jeudi 4 septembre 2008

BD - Printemps nauséabond


Se déroulant à Paris fin 1941 et début 1942, les événements décrits dans « Opération vent printanier » sont véridiques. Philippe Richelle, le scénariste, a souhaité leur donner une âme en les racontant à travers les regards de personnes banales, des Français moyens, aux attitudes parfois extrêmes mais tout à fait plausibles. 

Dans ce Paris occupé, le petit peuple est essentiellement tracassé par le rationnement. Le marché noir se met en place, mais un autre phénomène est en train de modifier le paysage économique du pays. Alors que le gouvernement fixe les prix au plus bas, des officines allemandes font des offres d'achat aux industriels français deux à trois fois supérieures au marché. Reste le plus difficile : accepter de commercer avec l'occupant. Et alors que certains s'enrichissent très vite, d'autres ne sont pas insensibles au sort réservé aux juifs, de plus en plus montrés du doigt. 

Pierre Wachs, le dessinateur, va animer ces hommes et femmes à un tournant de leur existence. 60 pages pour mieux connaître l'industriel ruiné, l'apprentie secrétaire, le jeune commercial et le policier obligé d'obéir aux ordres de René Bousquet, le préfet de Paris qui va mettre en place l'opération « Vent printanier », rafle de 13 000 juifs dont 4 000 enfants, tous livrés aux Allemands.

« Opération vent printanier » (tome 1), Casterman, 15 € 

mercredi 3 septembre 2008

BD - Carmen Cru, dernières sorties


Carmen Cru, la vieille acariâtre ayant erré plusieurs années dans les pages de Fluide Glacial, est de retour. Il ne s'agit pas d'une reprise des personnages imaginés par Lelong mais de l'exhumation de quelques planches inédites, retrouvées dans le bureau du dessinateur mort en 2004. Car Jean-Marc Lelong a eu la mauvaise idée de mourir alors qu'il n'en était encore qu'au début de sa carrière. 

Dessinateur pointilleux, à la précision caricaturale, il avait imaginé ce personnage improbable. En fin de volume, il est reproduit la « bible » des protagonistes de la série. Il définissait Carmen ainsi : « Elle est très âgée, a amplement dépassé l'âge de la retraite mais méprise la carte Vermeil et les faiblesses des « petits vieux ». Elle est vêtue comme elle est meublée, comme ça vient. Elle se déplace à vélo, plus une remorque parfois chargée de sacs, cabas, cageots, mais pour quoi faire ? C'est son problème. Mystère. Elle n'a confiance en personne, se méfie de tout le monde. » 

Dans ce huitième tome (les sept autres titres ont été réédités pour l'occasion), elle est aux prises avec un corbeau qui l'accuse d'avoir fricoté avec les boches. Sa réponse sera cinglante... « Thriller », un récit complet d'une vingtaine de pages qui donne son nom à l'album.

« Carmen Cru » (tome 8), Fluide Glacial, 9,95 € 

mardi 2 septembre 2008

BD - La bourse ou l'habit pour la reprise de Robin Dubois


Passation de pouvoir au dessin de Robin (anciennement Robin Dubois). Si Bob de Groot reste au scénario (il reconnaît d'ailleurs un nouvel enthousiasme à faire évoluer ces personnages plus anciens que Léonard), Turk a laissé ses pinceaux à Diaz et Borecki. Ces deux dessinateurs ont fait leurs armes au Studio Peyo. Ils ont appris à se couler dans le trait de l'inventeur des Schtroumpfs et de Johan et Pirlouit. 

Un savoir-faire qu'ils ont transposé avec le dessin de Turk. Et il faut avouer que seule la signature permet au lecteur de faire la différence. Ce n'est pas à proprement parlé un travail de création, mais ils ont su s'approprier ces personnages tout en y restant très fidèles. Des reprises de ce niveau, on en rêve parfois pour des personnages moins difficiles à dessiner... 

Côté gags, de Groot parvient à varier les situations tout en gardant un minimum de personnages. Il y a Robin, le brigand débonnaire qui dévalise à tour de bras. Mais le ressort comique de la série doit beaucoup aux frasques du shérif. Avare, prétentieux, il se retrouve pourtant souvent en posture difficile, incapable de résister au rouleau à pâtisserie de son épouse, la ronde Cunégonde qui ne supporte pas qu'il aille en cachette boire des bières avec ses copains.

