mardi 28 mai 2024

Un beau livre : Cathares


Grand spécialiste des Cathares, Michel Roquebert travaillait sur une vaste encyclopédie. Il n’a pas pu aller au bout de ce chantier colossal, somme de toutes ses connaissances.

C’est son élève, disciple et ami Patrice Teisseire-Dufour, bien connu dans l’Aude, qui a repris le flambeau, complétant les 215 entrées et effectuant un long et rigoureux travail de vérification et de synthèse.

À l’arrivée cette encyclopédie est le livre parfait (sans le moindre jeu de mot…) pour découvrir l’histoire des Cathares, l’importance de ce mouvement de pensée, le tout enluminé de gravures de Marie-Amélie Giamarchi.

« Cathares, encyclopédie d’une résistance occitane », Privat, 256 pages, 29,90 €

lundi 27 mai 2024

Un polar du Sud : L’orange était sanguine

Ancien policier, Patrick Caujolle a sans doute puisé dans quelques-uns de ses souvenirs pour écrire ce nouveau polar, son 5e. L’action se déroule à Toulouse mais l’essentiel de l’intrigue a pour cadre Perpignan et la Catalogne sud.

Le capitaine Bastide va donc tenter de découvrir qui a tué un certain Habib Gacem à Toulouse. Rapidement il va suivre une piste au Perthus dans le milieu de la prostitution et à proximité de Barcelone dans des plantations d’orangers.

C’est direct, percutant, très actuel et en prime on parle un peu de foot et même du village fantôme de Périllos dans les Pyrénées-Orientales.

« L’orange était sanguine », Patrick Caujolle, Cairn, 274 pages, 12 €

dimanche 26 mai 2024

Une revue BD : Métal miaulant…


Pour son retour à la tête de Métal Hurlant, Jean-Pierre Dionnet coordonne un spécial… chats. L’animal préféré des décérébrés du net dans la revue de BD et de science-fiction ?

Pas si étonnant que cela tant les félins, par leurs attitudes mystérieuses et ambiguës sont encore ce qui se rapproche le plus des aliens.

On retrouve au sommaire quelques solides signatures (Jean-Claude Denis, Cestac, Olivia Clavel ou Panaccione) et des auteurs moins connus mais qui méritent le détour comme Bon Op’t Land, Manolo Carot, ou Seera sur un scénario désopilant de Jean-Luc Cornette.

« Métal Hurlant, spécial chats », Les Humanoïdes Associés, 290 pages, 19,95 €

samedi 25 mai 2024

Un témoignage : "Le couteau" de Salman Rushdie

Le 12 août 2022, un homme tentait d’assassiner Salman Rushdie alors qu’il prend la parole à Chautauqua aux USA. Gravement blessé, l’écrivain revient pour la première fois sur cette attaque. Le couteau, sous-titré « Réflexions suite à une tentative d’assassinat » est une plongée saisissante dans l’esprit d’un homme qui s’est vu mourir. Mais le livre aborde surtout l’après.

Si Salman Rushdie, tétanisé, ne s’est quasiment pas défendu, d’autres personnes, sur scène et dans la salle, ont volé à son secours. « A Chautauqua j’ai connu le pire et le meilleur de la nature humaine […] La possibilité d’assassiner un vieil étranger pratiquement sans raison », mais aussi « le courage, l’altruisme, la volonté de risquer sa vie pour venir au secours de ce vieil étranger gisant au sol. »

« Le couteau » de Salman Rushdie, Gallimard, 272 pages, 23 € 

vendredi 24 mai 2024

Polar - M. J. Arlidge mène la vie dure à son héroïne Helen Grace

 Policière exemplaire et d’une rare efficacité, Helen Grace est acculée. Menacée par un psychopathe, elle doit découvrir qui assassine à la hache des citoyens au-dessus de tout soupçon. 


Helen Grace semble indestructible. La policière de Southampton imaginée par M. J. Arlidge vit dans Quand le chat n’est pas là… sa 11e aventure. Cet écrivain britannique, par ailleurs producteur de séries télé, maîtrise à la perfection l’art du feuilleton. Une héroïne récurrente humaine et de plus à plus à fleur de peau, quantité de personnages secondaires tout aussi attachants, des rebondissements à foison : le lecteur en a pour son argent. L’auteur, pour relancer la série, n’hésite pas à mettre son héroïne en position de plus en plus délicate.

