mercredi 6 avril 2022

DVD et blu-ray - Quatre films récents à rattraper en vidéo chez vous

First Cow. Film de Kelly Reichardt (Condor)


Septième film de Kelly Reichardt, First Cow se déroule de nouveau dans son Oregon, état sauvage de la côte ouest. En 1820 c’est encore des forêts primitives. Dans ces bois souvent hostiles, des trappeurs tentent de survivre. Cookie (John Magaro) est le cuisinier d’un petit groupe cherchant à rejoindre un comptoir. La nuit, il aide un homme en fuite, King Lu (Orion Lee). Quand le cinéma s’approche le plus de la poésie. Avec en bonus un long entretien avec la réalisatrice. 

Madeleine Collins. Film d’Antoine Barraud (Blaq Out)


Le thème de la double vie secrète est au centre de Madeleine Collins, film avec Virginie Efira en vedette. Judith est mariée à Melvil (Bruno Salomone). Ils ont deux garçons et vivent en France. Mais pour son boulot d’interprète, Judith doit se rendre très souvent à l’étranger pour des périodes de 5 à 10 jours. En réalité elle ne quitte jamais la Suisse où elle élève une petite Ninon avec le père Abdel (Quim Gutiérrez).

Un héros. Film d’Asghar Farhadi (Mémento)


Rahim (Amir Jadidi), un Iranien, est condamné à de la prison pour une dette qu’il n’arrive pas à rembourser. Lors d’une permission, il trouve un sac rempli d’argent et va le rendre à une inconnue, il va devenir un héros. Momentanément. 

Ce film, implacable, montre toute la mécanique de la rumeur et de la médisance. Rahim, malgré sa bonté, son sourire et sa volonté de s’en sortir pour refaire sa vie et aider son fils handicapé, va se retrouver pris au piège de sa propre histoire.

Oranges sanguines. Film de Jean-Christophe Meurisse (The Jokers)


Il existe encore des films qui aiment mordre. À sang. Et méchamment. Personne n’est épargné dans Oranges sanguines. En premier lieu, les politiques et leurs conseils. Un ministre (Christophe Paou) est pris la main dans le sac. Il va demander à son ami et avocat (Denis Podalydès), de trouver la solution pour qu’il conserve son poste. Son châtiment sera très visuel…


De choses et d’autres - Tout sauf…

Il semble loin le temps où l’élection du président de la République incarnait la rencontre entre un homme (ou une femme) et le peuple. Il y a 5 ans, l’élection d’Emmanuel Macron surfait encore, un peu, sur ce précepte, même si quantité de voix s’étaient portées sur son bulletin au nom du principe « tout sauf Le Pen ».

Paradoxe, un quinquennat plus tard, cette maxime est valable désormais dans les deux camps. Pour beaucoup de votants au premier tour - et plus encore au second - le choix ne s’établit pas en fonction de la carrure gouvernementale de Marine Le Pen, encore moins de son programme, mais du simple fait que le plus important pour eux, est le « tout sauf Macron ». 

Plus question d’élection présidentielle, mais de rejet présidentiel. Les Français traînent la réputation de peuple râleur, mais jusqu’à présent, lors des grands rendez-vous démocratiques, ils savaient faire la part des choses.

Le 24 avril, nombre d’électeurs ne glisseront pas dans l’urne le bulletin de celui ou celle qui a leur préférence, mais qu’ils détestent le moins. Un choix par défaut. Tout en restant persuadés que ce sera mieux qu’avant, car différent. Nul besoin d’être voyant extralucide pour se douter que la démarche n’engendrera que déception, le soir du 2e tour. La logique et surtout l’intelligence voudraient que chacun choisisse en fonction de ses préférences, pas de ses dégoûts.

Alors, relisons bien les programmes des deux finalistes, regardons le bilan de l’un et les projets de l’autre et choisissons en évitant toute réaction épidermique. En France, nous votons démocratiquement. Pendant qu’un pays d’Europe subit les assauts d’un dictateur soi-disant « élu ».

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 14 avril 2022

mardi 5 avril 2022

De choses et d’autres - Rancune familiale

Si Marine Le Pen est élue présidente de la République, le 24 avril prochain, sa nièce Marion Maréchal ne fera pas partie du futur gouvernement. Elle est comme ça, la patronne de l’extrême droite française : un peu rancunière et pas sensible aux sirènes du népotisme. Rancunière, pas de doute. Car la petite nièce qu’elle a presque élevée a osé la trahir pour Zemmour, le félon, parti au combat avec 18 % d’intentions de vote et qui s’est retrouvé, au final, avec un petit 7 %. Marion devra patienter.
Par contre, le côté rejet du népotisme de la part de Marine Le Pen est beaucoup moins convaincant. Il ne faut pas oublier comment elle est arrivée à la tête du Front national. Si Marine est désormais quasiment devenue une marque commerciale, à la base c’est le nom de Le Pen qui lui a le plus servi pour gravir les échelons.

