vendredi 3 novembre 2006

BD - Redécouvrons Julia Verlanger, alias Gilles Thomas


Soltrois, dessinée par Mauro de Luca, adaptée par Jean-Martial Lefranc, cette nouvelle série est tirée du roman éponyme de Gilles Thomas. Cet auteur de science-fiction, qui a fait les beaux jours de la regrettée collection « Anticipation » de Fleuve Noir, mérite d'être tiré de l'oubli. 

Gilles Thomas, pseudonyme de Julia Verlanger, a beaucoup écrit d'héroïc fantasy avant de dévier vers des romans plus réalistes, décrivant un monde moderne en totale décomposition après un affrontement nucléaire. « L'autoroute sauvage » est un roman culte, troublant car totalement vraisemblable. « Soltrois » se déroule sur une planète colonisée il y a des siècles par des hommes venus de l'espace.  

Mais très rapidement, les plantes ont pris le dessus. Des spores ont fécondé les femmes, donnant naissance à ces mutants verts, réduisant en esclavage les humains pourtant dotés de la technologie. Une technologie qui ne fait pas les poids face à une puissante magie. Pour la première fois, un humain pourrait devenir roi, mais les Verts s'y opposent. C'est la lutte de Djellal contre son oncle félon qui est racontée dans ce premier tome. (Les Humanoïdes Associés, 12,99 €)

jeudi 2 novembre 2006

BD - Du Griffo futuriste


Troisième série lancée dans la nouvelle collection « Portail » du Lombard, Ellis n'est malheureusement pas la meilleure. Pourtant, dessinées par Griffo, valeur sûre de la BD d'anticipation, les aventures de Deep O'Neil imaginées par Sébastien Latour ont un fort potentiel, mais ce premier album, sorte de pilote de la série, laisse une impression de fouillis, de brouillon. Trop de bonnes idées ce n'est pas évident à faire passer en 54 pages. 

Le jeune policier, Deep, rencontre Sax, le coéquipier de son père grièvement blessé par un truand. Deep apprend qu'ils travaillent pour le groupe Ellis, unité d'élite qui traque les phénomènes paranormaux sur New York. Des « abominations » qui profitent des cauchemars pour les transformer en réalité. Alors que l'enquête progresse, Deep prend conscience qu'il n'est que l'apparence physique d'un rêve de son père plongé dans le coma. Cela ne l'empêche pas de s'investir totalement pour mettre hors d'état de nuire Roméo, abomination à la solde de la mafia. 

Entre fantastique et polar américain classique, la frontière fluctue. Griffo, s'essaie avec réussite à la couleur directe. Le deuxième tome devrait être plus évident. (Le Lombard, 13 €)

mercredi 1 novembre 2006

BD _ Lewis Trondheim et ses doutes en papier

Ce sont avec des petits riens que l’on bâti une grande œuvre. Lewis

Trondheim, créateur de Lapinot, scénariste de Donjon et chantre d’une certaine bande dessinée très intellectuelle tout en restant classique, dessine dans ses carnets des scènes de sa vie quotidienne. Il en a diffusé quelques uns sur son site internet, là, ce sont 128 pages de « petits riens » qui sont compilés sous le titre "La malédiction du parapluie". 

La vie qu’un quadra, marié, père de deux enfants, par ailleurs dessinateur de BD. L’inspiration il la puise dans sa famille ou son milieu professionnel. Le lecteur découvre un homme légèrement parano, toujours grand enfant, prêt à faire des blagues de potaches avec ses collègues. La panaroïa est très forte quand, en voyage à la Réunion, il découvre que le Chikungunya fait des ravages. Se recouvrant de spray anti-moustiques toutes les 10 minutes, il constate qu'il n'est pas le seul à redouter la moindre piqûre. 

A Angoulême, avant d'être désigné grand prix 2007, avec Joann Sfar, autre « intello » du 9e art, il accumule les bêtises, cassant sans cesse son image de penseur et de créateur. Un humour distancié irrésistible car bourré d’autodérision. (Delcourt, 11,50 €)

mardi 31 octobre 2006

BD - Quand Jonquet et Chauzy font dans l'ironie

Amis bureaucrates, vous qui estimez que le formulaire E437 dûment rempli, en trois exemplaires, est le préalable obligatoire à toute relation avec un administré, cet album de BD va vous intéresser. Thierry Jonquet a adapté son roman pour Chauzy, dessinateur qui libère de plus ne plus son trait pour mieux mettre en valeur ses couleurs directes.

 L’Office central de contrôle et de vérification, mastodonte de l’administration, ne donne plus satisfaction. Il faut le réformer, le moderniser. Une belle énarque va tenter de faire bouger le mammouth. Elle va tomber sur un os, en l’occurrence celui d’un gigot... 

