mercredi 12 juin 2013

Billet - Se comparer à Liliane Bettencourt

Rien de tel qu'un bon comparateur pour vous plomber la journée. Prenez par exemple le « Convertisseur de revenus en unités Liliane Bettencourt ». Il sert à démontrer le peu de conséquence d'une taxe à 75 %. Edifiant.
Première opération, vous indiquez votre salaire annuel. Si l'on part sur un chiffre médian de 25 000 euros, le comparateur vous fait très vite comprendre que vous gagnez pipi de chat. Vous avez pitié de Liliane et demandez au début de calculer sans l'imposition à 75 %. Vous découvrez alors qu'elle gagne votre salaire annuel en 47 minutes.
Dans l'autre sens, pour atteindre son revenu annuel il vous faudra trimer 11 200 ans.
Vous vous dites alors que quelques impôts réduiront ces écarts. 75 % semblent beaucoup, mais une fois taxée à ce seuil considéré comme confiscatoire, Liliane Bettencourt met à peine trois heures pour engranger autant que vous en un an. L'épargne est une solution pour devenir plus riche. Mais pour atteindre sa fortune, vous auriez dû mettre tout votre salaire de côté depuis l'an 737 988 avant J-C, soit à l'époque de la découverte du feu.
J'ai effectué quelques règles de trois et si Liliane écrivait cette chronique, vu le temps passé, elle serait payée 30 000 euros l'unité. Il ne me reste plus qu'à cartonner à l'Euromillions ce soir (115 millions en jeu). J'ai tenté de savoir si l'écart se réduit et inscrit ce chiffre dans mes revenus annuels. Le comparateur, très sceptique, me répond : « Liliane, tu n'as pas le droit de jouer ! »

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant.

BD - Deux aviateurs amoureux dans le Vent des Cimes


Inspirée par l'expérience du pilote Henri Guillaumet qui s'écrasa dans les Andes dans les années 30, ce roman graphique écrit par Perrissin et dessiné par Buche vous fera vibrer. Jack Rouault est un des meilleurs éléments de l'Aéropostale. Il amène les sacs de courrier de Santiago à Buenos Aires. 
En pleine tempête, il se crache dans un paysage de désolation glacée. Jack était attendu par sa fiancée, Rachel. Ancienne aviatrice, enceinte, elle va reprendre les airs pour se lancer à la recherche de son amour. Un romantisme assumé par les auteurs, qui n'en font cependant pas trop.

« Le vent des cimes », Glénat, 25,50 euros

mardi 11 juin 2013

BD - Margaux Motin, mère moderne

La BD aussi a ses stars. Des filles qui n'ont rien à envier à Madonna ou Lady Gaga. Pénélope Bagieu a ouvert la brèche, Margaux Motin a surenchérit. Dessinatrice adepte de l'autofiction, Margaux Motin a d'abord conquis ses lecteurs sur son blog. Puis dans les magazines féminins. Aujourd'hui elle se retrouve en tête des ventes avec un gros recueil intitulé « La tectonique des plaques ». Elle y raconte sa vie de femme abandonnée, d'amoureuse, de mère un peu fofolle. Des scènes plus ou moins longues, parfois hilarantes, mais avec une bonne dose de bons gros sentiments, notamment quand intervient sa fille, adorable Poupette fascinée par une maman qui de fait rien comme les autres.

« La tectonique des plaques », Delcourt Tapas, 22,95 euros

lundi 10 juin 2013

Billet - Snapchat, Path, Social Number : les nouveaux réseaux sociaux

La nouvelle mode sur internet, notamment chez les jeunes, consiste à tester les nouveaux réseaux sociaux, rejetons de Facebook et Twitter. Ces deux mastodontes souffrent de plus en plus de leur gigantisme.
Côté photo, Snapchat décroche la palme du succès. Cette application pour smartphone permet d'envoyer des photos à  tous ses amis. Différence conséquente : la durée de vie de la photo. Elle « n'existe » que d'une à dix secondes une fois réceptionnée. Un peu comme les messages de Mission impossible, elle s'autodétruit une fois visionnée. L'idée géniale vient de trois étudiants de Stanford. Ils la transforment en application dans le cadre de leur mémoire de fin d'études. Brevet déposé, start-up lancée : l'entreprise pèse aujourd'hui plus de 60 millions de dollars.
Le succès de Snapchat chez les jeunes tient du domaine de la transgression de l'interdit. Grimaçants ou dénudés, filles et garçons osent envoyer le cliché, aucun risque qu'il ne se balade sur le net. Toutes les audaces sont permises avec Snatchat. Et si par malheur un de vos correspondants parvient à faire une capture écran, vous l'apprenez dans la seconde. 
L'autre réseau en pleine expansion s'appelle Path. Très comparable à Facebook, vous ne pourrez cependant jamais y dépasser les 150 « amis »... Avant d'accepter une demande (ou d'en envoyer une) réfléchissez bien.
A l'inverse, Social Number permet le summum de l'anonymat. Chaque profil se réduit à un numéro et la liberté de parole est totale ! Dérives en vue ?