Marine, après Jean-Marie... La fille de son père, comme une digne héritière de la bourgeoisie française, a repris l’entreprise familiale (racisme en gros, antisémitisme certifié) et a tenté, durant des années, avec le même programme, plus brun que bleu, de vivre grassement en se faisant élire partout où la proportionnelle lui permettait de l’emporter sans prendre trop de risques.

Quand elle a décidé de tenter le jackpot (l’Elysée, carrément), elle a dû polir son image, renier le père et ses outrances. Mais 32 années dans le sillage du Front national (elle a adhéré en 1986) laissent forcement des traces. La preuve, elle a conservé le nom de Le Pen, ce que n’a pas fait la nièce, redevenue une simple Maréchal.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 13 avril 2022

lundi 4 avril 2022

De choses et d’autres - La persévérance paye toujours...

La persévérance est souvent une qualité qui fait défaut. Encore plus en ces temps modernes où la moindre réponse doit être obtenue de façon instantanée et immédiate. Il faut savoir donner du temps au temps, selon la maxime popularisée par Mitterrand. Prenez cet homme vivant dans l’Allier. Depuis 1976, il faisait, chaque semaine, le même rituel. Plus de 2300 fois d’affilée. Toujours en vain.

Et puis, il y a deux semaines, il a enfin compris pourquoi il s’obstinait à jouer les mêmes numéros au loto. Les six mêmes numéros : 33, 38, 41, 44, 49, numéro chance 7 ; plus tard, il se retrouvait à la tête d’un pactole de 15 millions d’euros.

Si, dans sa tête, il continue à compter en anciens francs, il a virtuellement sur son compte en banque 9,8 milliards. Même si ça paraît immense, cela reste quand même très en deçà de la prime promise au PDG de Peugeot.

Encourageons ceux qui savent attendre, patiemment, malgré les messages de découragement.

Mais oui, cher électeur de Mélenchon, dans 3 présidentielles, en 2037, ton candidat s’il continue à progresser sur le même rythme, sera enfin qualifié au second tour.

Et toi, militant de l’extrême droite française, toujours dans 3 présidentielles, ton parti aura enfin perdu son étiquette infamante depuis la création du « Rassemblement de la Reconquête républicaine », fusion des ultimes débris de la partie à droite de l’échiquier politique français.

Oui la persévérance est importante. Prenez la démocratie ou les droits de l’Homme, si l’on n’était pas des millions, régulièrement, à s’engager pour ces justes causes, il y a longtemps qu’on serait tous en plein cauchemar.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 15 avril 2022

dimanche 3 avril 2022

De choses et d’autres - Un cap difficile à franchir

Depuis quelques mois, j’affiche au compteur des âges un 60 qui devrait m’honorer. D’ordinaire, c’est le cap de la sagesse et de la reconnaissance. Mais en ce lendemain de premier tour qui prend des airs de jour de la marmotte (comme Robin Williams dans le film Un jour sans fin, on a l’impression de revivre, à l’identique, le second tour de 2017), j’ai de plus en plus honte de mes 60 ans.

La faute aux jeunes. Ils protestent, ce lundi, contre le vote de tous ceux qui, comme moi, ont plus de 60 ans et ont mis outrageusement Macron en tête au détriment de Mélenchon, leur chouchou. Il est vrai, qu’au final, le leader, désormais incontestable de la gauche, manque de créer la surprise et d’éliminer Marine Le Pen. Il lui manque 400 000 voix. Pas grand chose quand on sait qu’Anne Hidalgo en a recueilli plus de 600 000.

Face à cette cruelle désillusion, certains jeunes regrettent que le Covid n’ait pas fait plus de ravages dans la population la plus âgée, voire préconisent une euthanasie familiale active et sélective. Par exemple, le tonton Philippe (85 ans et qui doit son prénom à l’admiration de ses parents pour le maréchal) à la logorrhée raciste et antisémite, dans les rares moments de clairvoyance que lui laisse son dernier ami, Alzheimer.