Il y a un peu de Brazil, le film de Terry Giliam, dans cet album, avec ce soupçon de gastronomie française qui bonifie le tout.

"Du papier faisons table rase", Casterman, 13,75 euros

lundi 30 octobre 2006

BD - Beau comme du Blutch


A n’en pas douter, dans quelques années, pour parler d’un dessin réussi, on dira « c’est beau comme du Blutch ! ». Cela pourrait sembler réducteur de dire que les dessins de Blutch sont beaux, mais c’est avant tout une réalité qui saute aux yeux. Dessinateur virtuose, il nous en met encore plein la vue dans ce long récit de plus de 100 pages où il est question de chasseur, de singe, de petites filles et de sexe. Sans oublier la volupté qui donne si bien son nom à cet album. 

Entièrement réalisé avec un crayon à papier très gras et un crayon de couleur rouge, de l’esquisse au croquis très poussé, l’auteur nous entraîne dans un monde graphique sensuel, explicite et déroutant. L’album le plus abouti graphiquement de la rentrée

"La volupté", Futuropolis, 16,50 euros

dimanche 29 octobre 2006

BD - Cons et formidables à la fois

Les frères Crapone ont un bel avenir devant eux. Ces héros imaginés par Lautner et Chanoinat, dessinés par Castaza, sont un peu les Pieds Nickelés de la connerie. Il y a le beau parleur, le tombeur de ces dames et le bâfreur, toujours affamé. Ils ont le crime dans le sang. 

Mais n'ont pas encore compris comment réussir un bon coup. Ils ne manquent pourtant pas d'idée. Après une présentation de la famille (le pompon pour la grand-mère, vieille bique acariâtre ne se nourrissant que de réflexions blessantes), ils expliquent leur premier projet de casse. Ils vont tout simplement dévaliser le train de pièces jaunes de la Présidente. Cela échoue lamentablement. Ils s'attaquent alors au économies de l'association des dames pipis... Le butin aurait été maigre s'ils ne s'étaient pas trompé de bâtiment. Dernière trouvaille : enlever un présentateur vedette de la télévision. 

C'est sans doute cette dernière partie la plus réjouissante, les auteurs se déchaînant contre un milieu qui, il est vrai, grouille lui aussi de cons de premier choix. (Le Lombard, 13 €)

samedi 28 octobre 2006

Essai - Virginie Despentes a les boules

Virginie Despentes aime provoquer. Cet essai sur la condition des femmes intitulé "King Kong théorie "devrait une nouvelle fois faire bondir... les hommes.


Elle ne fait pas dans la dentelle et n'y met pas les formes. Quand Virginie Despentes se penche sur la condition des femmes, cela décoiffe. Connue pour ses romans et films qui ont fait scandale au moment de leur sortie (« Baise-moi » essentiellement), elle précise dans une introduction nerveuse quelle écrit ces lignes pour « les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides (...) toutes les exclues de la bonne meuf » et d'expliquer quelques pages plus loin que « quand on n'a pas ce qu'il faut pour se la péter, on est souvent plus créatifs. Je suis plutôt King Kong que Kate Moss, comme fille. Je suis ce genre de femme qu'on n'épouse pas, avec qui on ne fait pas d'enfants (...)».

Pour parler des femmes, Virginie Despentes se prend tout simplement en exemple. Il se trouve que sur les divers chapitres qu'elle aborde, elle en connaît un bon bout. Que cela soit le viol, la prostitution ou l'industrie du film porno, elle s'appuie sur des expériences personnelles. Un vécu qu'elle transforme en avis. Elle mélange allègrement réflexion assez poussée et argumentée avec la description de faits et gestes tirés de son histoire.

Quelques vérités sur le viol

Le viol par exemple, elle décrit le contexte, comment elle l'a senti venir, et n'a rien fait pour l'éviter. Comme tétanisée. Est-ce que cela lui donne une légitimité pour ensuite en tirer des généralités ? Certains en doutent, et pourtant comment ne pas donner plus de crédibilité à une Virginie Despentes et son parcours heurté mais imprégné du réel qu'à une féministe, universitaire, à 100 lieues de ce monde machiste peuplé de violeurs en puissance ? « On s'obstine à faire comme si le viol était extraordinaire et périphérique, écrit-elle, en dehors de la sexualité, évitable. Comme s'il ne concernait que peu de gens, agresseurs et victimes, comme s'il constituait une situation exceptionnelle, qui ne dise rien du reste. Alors qu'il est, au contraire, au centre, au cœur, socle de nos sexualités. Rituel sacrificiel central, il est omniprésent dans les arts, une constante à travers les siècles ». Première divergence évidente avec la parole officielle du politiquement correct.

