jeudi 10 février 2011

BD - Jésus rit grâce à Goossens


La vie de Jésus Christ, même si elle ne finit pas dans la joie et la bonne humeur, peut être une source inépuisable de gags pour un auteur osant tout. Dans cette catégorie, Daniel Goossens s'est affirmé au fil des albums comme un expert. 

Ses deux héros, Georges et Louis, romanciers, entreprennent de réécrire la vie de Jésus Christ. Cela donne des récits de 3 à 5 pages, tous aussi absurdes les un que les autres. Par exemple, on ne sait pas si Jésus était maigre ou obèse, s'il portait des lunettes ou était noir. La seule certitude c'est qu'il avait les dents en avant. Pour une raison très simple : « ça peut devenir un avantage sélectif si l'humanité doit construire des barrages comme les castors après l'apocalypse. » 

Ce Jésus, très éloigné de celui du catéchisme, est effectivement un sacré comique...

« Sacré comique », Fluide Glacial, 14 €

mercredi 9 février 2011

BD - Succube pizza


Des personnages marquants, une intrigue soignée, un sacré coup de patte : « Freaks'Squeele » de Florent Maudoux a tout pour devenir une série phénomène. Ce quatrième tome propose la conclusion de la première saison et le début de la seconde. Chance d'Estaing, la démonette, affronte Ange Saint-Just.

 Elle représente la FEAH, l'école des loosers, face au héros de Saint-Ange. La jeune étudiante pourra bénéficier de l'aide de ses deux camarades de cours, Xiong Mao, héritière d'une triade chinoise et Ombre, un homme-loup aux motivations mystérieuses. Un combat final d'anthologie où le trait de Florent Mandoux donne toute sa puissance à cette série. « Freaks'Squeele » mérite deux lectures. 

Une première pour s'imprégner de l'histoire, une seconde pour détailler la richesse du graphisme. Mandoux est un maître, rapide et efficace. En plus il ne se prend pas au sérieux, truffant son récit de gags décalés, se mettant même en scène, ainsi que quelques lecteurs rencontrés sur le forum dédié à la série.

« Freaks'Squeele » (tome 4), Ankama, 14,90 € 

mardi 8 février 2011

BD - L'équilibre des éléments

Cela a tout du manga et pourtant « ElémentR » est 100 % français. Les auteurs sont jeunes, très influencés par les BD japonaises et naturellement quand ils imaginent une histoire, c'est sur un format et un rythme qui n'a rien à voir avec le traditionnel 46 pages de l'école franco-belge. 

Le premier tome compte plus de 200 pages et regorge de batailles s'étalant sur des séquences sans fin. Mayen, Bouveret et Tribout ont imaginé un peuple vivant caché dans la ville de Léolia, au cœur de la terre, les Elémentaires. Ils sont régis par un des quatre éléments. Ryuga, le héros, dépend de l'air. Prisonnier, il pourrait retrouver la liberté s'il accepte de capturer Henrick, son ancien complice qui s'est réfugié à la surface de la terre, au milieu des humains. 

Une mission qu'il accepte, rejoignant la surface en compagnie de la très charmante Lyllia. Il rencontreront un médecin, Nina Muller, beaucoup plus mature que les fougueux élémentaires. Elle se révèlera être le personnage le plus complexe, intriguant en coulisse pour découvrir le chemin la menant à Léolia. 

Une BD à réserver aux passionnés de mangas.

« ElémentR » (tome 1), Vents d'Ouest, 10,55 €

lundi 7 février 2011

BD - Alien breton


 

