vendredi 18 mars 2022

De choses et d’autres - Vert comestible

Il y a quelques années, pour la sortie d’un épisode de la saga Star Wars, une chaîne de fast-food avait proposé, sur quelques jours, un hamburger Dark Vador. Le pain, additionné d’un colorant alimentaire, était aussi noir que la tunique du grand méchant.

Du noir, on est passé au vert. Une autre chaîne, mais de plats préparés surgelés, propose actuellement, dans ses magasins, un hamburger d’une étrange couleur verdâtre. Rien à voir cette fois avec un film sur Hulk, le superhéros qui devient très musclé dès qu’il est en colère, mais plus simplement une opération marketing pour vendre un « veggie burger ».

Et de vanter ce burger végétarien avec « sa galette de champignon de montery jack, sa compotée de tomate, son cheddar et sa sauce burger ». Certainement, que de très bonnes choses, mais allez savoir pourquoi, à la vue de ce pain très vert, on a surtout l’impression d’une préparation pas très naturelle, un paradoxe pour un produit qui se veut à la pointe des nouvelles consommations.

Mettre du vert partout n’est pas signe d’écologie ou de respect de la nature. On sent, dans ce burger vert, une grosse opération publicitaire destinée à caricaturer les standards de l’écologie. Comme si le consommateur était trop bête pour comprendre que même si ce n’est pas vert, c’est végétal.

D’ailleurs, dans ce burger, il n’y a que le pain qui a cette étrange couleur. La galette de champignons est grise, les tomates rouges et le fromage jaune. J’ai comme l’impression que le vert est de trop, un simple artifice d’emballage pour faire croire que le produit est différent. Les végans risquent de bouder le produit.

Reste à conserver tous les stocks aux congélateurs et remettre le tout en vente dans un an en rebaptisant le produit le Saint-Patrick Burger.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 19 mars 2022

jeudi 17 mars 2022

BD - Élysée blues


Portraits croisés de Nicolas Sarkozy et François Hollande dans cette « Obsession du pouvoir », récit minutieux des journalistes d’investigation Gérard Davet et Frédéric Lhomme. Ces 120 pages, aussi passionnantes qu’un thriller, sont illustrées par Pierre Van Hove. Entre le président hyperactif et le président normal, la détestation aura toujours été un moteur supplémentaire pour arriver au sommet de l’État. 


Les deux journalistes, tout en se mettant en scène dans leur parcours jalonné de scoops, racontent aussi en creux comment un petit jeune, croisé à l’Élysée, a joué finement. Résultat, Emmanuel Macron, en route pour un second mandat, a mis au placard ces deux politiciens qui n’ont toujours pas compris comment ils se sont retrouvés sur la touche.

« L’obsession du pouvoir », Delcourt, 17,95 €

De choses et d’autres - Pas de miracle matinal

On s’indigne de la censure des derniers moyens d’information russes, mais qui a relevé cette « censure » sur TF1 dimanche matin ? La première chaîne de télévision en France la plus regardée et de très loin, a coupé plus de 3 minutes d’une série diffusée à 9 h 30, un dessin animé pour la jeunesse.

La série c’est Miraculous. Imaginée par un Français, Thomas Astruc, elle se déroule à Paris mais est réalisée au Japon et en Corée. Diffusée dans ces deux derniers pays ainsi qu’aux USA sur Disney, Miraculous est un succès planétaire. Dans l’épisode de dimanche, la mère, d’origine chinoise, de l’héroïne principale, Marinette, prend le bus. Mais c’est la fille qui a les billets et est en retard au rendez-vous. Résultat, un contrôleur donne une amende de 50 euros à la pauvre maman.

C’est toute la suite qui n’a pas été diffusée sur TF1. Comme la mère proteste, le contrôleur demande le renfort de la police. Un agent arrive, escorté de quatre gorilles en tenue antiémeute. Le contrôleur accuse sournoisement la fraudeuse qui se retrouve menottes aux poignets. Quand le récit reprend, tous les policiers de Paris sont aux trousses de la maman qui a pris la fuite. Mais les jeunes téléspectateurs français ne savent pas pourquoi…

Le débat faisait rage pour savoir qui a « censuré » l’épisode : TF1 ou le studio ? Et à la demande de qui : la préfecture de police ou le gouvernement ? Pas de réponse évidemment. Pures spéculations.

