lundi 26 avril 2010

BD - Spirou en bateau


Lewis Trondheim, il y a déjà quelques années, avait proposé aux éditions Dupuis de dessiner une aventure de Spirou. Proposition laissée lettre morte, le héros étant à l'époque intouchable. Aujourd'hui, le créateur de Lapinot prend sa revanche en signant le 6e tome de la série dérivée donnant la possibilité à des auteurs confirmés de donneur leur version de Spirou. 

Après Bravo, Le Gall, Yann ou Tarrin, Lewis Trondheim s'approprie ce petit monde et en confie la réalisation graphique à Fabrice Parme. Cela donne une histoire très loufoque, ancrée dans les années 50/60, se déroulant sur un paquebot de luxe risquant couler en croisant des icebergs. Heureusement le comte de Champignac est à bord et ses inventions (renforcées par la bravoure de Spirou) permettront d'éviter la catastrophe. 

Frais, distrayant, novateur : un album à classer dans les incontournables de 2010.

« Panique en Atlantique », Dupuis, 13,50 € 

dimanche 25 avril 2010

Roman - Une grande leçon de littérature

Dans son dernier roman, Philippe Djian profite du métier de son héros, professeur d'université, pour donner une magistrale leçon de littérature.


Marc, la cinquantaine, est professeur de littérature dans une université de province. Il a tenté, un temps, d'être écrivain. Mais il a finalement compris qu'il faisait fausse route. Il enseigne donc à des étudiants souvent sans talent comment faire résonner une phrase, lui donner du mouvement. Un emploi presque alimentaire qui lui permet en plus de garnir son lit. Marc, en plus d'une grande connaissance de la littérature, a un charme fou qui fait fondre ses étudiantes. Au début du roman, il est au volant de sa Fiat 500. Il fonce sur la route de montagne pour rejoindre sa maison. A ses côtés, Barbara. Une de ses étudiantes. Une des plus douées. Le lendemain matin, en se réveillant, il ne retrouve pas une jeune femme enjouée et heureuse mais un cadavre déjà froid. Que s'est-il passé. Alcool aidant, il ne se souvient de rien. Mais il en sait suffisamment de la vie pour savoir qu'il vaut mieux se débarrasser du cadavre au lieu de prévenir les gendarmes...

Le lecteur d'« Incidences » apprend donc assez rapidement que Marc n'est pas moral. Il jette le corps de Barbara dans un gouffre dont il est seul à connaître la bouche. Et tente de reprendre le cours de sa vie, comme si de rien n'était. Entre ses étudiants, sa sœur qui habite la même maison, et le directeur de l'université.

Entendre sa voix

Il assure ses cours, et c'est là que Philippe Djian se permet de glisser quelques sentences définitives sur l'art d'être écrivain. « Devenir un bon écrivain avant trente ans, voilà bien de la pure fiction à de rares exceptions près, trente ans c'est le minimum du minimum expliquait-il d'emblée à ses étudiants, est-ce que vous croyez qu'on apprend à jouer avec des mots en un jour, ou en cent, que la grâce va vous tomber instantanément du ciel, écoutez-moi, je vais être franc avec vous, comptes vingt ans, comptez vingt ans avant de commencer à entendre votre propre voix, de quelque manière que vous vous y preniez. » Et de remarquer, quelques pages plus loin, toujours dans la bouche de Marc, « N'importe quel crétin est capable de raconter une histoire. La seule affaire et une affaire de rythme, de couleur de sonorité. »

Le roman, de très léger, va prendre de l'épaisseur, du volume, avec l'arrivée de Myriam, la belle-mère de Barbara. Entre elle et Marc, c'est une folle histoire d'amour qui va exploser. Mais Marc ne partagera pas ses secrets avec Myriam. « Un homme pouvait bien avoir quelques vices, estimait-il, et sans avoir à en rougir. Les épreuves que l'on traversait au cours d'une vie valaient bien ça. » Ce roman de Philippe Djian, comme souvent avec cet auteur foisonnant, entraîne le lecteur vers un monde au bord de la rupture. C'est complètement « borderline » et cela n'en a que plus de force.

« Incidences » de Philippe Djian, Gallimard, 17,90 € 

samedi 24 avril 2010

Roman - Tony Duvert sort de l'oubli

Gilles Sebhan revient sur la vie et la disparition de Tony Duvert, écrivain français mort dans l'indifférence.


