vendredi 20 avril 2012

Thriller - "Saigne pour moi" : manipulateurs et tueurs

Certains meurtriers, avant de passer à l'acte, ont besoin de dominer leur victime. Des manipulateurs décrits dans ce thriller de Michael Robotham.


Période critique s'il en est, l'adolescence est également le moment de tous les dangers. Esprit rebelle mais aussi malléable. Certains l'ont parfaitement compris. Des prédateurs, manipulateurs, parfois violeurs et tueurs. Ils sont d'autant plus dangereux qu'ils cachent parfaitement leur jeu. Dans ce cas, seul un fin psychologue saura déceler leur véritable personnalité. Un expert comme Joe O'Loughlin, le héros de « Saigne pour moi », un thriller signé Michael Robotham.

Joe, en instance de divorce, conserve de très bonnes relations avec sa femme et ses deux filles. Emma, la petite dernière et Charlie, une adolescente de plus en plus secrète. Elle se confie beaucoup plus à sa meilleure amie, Sienna, qu'à ses parents. Sienna passe souvent la nuit chez Charlie. C'est donc naturellement là qu'elle vient se réfugier quand elle découvre son père mort, égorgé, dans sa chambre. Sienna devient la première suspecte quand la police apprend que son père abusait d'elle.

Personnages complexes

Certes elle le détestait, mais elle crie son innocence. Elle a vu quelqu'un s'échapper de la chambre. Et paniquée a pris elle aussi la fuite. Joe est bien le seul à la croire. Mais il connait bien cette jeune fille. Le soir même, en compagnie de Charlie, c'est lui qui l'a raccompagnée à la sortie de l'école. Sienna et Charlie, inséparables, participent toutes les deux à la comédie musicale de fin d'année. Elles sont presque en compétition pour le premier rôle. Ce sera le professeur d'art dramatique, Gordon Ellis qui aura le dernier mot. Tout est remis en cause avec le drame touchant Sienna. Cette dernière craque et tente de se suicider. Pour la police, cela a presque valeur d'aveu...

Toute la force de ce thriller est dans la minutie prise par Michael Robotham à dresser les portraits des différents protagonistes. Chaque personnage est criant de vérité. Multiple aussi. Chez cet auteur américain, résidant en Australie et dont les romans se passent en Angleterre, le manichéisme est une pure invention de l'esprit. L'humain est complexe. Très complexe.

Joe par exemple, malgré sa formation de psychologue, est au bord du gouffre. Il souffre de la maladie de Parkinson, parvient de moins en moins à contrôler son corps. Résultat il a les nerfs à vifs. Quand quelqu'un prétend être l'amant de sa fille, il réagit avec brutalité.

La commissaire qui mène l'enquête est elle aussi peu banale. Grosse, négligée et ouvertement homosexuelle, elle est pourtant une parfaite meneuse d'hommes. On rencontre également au fil de l'intrigue un militant d'extrême-droite suspecté d'avoir mis le feu à un bâtiment abritant des immigrés, une conseillère d'orientation sexy et provocante, un ancien flic porté sur la bouteille mais toujours prêt à rendre service et le mystérieux « pleureur », un homme taciturne avec des larmes tatouées sous les yeux.

Richesse des personnages, richesse des rebondissements : le lecteur en a pour son argent. Et surtout il est happé par cette enquête, de plus en plus inquiet, aux côtés de Joe, pour ces adolescentes, proies si faciles pour ce prédateur et manipulateur qui n'en est pas à son coup d'essai.

« Saigne pour moi », Michael Robotham, Lattès, 22,50 € 

jeudi 19 avril 2012

BD - Soldats de la liberté dans "Airborne 44" de Jarbinet


La Normandie, été 1944. Les forces américaines viennent de débarquer. Les pertes sont considérables. Les Allemands jettent leurs dernières forces dans la bataille. Ils savent qu'en cédant la France, c'est toute la guerre qu'ils sont en train de perdre. Philippe Jarbinet, loin du récit didactique, nous fait vivre cette offensive de l'intérieur en suivant un soldat, Gavin, et la femme qu'il aime, une Française engagée dans la Résistance, Joanne. 

