mercredi 29 août 2007

BD - Le rire, c'est pas sorcier

Paru il y a déjà quelques mois, cet album (et cette série) mérite d'être mis en avant. La couverture, sombre et inquiétante, n'est pas représentative d'un histoire avant tout humoristique. Et il y a autant de gags, bons mots et situations hilarantes dans cet album de 44 pages que dans certaines séries en dix tomes. Steve Baker est au scénario et c'est Joël Jurion, dessinateur d'Anachron, qui a illustré cette histoire de paysanne possédée par un démon. L'action se situe il y a bien longtemps dans un royaume imaginaire. Un prêtre exorciste et son disciple se rendent à l'abbaye de Dunwich pour un cas de sorcellerie. Une petite paysanne, tout ce qu'il y a de plus inoffensif, est possédée par un démon sanguinaire. Dans le combat, le prêtre perd la vie. 

Le démon est bloqué dans le corps de la fillette. Le disciple devrait la tuer, mais il s'en sent incapable. Il devra donc s'occuper de la jeune fille et surtout lui éviter tout miroir. C'est en se regardant dans un glace que le démon prend possession du corps et de l'esprit de la paysanne. Un démon qui n'aime pas qu'on le contredise... A ces personnages se greffent une histoire de prince masqué, de roi trop faible et de complot. 

Un festival de coups de théâtre avec une impressionnante galerie de personnages déjantés dont une sorcière hilarante. 

("Les démons de Dunwich", Vents d'Ouest, 9,40 €) 

mardi 28 août 2007

BD - Le chargeur dérangé

La longévité d'une série BD est souvent dépendante de la richesse de ses personnages secondaires. Les Tuniques Bleues, qui vivent dans « Stark sous toutes les coutures » leurs 51e aventure, n'ont pas de souci à se faire à ce niveau.

 L'imagination débordante de Cauvin, le scénariste (Lambil assurant le dessin depuis près de 40 ans), a posé de nombreux jalons qui représentent autant de développements potentiels. 


Le capitaine Stark, jusqu'à présent, était un gag récurrent. Un personnage représentant la bêtise de la guerre, toujours sur son cheval, n'ayant qu'un seul mot à son vocabulaire : « Chargez ! ». Étonnement donc de Blutch et Chesterfield quand le facteur remet un colis au cavalier. Curieux, ils découvrent que c'est le père qui envoie à son fils fil et tissu pour qu'il ne perde pas la main. Stark, dans le civil, était tailleur. Il est devenu un forcené de la charge après avoir été blessé à la tête. 

Les Tuniques bleues décident donc de lui redonner toute sa raison, inventant une foule de stratagèmes pour lui rappeler son passé. A n'en pas douter, cet album, d'une série toujours très attendue, sera un de succès de cette rentrée. 

("Les Tuniques bleues", Dupuis, 8,50 €) 

lundi 27 août 2007

Roman - Vacances angoissantes

Père divorcé, Stéphane ne voit son fils qu'en été, durant des vacances dans un club de loisirs au Venezuela. Des vacances chaotiques et stressantes.


Ce roman de la rentrée littéraire française a l'avantage de prolonger un peu le temps des vacances. Toute l'action se passe au Vénézuela, durant les vacances de Stéphane, un jeune graphiste français. Il n'est pas en Amérique latine par hasard. Il y a quelques années, il était marié avec Anna et de cette union est né Pablo. Cela fait quatre ans qu'ils sont séparés, quatre ans que Stéphane ne voit son fils que durant ses vacances, dans un club en bord de mer.

Mais le pays, depuis l'accession de Chavez au pouvoir, est en train de changer. Le tourisme n'est plus une priorité et Stéphane doit cet été passer les deux semaines de détente en compagnie de son fils dans une résidence fermée en copropriété. Une partie de la bonne bourgeoisie du pays a investit dans ce lieu un peu hors du temps. Village temporaire, il vit au gré des humeurs des uns et des autres, laissant une grande liberté aux nombreux enfants profitant des installations, notamment de la piscine.

Un petit paradis, mais sous très bonne garde. Vigiles armés à l'entrée, fils de fer barbelés autour de la plage, murs de plusieurs mètres tout autour de la propriété, Stéphane a rapidement la désagréable impression d'être enfermé, prisonnier, se demandant pourquoi il faut un tel déploiement de force en ce lieu voué à la détente. « Il fallait bien que cela soit le paradis terrestre pour déployer un pareil arsenal de protection. Pourtant rien de bien extraordinaire ici, pensait-il, on aurait dit un Club Méditerranée à l'abandon, avec ses installations défraîchies, son terrain de fitness où s'agitaient de bon matin quelques grand-mères en flottant de sport couleur pistache, son restaurant self-service et sa paillote qui faisait office de restaurant de poissons ».

