mercredi 16 mars 2011

Roman français - Fuir la folie rouge

Jean-Pierre Milovanoff a beaucoup écrit sur le Sud de la France. Cette fois il raconte ses racines russes. Où comment fuir un pays devenu fou.



Novembre 37 dans une ville du sud de l'Ukraine. Deux fossoyeurs font des heures supplémentaires de nuit. Ils creusent des fosses communes pour les dizaines de cadavres charriés chaque nuit par la police. Staline est au pouvoir. La terreur règne. Une terreur que Jean-Pierre Milovanoff raconte dans ce court roman, témoignage d'un passé encore très proche et certainement présent dans la mémoire collective de toute la Russie et des anciennes républiques soviétiques.

L'idée de ce roman, presque un témoignage, un récit, l'auteur français l'a eu en retrouvant, dans les affaires de son père récemment décédé, « une mince brochure en anglais, « How I escaped the red terror », signée d'un certain MIKE. » Le père de Jean-Pierre Milovanoff a lui aussi fuit la Russie communiste. Mais bien avant que Staline ne transforme le pays en une vaste machine à dénoncer, à torturer, à emprisonner et à tuer.

Dans ce monde sans pitié, Anton Semionovitch Vassiliev est du bon côté. Membre de la police, le sinistre NKVD, il est craint et respecté. Il fait essentiellement du travail de bureau. Les dossiers des pseudos « espions » et « terroristes » passent tous entrent ses mains. C'est lui qui décide, d'un simple coup de tampon, s'ils iront croupir dix ans en Sibérie ou finiront une balle dans la nuque. Anton doit son statut à son père médecin. Il a soigné un général au bon moment. La famille est donc protégée par le régime. 

Ce n'était pas le cas de leurs voisins, les Milovanoff qui ont préféré fuir en France bien avant le début de la terreur. Anton complice mais pas convaincu. Ce n'est qu'une façon de se protéger, lui et sa mère. Mais quand il apprend que le général bienfaiteur vient d'être condamné à mort, il se doute que tout va basculer. Avec son jeune amant, lui aussi membre du NKVD, il décide de fuir. Ils vont, en quelques heures, mettre en place un plan ingénieux pour franchir ces frontières devenues totalement imperméables.

La cupidité des chefs

Le récit de Jean-Pierre Milovanoff est d'une dureté extrême. Il raconte notamment comment certains petits chefs font du zèle, pour assurer leur situation voire obtenir une promotion à Moscou. Avec l'espoir fou de se rapprocher de Staline. Ainsi le supérieur direct d'Anton, Romanenko, lâche et paranoïaque est devenu expert en la matière : « Avec l'acharnement des démons inférieurs, l'habile Romanenko avait aggravé le cas de l'accusée en impliquant plusieurs personnes de son quartier de manière à constituer à partir d'elle un réseau de terroristes. Le procédé était simple. Toute personne à qui la malheureuse avait adressé la parole un jour ou l'autre, fût-ce pour acheter une demi-livre de betteraves, devenait le membre actif d'une conspiration. » Des délateurs professionnels étaient même payés pour étayer les accusations. Des millions de personnes ont perdu la vie au cours de cette « terreur rouge ».

Et Jean-Pierre Milovanoff d'analyser cette dérive du régime : « Que serait l'histoire du monde sans la cupidité des chefs ? L'idéal de pauvreté des premiers bolcheviks n'a pas résisté à la réalité d'un pouvoir incapable de nourrir la population. » Un témoignage historique toujours d'actualité dans certaines dictatures vacillantes.

« Terreur grande », Jean-Pierre Milovanoff, Grasset, 14 €

mardi 15 mars 2011

BD - A fleur de peau


Quand on est policier, face à des affaires d'enlèvement, tout est bon pour retrouver la victime. Tout, même le paranormal. Malika et Patrick sont un binôme classique d'inspecteurs de police. Moins classique est leur aide épisodique, Dan. 

Cet étudiant à un don. Il peut « sentir » où se trouvent les disparus. Comme une boussole attirée par le Nord. Il ressent également leurs émotions, souvent angoissantes et douloureuses. Écrites par Séverine Lambour, ces trois enquêtes autonomes sont illustrées par Benoît Springer. 

Le duo s'affirme comme un des plus novateurs dans les thèmes abordés, aimant tester les genres à tout va. Dan, surnommé la « Boussole » souffre beaucoup, mais il a un tel potentiel qu'il serait dommage que ses enquêtes s'arrêtent là.

« La boussole », Soleil Quadrants, 17 € 

lundi 14 mars 2011

BD - Rencontre virtuelle


Charles Masson, médecin et auteur de BD, se contente du rôle de dessinateur pour cette étrange histoire de rencontre amoureuse sur le net. 

Le scénario est de Chloé von Arx, une comédienne belge qui signe là son premier album. Léa, décoratrice, désespère de trouver l'âme sœur. Elle écume les sites de rencontre et semble enfin avoir trouvé l'oiseau rare. Noé, coiffeur, a flashé sur elle. Le premier rendez-vous va être épique. 