Mais ce serait trop simple et très injuste, car, tout en étant, depuis peu, dans la mauvaise tranche d’âge (j’ai plus de 60 ans pour ceux qui ne suivent pas), de toute ma vie, je n’ai jamais voté pour l’extrême-droite. Par conviction personnelle et aussi pour ne pas salir la mémoire de mon père, résistant de la première heure, face à l’envahisseur nazi.

Par contre, j’avoue avoir parfois voté à droite. Déjà deux fois (en 2002 et en 2017). Et, sans doute, une troisième fois dans deux semaines.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 12 avril 2022

samedi 2 avril 2022

De choses et d’autres - 12 moins 10

Des millions de votes après, il n’en reste que deux. C’est la dure loi de notre démocratie. Le président sera celui qui aura récolté le plus de voix au final. Et pas au premier tour, mais au second, après l’élimination des dix losers qui n’ont pas réussi à se qualifier.

Jean Lassalle, le berger béarnais, va retourner garder ses brebis dans les Pyrénées. Peut-être va-t-il proposer un poste à Renaud Dely, éditorialiste à Radio France, qu’il a traité de chien durant une de ses interventions ?

Éric Zemmour calcule déjà à combien il va falloir qu’il vende son prochain livre politique pour rembourser ses dettes. Il hésiterait entre deux titres : « Impossible d’être président » ou « Ils m’ont volé ma France ».

Rien ne change pour Valérie Pécresse : elle reste à côté de son téléphone et continue à espérer, sans doute jusqu’à son dernier souffle, le coup de fil de Sarkozy lui expliquant qu’il veut bien la soutenir.

Chez Anne Hidalgo, surnommée depuis son score historiquement bas : la reine des catacombes, la sérénité est finalement ce qui ressort de la débâcle. Le pire étant passé, l’avenir ne peut être que souriant pour le parti socialiste, quel que soit son nom ou son positionnement politique à l’avenir.

Philippe Poutou pointe de nouveau à Pôle Emploi (peut-être France Travail dans quelques semaines…). Il aurait bien aimé prolonger son CDD de deux semaines mais son dilettantisme lui a été fatal.

On ne sait pas ce qu’a fait Fabien Roussel hier soir, trop occupé à digérer son entrecôte et à cuver son vin…

Yannick Jadot est à l’arrêt complet. Comme une éolienne sans vent un barrage sans eau ou un panneau solaire de nuit.

Reste Mélenchon. Il est bien sur le podium. Mais la présidentielle ce ne sont pas les Jeux Olympiques. Pas de médaille pour le 3e et direction les oubliettes de l’Histoire…

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 11 avril 2022, lendemain du premier tour de l’élection présidentielle

vendredi 1 avril 2022

Cinéma - Trois contes sur les femmes japonaises

Tel un Rohmer asiatique du XXIe siècle, le réalisateur oscarisé de « Drive my car » livre trois contes féminins sur le hasard et les coïncidences.


Primé à Cannes et revenu des USA avec l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, Ryûsuke Hamaguchi est de nouveau à l’affiche avec un film délicat, intelligent et d’une grande finesse psychologique. Contes du hasard et autres fantaisies est composé de trois histoires indépendantes les unes des autres. Seul point commun, hasard et coïncidence jouent un grand rôle dans ces tranches de vie de femmes japonaises.

Chaque récit, après une petite présentation des protagonistes, s’articule autour d’une longue discussion, très travaillée, où l’émotion se fraie un chemin au gré des confidences. On se croirait dans un film de Rohmer, influence que revendique, sans problème, le réalisateur japonais, « J’ai l’œuvre d’Éric Rohmer en tête, quasiment à chaque fois que je fais un film » explique-t-il dans une interview.

Amies d’enfance

Le premier conte, Magie, raconte comment deux femmes se font des confidences sur leurs amours. La première avoue avoir rencontré un homme qui lui plaît. mais il semble fragile, après avoir été trompé par sa précédente compagne. La seconde, qui, elle, a té infidèle, lui donne des conseils. Mais sont-ils sincères, puisque la fameuse compagne volage, c’est elle ? Une mise en bouche qui évite, avec brio, l’écueil du simple vaudeville.


Dans La porte ouverte, il est question de sexe. Une étudiante, qui admirait un professeur d’université qui semblait très coincé, découvre, dans un de ses romans, des passages extrêmement explicites. Elle va aller les lui lire, dans son bureau, avec l’idée de le séduire. Mais ce dernier, sans cacher son émotion, va rester inébranlable, réclamant sans cesse que la porte de son bureau reste ouverte, comme pour ne jamais rien cacher de sa vie. Sans doute la partie la plus pessimiste du film.

