jeudi 10 mars 2022

BD - Ours magiques dans « Les songes du roi Griffu »


Voici la première partie de la légende d’Owein, un « gamin de village mal dégrossi ». Dans ce pays légendaire nordique, il survit avec sa sœur. Mais quand cette dernière est enlevée par un ours, il décide d’intégrer l’armée et de consacrer son temps à sa recherche. 

Owein qui deviendra un héros après avoir sauvé son souverain des griffes d’un de ces ours magiques, monstre pouvant se transformer en homme. Une très belle histoire fantastique imaginée par Cyrielle Blaire et dessinée, simplement mais avec efficacité, par Laïlis Colombié.

« Les songes du roi Griffu » (tome 1), Delcourt, 15,95 €

De choses et d’autres - Le quasi-candidat

Il faudra bien qu’il se décide avant la fin de la semaine. Le bruit des bottes à l’Est ne doit pas empêcher le doux murmure de la démocratie en Occident. Car si certains envahissent, d’autres élisent. En France, dans deux mois, les citoyens devront désigner le futur président de la République.

Or, pour l’instant, le président sortant, Emmanuel Macron, n’est toujours pas candidat. Il a déjà les parrainages d’élus, devait même organiser un meeting ce week-end, mais son agenda international bouscule un calendrier déjà mis à mal par la crise sanitaire.

Pourtant, il faudra bien qu’il annonce à ses concitoyens que tout en s’activant pour trouver une solution au conflit russo-ukrainien, il continue d’assurer ses prérogatives régaliennes de protection de la Nation. Mais pour les prolonger de cinq ans, il devra en passer par les urnes. Et donc dire clairement qu’il postule à sa propre succession. L’heure est grave. D’accord. Mais après l’heure, c’est trop tard…

Paradoxalement, cette annonce compliquée à finaliser reste très anecdotique. Les derniers sondages montrent que le président sortant, déjà largement en tête, accroît son avance sur les autres candidats, notamment les deux représentants de l’extrême droite empêtrés dans leur soutien à Poutine. Si cela continue sur ce rythme, sans être candidat ni avoir fait le moindre meeting, le candidat En Marche va l’emporter le 10 avril, soit dès le premier tour.

Et si vous voulez me donner raison ou me faire mentir, n’oubliez pas de vous inscrire sur les listes électorales. Ce mercredi 2 mars est le dernier jour (par internet) pour que votre voix compte.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 2 mars 2022

mercredi 9 mars 2022

BD - Légendes des fonds japonais


Exceptionnel roman graphique de 230 pages que ce Dérives d’Alexis Bacci. Un journaliste japonais se rend dans la baie d’Ago pour faire un reportage sur les dernières amas, des plongeuses traditionnelles. 


Il va rencontrer des femmes indépendantes, libres et fières de leur métier pourtant si difficile. Il va surtout entendre des légendes sur certaines d’entre elles. 

Car pour oser aller chercher des trésors au fond de l’océan, il faut parfois faire alliance avec des monstres légendaires. Une BD instructive et très poétique.

« Dérives », Glénat, 29 €

De choses et d’autres - Pendant ce temps…

Alors que le monde entier est suspendu aux décisions de Vladimir Poutine, craignant que sa folie belliqueuse plonge la planète dans une impasse mortelle, d’autres continuent de se préoccuper prioritairement de choses plus futiles, moins « essentielles » pour reprendre un terme popularisé lors de la crise sanitaire du coronavirus (qui au passage est devenue tout à fait anecdotique en moins de 48 heures).

Pendant ce temps donc, dans l’émission de Laurent Ruquier, un débat entre Jean Lassalle et Hélène Thouy a porté sur l’utilité de la chasse. Le candidat de la ruralité a souligné qu’« heureusement que les chasseurs sont là, sinon les sangliers rentreraient dans les cuisines. » Pour la candidate du parti animaliste, « Les chasseurs ne sont pas la solution, ils sont le problème. » En voilà encore deux, comme Poutine et Zelensky, qu’on n’est pas près de mettre d’accord.

Pendant ce temps également, la fédération internationale de judo a frappé un grand coup en faveur de la paix : elle a décidé de retirer ses titres de président honoraire et d’ambassadeur de la Fédération à Vladimir Poutine, célèbre ceinture noire. Le président russe n’est pas encore ippon, mais il a (un peu) tremblé sur ses appuis.

Pendant ce temps enfin, la diffusion dans les cinémas ce dimanche 6 mars à 16 heures de l’opéra Le Lac des Cygnes a été reportée. Un ballet interprété en direct par… la troupe du Bolchoï depuis Moscou. Même la danse est victime de la nouvelle guerre froide.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le 1er mars 2022

mardi 8 mars 2022

Polar - L’hôtel de la mort sûre

Il y a pléthore de personnages dans L’oiseau qui avait le vertige, roman policier très foisonnant de François Cérésa. Mais ne vous attachez pas trop à eux car au fil des chapitres, le cheptel va rapidement décroître. On meurt beaucoup à l’Hôtel des flots, établissement de luxe qui propose remise en forme, thalasso et spa à des clients richissimes. Avec tranquillité et discrétion assurées car l’établissement est construit sur un éperon rocheux dans une baie normande encore sauvage.

