vendredi 16 avril 2010

Roman jeunesse - Le mur du futur


Destiné aux adolescents, « Le Mur » d'Emma Clayton est un roman d'anticipation qui utilise subtilement les grandes peurs de notre quotidien : nouvelles maladies, surpopulation, pollution. L'action se déroule dans un futur proche. Exactement cinquante ans après l'apparition de la peste animale. Du jour au lendemain, tous les animaux se sont transformés en monstres assoiffés de sang. Chats, chiens, oiseaux se sont mis à attaquer les humains. 

Les gouvernements n'ont trouvé qu'une solution pour protéger la population : ériger un immense mur qui permet de préserver l'hémisphère nord de la planète. C'est dans ce contexte que le lecteur fait connaissance avec Ellie. Cette jeune Anglaise de 12 ans est aux commandes d'un Pod Fighter. Elle vient de s'échapper d'une station spatiale où elle était prisonnière depuis une année. Elle n'a qu'une envie : rejoindre sa famille et notamment son frère jumeau, Mika. Mika qui est l'autre héros du roman. Il est persuadé que sa sœur, considérée comme morte par le reste de sa famille, est toujours en vie. Il va développer des pouvoirs paranormaux avec sa jumelle. 

Deux enfants exceptionnels, des mutants en vérité, qui ont une valeur très importante pour le gouvernement. Ce premier tome (une suite est prévue en 2011) en plus de planter le décor, nous plonge dans ce monde cauchemardesque qui risque d'être une réalité pour les enfants des lecteurs d'Emma Clayton. 

Un roman de SF engagé qui vaut bien des discours politiques.

« Le Mur » (1. La peste animale), Emma Clayton, Pocket Jeunesse, 18 €

jeudi 15 avril 2010

Roman - Chronique d'une haine ordinaire

Dans le Vieux Sud américain, les passions et les brutalités déchirent une population tiraillée par les sentiments ambivalents que ressentent Blancs et Noirs des années 40. "Mississippi", un roman de Hillary Jordan.


Une ferme et de la boue. Des champs de coton et de la boue. Une petite, toute petite ville du Vieux Sud et de la boue. « Quand je pense à la ferme, je pense à la boue. (...) Avec elle, impossible d'avoir le dessus. Elle recouvrait tout. Je rêvais en marron. » A 31 ans, Laura, professeur d'anglais dans une école privée de garçons à Memphis, vit encore chez ses parents et s'est déjà résignée à son statut de « vieille fille ». C'est pourquoi elle n'ose pas croire à sa chance quand, au printemps 1939, elle rencontre Henry McAllan, invité à partager le repas dominical par son frère Teddy, de qui il est le nouveau patron.

La mère de Laura, flairant l'aubaine, réitère son invitation pour le dimanche suivant. « C'était une créature rare et merveilleuse : un célibataire de quarante et un an. » Arriva ce qui devait arriver, après quelques mois d'une cour assidue, Henry demande à Laura de l'épouser. Folle de bonheur, comment la pauvre jeune femme, éprise de littérature, de musique et de tout l'attrait culturel qu'offre une grande ville, aurait-elle pu deviner que son époux tout neuf, fils de fermier et amoureux dans l'âme de la terre qui a fait vivre ses ancêtres, achèterait quelques années après leur mariage, une ferme perdue au milieu de nulle part ?

Entre ses deux filles, la prunelle de ses yeux, son mari et le père de celui-ci, vieux bonhomme acariâtre et membre du Ku Klux Klan, Laura tente bon gré mal gré, d'être une épouse et une mère exemplaire et se résigne à la situation. « Que les choses étaient simples pour Henry ! Que je regrettais parfois de ne pouvoir le rejoindre dans cet univers austère et carré où tout était soit bien soit mal et où il n'y avait aucun doute sur ce qui était quoi. Quel luxe inimaginable que de ne jamais avoir à batailler avec des peut-être et des pourquoi, de ne jamais passer des nuits blanches à s'interroger sur des si. »

Un racisme récurrent

Dans l'après-guerre de ce coin du sud des États-Unis, les Blancs sont bien décidés à défendre la supériorité de leur race face à un peuple noir dépendant économiquement du travail que veulent bien leur donner ces mêmes Blancs. Mais la guerre a changé la donne... Et quand Ronsel Jackson, le fils des métayers noirs des McAllan rentre au pays, couvert de gloire et de médailles, il refuse de se plier à ces lois iniques, lui qui s'est battu pour son pays et a connu la considération des Européens, faisant fi de la couleur de peau de leurs libérateurs.