Une histoire d'amour comme pour mieux faire passer ces dizaines de morts et de blessés, exorbitant prix à payer pour la liberté. Avec au final un hymne sincère pour l'Europe, la paix et la tolérance. Une BD pour ne pas oublier, garde-fou contre la folie de certains hommes.

« Airborne 44 » (tome 4), Casterman, 11,95 € 

mercredi 18 avril 2012

BD - Intrigues romaines autour des "Boucliers de Mars"


Rome, ses intrigues et sa décadence sont au centre des « Boucliers de Mars », série historique due à la conjugaison des talents de Gilles Chaillet et Christian Gine. Le premier nous a quittés l'an dernier. Mais Gine entend achever cette histoire prévue en trois tomes. Le second vient de paraître et confirme le talent de conteur de Chaillet (créateur du personnage de Vasco). 

Les boucliers sont au nombre de douze et sont censés prévenir l'empire romain des périls le menaçant. Des boucliers dérobés, signe que les Parthes (les ennemis du moment) bénéficient de complicités au plus haut sommet de l'Etat. Un centurion, Lucius, et un préteur urbain, Hadrien, sont au centre de l'intrigue. Une leçon d'Histoire passionnante, digne des meilleurs Alix.

« Les boucliers de Mars » (tome 2), Glénat, 13,90 € 

mardi 17 avril 2012

BD - Cargo maudit pour le 10e épisode de Tramp de Kraehn et Jusseaume


Retour à terre pour Yann Calec. Après des aventures en Indochine, le jeune capitaine de cargo se met à son compte. Il vient de racheter un navire au Havre et est en train de former son équipage. Il naviguera sous pavillon libérien, une initiative qui n'est pas du goût des syndicalistes français. Mais le véritable problème semble être la malédiction frappant le navire. Un incendie l'a immobilisé et un meurtre est commis à son bord.

Le dessin de Patrick Jusseaume est toujours aussi racé et élégant. Le scénario de Kraehn est dense, ramassé. Un seul tome pour cette histoire se déroulant en France dans le milieu des dockers des années 50. Une série au long cours incontournable qui s'offre comme une pose avec l'histoire de ce « Cargo maudit ».

« Tramp » (tome 10), Dargaud, 13,99 € 

lundi 16 avril 2012

Roman - La petite « boche » racontée par Nathalie Hug

Dans « La demoiselle des tic-tac », Nathalie Hug raconte le quotidien d'une famille allemande en Lorraine, avant, pendant et après la guerre.

« 
Vivre à la cave, au début, c'était l'aventure, un déménagement de plus, une nouvelle vie. A présent, je n'ai qu'une hâte : que M. Hitler gagne enfin la guerre pour que nous sortions de ce trou ». Fin 1944 dans ce village français de Moselle, la jeune Rosy est encore pleine d'illusions. Allemande, élevée dans le culte du Führer, elle croit encore qu'il va renverser la situation, redevenir l'homme fort qu'on lui a appris à vénérer. Rosy est Allemande, mais une partie de sa famille est restée en Moselle, redevenue française après 14 – 18. Dans le village, avec sa mère, la vie est dure. Ce sont « les sales boches » et mieux vaut qu'elles rasent les murs. Pendant l'occupation, elles goûteront cette nouvelle atmosphère mais ce sera de courte durée. En 1944, l'armée américaine progresse et les bombardements sont incessants. C'est aussi pour cela qu'elle vit avec sa mère Mutti dans la cave. Il existe bien des abris, mais en tant que « boches », elles sont personna non grata.

Dans cette cave, qu'elle ne quittent plus que la nuit, elles doivent cohabiter avec des rats et les araignées. Ce sont ces dernières qui terrorisent le plus Rosy. Notamment celles qui ont de très grandes pattes. Les tic-tac comme les surnommait son oncle.