Tout en menant une nouvelle enquête, elle devra surveiller ses arrières car un psychopathe qui lui a échappé manipule des hommes faibles pour l’éliminer. De plus, son chef, ne supporte plus son indépendance et sa réussite. La discréditer est devenu sa principale occupation.

Mais en attendant, Helen doit veiller sur les citoyens. Or, un crime effroyable vient de remonter d’un cran la paranoïa des habitants de la ville du sud de l’Angleterre. Une femme a été tuée, le crâne fracturé d’un coup de hache, dans son lit. Quelques bijoux ont été dérobés.

Tout en développant des intrigues annexes (Charlie, l’adjointe d’Helen, est persuadée que son mari la trompe, Emilia la journaliste est prête aux pires actions pour un scoop…), M. J. Arlidge lance les enquêteurs sur plusieurs pistes, du collègue harceleur au cambrioleur violent et sadique. Des impasses qui font douter Helen, d’autant que de nouveaux meurtres sont commis (un ado et une autre femme au foyer) et qu’elle se retrouve après un accident, mise à pied, quasiment renvoyée de la police.

Même si parfois c’est presque un peu trop gros, ce polar reste d’une efficacité radicale. On est avec Helen, on veut savoir comment elle va pouvoir se sortir de cette situation quasi désespérée, tout en se demandant qui est ce tueur à la hache.

« Quand le chat n’est pas là… » de M. J. Arlidge, Les Escales, 480 pages, 22 €

jeudi 23 mai 2024

BD - Nyota, sauveur d’étoiles

La planète explorée par Nyota, jeune cadet en formation au Poste de surveillance des étoiles, n’a pas de nom. Juste un matricule : AL-X2. Dans cette série destinée aux plus jeunes, imaginée par Pierre Joly et dessinée en couleurs directes par Lucile Thibaudier, Nyota vient de terminer ses examens. Il pense avoir réussi et va enfin pouvoir intégrer ce corps d’élite qui sillonne l’espace pour secourir des planètes en danger.

Patatras, il n’est finalement pas reçu. Il reste à la base, déçu, quand il reçoit un appel au secours en provenance de la planète AL-X2. Seul en poste, il décide de se précipiter au secours des habitants qui subissent les assauts de leur étoile devenue beaucoup trop chaude.

Il embarque dans un vaisseau de nettoyage (le Waship, excellente trouvaille) en compagnie d’un droïde d’entretien, Jean-Michel. Ensemble ils vont faire preuve de beaucoup de courage pour sauver la population sans nuire à l’étoile.

Une BD avec des bouts de science, quelques planches plus didactiques refermant cette première aventure.

« Nyota » (tome 1), Jungle, 48 pages, 13,50 €

mercredi 22 mai 2024

BD - Connaissance du système solaire


Si des scénaristes imaginent de nouvelles planètes, d’autres se contentent de l’existant. Mais le lecteur, dans tous les cas, se retrouve embarqué dans de formidables voyages stellaires. Bruno Lecigne, scénariste passé par la télévision (Cassandre…), ancien éditeur des Humanoïdes Associés, a mis en place une série pour mieux connaître les planètes de notre système solaire.

Mais tout en apportant rigueur scientifique et quantité d’informations véridiques, il a ajouté une trame imaginaire pour mieux faire rêver.

Avant de rejoindre Mars et Jupiter, les deux premiers tomes parus, tout débute sur la Lune. Les Chinois découvrent un vaisseau spatial accidenté. Tout l’équipage est mort excepté Clarke, Alien mystérieux qui propose aux Terriens de bénéficier de sa technologie pour aller sur les autres planètes gravitant autour du Soleil. Une aubaine pour les scientifiques (menés par un Français).

Ils vont pouvoir marcher sur Mars (dessins de Fabien Bedouel), puis descendre en profondeur dans l’atmosphère orageuse de Jupiter et explorer un océan souterrain du satellite Europe (dessins de Xavier Dujardin et Afif Khaled).


