mercredi 10 mars 2010

BD - Hollywood au cœur

Quand on espère vivre de ses histoires à Hollywood, mieux vaut accepter de se couler dans le moule. Le jeune Orson l'apprend assez vite dans le premier tome de cette série réaliste écrite par Gihef et dessinée par Lenaerts. 

Orson est désormais une plume qui compte. Certes il n'écrit pas les films qu'il voudrait, mais le bel appartement, la piscine et les milliers de dollars sur le compte en banque effacent les scrupules. Une réussite tranquille qui n'empêche pas son père de mourir. Et Orson de devoir retourner dans son New Jersey d'origine pour les obsèques. 

Il fera le voyage en compagnie d'un autre scénariste, Marsellus et de sa compagne du moment, une actrice. La traversée des USA en voiture donne l'occasion au deux créateurs californiens de plonger dans la réalité des bouseux locaux. Et de redécouvrir l'Amérique profonde, puritaine et moralisatrice personnifiée par la mère d'Orson. 

Cet album nous donne une image d'un pays écartelé entre les traditions rigides des laborieux et la folie douce des artistes. Orson est un fragile pont entre ces deux mondes.


« Mister Hollywood » (tome 2), Dupuis, 10,95 €

mardi 9 mars 2010

Polars - Inépuisable Georges Simenon


La monumentale œuvre de Georges Simenon (plus de 200 romans) permet une perpétuelle redécouverte de ses écrits. Les éditions Omnibus, depuis de nombreuses années, proposent régulièrement un autre regard sur les textes de l'écrivain francophone le plus traduit de par le monde. Si l'an dernier c'étaient les « Romans américains » qui étaient mis à l'honneur, cette fois ce sont les « Romans du monde » qui sont repris dans deux gros volumes de 800 pages chacun. 

Ces romans sont nés des voyages de Simenon dans les années 30, notamment au Proche-Orient, en Afrique, en Amérique centrale ou aux lointaines Galapagos. De ces périples, il a rapporté un grand nombre de reportages ainsi que la matière de nombreux romans qui, loin de tout exotisme de carte postale, dépeignent avec acuité la spécificité des sociétés qu'il découvre. Ces romans sont présentés et replacés dans leur contexte historique par Jean-Baptiste Baronian. 

Ce dernier explique qu'on « retrouve dans ces romans du désenchantement et des illusions perdues, les thèmes chers à l'auteur comme la fuite, la perception de l'autre et, en l'occurrence, l'aveuglement de l'homme blanc dans ces terres de colonisation. » (« Romans du monde de Georges Simenon », Omnibus, 26 euros chaque volume)

Certes, Georges Simenon a beaucoup écrit. Mais comment « entrer » dans ce monument de la littérature ? Quel titre choisir ? D'une façon très subjective, John Simenon, le fils de l'écrivain, propose en un seul volume « Les essentiels de Georges Simenon ». 

11 romans parmi les plus marquants, du « Bourgmestre de Furnes » (1939) à « Les Innocents » (1972). Ils font partie de ce que Simenon appelait ses « romans durs », ceux où il disait se permettre de livrer la vérité sur ses personnages, la quête de l'homme nu. (« Les essentiels de Georges Simenon », Omnibus, 25 €)

lundi 8 mars 2010

Thriller - Serpents britanniques effrayants sous la plume de Sharon Bolton

Une vétérinaire doit faire face à une recrudescence de serpents dans la campagne anglaise. Dont certains sont très dangereux.


Pour vaincre ses pires phobies, le meilleur moyen reste de les affronter de face. Ou d'une façon détournée, en regardant un film ou en lisant un livre. On ne peut donc que conseiller ce thriller de Sharon Bolton à toute personne souffrant d'ophidiophobie ou peur des serpents. Vous aurez l'occasion au fil des pages de frissonner de peur à chaque confrontation et aussi d'en apprendre beaucoup sur ces reptiles souvent méconnus et injustement diabolisés.