Dans le même temps, Jamie, le jeune frère d'Henry, ancien pilote de bombardier, revient lui aussi au bercail et s'installe à la ferme familiale.

Entre ces deux-là, qui ont partagé les mêmes angoisses pendant toutes ces années de guerre, se noue une amitié improbable. Une amitié qui va attiser la haine des Blancs de la petite ville...

Faisant parler tour à tour chacun des protagonistes du roman, Hillary Jordan réussit le pari risqué de dresser des portraits tout en nuances et en contradictions, mettant en lumière les sentiments complexes qui habitent les Blancs comme les Noirs de cette époque incertaine. « Henry se moquerait de moi pour ce que je vais dire, mais je crois que les Noirs ont la faculté innée, qui nous manque à nous autres Blancs, de pressentir les choses, une sorte de prémonition. Elle se différencie de la raison, dont nous sommes plus pourvus qu'eux, et provient d'une contrée plus ancienne, plus sombre. » pense un Jamie déchiré entre son amitié pour Ronsel, le Noir, et son éducation pétrie de racisme.

Ronsel qui s'attire les foudres de la population blanche parce qu'il refuse par exemple d'emprunter la porte de derrière de la seule épicerie du village, celle de devant étant réservée à « l'élite blanche ».

L'écriture de la romancière est puissante, bouleversante, ciselée. Elle emmène le lecteur dans les tréfonds d'une intrigue en partie inspirée par les récits dont Hillary Jordan a été bercée dans sa jeunesse passée entre le Texas et l'Oklahoma. Sans nul doute une première œuvre menée de main de maître, qui ne sera, espérons-le, que le début de sa carrière d'écrivain.

Fabienne HUART

« Mississippi » de Hillary Jordan, éditions Belfond, 19 euros.

mercredi 14 avril 2010

BD - Sherlock démasqué


Sherlock Holmes est certainement le personnage de fiction ayant le plus fait rêver et fantasmer tous les écrivains tentés de prendre la suite de Conan Doyle. « L'ultime défi de Sherlock Holmes » de Michael Dibdin, roman paru en 1978, fait se rencontrer le célèbre détective et Jack l'Eventreur dans les bas-fonds de Londres. 

Un polar adapté par Olivier Cotte et dessiné par Jules Stromboni alors que le film cartonne sur les écrans. On admire particulièrement le dessin de Stromboni qui a soigné les ambiances. On se croirait dans un bouquin de l'époque, quelques gravures pleine page renforçant cette impression. 

Un futur must pour tous les fans du locataire du 221 b Baker Street.

« L'ultime défi de Sherlock Holmes », Casterman/Rivages, 18 €

mardi 13 avril 2010

BD - Vies de sorcières


Depuis la nuit des temps, les hommes ont cherché des bouc-émissaires à leurs erreurs. Dans cette catégorie, les sorcières ont souvent été bien utiles, un simple bucher permettant de calmer la vindicte populaire. Des vies de sorcières qui sont au centre de cette série de BD, toutes indépendantes les unes des autres et entièrement réalisées par des femmes. 

Les deux premiers titres se penchent sur le destin de Bianca et d'Hypathie. La première dans la Venise de la Renaissance, la seconde au Ve siècle, à Alexandrie, en pleine expansion de la religion chrétienne. Des sorcières, ou supposée telles, racontées par You et Alexine (Bianca) et Greinier et Pecout (Hypathie). On ne peut que tomber sous le charme de ces femmes envoûtantes.

« Sorcières » (tome 1 et 2), Dupuis, 13,50 € chaque volume 

lundi 12 avril 2010

BD - Bienvenue sur la Lune russe


Avec des si... Si la mission Apollo 11 avait été un échec, les Russes auraient été les premiers à marcher sur la Lune. Jean-Pierre Pécau et Fred Duval, les deux scénaristes de cette série concept intitulée « Jour J » imaginent une autre histoire. 

A l'orée des années 80, la guerre froide fait rage. Sur terre mais également dans l'espace. Russes et Américains ont chacun construit des bases lunaires permanentes. La tension est à son comble mais un événement imprévu survenu sur la Lune pourrait faire basculer l'avenir de l'Humanité. 

Dessinée par Philippe Buchet (Sillage) ce premier titre est passionnant. Entre fiction et réalité il n'y a souvent que l'épaisseur de deux lettres : si...