L’avantage c’est que si les données scientifiques vous semblent un peu rébarbatives, vous pouvez toujours les zapper et vous contenter de l’intrigue. Car Clarke semble cacher son jeu, même s’il avoue assez rapidement qu’un autre vaisseau alien a disparu dans les parages.

Huit albums au total sont prévus pour explorer notre système solaire, le dernier (parution 2027) étant consacré au Soleil.

« Mars » et « Saturne », Glénat, 64 pages, 15,50 €


mardi 21 mai 2024

BD - Deux vies opposées sur Thellus


Très ambitieuse série lancée par la scénariste Simona Mogavino pour les éditions Glénat. Elle a imaginé une planète et ses différents mondes. Sur Thellus, elle va raconter deux vies, deux destins. Ceux d’Eva Samas (dessins de Carlos Gomez) et de Kad Moon (dessins de Laura Zuccheri).

La vie sur Thellus a basculé le jour où un vaisseau spatial s’est écrasé sur cette planète primitive peuplée d’Humains peu développés. Les « Maîtres » (les rescapés du crash), ont pris le pouvoir asservissant les autochtones. Les deux albums paraissent en même temps.

Pour plonger dans les secrets de Thellus, on suit les aventures d’Eva et de Kad. La première, fille d’un mineur d’or, devient chasseuse. Pour le compte des Maîtres, elle a pour mission de tuer tout habitant de plus de 50 ans, de récupérer le sang, de le mélanger à de l’or pour le transformer en sérum qui permet aux Maîtres de vivre quasiment indéfiniment. Capturée, elle est enfermée dans les entrailles du vaisseau spatial. 


A l’autre bout de Thellus, Kad Moon, fils d’un maître, doit fuir. La révolte gronde. Son père est assassiné, Kad trouve refuge dans une forêt dense remplie d’étranges créatures.

Deux vies, deux ambiances. Sombre et violente pour Eva, avec des dessins très noirs de l’Argentin Carlos Gomez. Verte et foisonnante pour Kad. Mais tout aussi violente car les nombreuses bêtes qu’il croise sont affamées. Sans compter les rebelles, assoiffés de vengeance après des siècles d’esclavage. C’est d’une très grande beauté plastique, l’intrigue étant assez complexe, avec deux styles de dessin complémentaires. Les amateurs de noirceur apprécieront l’univers brossé par Carlos Gomez. En opposition, la verdure et la nature explosent de vitalité sous le pinceau de Laura Zuccheri.

Deux autres albums devraient sortir avant un 5e et ultime titre qui clôturera les aventures d’Eva et de Kad sur Thellus.

« Thellus » (Eva Samas et Kad Moon), Glénat, 56 pages, 14,95 €


lundi 20 mai 2024

Cinéma - “Comme un lundi” ou le supplice du travail infini

Les Japonais aiment le travail. Mais pas au point de répéter à l’infini une semaine intense. « Comme un lundi », une boucle temporelle cinématographique rigolote sur le milieu du travail au bureau. 

Tous les films sur le thème de la boucle temporelle ne se ressemblent pas. Heureusement.
Depuis Un jour sans fin, de nombreuses versions ont été proposées aux cinéphiles. Action, ados, SF, humour… il manquait dans cet édifice infini la comédie de bureau. Ce sont les Japonais, grands travailleurs devant l’éternel, qui ont décidé de se lancer dans ce projet de travail répétitif. Dans les bureaux exigus d’une petite agence de communication, ils sont sept à plancher sur une nouvelle campagne publicitaire pour une improbable soupe miso effervescente. Une occasion en or pour la jeune et ambitieuse Yoshikawa (Wan Mariu) de se faire remarquer par une société plus en vue. Elle postule pour un poste d’assistante d’une grande publicitaire et si ce projet est concluant, elle devrait enfin accéder au Graal professionnel.

Ce lundi 15 octobre, au matin, elle se réveille au bureau. Toute l’équipe, hormis le patron, Nagahisa (Makita Sports), a été rappelée le dimanche pour proposer de nouvelles idées le lundi. Avant d’aller les présenter, deux des employés demandent à Yoshikawa d’éviter de prendre un taxi. Ce qu’elle fait. Accident, présentation ratée. De retour de l’hôpital, ils lui expliquent qu’ils sont dans une boucle temporelle d’une semaine. Une semaine à finaliser le dossier. Et se réveiller le lundi… 15 octobre à devoir tout recommencer.

