samedi 11 mai 2013

BD - Libère le tigre qui est en toi avec "Klaw"


Un gringalet régulièrement tabassé par les fortes têtes de son collège : la vie d'Ange Tomassini n'est pas de tout repos. Dans ce futur proche, les relations entre adolescents n'ont que peu évolué par rapport à nos jours. Mais Ange n'est pas aussi faible qu'il en a l'air. Il se persuade, avant de tomber dans les pommes sous les coups, qu'il se transforme en tigre et fait fuir tous ses adversaires. Et si c'était vrai ? Ozanam signe un scénario intelligent et subtil sur l'adolescence, les rapports avec les adultes, le tout saupoudré d'un peu de fantastique. Moins crédible le fait qu'Ange soit le fils d'un ponte de la mafia. Mais c'est nécessaire pour expliquer la fugue du gamin, en compagnie de son garde du corps. Une série dessinée par Joël Jurion, au trait dynamique, aux influences japonaise et américaines dans le découpage. Cela se lit vite, avec plaisir. Et cerise sur le gâteau, le second tome sort à la fin du mois de mai et l'ultime chapitre de ce triptyque sera en vente en librairie en juin. Vite fait, bien fait !
« Klaw » (tome 1), Le Lombard, 12 €

vendredi 10 mai 2013

Billet - Ariel Castro à visage découvert, ange ou démon ?


Comment savoir ? Comment se douter ?
Ariel Castro, principal suspect dans l'affaire des séquestrées de Cleveland, avait une vie en apparence tout à fait normale. Si ses voisins tombent des nues, que dire de ses amis Facebook. Car Ariel Castro s'y est inscrit en février dernier.
Hier sa page était toujours publique. Sa photo est beaucoup moins effrayante que celle diffusée par la police. Petite barbe bien taillée, casquette et sourire, il a 38 amis. Il partage certains statuts comme cette photo, un enfant gratte une immense guitare. Il présente la basse sur laquelle il joue dans des groupes latino-américains. Son dernier message date du 2 mai. « Miracles really do happen, God is good :) » Quatre jours plus tard, le véritable miracle tenait à la libération des trois jeunes femmes captives depuis dix ans dans sa maison.
On ne voit pas l'intérieur de cette maison de l'horreur. Mais il en parle le 1er mai. Il explique avoir entendu un « grondement agréable » dans la rue et être sorti admirer une Harley. Sortir dans la rue, Amanda, Gina et Michelle devaient en rêver nuit et jour durant leur long cauchemar. La trace laissée par Ariel Castro sur Facebook est encore plus troublante quand on découvre qu'il est « ami » avec un musicien portant le même nom qu'une des séquestrées. Sur le mur de celui-ci, des centaines de commentaires. Certains croient qu'il est de la famille de Gina (faux) et d'autres l'interrogent : comment a-t-il pu être ami avec ce « sick freaks », ce monstre malade.
Comment savoir ? Comment se douter ? 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - La belle et le sauvage d'Ignacio Noé


Ignacio Noé
, dessinateur argentin, s'est fait un nom dans la BD en signant des histoires érotiques très remarquées. Il est vrai qu'il dessine le corps des femmes comme personne. Expert en courbes suggestives et petit minois affriolant, il n'abandonne pas complètement la partie dans cette nouvelle série intitulée « Douce, tiède et parfumée ». Ally est cette jeune bourgeoise anglaise du XIXe siècle sur le point d'être mariée à un benêt... mais riche et noble. Quelques jours avant ses noces son père est assassiné. Ally découvre alors qu'elle n'est que le fruit d'une expérience sur l'éducation des jeunes filles. Elle va partir à la recherche de sa jumelle et de sa mère, un médium.
Ses nuits, agitées de cauchemars sanglants peuplés de sauvages, vont la conduire dans les bras de Juan, un métis vivant dans le zoo de Londres. La suite devrait être encore plus exotique et sensuelle, les deux tourtereaux prenant la direction de la Terre de Feu.