« Jour J : les Russes sur la Lune ! », Delcourt, 13,95 € 

dimanche 11 avril 2010

Roman - "Le Suaire" symbole de la folie


Frère Bartolomeo est un homme de foi, au cœur du XIVe siècle. Devenu responsable du monastère bénédictin du Trastevere à Rome après une épidémie de peste dévastatrice, sa soif d’idéal va le conduire à l’irréparable. Une descente aux enfers pour purifier les âmes, racontée par Agnès Michaux avec un rare brio dans "Le Suaire".

La peste fait des ravages. Partout la mort noire frappe, laissant quantité de cadavres sur son passage. Même dans la communauté religieuse « le Mal s’immisçait. Dans la ville et dans le cœur des hommes. Dans les corps moribonds et hideux des pestiférés ». Persuadé qu’il faut lancer un message fort à toute la population, il va imaginer un stratagème pour frapper les esprits. Découvrant les catacombes abandonnées, premier cimetière des Chrétiens, il entraînera ses moines dans une falsification historique de grande ampleur. Il va confectionner de toute pièce une nouvelle relique, le suaire du Christ. Pour ce faire il va procéder à la crucifixion d’un innocent, son fils Gentile, jeune muet qu’il est allé chercher à Venise.

Ce roman assez mystique vous entraînera dans les dédales du fanatisme. Bartolomeo, rendu totalement aveugle par son but, ne verra pas sa déchéance morale, ni l’amour qui unit Gentile à une religieuse, Arcangela.

On sort de cette fiction bouleversé, forcément interpellé par les symboles que toutes les religions se fabriquent au fil des siècles pour convaincre les nouveaux fidèles.

« Le suaire », Agnès Michaux, Calmann-Lévy, 15 €


jeudi 8 avril 2010

BD - Au bout de la crise


Superbe album signé du duo Jaime Martin et Wander Antunes. En pleine crise de 1929, des milliers d'Américains n'ont plus rien. Sans travail, maisons saisies, ils se retrouvent sur les routes, à mendier ou chercher un meilleur avenir à l'Ouest. 

Tom fait partie de ces hommes désespérés. Il est doublement touché par la crise car en plus d'avoir perdu tous ses biens matériels, il a également du faire le deuil de sa femme qui a préféré le suicide à la pauvreté. Tom croise la route d'un gamin passionné de Jack London. Il veut devenir marin. Ce gamin, son père le recherche. Tom va l'aider dans sa quête. 

Une intrigue simple, donnant l'occasion aux auteurs de décrire cette société américaine devenue folle. Assassinats impunis, justice expéditive : il ne faisait pas bon de vivre dans ce pays à cette époque.

« Toute la poussière du chemin », Dupuis Aire Libre, 15,50 € 

mercredi 7 avril 2010

BD - Alice virtuelle


Dans ce récit complet de 46 planches, Alice est une fillette curieuse qui va tenter de voir ce qui se cache derrière le miroir. De ce thème déjà brillamment exploré par Lewis Carroll, Frédéric Lhomme (scénariste) et Jean-François Cellier (dessinateur et coscénariste) vont en faire une histoire en forme de parabole, décortiquant les réalités virtuelles et l'asservissement de l'homme par la machine. 

Sur Mars, dans le futur, Alice rencontre Catherine, une jeune femme grande fan de jeux vidéos. Elle interprète Jeanne d'Arc dans le jeu « Guerres Médiévales », programme géré par l'ordinateur central totalement autonome et répondant au nom de Sorcière. Les relations entre Catherine, Alice, Sorcière sont au centre de ce récit jouant aussi sur l'avenir écologique de la Terre, Mars étant en pleine mutation due à sa terraformation. 

Parfois pointue, cette BD vaut surtout pour les superbes images de Jean-François Cellier, peintre plus que dessinateur de bande dessinée.

« Alice », Soleil, 12,90 € 

mardi 6 avril 2010

BD - Duel de fées


Elle est véritablement de plus en plus sympa cette petite fée qui vit dans un cartable. Sybil a été envoyée sur terre pour veiller sur Nina. La fillette commence à apprécier cette aide magique. Notamment quand il faut ranger sa chambre ou répondre à une interrogation écrite surprise. Mais il y a des règles qu'il ne faut pas transgresser. 