Fausses et vraies disparitions

Stéphane, loin de se reposer, va sombrer dans une désespérance paranoïaque motivée par ce lieu fermé semblant cacher des secrets depuis des décennies. Philippe Garnier passe rapidement dans le « dur » du roman. Exit le soleil, la plage et l'insouciance. Il suit pas à pas son héros s'enfonçant dans une déprime carabinée. Ses rapports avec son fils se font de plus en plus distants. Pablo vit comme un électron libre avec ses amis. Stéphane, père divorcé réduit à la portion congrue dans l'existence de sa progéniture, prend conscience pour la première fois de son inutilité. Il se heurte de plus à l'hostilité de plusieurs résidents, parents de son ex-femme. Une solution : alcool et tranquillisants. Un cocktail qui le plonge dans un monde de plus en plus fantasmé. Il tente de se raccrocher au sexe, entreprenant de séduire la mère d'une des amies de Pablo.

Autre dérivatif : ses fausses tentatives d'évasion du club. Le danger serait présent partout à l'extérieur. Il refuse d'y croire. Mais n'ose pas s'éloigner de plus de 500 mètres de hauts murs. Et puis le club bruisse de rumeurs. Des disparitions d'enfants. Il y a très longtemps. Une légende qui se transforme en réalité quand une fillette disparaît après avoir franchit une brèche dans le mur. Toutes les peurs et inquiétudes vont se concrétiser et Stéphane se retrouver au milieu de cette spirale de la suspicion.

Roman aux multiples facettes, cette première fiction de Philippe Garnier (il a écrit deux essais), explore les côtés les plus sombres de l'âme humaine. Solitude, mensonges, manipulation : un cocktail d'une rare efficacité pour vous gâcher des vacances sous les tropiques.

« Roman de plage », Philippe Garnier, Denoël, 15 € 

dimanche 26 août 2007

BD - Le miracle de la vie : enfants, je vous hais !


Clarke, gentil illustrateur des aventures magiques de Mélusine, fée politiquement correcte voletant dans les pages de Spirou depuis quelques années, a parfois besoin de se défouler dans des séries plus adultes, plus caustiques et incisives. 

Après avoir « pollué » les pages de Fluide Glacial avec ses idées noires, il s’incruste dans la nouvelle collection pour adultes de chez Dupuis, « Expresso », avec une série de gags descendant en flèche les jeunes, de 0 à 18 ans. Personne n’est épargné, du nouveau né en passant par l’ado boutonneux ou le gamin candide et jovial. Comme une sorte de défouloir sur le public de Mélusine. 

Il se permet même de se mettre en scène en pleine dédicace, faisant sur la planche ce qu’il n’a certainement pas osé faire en vrai (planter son stylo dans le crâne de l’idiot congénital qui lui demande le dessin d’un Marsupilami). Idéal également pour dissuader les jeunes couples de procréer. Selon Clarke il n’y a pas de « Miracle de la vie », juste un long cauchemar de 18 années éprouvantes et éreintantes… (Dupuis, 9,50 €) 

samedi 25 août 2007

BD - Obscurantisme maladif

Le Mal étend son emprise sur le pays. Le Mal c'est une maladie venue du fond des temps et qui provoque dans cette France rurale contemporaine, un regain de croyance et de fanatisme. Le Mal provoque la perte des mains, des pieds ou du nez. Des lépreux de plus en nombreux, comme les scouts militarisés, imposant un ordre totalitaire dans certains villages. 

Dans cette atmosphère délétère, le héros tente de restaurer une vieille bâtisse dans le village de Pont-Saint-Esprit. Il assiste impuissant et prudent au déchaînement de violence découlant de ces événements troubles. Il entretient une relation très physique avec une belle et mystérieuse rousse. Il croise également une vieille femme qui vit dans les bois en compagnie d'une vingtaine de chats. Considérée par les villageois comme étant une sorcière, ils vont brûler sa masure avec tous les animaux enfermés à l'intérieur. Devenue véritablement folle, elle racontera son drame et choisira la mort en maudissant tout le monde.

Scénario très intrigant de Py, illustré par Houot. Cet ancien professeur a débuté sa carrière sur le tard. Dans un style ressemblant parfois à Dethorey, il restitue à merveille le climat de haine et de suspicion sévissant dans le village. 

("Le Mal", Glénat, 12,50 €) 

vendredi 24 août 2007

BD - Chercheur de miracle


Dans l'Italie des années 30, en pleine montée du fascisme, Jonah Bellato a perdu la foi. Ce prêtre était missionnaire en Afrique. Mais comment apporter la parole du Christ quand on est accompagné d'une armée multipliant les exactions ? 

De retour à Rome, il intègre la Sagra Congragatio, une institution chargée de vérifier l'authenticité des miracles. Un emploi sur mesure pour Jonah qui est devenu sceptique, très sceptique. Première mission dans un petit village reculé dans la montagne. En pleine épidémie de choléra, les malades, regroupés dans un monastère isolé sur une petite île au milieu d'un lac, ont tous guéri après qu'une fillette ait vu un ange. Pour preuve de cette apparition, deux plumes qu'elle a confié au curé du village et qui les garde précieusement comme des reliques inestimables. 

Sur place, Jonah devra dans un premier temps se méfier du maire, richissime propriétaire terrien. Il comprendra rapidement que l'ambiance est tendue. Et puis de quoi avait peur cette religieuse qui s'est suicidée en sautant du toit du couvent ? 

Finement dessiné par Buscaglia, cet album, dont la conclusion ne sera connue que dans le second tome, est écrit par Crippa à qui l'on doit également Nero et 100 âmes. 

("Le missionnaire", Bamboo Grand Angle, 12,90 €) 

jeudi 23 août 2007

BD - A gauche toute !

Formosa adore dessiner les vamps. Cela tombe bien, elles sont nombreuses dans les aventures de Double Gauche, héros imaginé par Corbeyran ayant la particularité d'avoir deux mains gauches. Ce que Dustin Godfinger prenait au début comme un handicap, s'est révélé être un don aux multiples pouvoirs. Il peut ainsi transformer tout ce qu'il touche en bois. 

Dans le second tome de ses aventures, on le retrouve, gamin d'une dizaine d'année, prisonnier du propriétaire d'un cirque de monstres. Il est exhibé chaque soir devant un public avide de sensations fortes. Il est libéré par la troublante Ivanna. Mais cette bonne action n'est pas désintéressée. Elle demande à Dustin de se concentrer pour transformer les objets qu'il touche, non pas en bois, mais en or. Il lui faudra attendre la majorité pour enfin arriver à ses fins. Mais il en profite également pour fuir Ivanna et se lancer dans une carrière de boxeur. 

Ambiance très bizarre pour cette BD entre fantastique et polar. Dustin, victime de son pouvoir, a toutes les difficultés pour trouver sa voie. Les femmes qu'il rencontre sont toutes racées, félines et dotées de courbes affolantes.

 ("Double Gauche", Dargaud, 13 €) 

mercredi 22 août 2007

BD - D'Excalibur à Ys

Parmi toutes les séries créées par Arleston (le scénariste de Lanfeust et de tous les titres dérivés du monde de Troy), Le chant d'Excalibur est la plus magique et humoristique. Confiée au dessinateur Hübsch, elle est restée en sommeil durant quatre années. Le temps de trouver une co-scénariste, Melanÿn, et à Hübsch de peaufiner son trait. Ce cinquième tome, « Ys la magicienne » permet au lecteur de retrouver le couple infernal formé par Gwynned et Merlin. La première, fille du chevalier Cadwall, porte l'épée Excalibur. Intrépide, impétueuse, experte en combat, elle a hérité de sa mère la possibilité de parler aux arbres. Le second n'est autre que Merlin. Le vieux druide, alcoolique et libidineux, est une mine de gags, mais pas toujours du meilleur goût. Ils n'en oublient cependant pas leur quête : tenter de sauver la magie face à l'avancée de la chrétienté et l'avènement d'un dieu unique. De retour de Rome, ils vont faire étape à Ys, la cité légendaire de la Bretagne éternelle. Sans le vouloir, ils déjoueront un complot et sauveront une belle princesse. Un must du genre pour passer un excellent moment de détente. 

("Le chant d'Excalibur", Soleil, 12,90 €)  

mardi 21 août 2007

Roman - Le pouvoir d'un livre

Un banquier, pour faire plaisir à ses clients, est souvent capable de tout. Même de faire l'inventaire d'une bibliothèque vieille de plusieurs siècles.

Prototype du jeune banquier surmené, sans cesse les yeux rivés sur les cours de la bourse, gérant des dizaines de dossiers, brassant des millions pour des clients très fortunés, Edward Wozny est presque en vacances. Après quelques années très concluantes à New York, il vient d'être nommé à un poste plus important à Londres.