Ensevelie

Second roman en solo de Nathalie Hug, « La demoiselle des tic-tac » est l'histoire poignante d'une jeunesse volée. Martyrisée par sa mère, détestée de sa grand-mère, sans père, Rosy ne trouve du réconfort qu'en compagnie d'Andy, un gamin, son seul ami.

Le roman alterne retours en arrière et scènes actuelles. Rosy et Mutti étaient dans la cave quand un obus frappe la maison de plein fouet. Tout s'écroule. Rosy est seule dans le noir, blessée. Bientôt sans eau. Pour tenir, elle se souvient des rares bons moments et les fait partager au lecteur. Le présent est impitoyable mais elle veut encore y croire. « Je m'autorise un sourire, histoire de profiter de ce bonheur minuscule avant de le ranger dans mes autres jardins pour le revivre, quand le soleil de ma rue fera éclore les fleurs au lieu d'abîmer les morts et que les herbes folles combleront les cratères. Ça ne peut pas être la guerre tout le temps. » Rosy va passer de longs jours enfermée dans la cave effondrée. Mais elle ne sera pas seule, le lecteur sera à ses côtés, vivant avec elle son affaiblissement inéluctable.

C'est dans cette partie, celle de l'enfermement inexorable, que l'on retrouve le style de Nathalie Hug, habituée à écrire des thrillers avec Jérôme Camut. Mais pour tout le reste du roman, on se croirait parfois dans ces romans de terroir historiques fleurant bon la tradition. Heureusement, le personnage de Rosy a quand même beaucoup plus d'épaisseur qu'une petite héroïne avec accent. Son récit vous émouvra car les victimes de la guerre ne choisissent jamais leur camp.

« La demoiselle des tic-tac » de Nathalie Hug, Calmann-Lévy, 15 €

dimanche 15 avril 2012

BD - Cyril Bonin dessine une image transparente


Cyril Bonin, après des années d'apprentissage sur les scénarios des autres (Fog avec Seiter, Quintett avec Giroud), a fait le grand saut de l'auteur complet. Il écrit des histoires parfaitement adaptées à son style de dessin, élégant, discret, tout en ambiances. « L'homme qui n'existait pas » fait penser à une nouvelle de Marcel Aymé. Un jeune homme, programmateur informatique, passionné de cinéma, est allergique aux gens. Il les fuit. 

Tant et si bien qu'un jour, en sortant d'un cinéma, il s'aperçoit qu'il a perdu toute consistance physique. Tel un fantôme impuissant, les gens ne le voient plus et lui ne peut plus agir sur la réalité. Errant dans Paris, sa passion du cinéma va le conduire sur un tournage au Champ de Mars. Il va alors constater qu'il arrive, progressivement cette fois, la même chose à l'actrice principale.

Une très belle fable sur la place de tout un chacun dans la société, sur le choix de la solitude et de l'importance de notre rapport aux autres.

« L'homme qui n'existait pas », Futuropolis, 16 € 

samedi 14 avril 2012

BD - Armes secrètes et uchronies : Wunderwaffen chez Soleil


Et si le débarquement en Normandie n'avait pas été un succès en 1944 ? C'est en réécrivant cette ligne de l'Histoire que Richard D. Nolane a imaginé une série militaire et guerrière hors du commun dessinée par Maza. Donc la guerre est plus longue que prévue. Les Nazis ont eu le temps de développer des armes secrètes pour contrer les bombardements alliés. Les avions à réaction sont au point et leur donnent une suprématie des airs. Aux commandes d'un Lippish P13, premier chasseur en forme d'aile delta, le major Munau accumule les victoires. Surnommé le Pilote du diable, il n'est pourtant pas en odeur de sainteté parmi les dirigeants allemands. Hitler en personne le déteste, le suspectant d'être juif.