Emile a plus de 45 ans. Bientôt 50. Emile n'est pas spécialement satisfait de sa vie à Perros-Guirec. Divorcé de la mère de son fils, il vit chez ses beaux-parents qui ont pris fait et cause pour lui. Pour le petit aussi dont ils assurent l'éducation. Côté boulot ce n'est pas la joie non plus. Emile tente de vendre de vieilles fermes à de riches acheteurs. C'est la crise. Seul avantage, quand Emile emballe une jeune femme (cela lui arrive encore parfois) il finit la soirée dans une de ces demeures inoccupées. Alors qu'il profite de la grande baignoire en compagnie d'une ravissante bouchère, son patron débarque. Il avait des soupçons, il a maintenant des certitudes. Emile risque le licenciement. Heureusement Boris intervient. Boris c'est un extraterrestre qui vient de s'échouer en Bretagne. Avec le rayon sorti d'une de ses tentacules, il désintègre la tête du patron... Cela part comme une étude sociale de la déprime des quadras, cela dévie vers la SF déjantée. « Tombé du ciel », écrit par Berberian et dessiné par Gaultier est un ovni à plus d'un titre. Imaginatif, profond, actuel et parfois philosophique, cet album vous séduira par son côté foutraque.

« Tombé du ciel » (Première partie), Futuropolis, 20 €


dimanche 6 février 2011

Roman - Parole d'enfant

Le premier livre en solo de Nathalie Hug explore les pensées les plus secrètes d'un enfant en quête de père.


Adrien est patient. Il attend. Que sa mère rentre, qu'elle guérisse. Il attend aussi d'avoir un père, lui, le solitaire aux sombres pensées, « L'enfant-rien ». Ce court roman, se lisant d'une traite, comme une longue plongée en apnée, marque les débuts en solo de Nathalie Hug. Elle explique avoir longtemps gardé dans une boite rouge ce conte vieux de dix ans. C'était donc avant sa rencontre avec Jérôme Camut, son homme, sa moitié littéraire avec qui elle a signé des thrillers et romans d'aventures (« Trois fois plus loin », « Les yeux d'Harry » ou « Rémanence » très récemment). On retrouve un peu de son savoir-faire dans ce roman, notamment dans la façon d'amener le coup de théâtre final plongeant le lecteur dans un doute affreux : le rien serait-il plus important que l'enfant ?

La voix d'un gamin


Adrien est le héros, le personnage principal, le narrateur. Un enfant vous parle. Il faut se mettre à sa place pour comprendre. A ce niveau, la performance de Nathalie Hug, son empathie, est remarquable. En lisant ce texte, on entend comme une petite voix dans sa tête racontant ce quotidien qu'il rejette. Car Adrien n'est pas spécialement heureux. Sa mère se laisse aller, zonant sur son canapé, inactive toute la journée. Il ne va pas à l'école, maladie oblige, suivant des cours par correspondance. Il est relié à l'extérieur par Isabelle, sa sœur. Sa demi-sœur exactement car elle, au moins, connaît son père. Ce dernier vient régulièrement la chercher pour des week-ends qui font rêver Adrien. Il espère toujours que ce presque père va le remarquer, qu'il va pouvoir partir avec Isabelle, découvrir cette autre famille. En vain. Il passe alors des week-ends sinistres, amorphe, détestant sa mère, sa dépression et ses secrets.

Un jour pourtant, il part enfin avec le père d'Isabelle. Il va s'installer pour quelques jours chez eux. Contraint et forcé. La mère d'Adrien est à l'hôpital, dans le coma, après avoir été renversée par une camionnette dans la rue. Au début il est content, puis comprend qu'il n'est pas le bienvenu : « C'est sur le perron illuminé, devant cette grande porte de bois sculpté, qu'Isabelle m'a enfin répondu – le fracas de l'averse sur les tôles du garage tout proche couvrait sa voix : Si maman n'avait pas eu cet accident, morpion, tu ne serais jamais venu habiter chez mon père. » Adrien va tout faire pour séduire sa nouvelle famille. Le père d'Isabelle, mais également sa nouvelle femme et le bébé qu'ils viennent d'avoir.

Un besoin d'amour immense

Un bébé qui se révèle finalement être un énorme un obstacle. Tout l'amour paternel est pour lui. Aussi, une nuit, Adrien pénètre dans la chambre du nouveau-né et décide de le tuer, comme pour prendre sa place. Une tentative d'étouffement qui échoue lamentablement. Adrien enrage, « Je soulève le bébé, j'ai envie de le jeter par terre mais je refuse d'en faire un tas de fraises à la crème. » On pense un moment que Nathalie Hug est revenue à ses fondamentaux (peur, angoisse, violence), mais ce n'est qu'une péripétie dans la tête d'un gosse incompris, pas encore assez corrompu pour passer à l'acte. Son besoin d'amour est bien plus grand. Un vide qui ne va que s'accroitre. La vérité sur Adrien, on ne la découvre que dans les trois dernières pages, une conclusion coup de poing qui coupe le souffle et ne peut laisser indifférent.