L'héroïne de ce thriller se déroulant dans l'Angleterre profonde, de nos jours, les serpents elle connaît bien. Clara, vétérinaire à la SPA locale, en a manipulé au cours de ses études, notamment quand elle faisait des stages en Australie. Dans son petit village, ce sont surtout les couleuvres qui prolifèrent. Mais depuis quelques temps des vipères font aussi parler d'elles. Un vieillard a été retrouvé mort dans son jardin et dans les premières pages, elle doit sauver une fillette d'une vipère ayant trouvé refuge dans son berceau.

Une mise en bouche assez light quand on compare à la suite. En pleine nuit, Clara est appelée par des voisins car des serpents grouillent chez le médecin. Elle explorera la maison en compagnie de Matt, le chef de la police locale. Et si ce sont essentiellement des couleuvres qu'elle chasse, dans la chambre du toubib elle fait une inquiétante découverte. Le serpent, en position d'attaque, la tête dressée, « avait des tâches orange caractéristiques le long du dos. » Clara se retrouve nez à nez avec un taïpan, originaire de Papouasie Nouvelle-Guinée, considéré comme le serpent le plus dangereux du monde. 

Avec une bonne dose d'inconscience et aidée de Matt qui ne sait pas encore le risque qu'il prend, elle capture la bête. « Matt lui a cogné le côté de la tête avec le manche de la hache. Le taïpan a fait volte-face pour l'attaquer plantant ses crocs dans le bois. Je me suis jetée en avant et, sans m'arrêter pour réfléchir – sinon jamais je n'aurais été capable de le faire -, l'ai attrapé des deux mains autour du cou. Le serpent a relâché sa pression sur le manche et s'est débattu pour se libérer, mais je le tenais serré. » Comment ce serpent ne vivant pas sous des climats tempérés s'est-il trouvé dans cette bourgade anglaise ?

Un « monstre » cherchant l'oubli

Rapidement Clara est persuadée que cette recrudescence est l'œuvre d'un humain. Et elle va tenter de mieux connaître ce petit village dans lequel elle cherchait tranquillité et oubli. Car l'héroïne de Sharon Bolton a elle aussi de bonnes raisons de vouloir se faire discrète. Bébé, elle a été défigurée dans un accident. La moitié du visage ravagée par des cicatrices, elle préfère la compagnie des animaux aux humains la considérant comme un monstre de laideur. Remuant le passé, notamment une nuit de 1958 où l'église a brûlé, elle se sent épiée, observée, menacée. Jusqu'à cette attaque en pleine nuit chez elle. « Et là, quelque chose qui n'offrait pas du tout la sensation d'une main humaine mais plutôt d'une substance faite de vase et d'os décomposé s'est mis à me caresser la cuisse, en remontant, tandis que son regard remontait, lui aussi... » Le roman prend alors un tour plus dramatique, plus personnel.

Sharon Bolton, comme souvent les romancières anglaises, maîtrise parfaitement son sujet, imposant une atmosphère de plus en plus angoissante, jusqu'à ce final qui devrait définitivement chasser votre peur des serpents... ou la réveiller pour des années et des années.

« Venin », Sharon Bolton, Fleuve Noir, 20,90 € (Le précédent thriller de Sharon Bolton, « Sacrifice », vient d'être publié en édition de poche chez Pocket, 7,80 €)

dimanche 7 mars 2010

BD - Bienvenue chez Madame Georgette, tenancière d'une maison close


Madame Georgette, c'est la tenancière d'un bordel parisien à la Belle époque. Une maison close qui a pour nom « casino » en italien. C'est donc l'origine de cette BD qui renaît de ses cendres dans la collection « Erotix » de chez Delcourt. 

Dessinée par Leone Frollo, ces récits complets très osés, voire pornographiques, avaient été publiés une première fois, dans les années 80, sur divers petits formats d'Elvifrance. Mais les versions françaises avaient été sévèrement censurées. Car dans cette maison close, les pensionnaires étaient entièrement dévouées à leurs clients, quels que soient leurs fantasmes. Cela provoquait des scènes très croustillantes dans lesquelles Leone Frollo donnait toute la mesure de son talent. 

