vendredi 10 octobre 2014

BD : Infirmière familiale


duvivier, giroud, lapière, secrets, dupuis
L'album débute par une randonnée dans les Pyrénées espagnoles. La femme est prise de violents maux de tête. Elle explique à son compagnon qu'elle fait une rupture d'anévrisme. Les secours interviennent elle est évacuée vers l'hôpital de Perpignan puis héliportée à Montpellier pour une longue opération de huit heures. Au réveil, elle se souvient de ses frères et sœurs, de ses parents et de cette vie si dense mais aussi si compliquée. La femme, c'est Marianne Duvivier, la dessinatrice de cet album de la série « Secrets ». L'idée de cette autobiographie dessinée, scénarisée par Denis Lapière, est venue d'une discussion avec le scénariste Frank Giroud. Giroud et Duvivier ont raconté en plusieurs albums des secrets de familles imaginaires. Cet album, qui clôt la collection (une vingtaine d'albums au total), s'articule aussi autour d'un secret. Comme si la réalité rejoignait la fiction. Marianne Duvivier se remémore sa jeunesse, son père absent accaparé par ses activités de militant politique de gauche impliqué dans l'indépendance du Congo, ses sœurs, malades la transformant en infirmière familiale, et mortes tragiquement, sa mère si malheureuse, victime consentante. Et puis aussi sa découverte de la bande dessinée, l'opportunité d'en faire un métier épanouissant. Jusqu'à ce gros pépin de santé et la réalisation de ce roman graphique de 100 pages, noir sur le fond, lumineux par ses couleurs et le message final d'une famille réunie et apaisée.
« Secrets, heureuse vie, heureux combats », Dupuis, 19 €


jeudi 9 octobre 2014

BD : Superhéros enfantin


voleur vert, intrépide, comics, marcus, guérin, lapeyre, ankama
Qui n'a pas essayé, en étant enfant, de se lancer dans la réalisation d'une bande dessinée. Marcus, l'animateur d'émissions sur les jeux vidéo diffusées sur plusieurs chaînes de télé, a imaginé le personnage de l'Intrépide du haut de ses dix ans. Un super héros aux prises avec un super méchant, le Voleur Vert. Quatre pages inachevées qu'il a osé ressortir du grenier pour en parler à ses fans. Résultat l'Intrépide a une seconde chance près de 30 ans plus tard. Toujours sous la supervision de papy Marcus, Rémi Guérin écrit un nouveau scénario et confie le dessin à son complice de toujours Guillaume Lapeyre (ils ont déjà City Hall à leur actif). Le héros va traverser le temps, quittant dans un premier temps ses années 70 pour l'époque actuelle. Un combat avec le Voleur Vert et le voilà propulsé à l'époque des dinosaures. Cela ne vole pas très haut (contrairement à l'Intrépide...), mais l'humour très présent sauve l'entreprise encore un peu enfantine.

« L'intrépide » (tome 1), Ankama, 13,90 €

BD : La vengeance du cocu


rabaté, lingue sale, province, vents d'ouest
Pascal Rabaté aime les petites gens. Il n'a pas son pareil pour raconter des histoires anodines et pourtant passionnantes. Il écrit dessine, réalise... Un homme à tout faire qui regorge de projet, de récits, d'épopées. Le scénario du « Linge sale » il aurait pu le dessiner mais il a préféré confier la création graphique de ce cocu magnifique à Gnaedig. Le cocu c'est Pierre Martino. Ce gentil mari, quand il découvre sa Lucette dans les bras de Verron, pète les plombs. Il va chercher un fusil, s'engouffre dans la chambre d'hôtel adultère et tire sur le couple enlacé. Pas de chance, il s'est trompé de porte. Dans sa fuite il blesse un gendarme. 20 ans plus tard, il sort de la Santé et reprend son histoire là où il l'avait laissé. Mais entre temps Lucette s'est mariée avec Verron, a eu des enfants, qui eux même sont en couple... Pas grave pour Martino, il dégommera tout le monde ! Excellent de la première à la dernière page.

