax. Cervantes, Mike de son prénom, est un Américain de base, obligé de s’enrôler dans les marines pour éviter la prison pour culture et consommation de cannabis. En Afghanistan, son blindé saute sur une mine. Une main blessée, il reste de longs mois prisonniers des Talibans. Comme son homonyme, Miguel de Cervantès, capturé par les Arabes en 1571. L’Espagnol, de retour au pays, imagine Don Quichotte. Le soldat américain lui aussi retrouve enfin la terre de ses ancêtres. Une main en moins et une sourde révolte enfouie au plus profond de son être. Lax raconte comment cet écorché vif va complètement dérailler et se prendre pour Don Quichotte. Il va tenter d’aider un clandestin, puis détruire le matériel de propagande d’une société immobilière qui fait son beurre sur les faillites des subprimes. Il ira se cacher dans une réserve indienne avant de s’attaquer à un télévangéliste, symbole de la nouvelle inquisition. Ce long récit (200 pages dessinées au lavis), un peu désenchanté, mais plein d’espoir quand même, non seulement nous apprend beaucoup sur la crise sociale aux USA, mais également sur l’existence mouvementée de ce grand visionnaire que fut Miguel de Cervantès.

Les esclaves oubliés de Tromelin”, Dupuis, 20,50 euros

Un certain Cervantes”, Futuropolis, 26 euros

vendredi 5 juin 2015

BD - Les Malraux, aventuriers


André Malraux, immense figure culturelle française, doit beaucoup à sa première épouse, Clara. Née Goldschmidt, la jeune femme d'origine allemande, riche et cultivée, travaille en 1920 comme traductrice de la revue d'avant-garde Action. C'est dans ce cadre qu'elle rencontre André, jeune lettré bourré de talent et ambitieux. Ils s'aiment, se marient mais se promettent de rester indépendants et de divorcer. 
André se révèle rapidement très misogyne. En public, il ne supporte pas que sa femme donne son avis ou participe à des discussions intellectuelles. Clara semble étouffer, mais son amour et son admiration sont plus forts. Dans ce roman graphique en noir et blanc, adapté par Virginie Greiner et dessiné par Daphné Collignon, on suit le couple au Cambodge. Ruiné après de mauvais placements, il décide, sous couvert d'une mission archéologique, de dérober des bas-reliefs d'un temple Khmer pour les revendre à de riches collectionneurs américains. Démasqués, les Malraux seront jugés. 
Directement tirée des mémoires de Clara, cette histoire montre une femme éprise de liberté mais encore très dépendante d'un homme intelligent à l'attitude encore dramatiquement inégalitaire avec les femmes, notamment la sienne.

jeudi 4 juin 2015

BD - Trois femmes à la dérive


Remarquable roman graphique d'une femme sur les femmes, « Comment naissent les araignées » transporte le lecteur dans une Amérique encore marquée par les inégalités sociales et raciales. Pour sa première œuvre en solo, Marion Laurent croque le portrait de trois femmes que le destin va se faire rencontrer. Alice, blonde de 16 ans, trop couvée par sa mère, cherche l'amour. Sa propre personnalité aussi. Isadora est une clocharde alcoolique. Elle se noie dans le gin comme pour oublier ce qu'elle a été autrefois. Billie est Noire. Fervente catholique. Mais amoureuse d'un Blanc, ce que son frère n'accepte pas. 
Un drôle de trio, en rupture de ban, dans la même galère à la recherche d'un ailleurs. Dans une voiture d'emprunt, elles partent vers le Sud. Alice pour retrouver l'homme qu'elle croit aimer, Isadora son passé, Billie pour oublier sa famille. Elles vont parler, se comprendre, se disputer, s'aider et retrouver un sens à leurs vies. D'une grande sensibilité, ces trois portraits se complètent avec celui de Dwight, le chevalier servant d'Alice, mystérieux et encore plus marqué par les coups du sort.

« Comment naissent les araignées », Casterman, 23 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - Éloge du trou

Présentée comme une « percée scientifique » par le magazine « Sciences et avenir », des chercheurs viennent de résoudre l'énigme de la formation des trous dans les fromages, notamment l'Emmental suisse. C'est vrai ça, d'où viennent-ils ces trous ? Gamin, j'ai d'abord pensé que ces creux étaient rajoutés après la coupe. Juste pour enlever un peu de matière. Plus tard, j'ai compris que ces sphères parfaites se formaient à l'intérieur des grosses meules. Peut-être en les perçant à l'aide de fines pailles et en soufflant une bulle d'air. Explications idiotes pour un mystère complet. Jusqu'à la découverte de la semaine dernière.

