jeudi 6 octobre 2011

Roman - Deux femmes, deux amours et la guerre en commun

« Jeanne et Marguerite » de Valérie Péronnet, ce sont les vies bouleversées de deux femmes face à la guerre, cette redoutable mangeuse d'hommes. Marguerite habite Nice. Elle rencontre Eugène au cours des vacances. Lentement mais sûrement ils vont tomber amoureux. Un bonheur de courte durée, la guerre de 14/18 bouleversant le quotidien de millions d'Européens. Cette histoire c'est Jeanne qui la raconte. C'est son métier car elle est officiellement écrivain « nègre » pour ceux qui lui demandent. Jeanne, elle aussi, va rencontrer l'amour. Le grand, celui qui vous chamboule à l'intérieur et bouscule votre vie. Amour virtuel puis bien réel avec un mystérieux homme rencontré sur internet. Elle ne connaitra pas son visage, les rencontres se déroulant toujours dans des pièces obscures. Valérie Péronnet semble avoir beaucoup mis d'elle dans ce premier roman sensible et émouvant.

L'extrait : « Cet homme est fou. Des jours et des nuits que le désir laboure nos vies dans tous les sens, et il ne bouge pas. Ne dit rien. Je sais qu'il peut ne pas bouger et se taire pendant des heures. Des jours. Des semaines, si ça se trouve. Ça me glace. »

« Jeanne et Marguerite » de Valérie Péronnet, Calmann-Lévy, 14,50 € 

mercredi 5 octobre 2011

Littérature - Campagne, sexe et croisière dans le roman de Patrice Pluyette au seuil

« Un été sur le Magnifique » de Patrice Pluyette est un roman complètement barré. Cela commence comme une fable campagnarde bucolique. Hercule, garçon de ferme, courtise la belle Angélique. Finalement cela dévie vers l'érotique avec l'arrivée d'une star du porno. Mais l'auteur, intenable, emmène une partie de ce beau monde à bord du Magnifique, un paquebot où tous les excès seront permis. Amateurs de rationalité, passez votre chemin. Par contre si vous appréciez la folie douce d'une imagination débridée n'hésitez pas à embarquer sur ce Magnifique, vous ne serez pas déçu de la traversée.

L'extrait : « Angélique conduit Hercule vers ses parties à elles les plus sensuelles, cherchant à procurer des réactions en chaîne chez Hercule qui découvre le plaisir de la chose avec un soin extrême, désireux d'apprendre étape par étape les jeux de l'amour, s'enivrer des vapeurs de la chair, se faire sucer l'oreille, masser le coude de sa partenaire (…) éprouver ce qu'il ressent quand on le touche ici, quand on le pince là, quand il me voit, moi ; frotter ma joue contre ta joue, faire rejoindre nos nez, caresser les sourcils, s'assoupir, s'étendre sur le côté. »

« Un été sur le Magnifique » de Patrice Pluyette, Seuil, 18 € 

mardi 4 octobre 2011

Roman - Cette agnosie si savoureuse de « Je vous prête mes lunettes »

« Je vous prête mes lunettes » d'Anna Rozen, entre délire paranoïaque et fable surréaliste, fait partie de ces romans inclassables, carrément bizarres et dont les personnages, ou les scènes, vous trottent longtemps en tête. Construit en trois partie, on entre d'abord dans le quotidien d'une jeune femme perturbée par une fuite d'eau dans sa salle de bain. Après quelques extrapolations libidineuses avec le réparateur, le problème devient plus grave en raison de la présence d'une « bête » dans l'appartement. La seconde partie traite de jalousie et, à l'opposé, la troisième présente un homme agneusique c'est à dire privé de goût. C'est cette portion du roman qui est la plus succulente, la description infernale du quotidien de cet homme se moquant de tout semble, finalement, nous faire terriblement envie.

L'extrait. « Moi je n'aime rien, mais je peux comprendre. Je n'aime ni les gens ni les objets. Non seulement rien ne me passionne, mais rien ne m'intéresse. Je n'ai pas envie de me suicider non plus, ni de vivre comme un reclus. La fadeur ambiante me convient. Je marche, je dors, je mange, je parle – le moins possible. Je ne déteste pas écouter les autres, j'ai du temps, je leur en accorde volontiers. »

« Je vous prête mes lunettes » d'Anna Rozen, Le Dilettante, 15 € 

lundi 3 octobre 2011

BD - La Contessa, une cambrioleuse de charme imaginée par Crisse et dessinée par Herval

Dans la catégorie des héroïnes de charme, la Contessa imaginée par Crisse et dessinée par Herval devrait rapidement prendre une place de choix. Cette jeune Italienne, riche et élégante, mène une double vie. Jet-setteuse le jour, la nuit, elle se transforme en redoutable cambrioleuse signant ses forfaits d'une flacon de parfum. Après un prologue au cours duquel elle dérobe une couronne en or de l'époque florentine, elle poursuit sa première aventure à bord d'un paquebot de luxe. 