A l'automne 1973, un jeune écrivain français remportait le prestigieux prix Médicis. Tony Duvert était un auteur prometteur des éditions de Minuit dirigées par Jérôme Lindon. Il n'a pourtant jamais véritablement décollé, ses œuvres devenant de plus en plus introuvables. Il est vrai qu'il abordait des sujets brûlants. Notamment la sexualité des enfants. Ce qu'il était possible d'évoquer et de dire dans les années 70 est devenu totalement tabou une décennie plus tard. Aujourd'hui, il est quasiment impossible de retrouver des écrits de Tony Duvert, comme si la malédiction de cet « enfant silencieux » l'avait suivi dans sa tombe. Au début des années 80, Tony Duvert a cessé de publier. Il s'est retiré chez sa mère, en province et s'est fait oublier. Il n'est revenu sur le devant de la scène qu'en août 2008. A la rubrique des faits divers. Les gendarmes découvrent son corps en état de putréfaction, recroquevillé dans son lit. Sa mort remontait à plus d'un mois.

Gilles Sebhan s'est demandé comment rendre hommage à cette plume singulière. Lui même écrivain (« Presque gentil » ou « La fête des pères »), il avoue l'importance de certains textes de Duvert. Il avait même envisagé, il y a quelques années, de le rencontrer. Un projet avorté. Impossible aujourd'hui. Et de constater que Duvert, avant de mourir physiquement, était mort en tant qu'écrivain. « Tony est mort en juillet et son corps a patienté un long mois. Tout comme en lui l'écrivain était mort des années plus tôt, vingt ans plus tôt, livrant un vivant à la pourriture dans une campagne française. Un homme a vécu ce supplice d'être mort vivant. » A côté d'une partie classique, reprenant les grandes périodes de la vie de Tony Duvert, de l'enfance sous la coupe d'une mère omniprésente, à ses années de bohème à Paris puis son exil au Maroc, jouissant de l'argent du Médicis et des corps des jeunes hommes s'offrant à lui et enfin le retrait de la vie culturelle, Gilles Sebhan signe quelques passages d'une incroyable violence. Notamment quand il fait parler le corps de Duvert en train de se métamorphoser sous l'action de la chaleur, « ce corps qui s'échappe de partout, qui coule dans le matelas, qui s'éparpille, s'effondre en viscères et en peau décomposée. »

Un texte fort, un hommage sincère, un livre militant dans une époque prudente et frileuse. Un monde aseptisé dans lequel Tony Duvert n'avait définitivement plus sa place.

« Tony Duvert l'enfant silencieux » de Gilles Sebhan, éditions Denoël, 14 €

vendredi 23 avril 2010

BD - Insectes ravageurs dans la série Namibia


Après Kenya (cinq tomes parus et une intégrale), Rodolphe et Léo nous entraînent sur les terres de Namibia. Mais cette fois, les deux auteurs se sont adjoint les services d'un troisième larron : Bertrand Marchal qui assure les dessins. Marchal qui reste cependant très fidèle au style de Léo, fait de simplicité et d'inventivité et qui a fait tout le succès de ses séries, d'Aldébaran à Antarès. 

En Namibie, quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale, un journaliste anglais photographie dans des champs de maïs des chenilles grosses comme des chiens. Il surprend également un occidental les observant. Un Blanc qui a les traits de Göring...

 Une information qui alerte les Anglais qui envoient sur place l'agent Kathy Austin. La jeune femme va de nouveau (c'était l'héroïne de Kenya) être confrontée à des phénomènes étranges. Une série pleine de mystère, entre espionnage et fantastique, avec toujours ces créatures « bizarroïdes » comme aime les décrire Léo.

« Namibia » (tome 1), Dargaud, 10,95 € 

jeudi 22 avril 2010

BD - Enfants en guerre


Bienvenue à Parva Terra, monde imaginaire créé de toute pièce par Raul Arnaiz. Ce dessinateur espagnol, après avoir rodé son trait dans le monde de l'animation, a enfin concrétisé ce projet d'héroic fantasy qu'il avait dans ses cartons depuis de nombreuses années. Sur cette île, il ne reste que des enfants. Tous les adultes ont disparu. Seul Roméo, le roi des chevaliers blonds se souvient. Une mémoire qui lui donne le pouvoir sur cette petite bande, en guerre contre les mages cheveux-noirs. 