Sybil avait pourtant prévenu Nina : ne jamais la remercier. La fillette, polie, passe outre et Sybil disparaît. La vie devient rapidement terne pour Nina. Et de plus en plus périlleuse car la chipie de la classe, Lorie, a décidé de la faire souffrir. Lorie qui a de plus reçu l'aide d'Amanite, une méchante fée qui va tenter dans ce second tome de capturer Nina. 

Cet univers enfantin et fantastique a été imaginé par Michel Rodrigue (dessinateur de Cubitus). Pour dessiner les fées, très sexy, ce sont Antonello Dalena et Manuela Razzi qui ont été choisis. Cela donne une BD sucrée, qui plaira aux fillettes et grandes adolescentes.

« Sybil, la fée cartable » (tome 2), Le Lombard, 9,95 €

lundi 5 avril 2010

Roman français - Rêveur et explorateur

Avec « Le papillon de Siam », Maxence Fermine nous entraîne dans le sillage de Henri Mouhot, explorateur français du 19e siècle.


Qui n'a pas rêvé, un jour, d'enfiler un costume d'explorateur et de découvrir des contrées encore préservées ? Certes, de nos jours, il n'existe quasiment plus de terre vierge. Mais il y a 150 ans, les cartes du monde étaient encore pleines de trous. Ce sont ces zones inconnues qui ont poussé Henri Mouhot à quitter son milieu de petit bourgeois de Montbéliard, en Franche-Comté, pour le royaume de Siam. Cette vie, marquée par une quête et une découverte, Maxence Fermine la raconte dans ce roman à la facture classique, comme un peu datée mais totalement en osmose avec l'air du temps d'époque.

Le jeune Henri s'est mis à rêver d'explorations en fréquentant les rayons poussiéreux de la bibliothèque de son école. Il s'ouvre de nouveaux horizons et se promet de quitter dès que possible son petit quotidien pour courir le monde. Il s'imagine notamment en train de parcourir les forêts du Siam, un pays d'Asie qu'il ne connaît qu'à travers le livre écrit par un religieux, Mgr Jean-Baptiste Pallegoix. Il se jure d'aller lui aussi dans ce pays où tout semble différent et merveilleux.

Partir. Facile à dire. Moins à faire. Cette opportunité de quitter le cocon familial il l'a en devenant professeur de français pour un diplomate russe. Il découvre Saint-Pétersbourg et à la fin de sa mission débute un tour d'Europe. C'est en Italie qu'il rencontre sa future femme, une écossaise, nièce d'un explorateur. Un signe.

Papillon insaisissable

Pourtant ce mariage va le sédentariser quelques années. Mais le démon du voyage va le reprendre et avec beaucoup de culot, après avoir essuyé un refus du gouvernement français, il va proposer ses services aux Anglais pour explorer ce Siam qui le fait toujours rêver. Il aura gain de cause avec cependant une priorité : capturer un Papillon de Siam.

C'est lord Rosse, président de l'Académie royale des sciences de la couronne britannique qui lui décrit cet insecte rarissime « De taille gigantesque, aux couleurs mêlées d'or, de bleu et de vert, c'est une variété nouvelle et inconnue, véritable merveille de la nature. » Henri Mouhot embarque en 1858 pour un voyage qui sera l'aboutissement de sa vie.

Maxence Fermine raconte avec une forte empathie ce périple, à croire que le romancier était dans les bagages de l'explorateur. Henri retrouve sur place Mgr Pallegoix, l'écrivain et inspirateur de sa jeunesse. Durant des années, inlassablement, le Français va sillonner les forêts, vallées impénétrables et montagnes vertigineuse à la recherche de ce papillon. Il le croisera une fois, mais sera incapable de la capturer.

Désespéré, prêt à abandonner, il va par hasard découvrir les ruines d'une ville inconnue. Une seconde fois sa vie va basculer. « Il se trouve au cœur d'une cité bâtie par une civilisation disparue depuis des siècles. Une ville à la fois minérale et végétale, dont il ne subsiste qu'un amas de ruines, un cimetière de grès envahi par la végétation. Une cité de silence et de mystère. C'est là, dans ce lieu hors du temps, alors qu'il cherche désespérément un papillon qui se dérobe à lui, qu'Henri Mouhot parvient au cœur du tombeau d'une race disparue. » Henri Mouhot n'a pas trouvé son papillon, mais il a révélé au monde entier Angkor, ville-temple considérée par certains comme la 8e merveille du monde...

« Le papillon de Siam », Maxence Fermine, Albin Michel, 14,50 €