La seule certitude c’est que les jeunes étrangers qui eux ont eu droit à la version complète de l’épisode, quand ils viendront à Paris, se méfieront des contrôleurs dans les transports en commun et encore plus des policiers français, capables d’embastiller arbitrairement des innocents.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 7 mars 2022

mercredi 16 mars 2022

BD - Des monstres électriques peuplent les "Mondes électriques"


Pour son premier album en solo, Christophe Alliel plonge ses jeunes héros dans une situation cauchemardesque. Un premier tome copieux de 72 pages se déroulant de nos jours à Londres. Louise, adolescente, et son jeune frère, Jason, changent d’école. Pour leur premier jour, ils sont séparés. Sortie scolaire pour la jeune fille, cours en salle de classe pour le garçon. 


Mais aux deux endroits, des coupures de courant vont rendre les adultes comme fous, possédés par des monstres se cachant dans l’obscurité. Tels des zombies détraqués, ils attaquent les enfants. Les deux vont se défendre, l’un en se réfugiant dans la cantine, l’autre en utilisant les ressources du Musée d’histoire naturelle. Angoissant et très réussi.   

« Les mondes électriques » (tome I), Glénat, 15,95 €

De choses et d’autres - Propre et solide

Étrange mode depuis quelque temps que celle du shampooing solide. Depuis des décennies, se laver les cheveux passe par des flacons contenant des produits liquides qui moussent et donnent une bonne odeur. Il existe quantité de formules, pour tout type de chevelure.

Et puis, sans doute sous la pression des écolos-bobos qui n’osent plus prendre en main un flacon fabriqué en plastique (« Le plastique c’est moche et ça détruit la planète ! »), le shampooing devient solide. En fait ces prétendus sauveurs de la planète Terre n’ont rien inventé.

Depuis très longtemps, pour se laver tout court, le savon est solide. Pas très pratique quand il glisse, mais efficace et simple d’utilisation. Pourtant là aussi, face aux progrès dans les salles de bains et notamment l’avènement des douches, le savon est devenu gel douche. Dans un flacon en plastique lui aussi. Mais là, les écolos ont moins de scrupules. Car quand même, utiliser une marque qui porte le nom d’une célèbre émission d’un encore plus célèbre écologiste, c’est chic.

L’argument ultime des promoteurs du shampooing solide, est l’économie. On n’utilise que ce dont a besoin. Le problème étant le stockage après la douche car s’il reste humide, il va se dissoudre lentement mais sûrement. Et à près de 10 € les 70 grammes, le trou dans le budget risque de ressembler à celui dans la couche d’ozone.

Par contre, ma religion (l’hygiénisme) m’interdit absolument de m’approcher à moins de dix mètres d’une bombe de shampooing sec. Cette poudre qu’on applique sur la saleté ne nettoie pas, elle ne fait que masquer la crasse. Comme au temps des perruques poudrées

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 5 mars 2022

mardi 15 mars 2022

BD - Dame blanche irlandaise


En Irlande, dans un petit village, le bar est collé à l’église. En cette nuit de Noël, la querelle entre le curé et le barman est mise en sourdine pour la messe de minuit. C’est à cette occasion qu’est présentée à la communauté la jeune et ravissante Miss Kelly Penny, institutrice en provenance de Dublin

Qui est-elle ? Pourquoi la Dame Blanche, spectre malfaisant refait son apparition pile quand elle arrive ? Et l’agneau Padraig a-t-il été touché par la grâce divine quand il était dans la crèche ? Le second album se déroulant dans ce village pittoresque est aussi réussi que le premier. Crisse, au scénario, offre un récit plein de surprises et d’optimisme à Paty qui manie la couleur directe à la perfection.