« Robin Dubois » (tome 21), Le Lombard, 9,25 € 

lundi 1 septembre 2008

BD - Écrits irrévocables


Parmi les nouveaux scénaristes de BD, Alcante s'st immédiatement distingué avec une série au long cours, Pandora Box, illustrée par divers dessinateurs. Une histoire réaliste et futuriste aux intrigues fortes et fouillées. Après cette première expérience originale, il signe sa première série classique. Tout en gardant sa pâte si personnelle. 

Il y a donc un héros, Jason Brice. Ce premier tome en annonce d'autres, sans que cela soit une histoire à suivre. Mais quand on a refermé l'album, on se demande si Jason est véritablement taillé pour être héros. A Londres, dans les années 20, ce jeune détective fait la chasse aux charlatans alors que la mode est aux tables tournantes et autres pratiques occultes. Plein de certitudes, il démystifie facilement les escrocs. 

Jusqu'au jour où la jeune et belle Theresa Prendergast lui demande d'enquêter sur la provenance d'un manuscrit qui décrit comment elle va mourir dans les prochaines semaines. Suspectant une machination de l'entourage de la riche héritière, Jason devra quand même admettre la réalité de faits très troublants. Jusqu'à un final où il tiendra le premier rôle, comme c'était écrit dans la dernière page que Theresa avait caché. 

Très bons débuts d'une série dessinée par Jovanovic, très à l'aise dans ces décors fouillés et foisonnants.

« Jason Brice » (tome1), Dupuis, 13 € 

dimanche 31 août 2008

BD - "Prosopopus" de Nicolas de Crécy, du grand art !


Quand des dessinateurs parlent de peintres cela donne des objets graphiques hors du commun.

La collection Aire Libre a donné carte blanche à Nicolas de Crécy. Résultat un gros album de plus de 100 pages, muet, déroutant et passionnant.

Prosopopus offre au lecteur un monde violent, artistique et fantastique. Dans une ville sombre et moderne, un homme est abattu alors qu'il allait monter dans sa limousine. Le tueur prend la fuite et rejoint sa maîtresse, une artiste peintre. Mais au même moment, un fluide s'échappe du cadavre. Un fluide qui va prendre forme et s'installer dans l'appartement du tueur. Un monstre énorme, au sourire large et niais.

Prosopopus est né et va hanter la vie du tueur. Des flash-back vont nous apprendre la raison de ce meurtre, ses dessous glauques, la déchéance des différents humains de cette histoire d'une fluidité éblouissante. Réflexion sur l'art, ce roman graphique de Nicolas de Crécy prouve que de jeunes auteurs peuvent encore innover.

"Prosopopus", Dupuis, 12,50 € 

samedi 30 août 2008

BD - La légende des fières Amazones


Comme le disait Marcel Tripoux, un collègue aveyronnais qui ne faisait jamais dans la finesse : « Elles sont sept comme les doigts d'une main ! » En l'occurrence, ces sept guerrières de la série Delcourt sont... six (« Comme les orteils d'un pied » me souffle Marcel très en verve ce matin). Six fières Sarmates, cette tribu qui a donné naissance à la légende des Amazones. 

Elles sont missionnées par la reine d'un royaume assiégé de conduire en lieu sûr le prince héritier. Il doit y prendre pour épouse sa cousine afin d'assurer la descendance. « Si elles sont que six, il y a tromperie sur la marchandise puisqu'on en achète sept... » remarque, désabusé, le Marcel, avare de ses sous comme tout bon Rouergat qui sait que demain sera plus compliqué qu'aujourd'hui. 

L'astuce de Michaël Le Galli, le scénariste, est de glisser une passagère clandestine dans le convoi, n'intervenant qu'au moment de sauver le prince, le chéri de son cœur. Une BD de 64 pages illustrée par Francis Manapul, un Canadien qui a fait l'essentiel de sa carrière dans les comics américains. Il calme ses cadrages mais bénéficie d'un format plus grand pour mieux travailler sa mise en page. « Des combats, des jolies filles, des méchants qui expirent dans de longs râles de souffrance, un coup de théâtre final, des décors majestueux : finalement c'est le top cette BD » résume Marcel qui attend avec impatience le prochain tome « Sept Yakusas », le 24 septembre par Morvan et Takahashi.