« Douce, tiède et parfumée » (tome 1), Glénat, 13,90 €

jeudi 9 mai 2013

Billet - 1D en 3D le 28/08

Hier à midi, des milliers d'adolescents souhaitaient être déjà fin août. Non,  le pays ne connaît pas un regain pour l'école. Plus prosaïquement, la date du 28 août, si lointaine et si proche, correspond au jour de sortie en salles du film « This is us, 1D3D movie ». Un documentaire en relief sur la vie en tournée du boys band anglo-irlandais One Direction, 1D pour les initiés. Hier, les dates de sorties partout dans le monde ont été officialisées. Une véritable déferlante sur les réseaux sociaux de l'Hexagone car, on ne sait si c'est par favoritisme ou par représailles, la France (et la Belgique, restons modestes) aura la primeur de ce film. Un jour avant les Anglais et les Américains, cocorico !
Sur Twitter, les fans (ils et elles sont des milliers) ne cachent pas leur enthousiasme. « On est toutes trop fières d'avoir This Is Us avant les Anglaises At américaines » jubile Jade, « On va toutes chialer devant This Is Us ! » redoute Cycie et Lou donne un conseil : « Prendre 458456 paquets de mouchoirs ».
Les « Directioners » (c'est le nom que les fans se donnent entre eux) piaffent d'impatience. Que les autres, imperméables à la musique industrielle et à la plastique juvénile, ne  dédaignent à l'avance le long métrage. Tout simplement car il est réalisé par Morgan Spurlock. Ce documentaliste américain s'est fait connaître avec « Supersize me », le film choc sur MacDo. Ne mangeant plus que dans les fast food, il a filmé sa descente aux enfers. Son regard objectif sur l'engouement pour les 1D, phénomène de société, ne plaira pas forcément aux fans, mais ne manquera pas d'intérêt pour les générations futures.   

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Dépression en couleur dans "Notre seul ami commun" de Boris Mirroir


Boris Mirroir
aime tromper son monde. De loin, ces deux albums de BD en couleur et pleins de jolis dessins de personnages à gros nez, tendance anthropomorphisme, semblent être une succession de gentilles scènes. Perdu ! Il s'agit d'une histoire autobiographique. Une période noire de la vie de l'auteur. Il se coupe du monde, boit de plus en plus alors que sa mère est en train de mourir du cancer. Dans la première scène il se rend à l'hôpital. Mais plutôt que de monter dans la chambre de l'agonisante, il reste sur un banc à proximité à écluser bière sur bière. Là il rencontre Mouss, un compagnon d'infortune. Insouciant, à l'écoute, il va tenter de sortir Boris de sa déprime. Notamment en lui présentant Mary. Mais a-t-on le droit d'être amoureux quand sa mère est sur le point de mourir ? Ce triptyque (les deux premiers tomes sont sortis, le troisième annoncé pour juin) est d'une rare noirceur. Dépressifs, détournez votre chemin. A moins que le malheur des autres ne vous fasse oublier le vôtre. Le résultat est d'une virtuosité graphique étonnante, avec des airs de Moëbius mâtinés de Mandryka.
« Notre seul ami commun » (tomes 1 à 3) , Ankama & CFSL Ink, 15 euros

mercredi 8 mai 2013

Billet - Polémique après le clip d'Indochine, "Cachez cette violence..."

Depuis le jour de sa sortie, le 2 mai, le clip « College Boy » d'Indochine ne cesse de faire réagir. La chanson des quinquagénaires parle de la difficulté de faire accepter sa différence dans notre monde de plus en plus formaté. Pour appuyer ce message, Indochine fait appel au cinéaste québécois Xavier Dolan. Il réalise un court métrage choc. On y voit des élèves, bien sous tous rapports, harceler un de leurs camarades. Le motif ? Son homosexualité. Insultes, brimades, coups, pour au final, le crucifier.
Les images sont violentes, mais nécessaires pour faire passer le message. Car ce que dénonce Xavier Dolan c'est l'aveuglement des adultes. Ils apparaissent avec un bandeau sur les yeux. La polémique fait rage sur les réseaux sociaux - les chaînes de télévision ne veulent pas diffuser ce brûlot. « Censure ! » hurlent les ados.
Le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) entre dans la danse.  « Assez de cette mode de la violence » s'indigne Françoise Laborde. Dans une longue lettre publiée sur le site du Huffington Post, Xavier Dolan lui répond : « vous intervenez dans le débat sur la légitimation de la violence à l'écran avec environ trente-cinq ans de retard. » On ne peut que lui donner raison en voyant le contenu des séries américaines. De toute manière, Collège Boy a déjà été visionné 1 million de fois sur internet. La censure du CSA semble un combat perdu d'avance. Et la lutte contre la violence à l'école peut-elle se passer de la prise de position courageuse d'Indochine ?