De l'importance de la prostitution

Elle poursuit son entreprise de démystification en présentant la prostitution sous un jour nouveau. Elle estime que les tentatives d'interdire la prostitution ne sont que les conséquences d'hommes redoutant que des femmes ne deviennent autonomes et indépendantes sur le plan économique économique. Elle prend de la même façon la défense du cinéma X : « Le porno, volontiers dénoncé comme mettant les gens mal à l'aise par rapport au sexe, est en réalité un anxiolytique ». Une théorie un peu plus difficile à avaler tant les intérêts financiers en jeu sont importants dans ce qui reste une usine à fric. Au final elle explique cette fameuse théorie autour de King Kong en décortiquant le film de Peter Jackson. Virginie Despentes, presque la quarantaine, en quittant la fiction, prend des risques encore plus grands. Elle sait pourtant où elle va : « Heureusement, il y a Courtney Love. En particulier. Et le punk-rock en général. Une tendance à aimer le conflit. Je me refais une santé mentale, dans mon ombre de blonde. Le monstre en moi ne lâche pas l'affaire».

« King Kong théorie », Virginie Despentes, Grasset, 13,90 €

vendredi 27 octobre 2006

BD - Mortelle ruée en compagnie de "La fille du Yukon"


La grande ruée vers l'or sert de cadre à "La fille du Yukon", série écrite par Philippe Thirault et dessinée par Sinisa Radovic. Dans le grand nord américain, des hommes et des femmes ont tout laissé tomber pour tenter de faire fortune en trouvant un filon d'or. Mais sur place, ils ne découvrent que conditions de vie inhumaines et exploiteurs. Le froid, le relief, tout devient obstacle. 

Dans ce désert gelé, cela grouille. Et les morts se comptent par dizaines. On suit plus particulièrement le parcours de Christina et Justin, les deux amants en fuite. Ils ont recueilli une fillette, jeune orpheline, Alison. Mais ils sont surtout pourchassés par Doug et Sydney, deux hors-la-loi. Ils en veulent beaucoup à Justin, leur ancien complice. 

Après un hold-up, il a pris la fuite avec le butin, abandonnant son copain et la jeune femme, sa maîtresse, enceinte. Un passé qui va perturber le périple du couple dans son voyage, accompagné de l'Indien Hakina. Le seul dans toute cette histoire qui paraisse bon et civilisé. 

Le dessin très réaliste de Radovic est parfait pour ces scènes de cruautés et d'horreur. (Dupuis, 13,50 €)

jeudi 26 octobre 2006

BD - Nekan, enfin

Patrice Poissonnet porte ce projet de Nekan depuis ses années lycée. C'est à cette époque qu'il imagine ce monde futuriste aux multiples réalités. Il peaufine son scénario, reprenant sans cesse la trame. Ses études, de graphiques, virent au littéraire et en entrant dans l'école « Arc en ciel » d'Anthony il suit des cours de strory-boarder et surtout rencontre Francis Gardiol, un dessinateur très attiré par le manga. Ensemble ils décident de proposer une première ébauche de Nekan 2024 aux éditeurs. Le premier tome vient de paraître, un rêve de lycée, vieux de dix ans, prend corps. 

Sur la planète Nekan, un régime autoritaire règne en maître. Mais dans les sous-sols la résistance s'organise. Parmi ces réfractaires au tout répressif, Kimito se pose de multiples questions. D'où vient-il ? Pourquoi est-il attiré par des jeux virtuels, au risque d'endommager son cerveau ? C'est lors d'une attaque contre le cœur de l'appareil policier qu'il découvre qu'il peut manipuler le temps. 

Un récit un peu hermétique au début, mis en image très sobrement par un jeune dessinateur déjà plein d'assurance. (Vents d'Ouest, 12,50 €)

mercredi 25 octobre 2006

BD - Jeune BD coréenne


On parle beaucoup de la Corée ces derniers temps. Celle du Nord, qui tente de maîtriser l'arme nucléaire. Au Sud, dans une démocratie très capitalistique, la jeunesse se gorge de bande dessinée. Des centaines d'albums bons marchés, comme au Japon, peu ambitieux. Mais à côté de ce volet très commercial, quelques auteurs parviennent à proposer des récits adultes et ambitieux. Une jeune bande dessinée coréenne que Casterman a décidé de mettre en avant dans une nouvelle collection. Premier exemple avec « Le marécage » de Choi Kyu-sok. Un étudiant en bande dessinée, raconte dans ce courtes scénettes de 3 ou 4 pages, sa vie en cohabitation avec trois amis. Dans une minuscule pièce, ils mangent, dorment et travaillent. Problèmes de coeur, d'argent, d'étude ou de relations constituent le pain quotidien de cette BD qui nous en apprend beaucoup sur la jeunesse coréenne. On rit souvent, mais l'émotion n'est pas absente, l'auteur donnant parfois un ton très sérieux et politique à son propos. Une belle découverte. (Casterman, Hanguk, 15,75 €)