« L'enfant-rien », Nathalie Hug, Calmann-Lévy, 14,50 €

samedi 5 février 2011

BD - Conte glacé


Marie Pommepuy, la moitié de l'entité Kerascoët qui a dessiné plusieurs Donjons, semble vouloir se spécialiser dans les histoires tristes. Elle avait fait une entrée remarquée dans le clan des scénaristes innovant en proposant « Jolies Ténèbres » 

Elle récidive avec l'adaptation très libre de « La reine des Neiges » d'Andersen. Patrick Pion en assure le dessin, imaginant ce monde de cauchemar peuplant les rêves d'une fillette en fuite. Gerda a un ami, Kay. Ce dernier disparaît en compagnie d'une princesse toute vêtue de glace. Gerda en allant à sa recherche, est capturée par une mamie qui mange les petits enfants, puis une fillette ogre qui veut devenir son amie, tout en se réservant le droit de la manger quand elle aurait faim. 

Les dessins font parfois un peu penser à du Buzzelli, la beauté de la fillette tranchant avec les masques grimaçants des autres créatures. Un conte cruel à réserver aux plus grands.

« Cœur de glace », Dargaud, 14,50 €

vendredi 4 février 2011

BD - Cœur en balade


La collection "Série B" des éditions Delcourt porte parfaitement son nom. On y retrouve des histoires qui n'ont d'autre but que de vous faire évader le temps de ces 46 pages souvent futuristes, pleines de bruit et de fureur. « Spyder » est la première contribution du scénariste Latour et du dessinateur Mr Fab. 

Spyder, le héros, est un agent du HK3, la police de Hong Kong chargée de surveiller les anneaux d'un vaisseau alien apparu dans le ciel sept ans auparavant. Ces anneaux permettent de se téléporter en 24 points de la Terre. A l'arrivée des touristes français en provenance de Paris, Spyder prend en chasse Cassel, un espion français qui transporte une mallette médicale. A l'intérieur, pas moins que le cœur du président français... 

Ce cœur en balade est convoité par la CIA qui y voit un moyen de pression pour empêcher notre vieux pays de jouer les trouble-fêtes. Cassel et Spyder vont s'associer et durant 24 heures, mieux vaut ne pas se trouver à leur proximité tant les balles perdues sont nombreuses. 

Une "fast-série" dont trois autres tomes (dessinés par autant d'illustrateurs) paraîtront avant la fin 2011.

« Spyder » (tome 1), Delcourt, Série B, 13,50 €


jeudi 3 février 2011

BD - Citrouilles tueuses


Le Barzoon Circus cache bien son jeu. Cela semble être un petit cirque itinérant, avec clown triste, animal en cage, écuyères et magicien. Mais sous cette couverture se cache un service secret de la police américaine chargé d'enquêter sur des faits troublants se déroulant dans le pays profond. 

Alors que la crise de 1930 touche durement le continent, une petite ville de l'Alabama s'en tire relativement bien grâce à sa production vedette : la citrouille. Justement, la fête de ce légume, très prisé pour Halloween, va bientôt être célébrée. Et les villageois cherchent un roi. 

Un jeune enfant en bonne santé. Pas de chance le tirage au sort désigne le garçon d'écurie du Barzoon Circus. En plus de dévoiler le mystère du village, ses collègues devront le sauver des griffes d'un inquiétant monstre. Une série sans prétention, avec personnages percutants, intrigue de Jean-Michel Darlot tenant debout et ambiance inquiétante remarquablement rendue par le dessin de Johan Pilet.

« Barzoon Circus » (tome 1), Éditions Treize Etrange, 9,90 € 

mercredi 26 janvier 2011

Roman - L'Amérique du Sud attise les violences

 « Hotel Argentina », second roman de Pierre Stasse, fait découvrir au lecteur un Buenos Aires où la violence transpire par toutes les pores.