En passant une meule au crible durant sa maturation, l'Institut des sciences en denrées alimentaires basé à Berne a mis en évidence l'action de petites particules de foin. Microscopiques, une fois dans le fromage, elles fermentent et dégagent du gaz qui repousse la pâte. Une explication d'autant plus crédible que les producteurs ont constaté que leurs fromages présentaient beaucoup moins de trous depuis que les vaches ne sont plus traites à la main mais par des machines dans des étables mieux isolées. Résultat, on croit acheter du fromage et on se retrouve avec des trous causés par du foin. Sacrée tromperie sur la marchandise.
Reste maintenant aux chercheurs à se pencher sur le fameux paradoxe du fromage à trous, syllogisme imparable et très déstabilisant : « Plus il y a de fromage, plus il y a de trous ; or plus il y a de trous, moins il y a de fromage ; donc plus il y a de fromage, moins il y a de fromage. »

mercredi 3 juin 2015

BD - Retour en Arménie

Récemment, l'Arménie a célébré le centenaire du début du génocide par la Turquie. De très nombreux chefs d'État, dont François Hollande, étaient présents à Erevan. Pour mieux comprendre cette tragique page de l'histoire européenne, ce reportage dessiné est essentiel. Laure Marchand et Guillaume Perrier sont deux journalistes spécialistes de l'Arménie. Ils ont longtemps vécu à Istanbul et dans cet album dessiné par Thomas Azuélos, ils retracent le voyage de Christian Varoujan Arin, un militant français de la cause arménienne. Installé à Marseille, il n'a jamais osé retourner sur la terre de ses ancêtres. 
Ce périple, sur les traces de son passé, donne la parole à ceux qui sont restés en Turquie. Les descendants des hommes et femmes qui ont participé au massacre racontent leur malaise. Varoujan rencontre aussi les petits-fils des rares survivants, obligés de se convertir à l'Islam, en train de redécouvrir leurs origines malgré la chape de plomb que l'état turc veut toujours maintenir sur ces événements. Entre espoir et douleur, un voyage qui ne peut laisser indifférent.

« Le fantôme arménien », Futuropolis, 19 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'amour à la ferraille


Des milliers de cœurs brisés. A Paris, ville lumière, une flopée d'amoureux se sont réveillés hier matin le palpitant pantelant au moment même où le Pont des Arts s'allégeait de 45 tonnes. 45 tonnes d'amour fou, symbolisés par les cadenas fixés aux parapets de l'ouvrage. Touristes ou autochtones, pour prouver leur amour, entrelaçaient deux cadenas, accrochaient l'ensemble au parapet avant de jeter les clés dans la Seine. Une superstition un peu stupide (pléonasme...), mercantile et surtout de plus en plus dangereuse. Le poids de ces amours éternelles, loin d'être négligeable, fragilisait les rambardes voire l'ensemble de l'ouvrage d'art.
Exit donc les cadenas. Une entreprise spécialisée a découpé les anciennes balustrades et récupéré l'ensemble avant la pose prochaine de nouveaux panneaux... en verre. Pour donner un vernis culturel à cette décision éminemment politique, quatre graffeurs ont obtenu carte blanche, histoire d'oublier les tendres verrouillages. De l'art encore, pour la ferraille récupérée. Plutôt que de la vendre au poids, la mairie de Paris conçoit le projet de fondre l'ensemble et de transformer le tout en une œuvre d'art monumentale. Qui symbolisera, à n'en pas douter, la plus grosse orgie de l'Histoire de l'Humanité.
Hier à Paris il y avait les pour et les contre l'interdiction des cadenas. Dans le premier camp les rares poissons de la Seine, pas mécontents de ne plus recevoir de clés sur la tête. Dans le second les bouquinistes, par ailleurs principaux « dealers » de cadenas à proximité du pont. A 8 euros pièce, le romantisme s'avérait fort lucratif.

mardi 2 juin 2015

Cinéma - Méandres amoureux à trois dans "L'Ombre des femmes" de Philippe Garrel

Le vaudeville (la femme, le mari, la maîtresse) n’a rien de comique dans sa version « L’ombre des femmes », film grave et austère de Philippe Garrel.


Tourné en noir et blanc dans un Paris très années 60, le nouveau film de Philippe Garrel poursuit son exploration des sentiments amoureux de trentenaires en plein doute existentiel. Le triangle parfait, un homme et deux femmes, selon les règles très établies du genre. Comme si rien n’avait jamais évolué depuis les coucheries de Feydeau. La vie de couple avec ses bas, « Je te déteste », et ses hauts, « Tu es la femme de ma vie ». Un éternel recommencement.
Les premières images du film font penser à ces films sociaux très à la mode en ce mois de mai comme La tête haute ou La loi du marché. Plongée vers la misère. Dans un appartement presque insalubre, le propriétaire annonce à sa locataire que si elle ne paie pas le loyer dans deux jours, il la met à la porte. Cinq minutes de réalité vite oubliées, Philippe Garrel revient à ses fondamentaux : les mystères de l’esprit. Manon (Clotilde Courau) vit avec Pierre (Stanislas Merhar). Ce dernier est cinéaste. Réalisateur de documentaires exactement. Manon l’assiste en tant que scripte et monteuse. Ils ne vivent pas de leur art. Quelques petits boulots (surveillante d’une cantine et manœuvre sur des chantiers) permettent de payer ce satané loyer.
Pierre, particulièrement taciturne, à la limite de la dépression, retrouve le sourire quand il croise la route d’une jeune stagiaire aux archives de l’armée française. Élisabeth (Lena Paugam) succombe instantanément au charme de ce blond ténébreux. Une fois cette base établie, on se demande où veut nous mener le réalisateur. Pas très loin en fait. Du moins pas dans l’exceptionnel.