« Le linge sale », Vents d'Ouest, 19,50 €

mercredi 8 octobre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Petits trains en direct

sncf
Rien de tel pour une entreprise à l'image de marque un peu poussiéreuse de communiquer sur un gadget cool et moderne. Prenez la SNCF, moquée dans le meilleur des cas pour ses grèves et retards récurrents, dans le pire ses catastrophes à cause d'aiguillage défaillant.
Depuis hier, ils ont mis en ligne sur leur site la carte interactive de géolocalisation des trains en temps réels. Une sorte de GPS global pour tous les utilisateurs du réseau. Si vous êtes à bord du train, vous pouvez déterminer où vous vous trouvez exactement. Si vous attendez en gare, vous aurez une idée du retard éventuel à la minute près. Et depuis chez vous, vous ne pouvez vous empêcher d'admirer, sur une jolie carte de France, tous ces points voyageurs. Chaque train est identifié par son numéro, son type et le trajet. Ces précisions permettent de constater la différence entre la vitesse d'un TER, arrêt à toutes les gares, et celle d'un TGV, bolide lancé jusqu'à sa destination finale. Le terme "à deux vitesses" n'a jamais été utilisé à meilleur escient. Quand l'un donne l'impression de faire du surplace, l'autre avale les kilomètres tel un pacman affamé.
À mon grand regret, je n'ai jamais eu de train électrique dans mon enfance. Aujourd'hui, grâce à cette application, non seulement j'ai l'impression d'être un chef de gare, mais en plus c'est le trafic de toute la France que je supervise. Sur ce je vous laisse : le TGV 6233 Paris - Perpignan est arrêté en gare de Montpellier depuis plus de cinq minutes. Pas normal. Je vais sur le champ m'enquérir de la raison auprès de la SNCF.

DVD : Brigitte Bardot, cinq films éclectiques

bardot, BB, studiocanalBrigitte Bardot vient de fêter ses 80 ans. La fantastique actrice a délaissé depuis des décennies les plateaux. Sa vie l'a mené ailleurs. Près de ses animaux de compagnie, loin des hommes. La vieille dame aux positions politiques parfois extrêmes ne doit pas faire oublier la comédienne qui a marqué des générations. Pour ceux qui ne la connaissent pas ou ceux qui voudraient la redécouvrir, Studiocanal propose un coffret de 5 films pour bien prendre conscience de l'étendue du talent de la jolie blonde. De la comédie « Cette sacrée gamine » au drame « Le mépris » en passant par le sulfureux « Repos du guerrier » ou tout simplement le western dans « Shalako ». Dans ce dernier film, certainement pas le meilleur de sa carrière, elle interprète le rôle d'une noble Européenne venue chasser dans l'ouest américain. Une fine gâchette qui tue dans les premières images un puma puis quelques coyotes, avec une joie non dissimulée. Des images qui plairont aux détracteurs de la passionaria de la cause animale. Mais ce n'est que du cinéma, un rôle, forcément de composition... Elle partage la vedette de Shalako avec Sean Connery, vedette mondiale surtout connue à l'époque pour son interprétations d'un certain Bond, James Bond...

« Coffret Brigitte Bardot, 5 DVD », Studiocanal, 29,99 euros.  

DE CHOSES ET D'AUTRES : Pierre, papier, ciseaux

spock, sheldon, jeu, investissement
Entendu fugitivement hier matin à une radio du service public, une publicité destinée à vanter les mérites de l'investissement dans la pierre-papier. Peu habitué aux arcanes de la finance, je ne saisis pas tout de suite qu'il est question de gros sous.
Pour moi, grand gamin devant l'éternel, pierre et papier riment forcément avec ciseaux. Ce jeu, parfait pour tout comprendre des statistiques et du hasard, reste la meilleure façon, rapidement et sans contestation possible, de désigner un gagnant (ou un perdant lorsqu'il s'agit d'une corvée).
Il existe aussi une version plus élaborée pour les geeks, popularisée par Sheldon dans "The Big Bang Theory" : pierre, papier, ciseaux, lézard, Spock.