« Sept guerrières », Delcourt, 13, 95 € 

jeudi 28 août 2008

BD - Découvertes sensuelles

Depuis toujours, les illustrateurs les plus renommés sont tentés de réaliser des images que seuls les adultes peuvent apprécier. Sensuelles et érotiques souvent, elles peuvent parfois approcher de la pornographie. Tout le talent du dessinateur fait la différence entre beauté et vulgarité. La frontière est souvent ténue. L'album « Premières fois », recueil d'histoires courtes écrites par Sibylline est l'exemple même que l'on peut faire de la BD très osée sans que cela soit trivial. 

Premières fois pour premières expériences. Le sexe offre tellement de variantes et de possibilités, il n'a pas été difficile à la scénariste de trouver des situations excitantes pour ces femmes et hommes osant sortir de la routine. Que cela soit l'utilisation de sextoys, de la domination ou de l'adjonction d'un partenaire à un couple stable : les auteurs ne se sont pas fixé de limite. 

Les images et situations sont crues, mais quand même très belles. Comment pourrait-il en être autrement quand on sollicite Vatine, Vince, Pedrosa, Bertail ou Alfred. Avec une mention particulière aux deux dessinatrices, Capucine (qui proposait déjà régulièrement des pin-up sur son blog) et Virginie Augustin, parfaite dans ce récit d'amour lesbien.

« Premières fois », Delcourt, 14,95 € 

mercredi 27 août 2008

Roman - Étranges années 80

Deux ados au milieu des années 80. « New Wave » est la naissance d'une amitié, autour de la musique, racontée par Ariel Kenig et Gaël Morel.


Plus on avance dans le temps, plus la nostalgie prend de l'ampleur. Bientôt 2010. Comment nommerons-nous cette décennie ? Ceux qui auront vécu les années 80 s'approcheront de la cinquantaine. Il n'y a pas longtemps, c'étaient des adolescents, comme Eric et Romain, les deux héros du roman d'Ariel Kenig, novellisation d'un film de Gaël Morel qui sera diffusé sur Arte, le 9 septembre, à 21 heures.

Eric, collégien dans son année de brevet, vit difficilement la condition misérable de ses parents. A quelques kilomètres de cette petite ville de province, ils habitent dans une ferme qui tombe en ruines. Il s'entend mal avec son père, a honte de sa mère, femme au foyer dénuée de toute ambition. La désillusion rythme ses journées, longues, très longues. A la rentrée, il n'est plus dans la classe de Thomas, son seul ami. Cela s'annonce mal. Jusqu'à l'arrivée de Romain.

Ce « nouveau » se fait remarquer d'emblée en arrivant en retard et surtout en le prenant avec beaucoup de désinvolture. Par hasard, il s'assied à côté d'Eric. Et quand Mlle Colinot, la professeur, essaie de le « coincer », persuadée qu'il n'écoutait pas, Romain répète mot à mot les consignes. Avec son look new wave faisant fi des convenances (yeux maquillés, cheveux crêpés, lacets de Converses dépareillés), il en impose immédiatement. « Il était trop tôt pour le confirmer, mais la riposte de Romain avait déterminé la classe à lui déléguer ses espoirs de rébellion tandis qu'Eric, par l'apostrophe de Mlle Colinot, jubilait de ce nouvel état de fait : en l'associant à son indiscipline, Romain l'avait adoubé. »

Le fils et la mère.

Pourtant les deux garçons n'ont que peu de points communs, mais une belle amitié, une amitié forte, va se construire au fil des trimestres. Cependant Eric ne veut pas brusquer les choses : « Une amitié comme celle-ci imposait peut-être le sacrifice de ne pas courir après. » Romain est l'archétype du gamin qui a tout ce qu'il exige. Sa mère, qu'il appelle par son prénom, Anna, aime à la folie son rejeton.