« Le pré derrière l’église » (tome 2), Soleil, 14,95 €

De choses et d’autres - Poliorcétique (ce n'est pas un gros mot...)

Un nouveau mot vient d’entrer dans mon vocabulaire : poliorcétique. Si j’avais fait mon service militaire (j’avoue, j’ai été exempté, ça me fait au moins un point commun avec Eric Ciotti), ou étais un fan du jeu de stratégie Risk, j’aurais certainement déjà utilisé ce bien énigmatique mot de poliorcétique.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le mot poliorcétique a plusieurs fois été utilisé par des experts qui commentent l’avancée des troupes russes en direction de Kiev. Car la poliorcétique est, selon le Larousse, « l’art d’assiéger les villes ».

La capitale ukrainienne est menacée par une longue colonne de véhicules blindés en provenance du Bélarus. Et risque de se retrouver prise en tenaille avec l’arrivée d’autres convois des forces russes par l’est. Alors les habitants ont construit des barricades et creusé des tranchées. On se trouve clairement dans une situation de siège qui risque de durer de longues semaines.

Maintenant j’attends avec une relative impatience l’avis des experts autoproclamés sur les chaînes d’info pour savoir si un cocktail molotov est efficace contre un char russe T90, à quelle profondeur il faut creuser et sur quelle largeur, pour immobiliser un Kamaz Typhoon, transport de troupe russe ou s’il suffit de mettre un peu de boue sur la chaussée pour que les BTR 82 partent en dérapage incontrôlé à cause de la vétusté de leurs pneus.

En attendant, on a vu sur les réseaux sociaux d’incroyables vidéos montrant des civils empêcher des chars de progresser, juste en se mettant devant. De la symbolique digne de la place Tian’anmen mais à la puissance mille. Espérons simplement que l’issue du conflit sera un peu plus favorable aux piétons.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 4 mars 2022

lundi 14 mars 2022

Roman - L’Afrique d’antan de Paule Constant dans « La cécité des rivières »

Vous vous engagez dans un voyage dans le temps et l’espace en ouvrant de roman de Paule Constant. La cécité des rivières vous emmène en Afrique des années 60 dans le sillage d’un jeune Français coincé dans une petite ville où son père, médecin militaire, s’occupe de l’hôpital local. Mais loin d’être une simple évocation d’un passé révolu, ce roman est aussi une longue introspection de ce gamin, devenu aujourd’hui adulte et même très célèbre. 

Éric Roman, scientifique français qui fait l’essentiel de sa carrière aux USA, a obtenu un prix Nobel. Ses recherches ont permis de faire reculer des maladies mortelles sur tous les continents, dont l’Afrique. 

Au début du récit, il sort sa carcasse lourde et pataude de l’avion présidentiel. Il est de la délégation officielle mais ne va pas rester avec les officiels. Pas le temps. Surtout pas l’envie. Il embarque dans un 4X4 avec un photographe et une jeune journaliste, Irène, pour rejoindre Petit-Baboua, là où il a passé trois années seul avec son père. Un père tyrannique, tout puissant dans cette Afrique post-coloniale qui dépendait encore tant des Français. 

Pour un grand magazine Irène doit raconter ce voyage vers son passé, démasquer l’enfant derrière le Nobel. Pour le grand scientifique, rien n’est simple au cours du trajet de deux jours sur les pistes, escorté par des gendarmes. « Peut-être la route était-elle sans danger, mais pas le cheminement torrentueux vers un passé enfoui qu’il croyait apaisé. Il était à la merci des images qui reviennent, des souvenirs qui remontent. Le corps de l’enfant qu’il cachait dans sa masse d’homme puissant, colérique et méprisant, tremblait de peur. » 

Roman sur l’Afrique mais aussi les blessures de l’enfance et l’ambition des jeunes femmes, La cécité des rivières emporte le lecteur dans un dédale de sentiments contradictoires où l’Afrique, sage et immuable, est la véritable héroïne.   