Le film de Ryo Takebayashi, malgré des moyens limités (une seule pièce, peu de comédiens, encore moins d’action), a le grand mérite de plonger le spectateur au cœur d’une petite entreprise japonaise. On découvre les habitudes des uns et des autres.

Puis le problème de la boucle devient obsédant. Les semaines passent et tous parviennent à prendre conscience de l’anomalie temporelle. Grâce à un petit signe, tout simple, sorte de clé mnémotechnique aux grands pouvoirs. Tous, sauf le patron. Or les employés sont persuadés que c’est lui, apeuré d’avoir bientôt 50 ans, qui est à l’origine de cette boucle temporelle. Mais comment la rompre s’il ne le veut pas, si le déni est plus fort que l’évidence ?

Une histoire qui débute comme un documentaire, se poursuit en comédie enlevée pleine de ces trouvailles comme dans The Office, série parfaite sur le travail de bureau et se prolonge par une réflexion philosophique sur le pouvoir d’aliénation des tâches répétitives. Original et jamais vu. Voilà pourquoi on ne peut que vous conseiller d’aller voir Comme un lundi. Tous les films sur le thème de la boucle temporelle ne se ressemblent pas. Heureusement.

Film de Ryo Takebayashi avec Makita Sports, Wan Marui

dimanche 19 mai 2024

En DVD - “Moi capitaine”, terrible odyssée africaine

Moi capitaine, qui vient de sortir en DVD chez Pathé, est un film quasi documentaire de Matteo Garrone sur les migrants en provenance d’Afrique, persuadés de trouver l’eldorado en Europe.

Le drame des migrants en provenance d’Afrique et tentant de rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée se résume souvent par une suite de nombres. Le nombre de clandestins arrivés et parqués dans des camps. Le nombre de ceux qui sont secourus par les ONG (organisations non gouvernementales) alors que leur embarcation est en difficulté. Et puis le plus terrible, le nombre de ceux qui sont morts durant la traversée. Ils seraient 26 000 a s’être noyés depuis 2015. Pour raconter cette hécatombe, Matteo Garrone, cinéaste italien engagé, a décidé de ne pas se contenter de la dernière partie du périple, mais de raconter dès le départ, cette étincelle qui donne la force, le courage, la déraison, à des jeunes Africains de tenter le tout pour le tout.

Un film de deux heures, où la partie maritime ne fait que 20 minutes. Avant, on apprend à connaître le personnage principal, Seydou (Seydou Sarr), Sénégalais de 16 ans, passionné de musique, persuadé qu’il deviendra célèbre en Europe et que « des Blancs viendront lui demander des autographes ». Cette prédiction, est de son cousin, Moussa (Moustapha Fall), son compagnon d’aventure.

Contre l’avis de sa mère et de nombreux adultes qui savent parfaitement que les partants ont plus de chance de mourir en cours de route que de devenir riches, ils accumulent les petits boulots pour se concocter un pactole. Car aller illégalement en Europe est un business comme un autre pour des passeurs sans foi ni loi. Le début du voyage, jusqu’au Mali, ressemble à une délivrance pour les deux amis.

Tout se complique lors de la traversée du Sahara. À pied. Presque sans eau. Seydou va comprendre que survivre sera compliqué. Et encore plus de voir ses compagnons mourir d’épuisement. Arrivé en Libye, il va connaître la prison, l’esclavage. L’entraide aussi avec certains qui comme lui, ont conservé une part d’humanité. Jusqu’à la traversée où Seydou, mineur, sera bombardé capitaine du chalutier rouillé supposé les amener, lui et la centaine de malheureux, en Sicile.

Toute la force du film de Matteo Garrone réside dans le fait qu’après la séance on ne pensera plus « migrants » dans une globalité très abstraite, mais de Seydou, Moussa, Bouba… Des hommes et des femmes qui s’accrochent à un espoir, une foi dans l’Humanité. A nous, de ce côté de la rive, de ne pas les décevoir.

Film italien de Matteo Garrone avec Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo