dimanche 27 novembre 2011

BD - Au coin de l'épicerie, il s'en passe de belles d'après Ducoudray et Singelin


Le père d'Elliot vient d'acheter l'épicerie de ce quartier de Baltimore. The Grocery est un lieu de passage, de rencontre, de convivialité. Elliot, surdoué un peu timoré, aura quelques difficultés à se faire des amis dans un premier temps. Mais sa rencontre avec Sixteen va débloquer la situation. Sixteen est le chef de la bande des Cornerboys. Ils vendent toute sorte de drogues dans le secteur. 

Cette BD écrite par Ducoudray (La faute aux Chinois) et dessinée par Singelin est une critique au vitriol de l'Amérique contemporaine. Autour de l'épicerie vous croiserez également Wash, un ancien marine complètement paumé depuis son séjour à Bagdad, des familles se retrouvant à la rue après la saisie de leur maison par les banques ou Ellis One, le caïd de retour sur ses terres après avoir survécu à la chaise électrique. Le monde très gentillet d'Elliot est en total décalage avec la loi de la rue imposée par Ellis One ou les banques. 

C'est hyper réaliste, même si les personnages ont des anatomies de lézards, d'ours ou de têtards.

« The Grocery » (tome 1), Ankama, 19,90 € 

samedi 26 novembre 2011

BD - Malheur, deux sœurs ! Des sisters irrésistibles chez Bamboo


Wendy serait heureuse s'il n'y avait pas Marine, sa petite sœur, pour s'intéresser à tout ce qu'elle fait. Par contre, Marine serait très malheureuse s'il n'y avait pas Wendy, sa grande sœur, déjà adolescente et même assez âgée au point de faire "des kiss avec la langue à son namoureux" , Maxence. Wendy et Marine, le nouveau duo comique de la BD qui cartonne chez les plus jeunes. 

Cazenove (scénario) et William (dessin), en se lançant dans le récit des relations pour le moins heurtées de ces sœurs, ne se doutaient certainement pas du succès considérable de cette série inspirée de la vie de famille du dessinateur. La nouveauté bénéficie d'une mise en place de 100 000 exemplaires, un des plus gros tirages de cette rentrée. Wendy, l'aînée, flirte de plus en plus. Marine est particulièrement intéressée par cette pratique qui la fascine tout en la répugnant. 

Un regard amusé sur les premiers émois sentimentaux qui permet à toute lectrice entre 7 et 15 ans de se reconnaître sans peine. Car il faut préciser que ces gags s'adressent plus spécialement à la gent féminine.

« Les Sisters » (tome 6), Bamboo, 10,40 € 

vendredi 25 novembre 2011

BD - Amour et flingues dans "Le temps de vivre" de Piatzszek et Séra

Impossible de faire plus sombre que la nouvelle BD écrite par Stéphane Piatzszek. Après « Fête des morts », déjà assez gratinée côté pessimisme, voici « Le temps de vivre ». On pourrait d'ailleurs prolonger le titre pour qu'il soit plus explicite : « Le temps de vivre... est court avant de mourir. » 

Séva vit de petits boulots pas toujours très honnêtes, jamais bien payés. La discipline dans laquelle il excelle ne lui sert plus : tireur d'élite. Séva aime Mona, la patronne d'un café de cette banlieue sans âme. Mais Mona est toujours sous la coupe de Mario, le père de sa fille, Agathe. Mario est un voyou de la vieille époque. Il est sur le point de passer la main. Les bandes de jeunes des cités se sentent de plus en plus à l'étroit. Ils veulent « acheter » le secteur de Mario. Un marché de dupes. Mario sait qu'il a toutes les chances d'être abattu une fois la transaction effectuée. 

Il demande donc à Séva de le protéger, lui promettant à la clé un pactole pour qu'il puisse aller s'installer au Sud avec Mona et Agathe. 

Cette intrigue, complexe, aux nombreux rebondissements, est illustrée par Séra. Fonds noirs, grandes cases, dessins pleine page, il rend l'ambiance encore plus trouble. Plus qu'une simple BD, un roman graphique, mais noir, très noir.

« Le temps de vivre », Futuropolis, 20 € 

jeudi 24 novembre 2011

Polar - Deux voyous et la nature

Ce roman policier signé Bruno Gallet se déroule en grande partie sur le Causse. Deux jeunes voyous vont y rencontrer une nature rédemptrice.

Bien plus qu'un simple roman policier, « Des voyous magnifiques » de Bruno Gallet est aussi un formidable voyage dans la nature rude du Causse en hiver. Elle va s'imposer comme le véritable personnage central d'un roman virant au final à la quête rédemptrice.