« La cécité des rivières » de Paule Constant, Gallimard, 18 €

De choses et d’autres - 10 heures insupportables

La jeunesse française est géniale. Du moins certains de ses membres qui n’hésitent pas à donner de leur temps pour faire bouger les choses. Plus que du bénévolat, plus que du militantisme, au-delà du sacerdoce : le défi de dix heures. L’exemple vient d’un jeune chômeur du Jura âgé de 25 ans. Sous le pseudonyme de Cemcem, il publie des vidéos de 10 heures sur sa chaîne YouTube qui compte près de 250 000 abonnés. Dix heures de courage brut car les défis relevés sont tout sauf évidents.

Le premier, en 2018, se filmer durant 10 heures en train de regarder, en boucle, le fameux « Bonsoir Paris » qui a lancé la carrière de Bilal Hassani. Imaginez, une fois c’est déjà un peu gênant, 20 fois de suite dans différentes conditions, c’est clairement pénible. Mais 10 heures d’affilée, là chapeau ! Il a également cumulé des millions de vues quand il a subi durant 10 heures le générique de 3 secondes de Netflix. Autre idée, rester 10 heures dans le noir et se filmer à la caméra infrarouge.

Le plus compliqué, compter jusqu’à 100 000. La vidéo dure 12 heures, mais il a dû tourner durant près de 50 heures avec pas mal de pauses.

Il a finalement trouvé l’idée ultime « du défi de la mort qui tue ». Il vient de publier le résultat de son expérience « Je regarde Zemmour durant 10 heures ». La voilà la solution pour faire baisser le vote des extrêmes : obliger les électeurs à écouter durant 10 heures le discours de leur favori.

Avant la 7e heure, ils auront craqué et ne voudront jamais apporter leur suffrage à ce qui sera devenu un véritable cauchemar. Cela marche à droite comme à gauche. Le problème, malheureusement, c’est que le résultat serait le même avec les candidats républicains et l’abstention battrait de nouveaux records.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 3 mars 2022

dimanche 13 mars 2022

Cinéma - Laure Calamy peut-elle gagner la course “À plein temps” ?

Laure Calamy en mère courage pressée par le temps. Haut et Court

Une semaine infernale. Pourtant une semaine presque ordinaire pour Julie (Laure Calamy), mère isolée qui doit élever ses deux enfants, tout en remboursant un prêt immobilier et travailler à Paris. Chaque matin, le réveil sonne très tôt. Elle lève ses deux petits (une fille de 10 ans, un garçon de 7), et va les conduire chez une voisine retraitée qui accepte de les garder le matin, de les conduire à l’école et de s’en occuper, le soir, en attendant que leur mère rentre. Car, pour Julie, la course ne fait que débuter dans une journée occupée à plein temps. Première épreuve, prendre un train de banlieue, puis un RER et enfin le métro qui la dépose à proximité du palace qui l’emploie comme première femme de chambre

Un travail de l’ombre, de ces femmes placée en seconde ligne, mais qui doivent travailler, quoi qu’il arrive. Le lendemain, Julie repart pour une journée harassante, avec un problème supplémentaire : grève dans les transports. Le périple au galop se transforme en marathon pour passer de train à bus de substitution, de covoiturage à sprint sur les trottoirs de Paris. 

La réalisation de ce film, très social, d’Éric Gravel amplifie encore cette frénésie dans la difficulté de se déplacer quand un rouage se grippe. Julie, en retard, voit son emploi menacé. Julie qui a, justement, au cours de cette semaine compliquée un entretien pour un autre boulot. En accord avec sa formation initiale. Les contraintes vont aller crescendo. Va-t-elle craquer ? 

Porté par Laure Calamy, À plein temps brosse le portrait de ces femmes obligées de tout assumer après un accident de la vie. Pour Julie, un divorce, la perte d’un emploi et le non-paiement de la pension alimentaire. Une démonstration implacable, qui souffre de quelques excès (la blessure du fils, le jour de son anniversaire est de trop), et qui étonnera par une fin un peu trop abrupte. 

Film français d’Éric Gravel avec Laure Calamy, Anne Suarez, Geneviève Mnich