Dans l'annonce écoutée hier, il n'était question que de pierre et de papier. En gros, la belle voix mâle d'un investisseur avisé nous conseille de choisir les sociétés civiles de placement immobilier. Si vous ne disposez que de quelques milliers d'euros, plutôt que d'acheter un garage dans un village de 300 âmes à 25 kilomètres du premier centre urbain, vous feriez mieux d'acquérir une part de ces fameuses pierre-papier. Soit quelques mètres carrés d'un bureau loué à prix d'or à des entreprises en plein développement.
Enfin, en théorie... Dans la réalité française d'aujourd'hui, on constate beaucoup plus de bureaux vides que d'open-spaces grouillants d'animation. La publicité a beau être alléchante, les faits sont têtus. Et même si dans le jeu le papier l'emporte sur la pierre, dans la vraie vie (celle où l'on traîne dettes et hypothèques), une propriété en pierres sera toujours plus rassurante que quelques parts en papier d'une société virtuelle.

mardi 7 octobre 2014

BD : Mutins des tranchées

poilus, guerre, dorison, herzet, babouche, lombard
En 1917, cela fait déjà trois ans que les soldats français se font trouer la peau dans les tranchées. Le moral des troupes est au plus bas. Les gradés, bien au chaud à l'arrière, se moquent du désespoir grandissant des Poilus. La révolte gronde. Elle prend la forme d'une pétition. Un texte pour que le peuple connaisse la réalité du front. Cette histoire, en partie authentique, est écrite par Dorison et Herzet, deux des plus brillants jeunes scénaristes actuels. Le premier a Long John Silver ou WEST à son actif, le second s'est révélé dans La branche Lincoln. Pour dessiner cette histoire entre cavale dans la campagne bucolique et scènes d'horreur sous les obus, ils ont fait confiance à Cédric Babouche. C'est son premier album, mais c'est déjà un grand professionnel. Passé par l'école d'art Olivier de Serres à Paris, il est professeur de BD et d'animation à l'école Émile Cohl. Ses illustrations en couleurs directes, un peu impressionnistes, apportent beaucoup à l'ambiance du récit.

« Le chant du cygne » (tome 1), Le Lombard, 14,99 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Retraite dorée

 Les hommes politiques aussi jouent au loto. Comme dans la vraie vie, très peu acquièrent le statut de gagnant. Généralement ils sont désignés tous les trois ans au cours d'une loterie connue sous le nom d'élections sénatoriales. La semaine dernière, 178 gros lots se retrouvaient mis en jeu.
Certes je noircis sans doute le tableau, mais un mandat de sénateur ressemble un peu à des vacances tous frais payés tombées du ciel. Du Sénat, a toujours émané des relents de maison de retraite de luxe pour vieux messieurs incapables de décrocher de leur addiction au pouvoir. Longue période de sevrage de six ans au cours de laquelle l'élu croit légiférer alors qu'au final, tout ce qu'il vote est retoqué par l'Assemblée nationale. Il garde cependant les ors du Palais du Luxembourg, les huissiers en livrée et les avantages matériels multiples et variés.
Sans oublier la fameuse "immunité", elle tombe souvent à pic pour certains élus acculés de toutes parts. Tout cela sent le cliché à plein nez, me direz-vous. Que la gérontocratie du Sénat vaut n'importe quel conseil municipal. Que les jeunes aussi ont leur chance. Les jeunes, parlons-en. Lors de la dernière élection le record a été battu. Un sénateur de 26 ans seulement. Quelle bouffée d'air pur... s'il ne s'était agi de l'un des deux représentants du Front national.
Sans compter que David Rachline, le fameux jeune, a été nommé secrétaire de séance lors de l'élection du président. Chauve et joufflu, il était parfait pour le rôle. Il semble plus près de la cinquantaine que de la trentaine...

lundi 6 octobre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Mots mutants

Certes, la langue française est l'une des plus figées qui soit, elle permet néanmoins quelques fantaisies au gré des modes. De branchitude à zlataner, vous trouverez plus de 200 néologismes dans la nouvelle édition remastérisée du "Dico des mots qui n'existent pas et qu'on utilise quand même" éditée dans la collection Humour de Bibliomnibus.
Nombre de ces nouveautés récentes proviennent en droite ligne de l'esprit tordu des geeks, jamais en reste question inventions. Il est ainsi possible de pédéhéfier un document, soit le convertir au format PDF. Le sexto, comme on s'en doute, est un texto à caractère sexuel.
Le verbe plussoyer, selon les deux auteurs Olivier Talon et Gilles Vervish, est la traduction du "+1" popularisé par les premiers utilisateurs d'internet pour exprimer leur accord (ancêtre du "j'aime").
On trouve aussi dans ce dico le mot dilemne, "situation dans laquelle on est tellement tiraillé entre deux options contradictoires qu'on en oublie comment le mot décrivant cette situation s'écrit réellement". En français, correct, seul dilemme existe...
Enfin saluons, page 118 de ce livre - 9 euros seulement- la microcochliarmaphilie, une invention apparue pour la première fois dans l'Indépendant en août 2012 à la rubrique locale de Coursan. Il y est question de collectionneurs de petites cuillères. Petite devient micro, cuillère en grec se dit cochlear et collection, philie (soit intérêt, amour de). Le seul problème réside dans le "ma" placé au milieu et dont les auteurs n'ont trouvé à ce jour, aucune explication étymologiquement possible...

