vendredi 3 juin 2016

DVD et blu-ray : restauration de chefs-d'œuvre

Nouvelles technologies, nouvelles découvertes. Les avancées en matière de restauration des copies de films argentiques permettent de sortir des versions numériques quasiment à l'identique. Un plaisir supplémentaire pour redécouvrir ces chefs-d'œuvre du cinéma. En ce début juin, on a le choix avec une sélection de titres français chez Pathé et un film américain pour Wild Side.
pathé, tourneur, justin, marseille, wild side, falaise mystérieuseDans la continuité du plan de restauration de son catalogue, Pathé s'est engagé dans un vaste plan de restauration des classiques de son catalogue. Les trois œuvres emblématiques de Julien Duvivier, "La Belle Équipe", "La Fin du Jour" et "Voici le temps des assassins", font parties de cette nouvelle vague de sorties en DVD et Blu-ray. L'occasion également de prendre une bouffée d'accent provençal avec "Tartarin de Tarascon", comédie jubilatoire de Raymond Bernard orchestrée par Marcel Pagnol ainsi que le chef-d'œuvre de Maurice Tourneur, "Justin de Marseille", film de gangsters marseillais comme il n'en existe pas ailleurs. Ce dernier prouve que les récents règlements de compte dans la ville ne sont que les rééditions des tensions ancestrales, quand Justin tentait de faire régner sa loi face aux agissements des Italiens...


pathé, tourneur, justin, marseille, wild side, falaise mystérieuseAutre style avec "La falaise mystérieuse" de Lewis Allen avec Ruth Hussey et Ray Milland. Ce film date de 1944 et mélange comédie et fantastique. Au cours d'un séjour dans les Cornouailles, Roderick Fitzgerald et sa sœur Pamela achètent, pour une somme dérisoire, une superbe maison surplombant une falaise. Ils s'y installent, mais dès la première nuit, leur sommeil est troublé par les sanglots mystérieux d'une femme. Le coffret contient blu-ray et DVD accompagné d'un long entretien de Christophe Gans sur la genèse du film et ses influences sur le genre des "films de fantômes" et des autres cinéastes (dont Hitchcock). Sans oublier un livre richement illustré de Patrick Brion. Parfait pour redécouvrir un film très en avance sur son temps.

DE CHOSES ET D'AUTRES : De la pérennité des émissions

maïtena Biraben, canal+, 30 millions d'amisUne saison et puis s'en va. Exit Maïtena Biraben du "Grand Journal" de Canal Plus. Un départ abondamment commenté hier, alors que paradoxalement une autre information concernant la télévision aurait mérité plus.
Après 40 années de présence sur les principales chaînes (TF1, France 2 puis France 3), "30 millions d'amis" est remisée à la niche. Terminé le générique avec Mabrouk, le berger allemand légendaire, et les gentils chats, avant même la mode des lolcats sur le net. Les nouveaux dirigeants de France Télévisions, dans une volonté affichée de rajeunissement de la grille, ont enterré sans le moindre état d'âme cet ancêtre du PAF. Une mort savamment programmée. Dans un premier temps, on alerte sur la baisse des audiences. Puis on déplace l'émission de sa case, le dimanche matin, dans une autre, forcément moins favorable, le mercredi matin. Résultat ils n'étaient plus qu'un peu plus de 100 000 fidèles sur le coup de 10 heures cette semaine à pleurer devant le dernier numéro.
La productrice historique, Réha Hutin, ne baisse pas les bras. Une autre chaîne pourrait accueillir la "marque". De plus la communauté a su fédérer grâce aux réseaux sociaux (635 000 amis sur Facebook) et propose des reportages sur son canal YouTube.
Alors pourquoi tout ce pataquès autour de Maïtena Biraben et à peine quelques mots sur "30 millions d'amis" ? À moins que l'éphémère présentatrice du "Grand Journal" ne rebondisse en prenant les rênes de la nouvelle version de "30 millions d'amis"... Sur Numéro 23 par exemple, la chaîne des tatoueurs.