Le lecteur découvre l’étrange faune qui compose la clientèle et le personnel de cet établissement par l’intermédiaire d’Émir Karlovic. Cet ancien, militaire d’élite, reconverti dans le privé, n’est pas venu sur place pour le plaisir. Il est en mission. Son nouveau travail ? Tueur à gages. On découvre pourtant rapidement que tout en étant habitué à refroidir ses congénères avec son énorme Eagle, Émir semble le plus sain d’esprit de la troupe. Il y a dans le lot un médecin à la retraite d’extrême-droite et raciste, un couple de jeunes publicitaires qui parlent un franglais rempli de noms de marques, des antiquaires homosexuels très prétentieux, un vieil écrivain célèbre et sa jeune épouse qui cache efficacement certaines de ses compétences ou un couple de garagistes affublé d’un grand garçon autiste obsédé sexuel. 

Du côté du personnel, en plus du couple Desmoulins, les riches hôteliers qui ont investi les 15 millions gagnés au loto, il y a plusieurs masseuses et kinés, accortes et très conciliantes avec la clientèle, quel que soit son sexe ou ses goûts. L’une d’elles, la rousse, Jessica, est retrouvée assassinée et torturée juste après l’arrivée d’Émir. Clients et employés se retrouvent consignés et écopent du statut de suspect. L’enquête, menée par un policier encore plus délirant que les suspects, va aller de rebondissements en coups de théâtre avec pluie de cadavres.

François Cérésa, pour sa première incursion dans ce genre si exigeant du polar, signe un petit bijou, rempli d’argot, de références littéraires et de scènes croquignolesques. Il semble avoir pris beaucoup de plaisir à brosser ces caricatures. Encore plus à faire parler ses créatures imaginaires toutes plus borderline les unes que les autres. Émir, contrarié dans son travail (il a quelqu’un à zigouiller dans le lot, ne l’oublions pas), va être réquisitionné par le commandant Robès, ce flic peu sympathique et très psychorigide : « Un grand type à la chemise blanche trop grande pour lui, boutonnée lundi avec mardi, les manches roulées au-dessus du coude. La trentaine. Les cheveux noirs coupés en brosse. Les joues creuses d’un homme qui ne fume pas, ne boit pas, ne mange pas, ne rit pas. » Pas commode le commandant Robès. Et il devra beaucoup prendre sur lui quand le confinement (l’action se déroule en mars 2020) est imposé et qu’il va devoir vivre quelques jours avec cette équipe de suspects  dont certains vont attraper le Covid et d’autres des balles perdues dans un final digne du Grand Guignol.

« L’oiseau qui avait le vertige » de François Cérésa, L’Archipel, 18 €

De choses et d’autres - Timbres exotiques

Les Français écrivent de moins en moins. Enfin, des lettres à la famille ou des amis ; car, côté romans, depuis le confinement, jamais il n’y a eu autant d’écrivains autoproclamés. L’email a pris le relais de la lettre postale, car moins cher et beaucoup plus rapide.

Le prix des timbres, comme chaque 1er janvier, a de nouveau augmenté en 2022. Et légèrement plus que le point d’indice des fonctionnaires, puisque la vignette de base, le timbre prioritaire, est passée de 1,28 € à 1,43 €, soit une hausse de 4,7 %. Face à ces prix devenus astronomiques, certains petits malins ont tenté des expériences et s’en sont vantés sur les réseaux sociaux. Comme cet abonné Twitter, preuve photographique à la clé. Au lieu d’affranchir ses lettres avec des timbres achetés à la Poste, il s’est contenté de récupérer les petites étiquettes indiquant la provenance des bananes.

Une première lettre, envoyée le 24 novembre 2021, avec pour « timbre » un petit autocollant où est inscrit « Itacu Fruit Costa-rica », est arrivée sans encombre au destinataire. Opération renouvelée quatre fois, la dernière en date, le 9 mars dernier, acheminée grâce à l’étiquette d’une banane « Delmonte Guatemala ». Sans doute triées par des robots et distribuée par des facteurs surchargés de travail, ces lettres aux affranchissements fantaisistes devraient donner des idées à certains. Je sens que la photocopieuse va chauffer par endroits.