Les deux communautés se sont partagé l'île et se livrent à un conflit aux airs de guerre des Boutons. Nathan, le meilleur ami de Roméo, assailli de cauchemars, commence à douter de l'utilité de cette rivalité. 

Il sera le premier à remettre en cause l'ordre des choses et le pouvoir de Roméo. Il sera capturé par les pirates roux et livré aux mages. Ces derniers lui expliqueront qu'il a une mission : combattre un mal sournois, l'obscurité. 

Cette jolie parabole contre le racisme et la guerre est d'autant plus plaisante que les dessins d'Arnaiz sont d'une fluidité et d'une luminosité de virtuose.

« Légendes de Parva Terra » (tome 1), Le Lombard, 9,95 € 

mercredi 21 avril 2010

BD - Powa et le Chêne féerique


Cela débute comme un série pour adolescents bien ancrée dans notre époque. Nathan est un lycéen à la vie insignifiante. Il vit seul avec sa mère. Est un peu le souffre-douleur de certains de ses camarades. Côté sentiments, une timidité maladive l'empêche de faire le premier pas. Nathan pas forcément malheureux, mais pas épanoui. La première partie de cet album montre ce quotidien fait de frustrations et de petites défaites. Jusqu'à ce cours de sport qu'il redoute tant car, quand il s'agit de faire les équipes, il est toujours le dernier choisi. 

Et cette fois, il est carrément mis sur la touche. Un peu dégoûté, il quitte le terrain et va ruminer sa tristesse au pied d'un chêne. Un arbre magique où il rencontre pour la première fois une fée. Très mignonne, assez délurée, elle lui propose de lui donner un don différent chaque jour jusqu'à ce qu'il se décide pour en garder un définitivement. Nathan, après quelques heures de réflexion (et de nouvelles humiliations) lui demande de pouvoir voler... 

Remarquablement dessinée par Ben Fiquet, cette série urbano-fantastique fera rêver tous les se jeunes se désespérant de leur vie trop morne.

« Powa » (tome 1), Delcourt, 9,95 € 

mardi 20 avril 2010

Premiers polars, premiers prix

« Et on dévora leur cœur » de Sylvain Blanchot et « Turpitudes » d'Olivier Bocquet : deux premier romans primés pour des auteurs prometteurs.

Le premier vient d'être publié par les éditions du Masque car il a remporté le prix du premier roman au festival de Beaune. Le second intègre la collection thriller de Pocket après avoir séduit de milliers d'internautes qui ont voté pour son manuscrit en ligne. Sylvain Blanchot et Olivier Bocquet sont des débutants surdoués qui devraient compter dans les années à venir.


La découverte de nouveaux talents est souvent une des motivations premières de certains éditeurs. Ainsi il existe plusieurs filières pour tenter de mettre la main sur la perle rare. Une des plus originale a été lancée l'an dernier : un concours qui mettait à contribution les internautes pour donner leur avis et désigner le manuscrit gagnant. Thriller Mania a permis à 40 000 personnes de désigner les résumés les plus prometteurs puis de juger sur pièce en découvrant les premier chapitres.

A ce petit jeu, fin juin 2009, c'est Oliviou qui l'a emporté pour son histoire intitulée « Les minicrobes ». Quelques mois plus tard le pseudo a laissé la place à un véritable auteur : Olivier Bocquet. Publié dans la collection thriller entre Harlan Coben ou Maxime Chattam (qui faisait partie du jury), il propose « Turpitudes ».

Fin 2003, plusieurs phénomènes extraordinaires vont bousculer la quiétude de Fontainebleau. Meurtre sanglant, émeute et épidémie vont transformer la ville tranquille en nid de problèmes insolubles. Des événements qui semblent indépendants les uns des autres mais qui pourtant sont reliés secrètement.

C'est cet enchaînement de coïncidences qu'Olivier Bocquet va raconter avec brio, d'une plume alerte non dénuée d'humour et de fantaisie. On remarque en premier lieu dans ce premier roman la maîtrise de l'intrigue et le bon timing pour présenter les différents protagonistes. On surfe ainsi du maire ripoux à Rachel, sa fille désabusée, du prof opportuniste à la petite racaille flairant le bon coup. Un roman classique entrelardé de faits divers véritables (tirés de la presse locale) et d'extraits du journal intime de Rachel. Et comme tout thriller qui se respecte, ce n'est pas forcément politiquement correct.