Ce dessinateur, dans la lignée des plus grands comme Manara ou Serpieri, avait un don pour rendre les femmes pulpeuses et désirables. Sous sa plume, Dodo l'ingénue, Joséphine la noire, Jeanne la cavalière, Franca la Bolognaise ou Mimi la pétomane, les pensionnaires de la plantureuse Madame Georgette, sont belles avant d'être vulgaires. Ce premier gros tome de 330 pages reprend trois histoires dans leur format d'origine, sans coupure ni remontage. En plus d'être osés, ces récits sont aussi humoristiques. 

Quand Dodo et Jeanne montent dans l'Orient Express, on se doute qu'il ne faudra pas attendre Istanbul avant qu'elles se trouvent quelques bourgeois en manque d'affection tarifée. Mais leur enthousiasme sera tel qu'il provoquera presque un incident diplomatique. 

« Casino » n'est certes pas un chef d'œuvre du 9e art, mais mérite largement cette réédition donnant l'occasion au plus grand nombre de découvrir un style de BD qui a quasi disparu aujourd'hui...

« Casino » (tome 1), Delcourt, 14,95 € 

samedi 6 mars 2010

BD - Les choix d'une vie au menu de la série "Destins"


Frank Giroud, scénariste ayant déjà écrit pour une cinquantaine de dessinateurs, aime casser les codes des séries. C'est le principe de « Destins ». Il a écrit le premier tome, dessiné par Michel Durand, et propose à son héroïne, au final, de choisir entre deux décisions cruciales pour la suite de son existence. 

Deux autres scénaristes prennent la relève en développant chacun un des choix. Un phénomène de ramification qui se rejoindra, au final, dans un album de nouveau scénarisé par Giroud (parution janvier 2012). Tout débute par un hold-up qui tourne mal (deux morts), commis par une jeune Américaine idéaliste, Ellen. Cette dernière échappe à la police et devient une très respectée responsable d'association caritative. 

Mais quand, 17 années plus tard, une innocente risque d'être exécutée pour son crime, Ellen a le choix entre se dénoncer ou se taire. 

Deux hypothèses développées dans les tomes 2 et 3 de « Destins » par Virginie Grenier et Daphné Collignon dans « Le fils » et Pierre Christin, Lécossois et Brahy dans « Le piège africain ». C'est aussi passionnant et réussi que le Décalogue.

« Destins » (tomes1, 2 et 3), Glénat, 13 € chaque volume 

vendredi 5 mars 2010

BD - Du présent au passé dans "Atlantide Experiment"


Le passé peut-il ressurgir dans notre présent ? Le passé est-il plus fort que notre volonté ? Sur ces questions, Mosdi, le scénariste de « Atlantide Experiment » a bâti une intrigue spectaculaire mettant l'humain au centre de chaque épisode. 

Dans ce troisième tome, on suit le parcours de Zanya, Mexicaine, et Adrian, Américain. Ils n'ont rien en commun et pourtant se retrouveront, dans la dernière page, dans le même avion en partance pour l'île de Santorin, en Grèce. Adrian est un riche homme d'affaires, coureur de jupons et ayant échappé à la mort de peu au cours d'une crise de jalousie de sa femme. Au Japon, alors qu'il négocie un contrat dans le restaurant d'un grand hôtel, il rencontre et aime une femme qui lui fera découvrir une autre facette de sa personnalité. 

Il se retrouvera dans la peau d'un Grec, tueur de prostituées, bien avant l'avènement du christianisme. De la même façon, Zanya, après son évasion d'une prison (elle vient d'y passer six années pour hold-up), bascule dans le corps d'une guerrière sans pitié. 

Des vies doubles et un message commun : rejoidre Santorin. Brillamment dessinée par Hervas Millan, cette BD fantastique et violente passionne et interpelle.