A Londres, le général de Gaulle est toujours en exil et a un atout dans sa manche, un prisonnier français ayant travaillé sur les prototypes allemands avant de parvenir à s'évader. Le premier tome plante le décor et les personnages. Parfois avec un peu trop d'admiration pour la technologie nazie. Mais on devine en filigrane que le pire se passe à Auschwitz, dans ce camp qui ne fume plus mais qui fait toujours aussi peur.

« Wunderwaffen » (tome 1), Soleil, 14,30 € 

vendredi 13 avril 2012

BD - Art à déguster par Cornette, Frissen et Witko



Dans le genre déjanté, « Lard moderne », premier tome des aventures d'Alexandre Pompidou, écrase tous ses concurrents. Les deux scénaristes, Jean-Luc Cornette et Jerry Frissen semblent s'être renvoyé la balle pour compliquer des situations déjà sévèrement alambiquées. 
Alexandre Pompidou, fils de boucher, est très fier d'avoir obtenu son diplôme des Beaux-Arts. Il est un artiste et veut le prouver immédiatement au monde entier en exposant dans la célèbre galerie Aurochs-Lascaux. Mais il va multiplier les maladresses, vexant la fille du richissime galiériste et manquant de tuer sa femme en la faisant poser nue dans la chambre froide de la boucherie transformée en atelier.
Les péripéties se poursuivent en Tunisie, dans les piscines des hôtels de luxe et les souks. Witko, le dessinateur, est moderne et classique dans son trait, juste ce qu'il faut pour servir l'histoire sans trop la rendre banale. Souvent absurde, il y a quand même une réelle réflexion sur l'art contemporain et l'ego surdimensionné d'artistes ayant encore tout à prouver.

« Alexandre Pompidou » (tome 1), Le Lombard, 12 €

jeudi 12 avril 2012

BD - "Insane" de Le Galli et Besse : lignée de psychopathes



Ambiance lourde et sanglante tout au long des 48 pages de « Insane », récit complet écrit par Michaël Le Galli et dessiné par Xavier Besse. Beaucoup de meurtres et de cadavres parsèment cette histoire se déroulant en Louisiane entre les deux guerres. Betty, une fillette internée dans une clinique psychiatrique, s'évade grâce à Clarence, un dandy obèse. Ce drôle de couple part à la rencontre du père de Betty. John Kettenbach est un meurtrier. Il vient de sortir de prison. Betty, petite fille candide, aux prises à des crises de délires, est très impatiente de rencontrer cet homme qui a abandonné sa mère dès qu'il a su qu'elle était enceinte. Clarence de son côté joue un jeu plus trouble. Il a déjà croisé la route de John. C'est lui qui a égorgé ses parents. Mais il ne lui en veut pas.
 Assistant aux crimes, il y a pris du plaisir et est même devenu un tueur lui aussi... Que va-t-il se passer quand les trois vont de retrouver ? C'est tout l'intérêt de cette BD aussi affûtée qu'une lame de rasoir.

« Insane », Casterman, 13,95 €

mercredi 11 avril 2012

BD - Un Dieu parasite règne dans "Le livre de Skell" de Mangin et Servain



Skell est une exécutrice. Elle est chargée de tuer les hérétiques qui refusent de se dévouer au dieu Steh-Vah. Entre fantastique et science-fiction, cette BD écrite par Valérie Mangin et dessinée par Servain, plonge le lecteur dans un monde totalement dominé par la religion. Un culte aliénant, passant par la greffe à l'arrière du crâne, d'une sorte de parasite censé faire partie du dieu. Les hérétiques, pour abolir son influence, boivent une drogue permettant de retrouver son libre contrôle. Skell vient de remporter une bataille contre Azolah et ramène le coffre maudit contenant des livres que les prêtres ont condamné. 
Mais les cauchemars de Skell sont de plus en plus fréquents. Elle va sans même s'en apercevoir basculer du côté des hérétiques et faire une découverte sidérante. Une série permettant à Servain de développer un monde nouveau et cohérent. Son imagination alliée à son trait font des merveilles.

« Le livre de Skell » (tome 1), Soleil Quadrants, 13,95 €