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant.  

BD - Télépathie à l'italienne dans "L'entrevue" de Manuele Fior

Un psychologue en pleine crise de la cinquantaine, une patiente de 21 ans souffrant d'hallucinations. Ce qui pourrait devenir une banale histoire sentimentale teintée de psychanalyse devient un passionnant roman graphique de science-fiction sous la plume de Manuele Fior. Raniero, en plein divorce, une nuit, au volant de sa voiture, croit voir des vaisseaux extraterrestres dans le ciel de cette Italie d'un avenir proche. Le lendemain, sa première patiente, Dora, prétend être télépathe. Et elle lui raconte que elle aussi a vu les signaux dans le ciel. Raniero se met à douter sérieusement. Et si Dora disait vrai ? L'invasion sera-t-elle pacifique ou guerrière ?
Dans un noir et blanc plein de nuances, Manuele Fior déroule son récit sur plus de 170 pages. Il dresse au passage le portrait d'une Italie en pleine décomposition, tant morale qu'économique. La télépathie sera peut-être la solution, l'étape nouvelle d'une évolution programmée.

« L'entrevue », Futuropolis, 24 €

mardi 7 mai 2013

Billet - Amitié et confiance, les deux mamelles de Facebook

Un milliard de profils Facebook. Et dans le lot un gros contingent de têtes de linotte. Ceux qui oublient leur mot de passe. Beaucoup plus courant qu'on ne le croit. Et récupérer le précieux sésame se révèle un véritable parcours du combattant. Certains d'ailleurs préfèrent recréer une page et repartir de zéro. En créant votre compte Facebook, vous avez dû choisir une question de sécurité et renseigner la réponse. Mais même celle-là, certains l'oublient. Autre possibilité, remplir un long formulaire pour prouver son identité et reprendre la main sur ses informations personnelles. Tout nouveau, Facebook a eu l'idée d'utiliser ce qui fait la force du réseau : l'amitié.
Désormais vous pouvez retrouver votre mot de passe par l'intermédiaire de vos amis. Pour cela vous devez désigner une liste de « contacts de confiance ». Imaginons, vous avez encore une fois oublié ce satané mot de passe, très compliqué sur les conseils de tous les paranos de service (des chiffres, des lettres... et le compte n'est pas bon). Vous envoyez alors un mail ou téléphonez à trois amis de confiance. Ils signalent votre bourde à Facebook et reçoivent trois codes distincts. Ce sont ces trois « clés virtuelles » qui vous permettront de récupérer votre identité.
Mais attention de faire les bons choix. Il est des amis qui parfois ne vous veulent pas que du bien. Ou pire, des connaissances aussi tête en l'air que vous... Et quand tout le monde aura oublié son mot de passe, Facebook se glorifiera de 2 milliards de comptes. 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue en dernière page de l'Indépendant.

Roman - "Celle qui dort", conte revisité par Bernard Foglino

Une belle endormie, un écrivain célèbre, un nain taxidermiste, une forêt magique : le décor est planté pour ce roman de Bernard Foglino.

Les salons du livre en province en prennent pour leur grade dans ce roman de Bernard Foglino. Le romancier en fait une description assez sévère, mais juste. Le narrateur, un certain Cheval pour l'état-civil, Fabrice Della Torre pour ses nombreux lecteurs, regrette amèrement d'avoir accepté cette invitation. Une petite ville de l'Est de la France, entre friche industrielle et forêts de sapins. Le public se fait rare. Le bar attire plus de monde que les tables de dédicaces. Il doit côtoyer le concepteur des blagues Carambar qui a compilé ses meilleures trouvailles dans un volumineux bouquin. Mais est-ce moins talentueux que les romans qu'il pond chaque année ? Des best-sellers, écrits pour un public féminin avide de belles histoires et de l'inévitable happy-end. Cheval prend son mal en patience. Mais trépigne quand même dès le samedi en rêvant au train qui va le reconduire dimanche soir vers son duplex de Saint-Sulpice à Paris.