Alors qu'il est en train de clôturer ses derniers dossiers et qu'il prépare son déménagement, Edward est « réquisitionné » par son patron pour rendre service à un couple de nobles anglais. Il se rend donc, sans grand enthousiasme mais avec une pointe de curiosité dans ce grand appartement gardé par un vigile imperturbable. Une secrétaire lui explique que le duc et la duchesse de Went désirent qu'il dresse l'inventaire d'une bibliothèque familiale stockée dans le dernier étage de l'immeuble. Dans une pièce bien climatisée et plongée dans la pénombre, Edward découvre des caisses en bois jamais ouvertes depuis leur arrivée de l'autre côté de l'Atlantique au début des années 40.

Il se laisse séduire par ces vieux livres, soigneusement emballés dans des journaux d'époque. Il découvre de vieux volumes et même des manuscrits datant d'avant l'invention de l'imprimerie. Si dans un premier temps il voulait décliner l'offre, il décide finalement d'accepter le travail. Par envie de changer son quotidien, en se demandant également « ça remonte à quand la dernière fois qu'il avait terminé un bouquin ? Un vrai, pas un polar. »

Le banquier et l'étudiante

Une décision renforcée par le fait que la duchesse lui demande de retrouver un manuscrit particulier, signé de Gervase de Langford. Intrigué, Edward cherche à se renseigner sur cet auteur du moyen âge anglais. C'est dans une autre bibliothèque, publique cette fois, qu'il rencontre Margaret Napier, une spécialiste de cette période. La jeune étudiante va se joindre à Edward pour classer les livres. Ils vont se passionner pour ce manuscrit qui semble plus être une légende qu'une réalité tangible. Mais quand le duc ordonne à Edward de cesser les recherches, le jeune banquier ne sait plus que faire. C'est Margaret, de plus en plus captivée, persuadée de l'existence du manuscrit, qui le pousse à poursuivre sa quête.

Ce roman captivant de Lev Grossman a pour véritable héros le fameux livre ayant traversé les siècles, échappant à plusieurs autodafé car porteur d'un terrible secret. On suit avec passion l'errance du trop sérieux Edward. Plus il se captive pour le livre oublié, plus sa vie, réglée comme du papier à musique, vire à l'anarchie complète.

Pour couronner le tout il découvre un jeu vidéo, type « Second life », qui lui prend une grande partie de ses nuits. Il découvre même des indices pour le guider dans sa recherche du livre de Gervase dans certaines scènes du jeu. Bref, il sent que la folie le guette. Il tombe amoureux de Margaret, a des rapports de plus en plus bizarres avec la duchesse, repousse son départ vers Londres quand il sent qu'il est proche du but. Un simple livre, en quelques jours, met toute sa vie en l'air. Mais, et c'est un peu le message caché du premier roman de ce critique littéraire newyorkais, un livre, quel qu'il soit, n'est jamais anodin et a souvent un pouvoir caché sur certains lecteurs...

« Codex, le manuscrit oublié », Lev Grossman, Calmann-Lévy, 19,50 € 

lundi 20 août 2007

BD - Monstres sacrés

De l'Homme qui rit à la créature de Frankenstein, les grands héros de la littérature offrent des sources inépuisables d'inspiration aux auteurs de bande dessinée.

Cleet Boris est un artiste multicartes. Débuts dans l'illustration, mais tout en intégrant un groupe pop. Le beau succès de l'Affaire Louis Trio dans les années 90 a obligé le dessinateur chanteur à ranger provisoirement ses crayons. Le groupe dissous, il est retourné devant sa table à dessin et publie pour cette rentrée une très intéressante "Créature". Il propose dans cette histoire la suite du Frankenstein de Mary Shelley. On retrouve donc la créature sans nom dans le froid de l'Alaska. Elle parcourt les immensités glacées à la recherche des hommes. Elle désire plus que tout raconter son histoire, rétablir la vérité. Mais dans ce village de trappeurs, ce monstre venu du froid est un ennemi à abattre.

Capturé, jugé sommairement, il est promis à une exécution rapide et sans appel. Dessin sombre et dépouillé, intrigue ténébreuse, cet album vous procurera une bonne dose de sueurs froides. (Soleil, 12,50 €)

Jean-David Morvan a trouvé l'inspiration de sa nouvelle série dessinée par Nicolas Delestret en lisant L'Homme qui rit de Victor Hugo. Il a imaginé l'enfance de cet homme défiguré. Il propose déjà une explication à la balafre. Le jeune homme a été blessé dans un naufrage, sa tête heurtant des récifs. Mais cet album est beaucoup plus qu'une simple adaptation. Morvan laisse libre cours à son imagination pour décrire des villes improbables et un parler mélangeant plusieurs langues. Une bonne surprise pour les amateurs de mondes nouveaux. (Delcourt, 12,50 €)