Une croisière exceptionnelle au cours de laquelle se déroule un tournoi de poker avec 15 millions de dollars à gagner. Un somme qui est à bord... Cela attise quelques appétits, des relations de travail... de la Contessa. Ils sont une demi-douzaine à espérer dérober le pactole. Mais est-ce bien raisonnable si la belle Italienne est également sur le coup. 

Une BD d'action et de charme aux airs de film hollywoodien. L'intrigue à rebondissements et parfaitement ciselée par Crisse est illustré par Herval, dessinateur réaliste précis et élégant.

« La Contessa » (tome 1), Drugstore, 11,50 € 

dimanche 2 octobre 2011

BD - Ursula, une femme fragile partage ses tourments dans un album de Fred Bernard


Rousse aux yeux verts, Ursula est strip-teaseuse dans un bar en Bourgogne. Sa vie n'est pas un long fleuve tranquille, et c'est peut-être pour cela que Fred Bernard a décidé de la raconter. Plus habitué aux histoires pour enfants, il signe un roman graphique presque entièrement réalisé aux crayons de couleur. 

Cela donne un faux air de conte pour petite fille alors que l'existence d'Ursula est tout sauf une belle histoire. 

D'origine polonaise, brimée dans une institution catholique, elle est adoptée à 8 ans par un couple de riches vignerons bourguignons. Elle pourrait tranquillement reprendre l'exploitation familiale mais sa crise de l'adolescence et son amour de la danse la poussent à faire le show sur les comptoirs de bars. 

Montrer ses fesses, qu'elle a très belles, lui permet de gagner vite sa vie. Même si une grande partie de l'argent part en alcool et en drogue. Fred Bernard a réellement connu Ursula. Le roman est aussi reportage. L'auteur se met en scène en fou tentant de la raisonner. Une œuvre à part, suite de ses précédentes BD adultes parues chez Casterman.

« Ursula vers l'amour et au-delà », Delcourt, 17,50 € 

samedi 1 octobre 2011

BD - Toute la bande à Lucien de retour dans le tome 11 des déboires du vieux rocker de Margerin


Vous avez découvert cet été dans les pages de Centre Presse et Midi Libre et en avant-première quelques-uns des récits complets formant ce 11e tome des péripéties de Lucien et de sa bande. Frank Margerin a toujours la banane et malgré le poids des ans et les cheveux blancs, il garde son humour rock et bon enfant. 

Lucien a vieilli, il est maintenant casé, avec femme et enfant. Mais il a toujours les mêmes potes, ceux de sa bande qui ont écumé durant quelques années les festivals rock de France et de Navarre (Margerin était d'ailleurs encore la semaine dernière à Perpignan pour le Festival international du disque et de la Bande dessinée). Eux aussi ils ont évolué et se sont reconvertis. Riton, par exemple, a trouvé le petit boulot idéal pour arrondir sa retraite de fonctionnaire. Gardien dans un musée, il s'investit complètement dans ce milieu culturel. Mais essentiellement pour draguer les jeunes étudiantes des Beaux-Arts.

Retraite, maladie, anniversaires ou écologie sont également au sommaire de ces 11 histoires courtes qui sont très loin de ne s'adresser qu'aux vieux rockers nostalgiques.

« Lucien » (tome 11), Fluide Glacial, 10,40 €  

vendredi 30 septembre 2011

L'hôpital et ses monstres : le nouveau San-Antonio de Patrice Dard décape les zygomatiques

Quand San-Antonio met les pieds dans un hôpital, le trou de la sécu n'a plus qu'à compter ses abattis car les malades se transforment en morts !


Qu'on le veuille ou non, les nouvelles aventures de San-Antonio rédigées par Patrice Dard, n'ont rien perdu de leur truculence ni de leur régularité. « Comme sur des roulettes » est le second titre à paraître cette année chez Fayard. Le héros, toujours le cœur sur la main, décide d'accompagner sa maman au chevet de Bérurier. L'adjoint au sexe gigantesque est terrassé par une crise de goutte. Rien d'étonnant quand on sait les quantités de cochonnailles et de picrate ingurgitées par l'ogre du quai des Orfèvres. L'intrigue est lancée par la curiosité maladive de San-Antonio. En descendant du bus et en jetant ses tickets, il remarque dans la poubelle un cahier rouge. Et le subtilise. Dans la minute qui suit, un infirmier farfouille dans la poubelle et retourne dans l'hôpital, soucieux. Sentant l'embrouille, le flic le plus célèbre de France le suit et débarque dans le service RTT. N'allez pas croire que des salariés français tombent malade de devoir moins travailler (San-Antonio c'est de la fiction mais faut quand même pas exagérer). RTT veut dire « recherche en thérapie tératologique ». Et des monstres, s'il n'y en a pas beaucoup dans ce petit service, ils sont particulièrement difformes et effrayants.