BD : Petit troll et niche de chien


"La nuit des Trolls" d'Adrien Demont est un long roman graphique reprenant une vieille légende norvégienne. Alors que l'hiver fige la campagne, Buck, un chien qui ne quitte jamais sa niche (comme une carapace de tortue en bois), s'échoue sur le rivage. Il trouve refuge dans une chaumière occupée par un couple. La femme, catastrophée, vient de découvrir que son bébé a été échangé avec un petit Troll. Les paysans chargent Buck, gentil toutou, de rendre le petit Troll à sa famille et de récupérer l'enfant. Un long périple au cours duquel Buck va croiser la route d'animaux estropiés, de redoutables monstres et encore plus méchants Trolls. Le dessin sombre et granuleux d'Adrien Demont donne un côté ancien à ce long roman graphique de près de 80 pages.
"Buck", Soleil Métamorphose, 17,95 euros

jeudi 2 juin 2016

Cinéma : Yvan Attal filme ses obsessions

attal, juifs, ils sont partout
Dans ce genre un peu oublié du film à sketches, Yvan Attal avec "Ils sont partout" rit des préjugés sur les Juifs sans oublier de poser les bonnes questions.


Paranoïaque Yvan Attal ? Pas plus que tous les Juifs, selon lui. Il l'explique à son psychanalyste (Tobie Nathan) dans les séquences lien rouge entre les différents sketches, censés se pencher sur les grands préjugés sur les Juifs. C'est la partie la plus sérieuse, comme un documentaire, où il met beaucoup de lui, non sans humour quand il explique que c'est sa femme qui est obsédée par les Juifs, plus que lui par l'antisémitisme. Pourtant il ne parle que de ça à son thérapeute. Le premier sketch porte sur la légende selon laquelle les Juifs sont partout. Il y a comme des airs de ressemblance avec la réalité quand on découvre la présidente d'un parti d'extrême droite (Valérie Bonneton) danser avec un ancien SS dans un bal à Vienne, en Autriche. Son mari (Benoît Poelvoorde), numéro 2 du parti, agit dans l'ombre pour remporter l'élection présidentielle. Il tente surtout de la rendre plus présentable aux yeux des électeurs. Profondément antisémite, il est persuadé qu'ils sont partout. Et constatera que c'est une réalité, notamment dans sa propre famille.
Un premier chapitre porté par les deux acteurs dans des rôles particulièrement difficiles à jouer, notamment celui de Valérie Bonneton. Problème récurrent des films à sketches, certains sont moins forts que d'autres. Passons donc sur le thème "Les Juifs sont riches", un peu trop caricatural pour savourer le dialogue d'anthologie entre deux talmudistes (Gégory Gadebois et Denis Podalydès) sur une question toute simple portant sur deux ramoneurs, l'un propre, l'autre sale. Brillant comme l'humour juif (qui reste le meilleur du monde, n'en déplaise à certains) et la force de la réflexion quand on doute.
La croix de Norbert
Le comique pur s'apprécie aussi dans le sketch sur la mort de Jésus. Car un des grands reproches faits aux Juifs, c'est d'avoir tué le Christ. Alors le Mossad, toujours à l'affût de coups tordus, va tenter de réécrire l'histoire en envoyant Norbert (Pierre Lellouche), son meilleur agent, dans le passé pour éliminer Jésus avant qu'il ne devienne le Christ. On rit beaucoup aux péripéties de cet agent trop sensible à la beauté des femmes et à ses chefs, naïfs, mais pas trop.
Et puis dans ce film, forcément pessimiste (les derniers événements sont malheureusement là pour confirmer cette vision de l'avenir), il y a une perle. En se demandant si les Juifs n'en font pas trop avec le Shoah, Yvan Attal et Emilie Frèche, la co-scénariste, offrent un rôle en or à Poppeck.
Patrick Braoudé de son côté interprète un président de la République incroyablement ressemblant à François Hollande. Même si sa grande idée se révèle finalement une grosse bêtise. Au final, le film est d'une grande sagesse, disant les choses simplement, démontant par l'humour ou l'absurde ces clichés ridicules. Mais au combien destructeurs depuis des siècles...
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Yvan Attal : "Un film sur l'antisémitisme !"
attal, juifs, ils sont partoutÀ 50 ans, Yvan Attal a enfin décidé de faire le film qui lui trotte depuis des années dans la tête. Il y a eu l'affaire Ilan Halimi, puis les massacres de Merah. "Entre le moment où j'ai écrit ce film, où je l'ai donné à lire et aujourd'hui, il s'est quand même passé des choses, se souvient Yvan Attal. L'antisémitisme est un tel sujet, c'est devenu tellement tendu, que pour certains il est très difficile d'en rire." Entre comédie et tragédie, il veut surprendre le spectateur, comme s'il jouait avec la température de l'eau, passant du chaud au froid sans prévenir. L'effet est saisissant. Et salvateur parfois. Car rire c'est salutaire, mais trop souvent cela ne sert qu'à cacher larmes et douleurs. Et Yvans Attal d'enfoncer le clou en déclarant : "C'est un film sur l'antisémitisme ! Qui existe depuis des millénaires, qui se transforme pour exister différemment aujourd'hui et qui malheureusement, je le crains n'est pas terminé." Une fiction rattrapée par la réalité. Son passage la semaine dernière dans l'émission de Laurent Ruquier sur France 2 a provoqué une vague de message antisémites sur Twitter et autres réseaux sociaux. Comme pour lui donner doublement raison...