Tous jaloux...
La maîtresse est plus jalouse que la femme. Le mari n’arrive pas à choisir entre la sûreté et le futile. La femme trompée termine elle aussi dans le lit d’un autre. Le tout dans un Paris irréel, caricature d’un milieu bobo qui ne fait plus rêver personne. La situation intenable ne peut plus durer. Nouvelles péripéties en vue. Convenues, trop convenues.
Ce type de film d’auteur à l’image léchée est souvent sauvé par la prestation des acteurs, habités par des rôles taillés sur mesure à leur ego. Mais Clotilde Courau en fait parfois un peu trop, Stanislas Merhar devient rapidement une tête à claque, beau gosse intelligent mais qui a un vieux fond de machisme rance. Seule Lena Paugam, jeune actrice dont c’est le premier rôle important, s’en tire avec brio, tout en simplicité, passion et beauté.
Vite tourné (21 jours), vite oublié, L’ombre des femmes n’entrera pas au Panthéon du cinéma. Mais sera certainement une pierre essentielle dans la compréhension de l’œuvre complète de Philippe Garrel, cinéaste atypique, encore une anomalie temporelle tant ses réalisations semblent s’intégrer dans le mouvement de la nouvelle vague.

DE CHOSES ET D'AUTRES - BHL, tête à tartes

Certains se font traiter de têtes à claques, d'autres attirent les tartes telle la peau blanche du vacancier fraîchement débarqué les moustiques. Bernard-Henry Levy n'aurait pas dû se rendre en Belgique samedi. Le plat pays est le royaume du Gloupier, petit nom de Noël Godin plus connu sous le sobriquet de l'Entarteur.

BHL incarne la cible parfaite. Godin ne semble pas s'en lasser tant il a déjà barbouillé une dizaine de fois de crème chantilly la mèche folle du professionnel de l'indignation. Aidé de quelques jeunes disciples (le Gloupier n'a plus la dextérité et la rapidité des années 80), il a de nouveau entarté le philosophe en chemise blanche.

Un happening filmé, comme d'habitude, où on remarque surtout les crochets et autres directs généreusement distribués par les gardes du corps de l'invité de prestige d'un débat organisé dans une église de Namur. Certes, la violence vient d'abord du Gloupier.
Je le suspecte, sous couvert de tarte à la crème, de vouloir surtout appuyer son geste pour au passage filer une bonne torgnole à la victime. Entre tête à claques et tête à tartes, la frontière est ténue (l'épaisseur de la pâte). Quant à la motivation politique de Godin - venger son ami Siné accusé d'antisémitisme par BHL - elle semble peu convaincante. À vrai dire, ces histoires de tarte à la crème ont été popularisées par les clowns. Et avec ses postures et ses chemises immaculées, même involontairement, BHL a tout de l'amuseur public.
A sa prochaine sortie dans le monde, l'entarteur espère que ce presque clown blanc s'affublera d'un nez rouge : plus facile à viser.

lundi 1 juin 2015

BD - Benoît Brisefer en Afrique


Depuis la mort de Peyo, tous ses personnages ont retrouvé une seconde jeunesse sous la houlette de son studio. Beaucoup de Schtroumpfs, quelques Johan et Pirlouit et malheureusement de trop rares Benoît Brisefer. Plus de dix ans après le 13e titre de la série, place au 14e qui se déroule en grande partie en Afrique noire, celle qui ressemble tant aux anciennes colonies belges. Au scénario, comme d'habitude, Thierry Culliford (fils de Peyo) reprend quelques personnages imaginés par son père. Le dessin de Pascal Garray est classique, même s'il manque ce minimum de personnalité qui a permis à Walthéry de supporter la comparaison avec son maître. 
Benoît est en vacances. Il s'ennuie. Par chance, son ami chauffeur de taxi gagne un voyage en Afrique. Un safari au Mulundi, petit pays célèbre pour sa faune sauvage. Benoît sera du voyage. Dans l'avion il tombe sur Tonton Placide, le musculeux garde du corps chargé de la sécurité du président. Dans la savane et la forêt, ils croiseront la route du mystérieux gorille blanc. Ainsi que celle de braconniers
Simple et amusante, cette aventure de 52 pages pourrait relancer cette série injustement oubliée.
« Benoît Brisefer » (tome 14), Le Lombard, 10,60 €