« Atlantide Experiment » (tome 3), Soleil, 12,90 € 

jeudi 4 mars 2010

BD - La vraie vie de Nemo


Jules Verne n'a pas pris une ride. Non seulement son œuvre continue de faire rêver, mais elle donne également matière à de jeunes auteurs n'hésitant pas à revisiter et s'approprier ses personnages. Mathieu Gabella propose, dans le premier volume de cette série intitulée « Le mystère Nemo », de dévoiler des pans restés mystérieux de la vie de ce personnage central de l'île mystérieuse. 

Le début est classique. On retrouve le groupe de confédérés s'échappant en ballon et s'échouant sur cette portion de terre loin de tout. Mais on peut également découvrir la jeunesse de Nemo. Il s'appelle Dakkar, est le fils d'un noble indien et fréquente une université parisienne. Il y rencontre la belle Anusha. Ensemble ils vont tenter d'utiliser les derniers progrès scientifiques (on est en 1849) pour mettre fin à la colonisation de leur pays par les Anglais. Une révolte qui finira mal. Dakkar deviendra Nemo et cherchera à se venger des Anglais et plus largement des humains. 

On appréciera le romantisme de cette version et le dessin de Kenny, entre manga et classique franco-belge, donnant tout son sel aux inventions de Nemo.

« Le mystère Nemo » (tome 1), Delcourt, 12,90 €

mercredi 3 mars 2010

BD - Poubelle symbolique


Publié dans la collection « Poisson Pilote », ces récits complets de Krassinsky auraient fait les beaux jours de Pilote, version mensuel sous la direction de Guy Vidal. Les fables de la poubelle car « toutes les belles histoires ont déjà été racontées. Il reste les autres. » L'humour noir règne en maître dans ces pages où tout un chacun peut se reconnaître. 

Du voyageur incommodé par les cris d'un bébé dans un train au baigneur prenant son pied en faisant pipi dans les piscines, les personnages imaginés par l'auteur, tout en étant extrêmes, ont une vérité qui dérange. Allant de une à dix pages, ces fables ne finissent pas forcément mal. 

Dans le lot, avouons une préférence pour celle des tomates ou « comment devenir végétarien en taquinant son épicier de quartier ».

« Les fables de la poubelle » (volume 1), Dargaud, 10,95 €

mardi 2 mars 2010

BD - Voleur condamné


Marc N'Guessan est un dessinateur réaliste surdoué très apprécié en dédicace. Après avoir tâté de la science-fiction, de la fantasy et de l'adaptation (il a dessiné trois volumes d'Arthur et les Minimoys...), il se frotte pour la première fois au récit contemporain. 

Le jour de Noël, dans une ville du Nord de la France, le scénario de Jakupi raconte la folle course d'Andrëi, un voleur à la tire sans papiers. Il tombe par hasard sur son oncle et ce n'est pas de chance car ce dernier, surnommé le Boucher, a pour mission de l'éliminer. 

Cette confrontation s'achèvera dans une friche industrielle transformée en atelier d'artiste. Haletant, plein de rebondissements, ce récit se dévore comme un polar, aussi sombre que la couverture.

« Jour de grâce », Dupuis, 14,50 € 

lundi 1 mars 2010

BD - Le Narval, plongeur téméraire


Cet album a le parfum de l'aventure et de l'exotisme des BD des années 60. Mais avec des personnages d'aujourd'hui. Robert Narval est plongeur professionnel. Le spécialiste que l'on sollicite quand il n'y a plus d'espoir ou lorsqu'on navigue en eaux troubles. 

Ce beau gosse, expert dans son domaine ne craint personne excepté son patron qui par ailleurs est son père, fondateur de l'agence Bloodshift. Ce premier recueil propose cinq histoires complètes pour mieux cerner le personnage imaginé par Supiot et dessiné par Beuzelin. Cinq destinations, de la Bretagne à la Polynésie en passant par l'arctique. 

Dépaysant et passionnant, cela pourrait n'être qu'un hommage aux grand anciens (Greg ou Franquin), mais c'est tellement réussi qu'on en redemande.

« Le Narval » (tome 1), Editions Treize Etrange, 9,90 €