Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
lundi 2 octobre 2006
BD - Après la mort de Dupa, Cubitus se modernise avec Aucaigne et Rodrigue
Difficile, très difficile de succéder à Dupa. Créateur de Cubitus, série de gags légendaire du journal Tintin (il fut même un temps envisagé de rebaptiser la revue du nom du chien blanc à queue en pompon jaune…). Dupa disparu prématurément. Le personnage devait cependant lui succéder. Après quelques années de silence, il est de retour avec cette fois deux gagmen pour renouveler son petit monde. Pierre Aucaigne, humoriste aussi connu en Belgique que Laurent Gerra en France, signe les scénarios, Michel Rodrigue, se charge du dessin avec un maximum de fidélité au trait rond et fluide de Dupa. Le second tome de ces « nouvelles aventures » voit l’arrivée d’un nouveau personnage : Bidule, le neveu de Cubitus. C’est la copie conforme, en réduction, de ce bon gros Cubitus. Il a le même esprit que son tonton, n’aimant pas qu’on le dérange en pleine sieste, surtout quand c’est Sénéchal, le chat. Ce dernier, tout en conservant son rôle de tête de Turc, est un peu moins méchant qu’avant. Plus victime que manipulateur. Aucaigne et Rodrigue n’oublient pas Sémaphore, le maître de Cubitus, qui pourrait bien ne plus être célibataire après une rencontre virtuelle sur le net…. (Le Lombard, 8,70 €)
dimanche 1 octobre 2006
BD - Les gags urgents des postiers de Godard et De Vigan
La collection Bamboo Job s’enrichit d’un nouveau corps de métiers : les postiers. Ce sont Godard (dessin) et Du Vigan (dessin) qui se chargent de tailler un costard à cette corporation de la fonction publique trop souvent décriée. Car les auteurs se moquent de certains de leurs défauts, mais dans l’ensemble les plaignent plus qu’autre chose. Il est vrai que ces employés sont souvent au contact du public et doivent régulièrement lutter pour conserver leur intégrité physique. Tel ce facteur, harcelé par une nymphomane prétextant le moindre recommandé pour le capturer dans son appartement. Où cette autre vieille dame, réclamant des intérêts sur son compte en banque affichant un très riquiqui zéro au niveau du solde. C’est compliqué aussi derrière les guichets quand les collègues s’y mettent. La jeune Marlène a le chic pour troubler la gent masculine avec des tenues affriolantes. C’est quand même très utile pour calmer le client récalcitrant. Une série s’appuyant sur des faits précis et réels pour mieux rire de l’absurdité de notre société. On reconnaît la pâte de Christian Godard, scénariste très aguerri (La Jungle en Folie, Toupet), bien servi par un jeune dessinateur déjà très sûr dans ses caricatures. (Bamboo, 9,45 €)
samedi 30 septembre 2006
BD - Si on aime Game Over, l'important est d'apprendre à perdre
Il était une fois un petit guerrier persévérant mais pas toujours très futé. Dans ses mondes virtuels, il doit affronter des Blorks vicieux et fourbes. Souvent , il croit avoir enfin trouvé l’astuce qui lui permettra de passer au niveau supérieur. Systématiquement il se retrouve avec le fatidique « Game Over » qui a donné son nom à cette série de gags muets imaginée par Midam. Midam, le créateur de Kid Paddle. On retrouve dans ce second recueil l’esprit gore et trash du nouveau héros des cours de récréation. Ce qui semblait au début un simple défouloir pour un auteur qui pouvait tout se permettre le succès aidant, est devenu une véritable série. Il en a gardé la maîtrise tout en se faisant aider au niveau scénario par Augustin et par Adam pour les dessins. A l’arrivée cela fait plus d’une quarantaine de variation pour une fin tragique du guerrier numérique. Des exemples : propulsé dans l’espace par des chaussures rebondissantes, enfoui sous terre par un pistolet déplace matière, électrocuté par la foudre dans une armure rouillée, écrasé par un tank, découpé par un samouraï… Le pire, c’est que le résultat est toujours le même : le lecteur éclate de rire à ses déconvenues… (Dupuis, 8,50 €)
vendredi 29 septembre 2006
BD - Rions avec nos amis belges...