BD : Ellana cherche ses racines


En signant "La quête d'Ewilan", Pierre Bottero s'était imposé comme le meilleur écrivain de fantasy française. Il prolongeait son univers avec les aventures de la fougueuse Ellana. Et puis une invention du diable (une moto) le fauchait à 45 ans. L'écrivain n'est plus, mais ses œuvres restent et tout en étant régulièrement rééditées par les éditions Rageot, elles sont désormais adaptées en BD. Le premier tome d'Ellana, scénarisé par Lylian et dessiné par l'Espagnole Montse Martin au trait si élégant, présente l'histoire de cette petite fille dont les parents, massacrés par des sauvages, et est recueillie par des lutins de la forêt. Elle grandit insouciante dans cet univers merveilleux, mais devenue adolescente elle décide de rejoindre le monde des Humains pour en savoir plus sur ses origines. Au-delà des aventures, c'est surtout le personnage de la jeune fille qui séduira les lecteurs de tous âges.
"Ellana" (tome 1), Glénat, 14,95 euros

mercredi 1 juin 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Régime artistique

art, régime, giacometti, boteroL'art, paraît-il, fait maigrir. Emballement médiatique la semaine dernière autour d'un prétendu "régime Giacometti". Expérience auprès de 128 personnes, des chercheurs suisses placent chaque cobaye devant un bol de chips et un écran d'ordinateur. Pour la moitié l'écran reste blanc, l'autre contemple une sculpture d'Alberto Giacometti, pape de la forme squelettique. Résultat de l'expérience, 21 % de chips en moins englouties par les hommes et femmes qui se trouvent face à la forme maigre du sculpteur. Donc, l'art fait maigrir. Du moins, celui de Giacometti.
Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sceptique. N'est-ce pas tout simplement l'ennui qui a poussé les cobayes de l'écran vide à boulotter les chips ? Perso, quelle que soit l'image affichée, l'attraction des chips prévaudrait.
Pour être crédible cette expérience aurait dû être complétée par une autre. Pourquoi ne pas avoir proposé des peintures de Fernando Botero ? Thèse, antithèse. Maigreur contre rondeur. La complexité de l'esprit humain permet d'envisager les deux solutions. Manger encore moins de chips pour ne pas ressembler à ces femmes proches de l'obésité morbide (d'un point de vue strictement médical), ou s'en délecter en se persuadant qu'elles aussi doivent aimer cette "junk-food".
Après on peut aussi imaginer la solution extrême. Au lieu de la représentation, offrez-vous une véritable œuvre d'Alberto Giacometti. Vu le prix du marché, il ne vous restera plus grand-chose pour acheter à manger.

BD : La justice expéditive du Bourreau


Dans le Paris grouillant du Moyen âge, la justice est expéditive. Son bras est incarné par le Bourreau, mystérieux personnage masqué, capable de retrouver les tueurs et autres malandrins pour leur faire payer le prix fort. Cette histoire de Mathieu Gabella mise en images par Julien Carette a des airs de super-héros historique. Mais l'intrigue se révèle bien plus complexe. Ce Bourreau n'est que le bras armé de notables qui font la pluie et le beau temps. Il tue sans poser de questions, invincible tant qu'il reste anonyme. Le récit se déroule sur deux niveaux temporels. Lors de la mission du Bourreau pour châtier les tueurs d'une noble dame et 20 ans auparavant, quand il a été recruté par le précédent exécuteur masqué qui lui a appris les rudiments du "métier". Un soupçon de fantastique avec l'apparition d'un Bouffon justicier donne à l'ensemble un attrait certain, dans la lignée de l'autre série de Gabella, "La Licorne".
"Le Bourreau" (tome 1), Delcourt, 14,95 euros


mardi 31 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le costard de Macron