Noé est venu accompagné de ses deux meilleurs amis : un ersatz du Che Guevara et un illuminé gothique. Bizarrement, Léa lui donne une seconde chance. Mais finalement elle devra se rendre à l'évidence : les fous pullulent sur internet. 

Un album qui laisse un petit goût d'inachevé malgré des personnages forts et attachants.

« L'arche de Noé a flashé sur vous », Futuropolis, 18 €

dimanche 13 mars 2011

BD - Artiste oublié


Qui se souvient de Roland Avellis ? Personne, car ce chanteur n'est jamais monté sur scène sous son vrai nom. Pourtant il a été extrêmement célèbre durant les années 30 et 40. Roland Avellis, alias « Le chanteur sans nom » faisait son tour de chant avec un loup sur les yeux. 

Tombé dans l'oubli, il est remis en lumière par Arnaud Le Gouëfflec dans ce roman graphique dessiné par Olivier Balez. Le scénariste se met en scène dans sa quête de renseignements, avec le fantôme de Roland à ses côtés. 

On découvre alors la véritable personnalité de ce forçat du music-hall, un peu toxicomane, beaucoup escroc. 

Après sa période de gloire, il a été comptable d'Edith Piaf et grand ami d'Aznavour. Une personnalité complexe qui donne toute sa saveur à cette BD très prenante.

« Le chanteur sans nom », Glénat, 20 € 

jeudi 10 mars 2011

BD - Femme aventurière


André Benn, vétéran de la BD franco-belge, après avoir beaucoup oeuvré pour la jeunesse (Tom Appledie, Mic Mac Adam) s'est tournée vers des productions plus adultes. Un changement de ton et de graphisme atteignant son apogée avec le second tome des tribulations de Valentine Pitié. La jeune Canadienne, perdue dans le grand Nord, a survécu en étant adoptée par un chasseur inuit. Une initiation à la vie sauvage racontée dans le premier tome. 

Dans le second, la belle Valentine revient à la civilisation. Elle retrouve la maison familiale parisienne et découvre, en ce XXe siècle balbutiant, l'aviation. Elle tombe amoureuse d'un aviateur et de ses appareils. Jusqu'à devenir la première femme à voler. 

Un album hors normes, à la construction narrative très particulière, comme si le récit était fragmenté en touches de couleurs à la manière des impressionnistes. Une vie exceptionnelle marquée par l'indépendance et la tragédie. Une très grande BD d'un auteur à redécouvrir.

« Valentine Pitié » (tome 2), Dargaud, 13,95 € 

mercredi 9 mars 2011

BD - Femme du passé


Ella Mahé, restauratrice de manuscrits anciens, est embauchée par un musée égyptien afin de remettre en état des livres retraçant la construction du canal de Suez. La jeune femme, avant de débuter son contrat, prend quelques jours de vacances et croise le chemin de Thomas Reilly, un archéologue. 

Elle découvrira dans le premier tome de cette série de Maryse et Jean-François Charles, l'existence d'une mystérieuse princesse des sables, aux yeux vairons, comme elle. Dans le second tome, dessiné cette fois par Francis Carin (le premier était de Taymans), elle en apprend plus sur la sépulture de cette guérisseuse sans visage. L'époque actuelle de l'histoire est dessinée par Charles, les souvenirs par Carin. 

Deux prochains titres sont prévus avant la fin de l'année. C'est l'occasion de raconter les mystères de cette Egypte disparue et qui a longtemps été une civilisation rayonnant sur tout le Moyen Orient. Ella est belle sous le pinceau de Charles, tout comme la princesse mystérieuse et envoutante sous les plumes des dessinateurs invités.

« Ella Mahé » (tome 2), Glénat, 13,50 €

mardi 8 mars 2011

BD - Femme et métisse


Superbe portrait de femme dans cette nouvelle série écrite par Joël Callède et dessinée par Gaël Séjourné. « L'appel des origines » raconte la vie d'Anna, jeune métisse cherchant sa place sans le Harlem des années 20. Elevée par sa tante, employée dans le restaurant familial, elle est une jeune fille sage la journée. La nuit, elle va s'encanailler avec des amis, dansant à n'en plus finir dans les boites de jazz. 

Mais sa différence de couleur, son père était blanc, l'empêche de totalement s'intégrer. Un père absent dont elle ne connaît pas l’identité. Jusqu'au jour où sa grand-mère lui apprend que c'est le « fameux chasseur de fauves Clarence T. Whitmore » récemment disparu en Afrique. 

Anna va tout faire pour le retrouver, quitte à se transformer en actrice et accepter d'aller tourner un film sur la terre de ses très lointains ancêtres. Anna, belle à couper le souffle, devra d'abord rompre tous les liens avec ses amis noirs. 

Séjourné dessine son héroïne avec amour, un peu à la façon de Gibrat dans « Le sursis ».

« L'appel des origines » (tome 1), Vents d'Ouest, 13,50 € 

lundi 7 mars 2011

Thriller - L'art à vif

L'art moderne autorise-t-il tous les excès ? Une question placée au centre de ce thriller très actuel signé Véronique Chalmet.