Enfin, le 3e conte, sans doute le plus original et brillant, raconte des retrouvailles. Natsuko (Fusako Urabe), 40 ans, revient dans la ville de province où elle a fait ses études, il y a 20 ans, pour une réunion d’anciennes élèves. Elle espère y retrouver son amour de jeunesse. Elles ont vécu quelques mois ensemble, puis la belle est partie vivre avec un homme. Elle ne la voit pas à la réunion, mais le lendemain, en reprenant le train pour Tokyo, elle la croise dans la gare.

Elles vont longuement discuter de ce passé commun. Du moins, ce qu’elles croient au début, car 20 ans plus tard, les deux femmes persuadées de rencontrer des amis d’enfance discutent en fait avec une parfaite inconnue.

Mais la magie du hasard opère, malgré tout, et ces deux femmes japonaises, peu heureuses, vont trouver mutuellement une raison d’aller mieux. Un rayon de soleil d’un incroyable optimisme qui réjouit le cœur du spectateur.

"Contes du hasard et autres fantaisies", film japonais de Ryûsuke Hamaguchi avec Kotone Furukawa Kiyohiko Shibukawa, Katsuki Mori, Fusako Urabe, Aoba Kawai

 

jeudi 31 mars 2022

BD - Elles sont super ces trois filles


Elles sont trois, copines de collège et surtout dotées de super pouvoirs. Gwen, Lisa et Mel (aidées par Razmote, le rat de Gwen) deviennent les Rainbow Girls dans leurs costumes colorés et s’attaquent aux méchants de ce monde destiné aux jeunes de 6 à 10 ans, imaginé par Carbone et dessiné par Canac


Dans ce second volume, les profs du collège veulent maigrir et se trouvent hypnotisés pour réaliser des exactions. Les trois filles se découvriront un pouvoir de plus : devenir invisibles. 

« Rainbow Girls » (tome 2), Dupuis, 9,90 €

DVD - Guillaume Canet voit double dans « Lui »


Très étrange film que ce « Lui » écrit et réalisé par Guillaume Canet.  Il propose en réalité une sorte de psychanalyse filmée et fantasmée, sur ses doutes, sa vie, ses échecs et son double impossible, un véritable connard.  

Un compositeur (Guillaume Canet) s’isole dans une maison sur une île en Bretagne. Pour faire le point. Sur son travail, son couple. Mais rapidement il va discuter virtuellement avec sa femme (Virginie Efira), sa maîtresse (Lætitia Casta), son meilleur ami (Mathieu Kassovitz).  

Film déroutant qui sort en DVD chez Pathé, « Lui » est une véritable plongée dans l’inconscient d’un homme en proie au doute. Un peu trop sérieux pour être convaincant. Mais à voir pour les comédiens qui se donnent à fond.


mercredi 30 mars 2022

Cinéma - “Le monde d’hier” face à la politique de demain

La présidente Léa Drucker. Photo Pyramide Films

À moins de deux semaines du premier tour de la présidentielle, Le monde d’hier, film politique de Diastème, fait froid dans le dos. Dans cette France imaginaire, l’Élysée est occupé, depuis 5 ans, par Isabelle de Raincy (Léa Drucker). Elle a décidé de ne pas se représenter. Officiellement, pour s’occuper de sa fille ado. En réalité, car elle est gravement malade et ne pourrait pas achever son second mandat. A quelques jours du second tour, entre le représentant de son parti et le candidat de l’extrême droite, son directeur de cabinet (Denis Podalydès), lui apprend qu’une vidéo compromettante allait annihiler toute chance de l’emporter pour le candidat républicain. Il faut, dans l’urgence, trouver une solution pour éviter que le pays ne tombe dans les mains d’un populiste. D’autant qu’au même moment un attentat terroriste à l’étranger provoque la mort de plusieurs Français et met la campagne entre parenthèse.

Présenté, en première mondiale, au festival international du film politique de Carcassonne, en janvier dernier, Le monde d’hier aborde, de façon très frontale, le problème de la montée des extrémismes dans une république.  Pour le réalisateur, le danger est très présent, aux portes du pouvoir. Il a bénéficié, pour écrire son scénario, des conseils avisés de Fabrice Lhomme et Gérard Davet, journalistes qui connaissent parfaitement les rouages de l’État. Le film, toujours très sombre, comme dans une nuit qui risque de s’abattre sur tout le pays, explique comment les politiques, parfois, doivent mentir, se renier, mentir et même trancher dans le vif pour éviter le pire. Une démonstration qui fait un peu froid dans le dos.

Film français de Diastème avec Léa Drucker, Denis Podalydès, Alban Lenoir