macron, costard, loi travail, en marche
Homme de l'ombre durant ses jeunes années, Emmanuel Macron, une fois bombardé ministre de l'Économie par François Hollande, a-t-il succombé à l'appel des sirènes de la médiatisation ? Non seulement il lance son propre mouvement "En marche !", mais en plus il se targue d'aller au contact du peuple. A ses risques et périls comme la semaine dernière à Lunel. Le beau gosse, chouchou des sondages (des sondeurs plus exactement), tombe le masque en pleine rue. Abordé par des manifestants hostiles à la loi travail, à bout d'argument, le ministre ose cette réplique digne des pires moments de la lutte des classes : "Vous n'allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler." Sortie de route directe. La phrase à ne pas dire. Surtout quand on appartient à un gouvernement se revendiquant toujours de gauche.
Le fameux "costard" de Macron symbolise à merveille la fracture entre la grande majorité et cette petite élite, inamovible, qui roule tantôt pour un camp, tantôt pour l'autre. Mais toujours vêtu de ce même costume de luxe, image désuète d'une prétendue réussite.
La triste réplique pleine de suffisance de Macron a bien évidemment été moquée sur les réseaux sociaux. D'autant plus que les militants d'"En marche !", samedi, pour leur première sortie officielle, offraient des tee-shirts aux badauds. Franchement, de costumes, des cravates à la limite, auraient été plus en accord avec les déclarations de leur mentor. Ce qui s'appelle se faire tailler un costard.

Roman : Robert Gollrick se souvient


Ecrivain américain au succès indéniable en France, Robert Goolrick offre un joli cadeau à ses lecteurs hexagonaux. « L'enjoliveur » est une grosse nouvelle spécialement écrite pour les éditions Anne-Carrière. Ce texte nous plonge dans l'enfance de l'écrivain de « Féroces » et « Arrive un vagabond ». Le petit Robert, comme ses copains de la ville de province où il tente de survivre entre deux parents alcooliques, est fasciné par les enjoliveurs des voitures. Des jouets qui peuvent aussi se transformer en dangereux objets s'ils sont lancés avec force ou servent de réceptacle à des embrasement d'huile. L'occasion aussi de parler de sa grand-mère, qui a failli le tuer un « matin givré de février » et de sa mère qu'il « avait toujours vue saccager systématiquement sa propre existence avant de s'attaquer à celles de ses proches » et qui pourtant, « avait jadis connu l'amour ».
« L'enjoliveur » de Robert Goolrick, Anne Carrière, 12 euros

lundi 30 mai 2016

Roman : Bonbon gigogne

Vincent Ravalec, s'amuse à raconter comment un romancier tente de modifier un thriller qui devient réalité.
bonbon désespéré, ravalec, éditions du rocherPas tendre le nouveau roman de Vincent Ravalec. Même s'il est question de bonbon dans le titre, le texte n'est pas aussi rose que la couverture. Car le bonbon dont il est question dans ce thriller provincial, mystique et farfelu, est désespéré. Tout commence dans l'esprit d'Origène Pildefer. Cet employé de médiathèque tente, en vain, de publier un roman. Après plusieurs refus, il décide de travailler son prochain texte avec l'aide de ses élèves de l'atelier d'écriture qu'il anime en soirée. Nouveau refus. Il est sur le point d'abandonner quand il croise à Paris, trois des personnages de son texte refusé. A-t-il des pouvoirs médiumniques ?
On ne le saura pas exactement, mais Vincent Ravalec, sur cette idée saugrenue, plonge dans un roman gigogne. Origène, pour vérifier si la fiction pouvait devenir réalité, suit les trois jeunes femmes qu'il a imaginées et découvre que comme dans le roman, elles vont passer le week-end dans un village paumé de province. Elles doivent assister à une procession religieuse autour d'une sainte, au pied de la statue d'une friandise en train de fondre intitulée "Bonbon désespéré". Le périple se termine dans un labyrinthe de souterrains creusés sous un château. Problème : elles n'en reviendront jamais. Du moins dans le manuscrit, elles meurent violées et torturées. Peut-il alors changer le cours de l'histoire, réécrire pour que la fin soit moins trash et gore ?
Une course contre la montre racontée avec brio par un Vincent Ravalec très à l'aise dans ces changements de niveau de narration. Grâce aussi à la multitude de personnages tous plus iconoclastes les uns que les autres, des notables grotesques en passant par les voyous psychopathes sans oublier la flamboyante Suzette, fille de la bonne du curé, frustrée sexuellement mais qui découvre durant ce fameux week-end un formidable et insoupçonné amant.
"Bonbon désespéré" de Vincent Ravalec, Editions du Rocher, 16,90 euros