Eric découvrira avec étonnement le fonctionnement de cette femme aux allures d'éternelle enfant. Elle aime quand Romain est malade. Il reste à la maison, elle l'a en son pouvoir. Ariel Kenig, à côté des découvertes mutuelles de ces deux adolescents sensibles, donne de plus en plus d'ampleur au personnage d'Anna. On sent poindre un embryon de folie, de désespoir : « Les petits drames, seuls, comme l'alitement de son fils, offraient une chance de se montrer présente, à la hauteur, indispensable, indignement dégoûtée que cette maladie, finalement, ne fût plus grave. Le médecin diagnostiquerait une simple angine ; ce serait bien ainsi tristement. Car ce qu'elle désirait était certainement que le docteur décèle en elle, en elle seule, un terrible mal. Voilà ce qui retournerait enfin la situation et réparerait, par une exquise douleur, l'indifférence dont elle souffrait. »

Ariel Kenig, à partir du scénario de Gaël Morel, a mis en phrases un récit dramatique, beaucoup plus que ces années 80 marquées par une musique mélangeant allègrement mélancolie et modernité. Un livre à lire en écoutant les morceaux sélectionnés par les auteurs (la liste est en fin de volume), de Cure à Depeche Mode en passant par Etienne Daho ou New Order.

« New Wave », Ariel Kenig & Gaël Morel, Flammarion, 16 € 

mardi 26 août 2008

BD - Des jumelles à Pompéi


Dans la famille « Voyage dans le temps », je demande la sœur, les sœurs exactement, des jumelles. Cynthia et Cybille sont deux charmantes étudiantes en histoire. Blondes, l'une aventureuse et dévergondée, l'autre sérieuse et timide, elles se retrouvent, malgré elles, plongées dans le passé. Ces jumelles du temps, « Time Twins », dans une première aventure, ont pourchassé des gangsters à l'époque de la prohibition. Leur mission : récupérer des objets électroniques ayant voyagé dans le temps et utilisés par des hommes intéressés pour s'enrichir ou modifier le futur. Après cette première mission, elles pensaient pouvoir reprendre leurs chères études. Perdu. 

Dans les premières planches de cette seconde aventure, elles se réveillent dans un cimetière. Celui de Pompéi, le 22 août 79, soit deux jours avant l'éruption meurtrière du Vésuve. Les deux auteurs, Derrien (scénario) et Vignaux (dessin) semblent prendre un malin plaisir à rudoyer les deux jeunes filles. Capturées par le propriétaire d'un lupanar, elles seront ensuite vendues à un banquier avant de finir dans une arène, avec des lions affamés aux trousses. 

C'est frais, bourré de gags et sans prétention. De la BD grand public permettant de s'évader le temps de quelques pages.

« Time Twins » (tome 2), Le Lombard, 10,40 € 

lundi 25 août 2008

BD - La guerre en aveugle

Mettez deux soldats armés dans le brouillard. Même s'ils sont du même camp, ils ont toutes les chances, au bout d'un certain moment, de se tirer dessus par manque de visibilité et de discernement. 

C'est la trame de cette 52e aventures des Tuniques bleues, dessinées par Lambil et écrite par un Cauvin n'ayant rien perdu de son esprit iconoclaste et antimilitaire. Blutch et Chesterfield sont envoyés auprès du capitaine Hooker. Ce dernier, avec quelques hommes, assiège un camp de confédérés installé au sommet de Lookout Mountain. Nos héros sont porteurs d'une mauvaise nouvelle : les renforts attendus n'arriveront pas. Hooker soit se débrouiller seul pour prendre la position. 

Après avoir piqué une belle colère, il se venge en envoyant les deux porteurs de mauvaises nouvelles en éclaireur. Blutch et Chesterfield manqueront y laisser leur peau. Ils voudraient bien rejoindre leur camp, mais Hooker les enrôle et, bénéficiant d'un épais brouillard, part à l'assaut de la colline. Avec les conséquences que l'on doute... 

Lambil semble s'être bien amusé à gommer et effacer en partie les scènes se déroulant dans la purée de pois. Ses décors ont un petit air de Will donnant un aspect moderne à cette série, pourtant classique de chez classique.

« Les Tuniques bleues » (tome 52), Dupuis, 9,20 €