Livre : L'étrange trio du cinéma français

Jean-Pierre Rassam, producteur, Claude Berri, acteur, réalisateur et producteur, Maurice Pialat, réalisateur. Trois hommes autour d'une table de poker, trois génies du 7e art.

rassam, berri, pialat, donner, grassetLe cinéma est friand de grandes et belles histoires. Avec si possible des personnages forts pour les porter. La littérature aussi. Christophe Donner, écrivain passionné de cinéma, a tout mélangé pour signer un roman détonnant dans cette rentrée littéraire parfois trop spirituelle. Sous le titre improbable de « Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive », citation attribuée à Orson Welles au festival de Cannes en mai 68, il raconte la trajectoire fulgurante de Jean-Pierre Rassam, fils de millionnaire devenu producteur de cinéma par défi et ennui. Il croise la première fois les routes de Claude Berri et de Maurice Pialat autour d'une table de jeu. L'argent n'est pas un problème pour le descendant d'un de ces nababs des pétrodollars. Au cours de cette partie mémorable, Claude Berri perd. Comme il n'a pas d'argent, il met en jeu son oscar obtenu quelques mois plus tôt pour son court-métrage « Le Poulet ». Rassam l'emporte. Mais Berri ressort heureux. Il vient de rencontrer Anne-Marie, la sœur de Rassam. Ils tombent fou amoureux l'un de l'autre. Cela compense l'attitude narquoise de Pialat qui vient de lui annoncer qu'il couche avec Arlette, la sœur de Berri.
Ces trois hommes sont donc liés par le cinéma, mais aussi la famille, devenant tous plus ou moins beaux-frères les uns des autres. Christophe Donner, une fois planté le cadre des relations de ce trio qui a bousculé le cinéma français, peut parsemer son récit d'anecdotes sur la création de quelques chefs-d'œuvres entrés au panthéon du cinéma.

Des films de légende
Claude Berri est le premier à remporter un succès populaire d'ampleur avec « Le vieil homme et l'enfant ». Il raconte sa jeunesse, quand, petit juif, en pleine occupation allemande, il est recueilli et caché par un vieux Français (Michel Simon) profondément antisémite. Pialat ne cache pas sa jalousie. Plus âgé, persuadé d'être beaucoup plus talentueux, il n'a pas encore fait de film important. Rassam, plus pour embêter Berri que pour gagner de l'argent, produit « Nous ne vieilliront pas ensemble ». Le drame avec Jean Yanne et Marlène Jobert dépasse le million d'entrées. Pialat est lancé. Rassam, en trois ans a déjà produit quantité de succès au box-office. Notamment le film scandale de Marco Ferreri, « La grande Bouffe » sur lequel il est régulièrement intervenu.
La fin du roman se consacre essentiellement au parcours de Jean-Pierre Rassam. Sa rencontre avec Jean Yanne et sa décision de le financer. Quelques années magiques où tout ce qu'il lance réussi. C'est beaucoup plus laborieux pour Claude Berri qui s'obstine à raconter sa vie, se donnant toujours le premier rôle malgré un jeu limité.
Truffé de moments de bravoure comme le sauvetage des enfants de Milos Forman dans Prague assiégée par les chars russes ou les repérages de Godard dans les camps d'entraînements palestiniens, le roman prend des airs de reportage. Mais comme au cinéma, il ne faut pas toujours croire que tout est vrai. Les trucages et effets spéciaux ne sont pas une invention du IIIe millénaire. Mentir, ou du moins enjoliver la réalité, reste avant tout un acte de pure création.

« Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive » de Christophe Donner, Grasset, 19,50 €