Tout débute dans une petite ville du Sud des Alpes. Tuscan et Abel ont décidé de braquer une banque. Les deux amis, un peu voyous, surtout marginaux, n'ont pas préparé grand chose. Abel attend dans la voiture, Tuscan se dirige vers les guichets. Il croise le directeur, lui explique qu'il doit ouvrir le coffre, tout en le menaçant d'un fusil de chasse. Manque de chance, le rond-de-cuir veut jouer aux héros. « La déflagration retentit alors, faisant exploser sa tête comme les melons pourris qu'Abel jetait autrefois du pont de Plan-d'Orgon sur le pare-brise des voitures qui, en dessous, filaient sur l'autoroute. »

Sous la neige

Un braquage calamiteux qui continue à tourner vinaigre quand Abel ne parvient plus à démarrer la voiture volée quelques heures plus tôt. C'est à pied que les deux apprentis gangsters prennent la fuite, sous les regards de plusieurs témoins. A un feu rouge, ils montent d'autorité dans une camionnette frigorifique et poursuivent leur cavale vers les montagnes. C'est une idée de Tuscan, le leader, le cerveau du binôme.

La neige commence à tomber et partir vers les hauteurs est très risqué. Un plan qui paye, ils ne croisent pas une seule voiture de gendarmerie. Après un grand détour, ils reprennent la direction de leur planque, la maison de la sœur de Tuscan, sur le Causse.

Tout se passe bien au début et à nouveau la malchance. Pris en chasse par des gendarmes, sur une route de montagne rendue glissante par la neige, ils chutent dans un ravin. Cela leur permet d'échapper aux forces de l'ordre, mais les oblige à poursuivre leur route à pied. Et accompagné car ils font une étonnante découverte à l'arrière du véhicule volé.

Nature grandiose... et hostile

Le roman prend alors son envol humaniste et naturaliste. Humaniste car Abel et Tuscan, dont on apprend l'enfance par brides distillées par l'auteur, se révèlent plus gamins perdus que grands bandits. Certes ils sont malhonnêtes, mais c'est pour survivre. Et ils ont plus de compassion pour leur prochain que des notables bien sous tous rapports. C'est en débutant leur cavale à pied que la nature entre en force dans le roman. Cela donne des passages d'une grande beauté comme cette découverte, par Abel, du Causse : « Bientôt le sol se couche sous leurs pas et aux effluves gras des terres d'en bas succède progressivement le parfum âpre et poivré du Causse. Le talus qui leur masquait la vue bascule alors devant eux pour dévoiler d'un coup un plateau fluorescent raboté par les vents et filant sous une lune platine jusqu'à un horizon impeccablement rectiligne. Au-dessus, le ciel a des airs de planétarium tant la lumière des étoiles qui le tapissent paraît artificielle. » La nature ne se montrera pas très généreuse pour les fuyards. Ils parviendront cependant à se cacher des forces de l'ordre, découvrant les entrailles de la région avec leur petit fardeau mais si encombrant.

Un road movie sans route ni voiture, mais au cœur d'une région merveilleusement décrite par Bruno Gallet.

« Des voyous magnifiques », Bruno Gallet, Anne Carrière, 18,50 € 

mercredi 23 novembre 2011

BD - Poésie champêtre avec l'intégrale de Sibylline de Macherot


Chlorophylle, Chaminou, Sibylline... la bande dessinée animalière était très à la mode à une certaine époque. Et le pape du genre était Raymond Macherot. Ses petits personnages étaient des vedettes des hebdos pour jeunes durant les années 50 à 70. 

Ce dessinateur poète, récemment disparu (en 2008), sort de l'oubli avec le premier tome d'une superbe intégrale des histoires de Sibylline. Une petite souris vivant dans un monde champêtre dont le calme est sans cesse remis en cause par les manigances du méchant de service, le rat Anathème. Dans ces 200 pages vous relirez les récits complets publiés entre 1965 et 1969, avec de très nombreux inédits en albums. Une bouffée de poésie champêtre.

« Sibylline, l'intégrale » (tome 1), Casterman, 25 euros 

mardi 22 novembre 2011

BD - Humour familial avec la réédition de César de Tillieux chez Dupuis


Maurice Tillieux, auteur complet des éditions Dupuis, a marqué deux décennies de lecteurs. Par ses séries d'action (Gil Jourdan, Félix, Tif et Tondu) mais également ses productions humoristiques. César, personnage principal de 299 gags, a débuté sa carrière en 1959. Cette ultime édition intégrale reprend toutes les planches et les couvertures de Spirou. 

C'était de l'autofiction avant la lettre puisque le créateur belge s'inspirait de sa vie pour se moquer de ce dessinateur de cartoon. César avait toutes les difficultés à se concentrer sur son travail quand sa petite fille, l'espiègle Ernestine, était dans les parages. 

On redécouvrira avec ravissement le ton moderne et novateur typique des BD de Tillieux.

« César, l'intégrale », Dupuis, 39 euros 

dimanche 20 novembre 2011

BD - Ange blond en Palestine pour la venue de Jésus : un pavé en couleurs signé Michel Faure


200 pages toutes en couleurs directes, cet album de Michel Faure en impose d'abord par sa densité graphique. Et puis on plonge dans l'histoire et on est entraîné en Galilée, sur les traces de la vérité sur la naissance de Jésus Christ. 