La femme de Walter
Il tente de se détacher du moment, d'occuper ses moments libres à relire son dernier manuscrit. Jusqu'à l'arrivée de Walter. Un lecteur pas comme les autres qui demande une dédicace au nom d'une certaine Blanche. Walter est « un nain avec une tête démesurée et un front comme une falaise. Surmonté d'une crinière rousse. » Cheval s'exécute, malgré son malaise grandissant. Le romancier a la phobie des nains. Une raison de plus pour jurer de ne jamais plus revenir dans cette petite ville sinistre.
Mais le dimanche, au bar, dès l'ouverture du salon, Walter est de retour. « Posé sur son tabouret comme le plus dodu des choux à la crème culmine sur sa pièce montée, Walter le nain le toisait avec un air d'évidente satisfaction. Cheval comprit que l'infirme s'était mis en quatre pour lui. Il portait un costume sinon bien coupé vu son contenu, du moins d'honnête qualité. Derrière l'eau de toilette dont il avait fait un usage généreux, rôdait une odeur de feuilles et de sous-bois. » Walter demande alors à Cheval de venir faire la lecture à sa femme. Elle dort en permanence et le nain est persuadé que la voix de l'auteur favori de Blanche la sortira de ce quasi coma.
Cheval refuse bien évidemment, toujours pressé de retourner à Paris. Mais un enchaînement de circonstances fait que l'écrivain va finalement se retrouver dans la petite maison perdue dans les forêts sombres à faire la lecture à une jeune fille « étendue sur une couche de nuages. » « Elle était fraîche, charmante, son sommeil, neuf. » « Elle semblait faire un rêve extrêmement satisfaisant, et très personnel, qui peignait son sourire d'une sorte d'approbation douce. » Comme envouté par « Celle qui dort », titre du roman, Della Torre restera bien plus longtemps que prévu au chevet de la jeune femme.
Cette ambiance de conte de fée va rapidement se transformer en cauchemar pour Cheval. Walter, taxidermiste virtuose, a l'art de faire peur. Même Belle devient inquiétante quand ses doigts se mettent à frémir. Le roman de Bernard Foglino prend une toute autre tournure, entre thriller et fantastique, prétexte à une réflexion sur la création et l'importance que peuvent prendre dans la vie d'un auteur ses personnages de papier.
Michel Litout
« Celle qui dort », Bernard Foglino, Buchet-Chastel, 14 €

lundi 6 mai 2013

Billet - Sarkozy, réserviste depuis un an

Si Sarkozy était président... Ce week-end, alors que normalement tout le monde devrait célébrer le premier anniversaire de l'arrivée de François Hollande à l'Élysée, Twitter est pris d'une frénésie uchronique. L'uchronie consiste à imaginer notre monde, mais avec un cours différent de l'Histoire. Que serait devenue l'Europe si Bonaparte avait gagné toutes ses batailles ou si les Allemands n'avaient pas perdu la guerre ?
Ce week-end donc, des nostalgiques de la présidence bling bling ont distillé leurs envies sur internet. Si Sarkozy était à l'Elysée, « il effectuerait un 2e et dernier mandat décomplexé avec une politique dynamique et cohérente » prétend un laudateur de la première heure

D'autres admettent que cela reviendrait au même.
Et puis les sarcastiques ne peuvent s'empêcher de relever qu'en cas de victoire de l'UMP en 2012, « Jérôme Cahuzac aurait toujours un compte en Suisse et Guéant continuerait à vendre des tableaux », « Sarkozy ferait baisser le chômage comme il l'a fait de 2007 à 2012... », « Hollande aurait 80% d'opinions favorables »,

« François Fillon et Jean-François Copé seraient toujours amis et Nadine Morano porte-parole du gouvernement. » Quand à Frigide Barjot elle serait toujours marrante. Ou ministre de la famille...
Enfin, si Sarkozy était président, en ce 6 mai, sur Twitter, le jeu préféré des internautes serait d'imaginer comment se porterait la France si Hollande était président.
Insatisfaction, quand tu nous tiens...  

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce lundi en dernière page de l'Indépendant.