Hotel argentina.jpgLa jeunesse n'est pas éternelle. Cette merveilleuse période au cours de laquelle on se détache de sa famille sans encore se stabiliser, est une opportunité à ne pas manquer pour ceux qui sont en mal de voyages et de découvertes. Simon Koëtels, le héros de ce roman de Pierre Stasse, est dans cet état d'esprit quand il prend l'avion à Roissy, en plein hiver, pour rejoindre Buenos Aires. Il a finit ses études, en a assez de vivoter sur le salaire qu'il gagne dans le restaurant de sa mère. Il part donc pour trois mois. Sans véritable point ce chute si ce n'est l'adresse d'un vieil ami de la famille.

« Une ville totale »

Pour Simon, « le temps était venu de disparaître. » Plus simple à dire qu'à faire. Le premier contact avec la ville est détonnant. « Buenos Aires au mois de janvier cuisait les esprits ». Simon va se mettre à rechercher un appartement, du travail, une raison de continuer. Au cours de ses nombreuses promenades, il s'arrête régulièrement à des terrasses de café. C'est là que le destin bascule. Une charmante « adolescente andine » l'aborde. Il est sous le charme. Pas très longtemps car cette dernière ne s'intéresse pas à lui pour ses beaux yeux. « L'adolescente saisit ma sacoche et bondit de table. J'attrapai par réflexe son bras lorsqu'un homme dans mon dos m'anesthésia la mâchoire d'un coup de poing. » Plus de papiers ni d'argent, il ne se laisse pourtant pas abattre. « Je léchais le sang tiède contre ma joue lorsque la serveuse apporta le cocktail sucré. Une ville totale. »

Métamorphose

Le miracle arrive le lendemain. Un homme se présente au domicile de l'ami et lui annonce que la sacoche de Simon a été retrouvée. Elle lui sera rendue si Simon accepte de le suivre. Circonspect et intrigué, Simon accepte. Le jeune Français va pénétrer pour la première fois dans l'Hôtel Implicite, propriété d'Esteban Menger, millionnaire argentin parlant parfaitement le français. La sacoche a été volée par Suiri, servante employée à l'Hôtel.

En dédommagement, Esteban propose une suite à Simon. Pour le temps qu'il voudra. Le quotidien de Simon va changer radicalement. Il se retrouve comme un coq en pâte, profitant des installations de cet établissement luxueux. Il va également sympathiser avec Esteban et son frère, Juan Pablo. Simon, qui avait quitté Paris pour fuir sa famille, va s'en accaparer une nouvelle, pas toujours respectable malgré les apparences. La fortune des Menger date de la guerre et Esteban est souvent à la limite de la légalité. Il va d'ailleurs embaucher Simon pour une première mission occasionnant à ce dernier bien des problèmes avec les douanes américaines.

Ce roman, imprégné de la moiteur d'une ville que l'on devine excédée de chaleur, verra la violence monter au fil de l'apprentissage de Simon. Jusqu'à un paroxysme marquant la métamorphose du jeune homme de mouton français à loup argentin...

« Hotel Argentina », Pierre Stasse, Flammarion, 18 €

mardi 25 janvier 2011

BD - Turo, petit chasseur


Turo, jeune chasseur, est doté d'une force colossale. Il l'utilise pour tuer sangliers et autres grosses bêtes qui fournissent de la viande à sa tribu. Mais dans ce monde d'héroic fantasy, il lui arrive également de croiser un dragon et même une elfe. Cette dernière, aux prises avec les fantômes des gardiens d'un roi-sorcier, réussit à persuader Turo de la suivre en ville. Turo est émerveillé face à cette vie qu'il ne soupçonnait pas. Mais Turo va aussi découvrir qu'il a un destin et que cette force exceptionnelle n'est pas un hasard. Premier tome très convaincant d'une nouvelle série de Mateo Guerrero. Cet auteur Espagnol transforme l'essai graphique de sa première série, Beast, toujours au Lombard.
« Turo » (tome 1), Le Lombard, 9,95 €