A noter que le concours Thriller Mania vient de débuter pour une seconde saison. Vous avez jusqu'à la mi-août pour déposer en ligne un résumé et le manuscrit de votre thriller. Après sélection du jury, dix projets seront soumis au vote des internautes à partir de septembre. Le nom du lauréat sera dévoilé mi novembre et édité en 2011 par Pocket.

A l'américaine


Plus classique est la désignation du prix du premier roman du festival du film policier de Beaune. Un jury, composé de professionnels (journalistes, scénariste, acteur et écrivain), sous la présidence de Jean-Christophe Grangé, choisit le manuscrit qui est édité dans la prestigieuse collection du Masque Jaune. Cette année c'est Sylvain Blanchot qui est distingué pour « Et on dévora leur cœur », un thriller digne des meilleurs romanciers américains. Il est vrai que l'action se déroule de l'autre côté de l'Atlantique et que la tension, omniprésente dans l'histoire, donne ce petit air très américain. Samuel Johnson, le héros, cherche à sauver sa peau. Il est poursuivi par les tueurs de Miguel Beaumont, l'homme à qui il a volé 50 000 dollars. Il se réfugie à Murton Caves, une petite localité au pied de la montagne. Mais sur place, il va devoir affronter un danger encore plus grand.

Particulièrement abouti, ce premier roman est plus que prometteur. Son auteur a de fortes chances pour rejoindre la petite légion des auteurs de polar français qui comptent.

« Turpitudes », Olivier Bocquet, Pocket, 6,50 €

« Et on dévora leur cœur », Sylvain Blanchot, Le Masque, 6,50 €

lundi 19 avril 2010

BD - Explorateur perdu


Le baron Alexandre de Humbolt est un célèbre explorateur et naturaliste du 19e siècle. Etienne Le Roux fait le récit de son dernier voyage, en Amérique du Sud et c'est Vincent Froissard qui se charge de l'illustrer. Derrière une couverture assez austère, se cache un objet graphique d'une grande originalité. D'une grande beauté surtout. 

Les errances de l'explorateur (accompagné d'une jeune femme et poursuivi par un rival) sont prétexte à des tableaux somptueux, entre gravure d'époque et effets actuels. Au fil des pages, on est littéralement transporté dans cette jungle hostile et inamicale, on sent l'humidité et la moiteur, on fait corps avec le milieu.

 Rarement un dessinateur aura réussi à ce point à faire passer des sensations avec de simples images.

« Le dernier voyage » (tome 1), Futuropolis, 17 €

dimanche 18 avril 2010

BD - Toutes les vies


Après les films chorales, voici les BD du même genre. Ce roman graphique de Gloris (scénario) et Charve (dessin) raconte le quotidien de six amis, quatre garçons et deux filles, la trentaine. Avec de très nombreux retours en arrière, quand ils étaient encore étudiants, déconneurs et plein d'enthousiasme. 

Stéph se frotte à la dure vie du chef d'entreprise, Laurent végète dans son emploi de banquier, Sophie tente d'intéresser une classe d'adolescents, Djed est chômeur longue durée, Natacha est toujours étudiante. Quant à François, le personnage pivot, il est resté le geek passionné de jeux vidéo, casanier, amoureux transi. Au début, cela ressemble à une version plus jeunes de Plus belle la vie, mais rapidement on découvre les failles des personnages, leurs échecs, leurs renoncements. 

Un petit bijou de psychologie où chacun y trouvera un peu de son histoire.

« Ainsi va la vie », Drugstore, 17 € 

samedi 17 avril 2010

BD - Un renard futé


Cyril Trichet n'avait qu'une seule série à son actif : « Les arcanes de Midi-Minuit ». Ce jeune dessinateur ayant fait ses premières armes au côté de Crisse étend sa palette graphique avec « Les McFox », BD animalière ancré dans la réalité. Son trait rond et dynamique, entre Disney et « Monster Allergy » permet au lecteur d'accrocher immédiatement aux aventures de cette famille de renards. 

Une famille très ordinaire, le père, colérique est chauffeur de poids lourds, la mère, gentille et attentionnée s'occupe du foyer et de ses deux fils, Praxis et Ecto. Le premier, adolescent amateur de skate, est écartelé entre l'envie de s'amuser et succomber aux premiers amours. Le second, plus jeune, est encore un bébé très naïf et innocent. 

Une BD tout public scénarisée par Gaudin et qui plaira plus spécialement aux moins de12 ans.

« Les McFox » (tome 1), Soleil, 9,95 €