Le succès d'un thriller ou d'un roman policier doit beaucoup à la figure du « méchant ». S'il est crédible, la peur et l'angoisse suscitées sont d'autant plus fortes et prenante. Véronique Chalmet dans « Les écorchés » a particulièrement soigné le personnage de Joseph Farkas, tueur sanguinaire déguisé en artiste contemporain. Son astuce, transformer ses victimes en œuvres d'art et augmenter ainsi sa fortune lui procurant de fait une impunité de plus en plus grande. Farkas à qui tout réussit jusqu'à sa rencontre avec la journaliste d'investigation Rebecca Volconte.

A la base, cette reporter franco américaine freelance pour la presse magazine se lance sur la piste d'un trafic d'êtres humains. Des hommes et femmes transformés pour l'occasion en bétail, que l'on découpe en petits morceaux pour approvisionner le marché florissant des transplantations d'organes.

Organes à vendre

Tout débute en Chine, le terrain de prédilection de Rebecca parlant parfaitement le japonais et le mandarin. Avec l'aide de Darwin Lee, autre journaliste américain d'origine chinoise, elle recueille le témoignage d'un ancien policier. Il explique par le détail comment il avait des directives afin d'accroitre le nombre de condamnés à mort. Des hommes et femmes qui étaient exécutés dans des hôpitaux, uniquement pour récupérer et revendre leurs organes. Un véritable système qui profite à tous les nantis du monde, un rein ou un cœur se monnayant plusieurs centaines de milliers de dollars.

Darwin, en Chine, Rebecca à New York, vont comprendre que ce système ne profite pas uniquement aux malades. Josef Farkas fait lui aussi son « marché » par l'intermédiaire des prisons chinoises. Cet artiste est devenu célèbre en transformant des cadavres en œuvres d'art. Après les avoir écorchés, il les fige dans des poses souvent provocantes et les traite afin qu'ils ne se détériorent pas.

Eternité artistique

Il prétend ainsi offrir l'éternité à qui accepte de lui confier son corps. Rapidement devenu une sorte de gourou, il multiplie les « créations ». Mais le lecteur découvre que les plus réussies sont issues de ses « chasses ». Car Farkas, âme noire s'il en est, aime d'abord capturer ses proies puis les écorcher vivantes... Farkas le démoniaque qui donne toute sa saveur à ce thriller par ailleurs très réaliste, offrant un luxe de détail dans un système qui doit en grande partie être véridique.

L'action se déroule en Chine, puis au Kirghizstan, pays accueillant la Fabrique, l'usine de Farkas où il transforme les corps. Rebecca reste à New York, rencontre l'artiste et finalement accepte de le suive au Brésil. C'est dans la forêt amazonienne que Farkas aime le plus chasser. Rebecca ne se doute pas qu'il ne voit en elle qu'une proie de choix...

Véronique Chalmet, par ailleurs journaliste spécialisée en criminologie a su alterner action pure (Darwin en Chine) et réflexion sur les limites de la provocation dans l'art moderne. Et la fascination de nos contemporains pour tout ce qui touche au morbide.

« Les écorchés », Véronique Chalmet, Flammarion, 19,90 €






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samedi 5 mars 2011

BD - Mort d'un président


22 novembre : l'Amérique est sous le choc après l'assassinat du président. Mais qui a tué le président en cette fin d'année 1973 ? Ce nouvel opus de la série « Jour J » qui explique l'histoire en la modifiant, se penche sur les USA. 

Dans cette autre réalité imaginée par Duval et Pécau et dessinée par Wilson, Kennedy n'a jamais été élu. Nixon est sur le point d'entamer son quatrième mandat et envisage, pour mettre fin à la guerre du Vietnam d'utiliser l'arme nucléaire. Un président limité, une armée tout puissante : il faut trouver une solution radicale. Un ancien marine est contacté, il aura la lourde tache d'appuyer sur la gâchette. 

Cet album est passionnant pour ceux qui connaissent un minimum l'histoire des USA. Tout y est inversé, un effet miroir qui nous fait penser que finalement, nous ne sommes pas tant que cela à plaindre...

« Jour J » (tome 5), Delcourt, 13,95 € 

vendredi 4 mars 2011

BD - Les affreux du foot


Le foot déchaîne les passions. Les supporters, parfois, dépassent les bornes. Ceux de ce recueil de gags signés Hipo et JPS pour le scénario et Jack Domon pour le dessin sont tout bonnement infréquentables. Ce sont les pires supporters que l'on peut imaginer. Pas dans le genre hooligans violents, mais dans le genre grossiers, de mauvaise foi et gros buveurs. 

Deux types de gags sont récurrents : quand ils sont en groupe dans les tribunes (le langage est corsé), quand le supporter est seul et obligé de manquer un match pour faire plaisir à sa femme. Il imagine toute une série d'astuces pour être quand même au courant du score. 

Ce n'est pas l'album qui révolutionnera le genre, mais il suffit qu'on connaisse un supporter pour que les gags prennent une saveur supplémentaire.

« Drôles de supporters », Jungle, 9,95 €