Après le succès des Blagues de Toto, découvrez dans la même veine les blagues belges mises en images, dans un style gros nez très maîtrisé, par Eric Dérian et Philippe Larbier. A la collecte de ces fameuses histoires qui ont fait le succès de Coluche et de nombre de pilier de bar on retrouve un Belge, un vrai, Luc Parthoens qui signe sous le pseudo de Pluk. Luc Parthoens a fait toute sa carrière au studio Peyo, c’est lui qui a repris l’encrage des plus récents des albums des petits lutins bleus. En couverture le manneken piss et Jes, un des deux Belges de base récurrents dans ces histoires qui ne brillent pas pour leur originalité. Avec son copain Jos, par exemple, ils partent en forêt couper un sapin pour la Noël. Et ils en cherchent un, en vain, avec les boules. Où quand Jos se ruine à vider un distributeur de boisson se justifiant par un « Moi, tant que je gagne, je joue ». Certes cela ne vole pas très haut mais on ne peut s’empêcher parfois de sourire à la bêtise de ces personnages. Eric Dérian, sur son blog, aux lecteurs critiques lui reprochant de s’être « vendu au grand capital » répond : « Je m’en fous parce que je vais être riche. L’étape suivante c’est maître du monde !!! » Une fois, serait-on tenté de rajouter… (Delcourt, 9,80 €)
jeudi 28 septembre 2006
Roman - Les chroniques d'Oliver Alban
Personnage de bande dessiné imaginé par Floc'h et Rivière, Oliver Alban, critique littéraire anglais, nous livre une sélection de ses chroniques.
François Rivière, biographe reconnu d'Agatha Christie ou de J. M. Barrie, le créateur de Peter Pan, a transformé sa passion pour la littérature anglaise en une mine pour des scénarios de bande dessinée, notamment illustrés par Floc'h. Le personnage de Francis Albany est apparu dans « Les rendez-vous de Sevenoaks » aux éditions Dargaud en 1977. Le dernier album du duo, paru l'an dernier, raconte la vie d'Olivia Sturgess, romancière imaginaire, amie d'Albany. Ces deux, au fil des histoires élaborées par Floc'h et Rivière, se sont trouvé de plus en plus de points commun. Jusqu'à inventer une signature leur permettant de parler de leurs collègues indirectement.
Critique virtuel
Oliver Alban a publié de très nombreuses chroniques. Critique virtuel, ce n'est que récemment qu'un historien travaillant sur l'oeuvre de Francis Albany a découvert au fond d'une malle des chroniques inédites. Et le doute s'insinue dans son esprit : « Et si Oliver Alban avait véritablement existé ? » Pas de réponse formelle, mais pour étayer cette hypothèse, voici quelques-unes des chroniques inédites, réunies par ordre chronologique. Ce sont en fait des petits portraits des plus célèbres intellectuels de l'époque. On apprend ainsi quelques secrets sur la vie et les manies de plusieurs écrivains anglais comme P. G. Wodehouse, Daphne du Maurier ou Patricia Highsmith. Chaque chronique est illustrée par un portrait au trait signé Floc'h.
De Francis Albany (en 1947) à Somerset Maugham (en 1977), ces petits textes délicieux de malice et d'élégance, dressent un panégyrique de tout ce que l'Angleterre (et le monde anglo-saxon par extension) compte d'intelligent et de brillant. Oliver Alban rencontre également les célébrités de la télévision (il est sous le charme de Diana Rigg, l'inoubliable interprète de Chapeau melon et bottes de cuir) ou du cinéma comme Hitchcock. Sur ce dernier il recueille la confidence de quelqu'un qui l'a bien connu : « Hitch est un homme imprévisible, il passe de l'exquis à l'imprévisible sans raison apparente. En vérité, c'est un grand timide et un peureux. C'est du reste le secret de son génie ».
Ce livre est un petit bijou, vibrant hommage à tout ce que Floc'h et Rivière aiment dans la littérature anglaise. Et il donne envie de se plonger dans ces classiques outre-Manche encore trop méconnus ce de côté-ci du Channel...
« Les chroniques d'Oliver Alban », Floc'h & Rivière, Robert Laffont, 19 €
François Rivière, biographe reconnu d'Agatha Christie ou de J. M. Barrie, le créateur de Peter Pan, a transformé sa passion pour la littérature anglaise en une mine pour des scénarios de bande dessinée, notamment illustrés par Floc'h. Le personnage de Francis Albany est apparu dans « Les rendez-vous de Sevenoaks » aux éditions Dargaud en 1977. Le dernier album du duo, paru l'an dernier, raconte la vie d'Olivia Sturgess, romancière imaginaire, amie d'Albany. Ces deux, au fil des histoires élaborées par Floc'h et Rivière, se sont trouvé de plus en plus de points commun. Jusqu'à inventer une signature leur permettant de parler de leurs collègues indirectement.