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce lundi en dernière page de l'Indépendant

BD - Les jolis souvenirs d'Ardalèn de Miguelanxo Prado


Une méduse flottant dans une cuisine, des baleines surgissant de l'orée de la forêt, une fée et son coquillage, un naufragé... Miguelanxo Prado a vu très grand dans son dernier roman graphique. Plus de 250 pages en couleurs directes, fourmillant de détails et d'invention. Un long poème sur les souvenirs et la transmission.
Sabela, une jeune femme en plein doute privé et professionnel, se rend dans un petit village de Galice. Elle cherche des traces de son grand-père, disparu dans les années 30. Il aurait rejoint Cuba. Seule piste, Fidel, surnommé le Naufragé. Lui aussi est passé par Cuba. Aujourd'hui c'est un vieil homme seul avec ses fantômes. Sabela et Fidel vont s'apprivoiser, se comprendre, s'aider.
Beau et émouvant.

« Ardalén », Casterman, 24 euros

dimanche 9 juin 2013

BD - Epuration expéditive dans les mystères de la IVe République


Trois séries distinctes, un seul scénariste et un thème : les mystères de la république. Philippe Richelle (Les coulisses du Pouvoir, Secrets bancaires...) se lance dans ce projet sous-titré « Liberté, impunité, criminalité ». IIIe, IVe et Ve république passent au scanner du scénariste spécialiste en affaires troubles. Des ligues d'extrême-droite aux événements d'Algérie en passant par l'épuration d'après-guerre, il lève le voile sur des pratiques cachées d'un Etat trop souvent au-dessus de ses propres lois. 
Dans « Les résistants de septembre », dessiné par Buscaglia, le commissaire Coste, à Marseille, enquête sur la découverte d'un charnier dans une petite commune rurale du Lubéron. Plusieurs corps, appartenant à des résistants ou des collaborateurs, mélangés dans la mort. Coste, malgré les pressions de ses supérieurs, va tenter de comprendre comment des hommes et des femmes ont pu être massacrés, et par qui. Passionnant, très bien documenté et rapide, les seconds tomes des trois séries paraîtront en septembre.

« Les mystères de la République », Glénat, 13,90 €

samedi 8 juin 2013

BD - "Cutting Edge", l'avant-garde


Les meilleurs. Une compagnie financière aux moyens illimités décide de recruter les meilleurs éléments de différents spécialités pour leur confier des missions à haut risque.
Le premier tome de cette série écrite par Francesco Dimitri et dessinée par Mario Alberti débute par la présentation des membres du Cutting Edge. Il y a un mathématicien japonais, un playboy américain, une riche héritière italienne, une jeune photographe animalière et Mark, expert en psychologie sociale.
Cinq jeunes intrépides et complémentaires. Ils s'attendent à recevoir une mission à la hauteur de leur ambition. Perdu. Leviathan, leur nouvel employeur, les charge de retrouver un vieux jazzman disparu de la circulation. De Barcelone à la côte italienne ils vont remonter la piste et localiser le musicien. Il passe toutes ses nuits à tenter de composer la chanson d'amour parfaite.
Mais pourquoi Leviathan veut-il le retrouver ? Pour quel véritable motif ? Une contre enquête, très dangereuse, va sceller l'union du groupe.

« Cutting Edge » (tome 1), Delcourt, 13,95 €

Billet - Les grandes oreilles

Sacré pavé dans la mare que viennent de jeter le Guardian et le Washington Post jeudi. Depuis des années, les grands groupes d'Internet (Google, Facebook, Yahoo!) permettent à l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) et au FBI de piocher directement des informations dans leurs serveurs.

Un agent de la NSA confie à un journaliste un document (PowerPoint, cela ne s'invente pas...) qui explique aux agents comment entrer dans ces serveurs par une « porte cachée ». A la seule condition que le citoyen soit « raisonnablement » suspect et à l'étranger. Pratique aussi très répandue, l'écoute des conversations via Skype. Souvent gratuites, mais visiblement peu sécurisées...

 « Ils peuvent vraiment voir vos idées se former au fur et à mesure que vous les tapez » prétend l'agent repenti.

La version moderne de l'espionnage « grandes oreilles ». On écoute le maximum de personnes en espérant que dans le lot, quelqu'un se montre assez bête pour se vanter sur Facebook ou Google+ qu'il va faire exploser une bombe vendredi en huit...

Comme dans les romans de science-fiction les plus pessimistes, les écoutants dépasseront bientôt le nombre d'écoutés... On rejoint ainsi une réalité économique imparable. Selon un sondage paru hier dans le magazine « Les Enjeux », les sondés « confèrent au Web des effets positifs sur l’économie française (78%) et sur la création d’emplois (75%) ». Les « grandes oreilles d'internet » ont de beaux jours devant elles...