C'est pas pour me vanter, mais des histoires tordues j'en ai lues des centaines dans ma carrière de petit chroniqueur littéraire provincial. Et cette fois encore, Patrice Dard parvient à m'étonner. L'infirmier est retrouvé mort, enfermé dans un placard, un bistouri dans le ventre. Le cahier rouge semble être la cause de ce décès, mais San-A se le réserve pour un peu plus tard, comme un atout planqué dans la manche. Après, les péripéties s'enchaînent avec maestria : action, poursuite, baston, rebondissements. Manque les traditionnelles dites « de cul ». Exactement elles sont dissociées du récit. L'auteur explique dans un avertissement que « suite à la misérable embrouille DSQ (ce Strauss qui préfère le frotti-frotta à la valse), j'ai décidé de rester prudent vis-à-vis du sexe. J'ai jugé préférable de rassembler toutes les séquences olé olé à la fin de l'ouvrage, dans un chapitre spécial que tu pourras arracher afin de les soustraire à la lecture de tes bambins déjà presque aussi concupiscents que toi. »

Lourdes et ses miraculés

On aura beau dire, un polar français sans scène se déroulant en province c'est un peu comme un roman de Katherine Pancol sans répétition : ça manque de crédibilité. L'équipe de San-Antonio, les méchants et quelques monstres en goguette vont faire un tour à Lourdes, cité de Bernadette et des marchands du temple, chassés en leur temps de Jérusalem par un certain Jésus. La vision de cette débauche de religion nous fait un peu penser aux scènes du « Miraculé », superbe film (un pléonasme de plus...) de Jean-Pierre Mocky. Et ça file un peu le bourdon au commissaire qui est beaucoup plus philosophe depuis sa reprise en mains par le fiston Dard.

« Si on réfléchit bien, il faudrait arrêter de réfléchir pour être heureux. Moi ce qui me gangrène la vie, ce sont mes idées, mes pensées, mes envies, mes dégoûts. Tout ce qui agite mon esprit sans jamais l'apaiser. (…) J'aspire au froid de mes sentiments, à la rigidité cadavérique de mes sensations, à la paix de la viande, laquelle passe toujours, hélas, par l'extinction des feux de l'âme. » Il est triste San-Antonio, voire dépressif ? Non, simplement un peu fatigué après un peu plus de 200 romans menés tambour battant. Mais ce bref séjour à l'hôpital devrait lui redonner un peu de vitalité.

« Comme sur des roulettes », Patrice Dard, Fayard, 6,90 € 

jeudi 29 septembre 2011

BD - Le come-back de Choc au menu du 10e tome de l'intégrale Tif et Tondu

Beau succès de la collection des « Intégrales » des classiques Dupuis, la reprise des aventures de Tif et Tondu en est déjà à son dixième volume. Will est toujours au dessin (et au sommet de son art) et Desberg, au scénario, obtient enfin l'autorisation de reprendre le personnage du méchant absolu : Monsieur Choc. 

La figure de ce bandit distingué, en smoking, heaume d'acier cachant son visage, a été créé par Rosy. Après une longue éclipse, il revient donner un peu de piquant aux enquêtes du barbu et du chauve. Un dossier d'une vingtaine de pages, signé Didier Pasamonik, explique les conditions de cette reprise et les difficultés de l'époque des éditions Dupuis. Reste le plaisir des yeux : les femmes de Will, grandes, filiformes, les yeux en amandes et les lèvres pulpeuses. Un régal qui n'a pas pris une ride.

« Tif et Tondu, l'intégrale » (tome 10), Dupuis, 19,95 € 

mercredi 28 septembre 2011

BD - Marie-Antoinette, « La reine fantôme» de Rodolphe et Goetzinger

Annie Goetzinger, pour une fois, fait une infidélité à son scénariste préféré (Pierre Christin) pour un roman graphique écrit par Rodolphe. Une passion commune des fantômes leur a inspiré cette histoire de femme peintre habitée par le spectre de Marie-Antoinette. C'est en peignant le décor bucolique des jardins du Trianon que Maud de Brunhoe découvre ses talents de médium. 

Dès lors elle sera toujours accompagnée par le fantôme de la reine décapitée. Un esprit qui ne peut plus trouver le repos éternel et qui découvre avec étonnement la vie culturelle française de ces années 30 foisonnantes. Un récit de femmes permettant à la dessinatrice de l'Agence Hardy de signer des planches en couleurs directes d'une grande beauté.

« Marie-Antoinette, la reine fantôme », Dargaud, 14,95 € 

mardi 27 septembre 2011

BD - « La fille de Paname » ou la vie tumultueuse de Casque d'or


Nom : Elie, prénom : Amélie, surnom : Casque d'or. Laurent Galandon (scénario) et Kas (dessin) retracent la vie de la célèbre figure des rues parisiennes dans « La fille de Paname ». Amélie, fille de blanchisseuse, belle et audacieuse, ne veut pas de la vie miséreuse de sa mère. 

Tombée amoureuse de Matelot, serrurier de son état, elle le quittera quand il voudra se marier avec elle et avoir des enfants. Amélie ne veut pas d'une vie normale. En rencontrant la Belle-Hélène, tapineuse de son état, elle découvre un nouvel amour et un métier plein d'avenir. Casque d'or vient de naître, avec son cortège de clients, de souteneurs et de malheurs. 

Une BD d'une qualité graphique indéniable, au service d'une histoire entre joies et larmes.

« La fille de Paname » (tome 1), Le Lombard, 15,95 €