Critique virtuel
Oliver Alban a publié de très nombreuses chroniques. Critique virtuel, ce n'est que récemment qu'un historien travaillant sur l'oeuvre de Francis Albany a découvert au fond d'une malle des chroniques inédites. Et le doute s'insinue dans son esprit : « Et si Oliver Alban avait véritablement existé ? » Pas de réponse formelle, mais pour étayer cette hypothèse, voici quelques-unes des chroniques inédites, réunies par ordre chronologique. Ce sont en fait des petits portraits des plus célèbres intellectuels de l'époque. On apprend ainsi quelques secrets sur la vie et les manies de plusieurs écrivains anglais comme P. G. Wodehouse, Daphne du Maurier ou Patricia Highsmith. Chaque chronique est illustrée par un portrait au trait signé Floc'h.
De Francis Albany (en 1947) à Somerset Maugham (en 1977), ces petits textes délicieux de malice et d'élégance, dressent un panégyrique de tout ce que l'Angleterre (et le monde anglo-saxon par extension) compte d'intelligent et de brillant. Oliver Alban rencontre également les célébrités de la télévision (il est sous le charme de Diana Rigg, l'inoubliable interprète de Chapeau melon et bottes de cuir) ou du cinéma comme Hitchcock. Sur ce dernier il recueille la confidence de quelqu'un qui l'a bien connu : « Hitch est un homme imprévisible, il passe de l'exquis à l'imprévisible sans raison apparente. En vérité, c'est un grand timide et un peureux. C'est du reste le secret de son génie ».
Ce livre est un petit bijou, vibrant hommage à tout ce que Floc'h et Rivière aiment dans la littérature anglaise. Et il donne envie de se plonger dans ces classiques outre-Manche encore trop méconnus ce de côté-ci du Channel...
« Les chroniques d'Oliver Alban », Floc'h & Rivière, Robert Laffont, 19 €
mercredi 27 septembre 2006
BD - Diaboliques souvenirs d'enfance
Olivier Ka a gardé longtemps le secret en lui. Le secret de l’été de ses 12 ans. Depuis quelques années il connaît Pierre, un curé de gauche, jovial, cool et drôle. Pierre organise une colonie de vacances. Olivier y passe des étés de rêve. Jusqu’à ce que Pierre révèle son côté obscur. Une nuit, il rejoint Olivier et… Olivier Ka explique pourquoi, plus de vingt ans après les faits, il a besoin de raconter. Un texte, mis en images par Alfred. Mieux qu’une thérapie, l’histoire pathétique d’un gamin naïf, n’osant pas refuser, pour ne pas décevoir son « ami ». Une œuvre essentielle pour la compréhension de la mentalité des pédophiles, savoir comment ces monstres manipulent les enfants et pourquoi si peu de victimes, même 20 ans après, osent raconter leur martyr.
Pourquoi j’ai tué Pierre ?, Delcourt, 14,95 euros
BD - Les noires combines de Brrémaud et Duhamel
Dans le Harlem du milieu des années 70, Ce trio de pieds Nickelés new look a la particularité d’être mixte et noir. Mose, le docker aux pectoraux très convaincants, est l’ami de Lennox, moins costaud et toujours à la recherche d’une bonne combine pour se renflouer. Il entraîne dans ses arnaques sa petite amie, Dolorès pin-up très panthère noire… Le trio va se lancer dans deux arnaques en parallèle qui vont finalement se rejoindre dans une apothéose calamiteuse. Mose, redoutable boxeur, a accepté de se coucher contre un moins bon que lui. A la clé pas mal de fric dans les paris et surtout une place pour interpréter Mohamed Ali dans la reconstitution filmée de son combat légendaire à Kinshasa contre George Foreman. Par ailleurs, Lennox et Dolorès vont braquer des camions qui déchargent deux fois par semaine dans le port de mystérieuses caisses. Le jour J tout dérape : Mose met son adversaire KO, Lennox constate que le trafic (des armes lourdes) est organisé par la police. On rigole beaucoup en lisant cet enchaînement de quiproquos aux conséquences désastreuses. Le scénario est de Brrémaud, le dessin de Duhamel : un duo (comme leur trio de héros) à suivre. (Vents d’Ouest, 9,40 €)
mardi 26 septembre 2006
BD - Quand Satan rend visite à Bois-Maury
Hermann au dessin, son fils Yves au scénario : le chevalier de Bois-Maury fait étape dans la Flandre en pleine inquisition. Le jeune Toone assiste à l’arrestation puis à l’exécution de ses parents accusés d’être luthériens. Il se vengera du haut des toits enneigés de cette ville plongée dans la terreur. Un album directement inspiré d’un tableau, « Dulle Griet » de Pieter Bruegel l’ancien reproduit en début d’ouvrage. Herman signe quelques planches très épurées. Comme un hommage aux anciens maîtres de la peinture. Une tragédie semblant clore la saga Bois-Maury. Offert avec cet album, un livret de 32 pages retraçant « Les itinéraires de Bois-Maury ».