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue en dernière page de l'Indépendant.

vendredi 7 juin 2013

Chronique : Auto punition par Castigo.fr, tueur de maman

En mai dernier paraît le premier tome de « Tueurs de mamans », une série écrite par Zidrou et dessinée par Ers et Borecki aux éditions Dupuis. Une bande de copines adolescentes ont pour point commun leur absence de père. Et des mères un peu trop intrusives à leur goût. Elles n'en peuvent plus d'être punies. La geek de la confrérie dégote un site internet particulier : il vend de la vengeance en ligne. « Ils vous tourmentent ? Nous les châtions ! » promet la page d'accueil de Castigo.fr. La suite de la BD devient dramatique : les jeunes achètent des « missions » qui une fois réalisées ou sur le point de l'être, se révèlent violentes, excessives.
Des auteurs de bande dessinée l'ont imaginé, de petits rigolos l'ont fait. On ne sait pas encore s'il ne s'agit que d'une opération promotionnelle ou l'œuvre de véritables fous, mais l'histoire mérite d'être racontée.

Fin mai, les éditions Dupuis ont publié un communiqué pour dénoncer la création par des plaisantins du site Castigo.fr. « Nous ne pouvons que vous exhorter à ne pas aller sur ce site ! Chaque visite encourage ce genre d’initiatives déplorables ! »
Curieux et téméraire, je désobéis et me trouve dans la position du punisseur. Oui, mais si j'ai affaire à  de vrais fous ? Vais-je prendre le risque ? Non. Je choisis l'auto-punition (parce que je le vaux bien). Aujourd'hui, un tueur de Castigo doit m'infliger une correction mémorable. Maintenant, j'ai les jetons.
Si demain il n'y a pas de chronique, c'est que la réalité a dépassé la fiction... 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

Polar - Anges déchus à la manœuvre avec John Connolly aux Presses de la Cité

Charlie Parker, le détective créé par John Connolly, trouve de nouveau des anges déchus sur son chemin. Du fantastique effrayant.


Le Maine, charmant état du nord est des USA, est célèbre pour ses forêts. De belles étendues, encore sauvages, regorgeant de gibier. Ces bois deviennent le lieu de toutes les peurs quand ils tombent entre les mains d'écrivains talentueux. C'est dans le Maine que Stephen King situe ses romans les plus horribles. C'est aussi dans le Maine que s'est retiré Charlie Parker, le détective privé imaginé par John Connolly. L'ancien flic, traumatisé par l'assassinat de sa femme et sa fille, vivote dans la ville de Portland. Il va rarement dans les bois. Pourtant dans ce thriller plus fantastique que policier, il va devoir affronter les créatures réfugiées dans ces lieux isolés.

L'avion et la fillette
Tout débute par la découverte d'un avion. L'épave d'un avion exactement. Un petit bimoteur en train d'être mangé par la végétation et absorbé par les marécages de la forêt impénétrable de Falls End, petite ville au bout de l'état du Maine, à quelques encablures du Canada. Deux chasseurs, Harlan et Paul, poursuivant un cerf blessé, s'égarent et tombent sur cet appareil dont la disparition n'a jamais été signalée. A l'intérieur, ils trouvent une grosse quantité d'argent et une liste énigmatique, Mais pas de cadavres. Ils constatent également que le siège passager était occupé par quelqu'un d'entravé. Les menottes ont cédé au moment du crash. L'homme, ou la femme, semble avoir pu s'enfuir. Surpris par la nuit, les deux chasseurs décident de passer la nuit à l'intérieur de la carlingue. Une nuit inoubliable pour les deux hommes. Ils sentent une présence et finissent par entrevoir une fillette. A moins que cela ne soit dans un rêve. « Une petite fille dont il ne voyait pas clairement le visage dansait dans les bois. Elle s'approchait du feu, plongeait le regard dans la fumée et les flammes, examinait les deux hommes, s'enhardissait et venait plus près, jusqu'à ce qu'elle tende la main et touche le visage de Harlan. Il émanait d'elle une odeur de pourriture. » Prenant leurs jambes à leur cou, ils rejoignent la civilisation et utilisent l'argent discrètement pour améliorer leur quotidien.

Méchant Collectionneur
Des années plus tard, sur son lit de mort, Harlan raconte cette histoire à ses enfants devenus adultes. Il leur demande de contacter le détective Charlie Parker pour enquêter sur l'avion. Reste à savoir pourquoi. L'auteur ne dévoile pas immédiatement le lien entre l'avion et le héros. Ce sera le fruit d'un enquête parsemée de cadavres.
La liste, des noms connus et moins célèbres, semble être au centre de toutes les convoitises. Charlie Parker retrouve de vieilles connaissances, les anges déchus. Ces créatures maléfiques œuvrent dans la coulisse pour faire triompher le Mal. Mais elles doivent se méfier du camp du Bien. Parker sera un allié précieux, cependant plus timoré que le bras armé des bons : un tueur en série d'un rare sadisme, le Collectionneur fumeur invétéré répandant sans son sillage une forte odeur de nicotine.
Logiquement, l'explication finale se déroule dans les bois, près de l'avion et de la fillette. Un roman fantastique transpirant la peur à chaque page. Pas sûr qu'il favorise le tourisme dans l'Etat du Maine...
Michel LITOUT

« La colère des anges », John Connolly, Presses de la Cité, 22 €