Un ange est apparu à la vierge Marie et lui a annoncé la naissance de Jésus. Ce que cette BD révèle, c'est qu'un autre ange est envoyé sur terre pour trouver celui qui sera digne d'être le père de l'enfant. 

Un ange qui a les formes alléchantes d'une jeune femme blonde. Sa quête est parsemée de difficultés. Esclave, prisonnière, battue, violée, elle découvre toute la violence du monde des humains. Pourtant elle accomplira sa mission et fera même un peu plus.

« Jésus Marie Joseph », Glénat, 30 euros 

samedi 19 novembre 2011

Billet - Le second scandale DSK

Les blagues de potaches sont rarement de bon goût. Celle-là fait de plus en plus parler d'elle. Des associations d'étudiants organisent à Nantes, le 24 novembre, une soirée dans une boîte de nuit. Intitulée Tonus DSK, l'affiche montre une charmante jeune femme en tenue de soubrette, l'œil aguicheur, demandant « Ben dis donc on te voit plus à l'hôtel... ? »

Pourquoi avoir associé DSK à cette soirée ? Simple, ce sont les étudiants de Droit, Santé et Kiné qui l'organisent. DSK en abrégé. Une séance de brainstorming plus tard, cela donne cette affiche qui circule à toute vitesse sur les forums du net. Certains syndicats étudiants se sont offusqués, d'autres saluent cette trouvaille qui ne fait que rebondir sur une actualité s'enrichissant chaque jour de détails croustillants. La boîte de nuit, elle, se frotte les mains : les réservations explosent.

Enfin, dernier détail qui tue, les transports en commun nantais proposent une navette de nuit. Le départ, cela ne s'invente pas, est prévu... Hangar aux bananes. 

vendredi 18 novembre 2011

Billet - Allumer le feu

Être fan de Johnny Hallyday n'empêche pas d'être suicidaire. Un homme de 52 ans a failli mourir lundi dernier en mettant le feu à son canapé. Peut-être chantait-il à tue-tête « Allumer le feu ! » (1998) au moment de l'intervention des pompiers, prévenus par les voisins.

L'article de l'Est Républicain relatant ce fait divers précise que le suicidaire, « alcoolique notoire était surnommé Johnny dans le quartier en raison de sa propension à entonner à toute heure les tubes de son idole », n'en est pas à son coup d'essai. En juin dernier il avait déjà essayé de mettre fin à ses jours au gaz. Au son de « C'est du vent », chanson interprétée par son idole en 1989 ? Les voisins ne le savent pas, mais ils ont été soulagé d'apprendre que finalement Johnny se retrouve derrière « Les portes du pénitencier » (1964) pour trois mois après avoir été jugé en comparution immédiate. Son explication, « Je crois qu'il me rend fou » (1967) n'a pas convaincu les juges...

La surveillance sur le net se révèle de plus en plus efficace dans la prévention des suicides. Des résultats chiffrés par la police judiciaire : en 2010 il y a eu 181 interventions liées à de possibles tentatives.

Par contre le taux de suicide chez les adolescentes américaines risque de monter en flèche après le piratage massif de comptes Facebook. A quoi vivre après la découverte sur son mur d'une photo pornographique gay (un montage) de son chanteur préféré : Justin Bieber... pas Johnny Hallyday. 

jeudi 17 novembre 2011

BD - "Marivaudevilles" : une comédie humaine multiple par Martin Veyron


Le nouvel album de Martin Veyron est un petit bijou. Le type d'album qui vous étonne dans les premières pages puis vous scotche littéralement au récit. L'auteur de « L'amour propre » semblait avoir tiré un trait sur la BD. Il revient pourtant avec une idée simple et enthousiasmante. Les 48 pages de « Marivaudevilles de jour » forment un unique plan séquence dans lequel quantité de personnages vont entrer puis sortir. 

Cela débute au lit. Une jeune femme se réveille dans une chambre qu'elle ne reconnaît pas. Dans la pièce d'à côté un homme dort dans le canapé. Elle panique et lui demande : « Est-ce qu'on a fait l'amour ? ». La scène se déroule sous les yeux d'une autre femme, à sa fenêtre en petite tenue. Elle annonce à son ami qu'elle va le quitter. Lui part travailler et au passage pour piétons, il croise un aveugle qui va draguer ouvertement une passante qui « sent bon ». 

Plus loin, l'action se poursuit en terrasse, un gros gars timide aborde une gentille fille à lunettes... Sans cesse les couples vont se faire, se défaire, et parler de ce qui fait le sel de la vie selon Martin Veyron : l'amour, le sexe, l'amour et encore le sexe. L'exercice de haute volée est l'œuvre d'un virtuose du dialogue. La plus belle surprise BD de cette fin d'année.

« Marivaudevilles de jour », Dargaud, 13,95 €