Bois-Maury, tome 13, Glénat, 9,40 euros
lundi 25 septembre 2006
BD - Du vaudou dans le tome 3 de WEST
Cuba vient d’accueillir le sommet des pays non-alignés. Mais cette fière république n’a pas toujours été indépendante. Le troisième épisode de cette série écrite par Xavier Dorison et Fabien Nury avec Christian Rossi au dessin entraîne le lecteur au début du XXe siècle, alors que la grande île des Caraïbes vient de bouter les Espagnols avec l’aide des Américains. Des Américains qui aimeraient garder un pouvoir total sur ce pays aux ressources alléchantes. Les hommes de Morton Chapel ont pour mission de lever la menace Islero, sorcier vaudou au pouvoir grandissant. Il refuse les élections démocratiques et prône la lutte armée contre l’envahisseur yankee. Une armée de zombies semble sur le point de se lever.
W.E.S.T., tome 3, Dargaud, 13 euros
dimanche 24 septembre 2006
Polar - Lediacre, flic atypique
Le divisionnaire Lediacre est un flic hors du commun. Avec un minimum de moyens, il fait tomber un maximum de truands…
Loin des clichés, le nouveau héros policier imaginé par Didier Sénécal n’est pas là pour épater la galerie. Au contraire, il aime agir dans l’ombre, quasiment aux frontières de la légalité, et avec une équipe réduite au minimum. Et pour l’instant, son équipe se résume à une personne : Jean-Louis Pommérieux, ancien des services secrets, travaillant presque à mi-temps puisqu’il ne passe au bureau qu’une fois dans la journée, en fin d’après-midi. Mais sa moisson est généralement très bonne : noms de dealers, d’acheteurs, date d’arrivage de drogue et de règlement de compte, il est le flic le mieux informé de Paris.
Une fliquette sous le charme
L’équipe de Lediacre qui va être renforcée avec l’arrivée du capitaine Hélène Vermeulen. C’est cette dernière qui va raconter ses débuts dans ce service peu banal. Elle raconte notamment sa première rencontre avec Lediacre, après avoir noté que son bureau se situe au dessus des ateliers de réparation des véhicules de la police. « Moyen, voilà l’impression que Lediacre donnait. Plutôt svelte pour quelqu’un de son âge, car ses cheveux grisonnants et son visage ridé indiquaient qu’il approchait de la cinquantaine. Son costume gris bien coupé et sa cravate à rayures auraient convenus à la moitié des hauts fonctionnaires de la place de Paris, ainsi qu’à des milliers de directeurs de banque, d’assureurs ou d’experts-comptables. C’est exactement cela : il avait une allure d’expert-comptable. » Mais les apparences sont souvent trompeuses et Vermeulen va rapidement s’en apercevoir. Si les méthodes de Lediacre sont peu banales, ses cibles non plus. Le commissaire aime s’attaquer à ce qu’il appelle les « Intouchables ». En gros, les dealers et toxicos du showbiz, les diplomates étrangers mouillés dans le trafic de cocaïne ou les avocats acoquinés avec le milieu.
Les starlettes au poste
Il va rapidement demander à Hélène Vermeulen de collecter un maximum de renseignements sur un dealer de banlieue attiré par le strass des vedettes médiatiques. Réceptionnant des kilos de cocaïne, il va livrer les grosses doses lui-même, rien que pour le plaisir de s’afficher avec la dernière starlette à la mode ou le plus célèbre chanteur de rock français, en haut de l’affiche depuis près d’un demi-siècle. C’est chez ce dernier, lors d’une fête mémorable, que Lediacre va frapper un grand coup. Mais avec ses effectifs réduits, il est obligé de demander de l’aide des stups, de la gendarmerie et même des services secrets français. Il pilotera cependant à distance toute l’opération avec dans la place, la belle Vermeulen, obligée de se faire passer pour un mannequin slave, légèrement idiote et peu vertueuse. Un rôle de composition pour cette austère fille du Nord, célibataire et jamais maquillée. Le récit des excès de ces demi-célébrités, ravies de s’encanailler dans une soirée huppée où la cocaïne est consommée comme du caviar à la petite cuillère, est d’autant plus réjouissant qu’ils finissent tous au poste malgré leurs cris d’orfraies.
Une opération spectaculaire mais qui n’est que la partie visible de la vaste machination ourdie par Lediacre pour faire tomber ses « Intouchables ». Il a une technique d’interrogatoire d’une rare efficacité mise au point depuis des années : « noyage du poisson, anesthésie de l’adversaire, question faussement naïve, attaque aussi soudaine que brutale, sans négliger le coup de pied à l’homme à terre. » Ce roman policier, très réaliste tant dans sa forme que sur le fond, permet au lecteur de découvrir une facette cachée de la police française. Pas clinquante, mais très efficace.
« Lediacre et les intouchables », Didier Sénécal, Fleuve Noir, 18 €
Loin des clichés, le nouveau héros policier imaginé par Didier Sénécal n’est pas là pour épater la galerie. Au contraire, il aime agir dans l’ombre, quasiment aux frontières de la légalité, et avec une équipe réduite au minimum. Et pour l’instant, son équipe se résume à une personne : Jean-Louis Pommérieux, ancien des services secrets, travaillant presque à mi-temps puisqu’il ne passe au bureau qu’une fois dans la journée, en fin d’après-midi. Mais sa moisson est généralement très bonne : noms de dealers, d’acheteurs, date d’arrivage de drogue et de règlement de compte, il est le flic le mieux informé de Paris.
Une fliquette sous le charme
L’équipe de Lediacre qui va être renforcée avec l’arrivée du capitaine Hélène Vermeulen. C’est cette dernière qui va raconter ses débuts dans ce service peu banal. Elle raconte notamment sa première rencontre avec Lediacre, après avoir noté que son bureau se situe au dessus des ateliers de réparation des véhicules de la police. « Moyen, voilà l’impression que Lediacre donnait. Plutôt svelte pour quelqu’un de son âge, car ses cheveux grisonnants et son visage ridé indiquaient qu’il approchait de la cinquantaine. Son costume gris bien coupé et sa cravate à rayures auraient convenus à la moitié des hauts fonctionnaires de la place de Paris, ainsi qu’à des milliers de directeurs de banque, d’assureurs ou d’experts-comptables. C’est exactement cela : il avait une allure d’expert-comptable. » Mais les apparences sont souvent trompeuses et Vermeulen va rapidement s’en apercevoir. Si les méthodes de Lediacre sont peu banales, ses cibles non plus. Le commissaire aime s’attaquer à ce qu’il appelle les « Intouchables ». En gros, les dealers et toxicos du showbiz, les diplomates étrangers mouillés dans le trafic de cocaïne ou les avocats acoquinés avec le milieu.
Les starlettes au poste
Il va rapidement demander à Hélène Vermeulen de collecter un maximum de renseignements sur un dealer de banlieue attiré par le strass des vedettes médiatiques. Réceptionnant des kilos de cocaïne, il va livrer les grosses doses lui-même, rien que pour le plaisir de s’afficher avec la dernière starlette à la mode ou le plus célèbre chanteur de rock français, en haut de l’affiche depuis près d’un demi-siècle. C’est chez ce dernier, lors d’une fête mémorable, que Lediacre va frapper un grand coup. Mais avec ses effectifs réduits, il est obligé de demander de l’aide des stups, de la gendarmerie et même des services secrets français. Il pilotera cependant à distance toute l’opération avec dans la place, la belle Vermeulen, obligée de se faire passer pour un mannequin slave, légèrement idiote et peu vertueuse. Un rôle de composition pour cette austère fille du Nord, célibataire et jamais maquillée. Le récit des excès de ces demi-célébrités, ravies de s’encanailler dans une soirée huppée où la cocaïne est consommée comme du caviar à la petite cuillère, est d’autant plus réjouissant qu’ils finissent tous au poste malgré leurs cris d’orfraies.
Une opération spectaculaire mais qui n’est que la partie visible de la vaste machination ourdie par Lediacre pour faire tomber ses « Intouchables ». Il a une technique d’interrogatoire d’une rare efficacité mise au point depuis des années : « noyage du poisson, anesthésie de l’adversaire, question faussement naïve, attaque aussi soudaine que brutale, sans négliger le coup de pied à l’homme à terre. » Ce roman policier, très réaliste tant dans sa forme que sur le fond, permet au lecteur de découvrir une facette cachée de la police française. Pas clinquante, mais très efficace.
« Lediacre et les intouchables », Didier Sénécal, Fleuve Noir, 18 €
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