Mais attention, vous risquez quand même de perdre des amis, car si la supercherie est découverte, c’est le destinataire qui devra payer l’affranchissement plus une surtaxe. Nettement plus cher qu’un kilo de bananes.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 13 mars 2022

lundi 7 mars 2022

De choses et d’autres - Hiver nucléaire

En tant que fan de science-fiction, j’ai beaucoup lu de récits et vu de films à grand spectacle dits « post-apocalyptiques ». Des histoires pour se faire peur, de la dissuasion efficace. Longtemps, l’apocalypse était présentée comme l’utilisation massive des bombes atomiques amassées depuis des années par les grandes puissances. Le genre est passé de mode.

Car jamais, depuis Nagasaki, une bombe nucléaire, n’a été utilisée agressivement. On préférait plutôt imaginer une pandémie mondiale voire l’apparition de zombies affamés qui dévorent le monde. Le nucléaire n’avait plus la cote dans les scénarios catastrophes. On a fini par oublier que dans des silos enterrés il y a suffisamment de missiles pour rayer de la carte toute l’Europe (de la Grande-Bretagne à la Sibérie), l’Amérique du Nord et la Chine. L’hiver nucléaire n’était plus que de l’ordre du scénario de série B.

Et puis ce dimanche, Vladimir Poutine, un des trois hommes les plus puissants du Monde (avec Biden et le président chinois), a évoqué cette arme ultime. En quatre jours on est passé de la simple invasion à la guerre totale, puis au 3e conflit mondial et finalement à la dernière guerre. Car si le président russe décide d’appuyer sur le fameux bouton rouge, toute cette histoire sera vite réglée.

Espérons que cette menace soit l’erreur de trop pour Poutine et que son état-major décide en urgence de le débrancher.

Et n’oublions pas que le maître du Kremlin est un piètre scénariste doublé d’un acteur médiocre (souvenez-vous de ces mises en scène où, torse nu, il fait du cheval dans les steppes), alors que le président ukrainien est à la base un comédien qui s’est fait élire en interprétant le rôle d’un candidat… qui gagne la présidentielle.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 28 février 2022

dimanche 6 mars 2022

Roman jeunesse - Le programme de "Prunille présidente" ; confier le pouvoir aux enfants


Prunille, découvre que le président de la République va bientôt être élu. Mais la fillette constate avec effroi qu’elle n’a pas droit de voter. Elle va se lancer dans une campagne pour devenir présidente et obtenir le droit de vote pour les plus jeunes. Ce roman écrit de façon collective, voit la crème de la littérature jeunesse s’amuser à imaginer cette campagne peu banale. Prunille, aidée de sa meilleure amie, de son petit frère (un génie) et d’un cousin débarqué d’Angleterre va faire bouger les lignes. Un grand éclat de rire tout au long des 15 chapitres écrits par 14 auteurs très inspirés sous une couverture de Marc Boutavant.

« Prunille présidente », collectif, PKJ, 7,95 € (au profit du Secours Populaire français) 


De choses et d’autres - Improvisation managériale

Il m’est arrivé (et je n’en suis pas spécialement fier) de participer au cours de ma carrière professionnelle à des colloques, formations et autres mises à niveau. Généralement cela se passe dans une salle fermée et cela débute toujours par la présentation d’un PowerPoint.

PowerPoint est un logiciel permettant d’afficher, les unes après les autres sur un écran, les pages de présentation du sujet du jour. Pour les plus anciens ayant par chance échappé à ça, c’est souvent encore plus ennuyeux que les projections des diapositives des photos de vacances dans les Deux-Sèvres des cousins germains.

Un PowerPoint débute toujours par un problème technique. On n’arrive pas à connecter le rétroprojecteur à l’ordinateur, les planches sont inversées ou, c’est la meilleure nouvelle de la journée, la version de Windows utilisée au bureau n’est plus compatible avec le document fabriqué à la maison.

Trop souvent, malheureusement, cela fonctionne au bout de 5 minutes de sueurs froides du formateur ou cadre chargé de prêcher la bonne parole. Dès lors, pour les participants, la difficulté est de ne pas s’endormir durant la présentation.

Pourtant j’ai découvert qu’il existe des PowerPoint divertissants. Pas dans le cadre du boulot mais au cours de soirées entre amis. Ce sont des parties de PowerPoint Karaoké. Le principe est simple : on récupère une présentation (n’importe laquelle sur n’importe quoi) et un des participants à la soirée doit improviser des commentaires et explications en découvrant les graphiques. Un peu sur le principe de l’improvisation théâtrale, les autres candidats doivent noter les joueurs en fonction de l’humour et l’originalité.

Comme quoi, même les pires pratiques professionnelles avec les plus mauvais logiciels peuvent au final se révéler très distrayantes.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 26 février 2022

samedi 5 mars 2022

Cinéma - “The housewife” libérée

Toko (Kaho) reprend goût à la vie avec son amant, Kodaka (Tasuku Emoto).  Art House


Ce n’est certainement pas un hasard si The housewife, film de Yukiko Mishima sort un 9 mars en France, lendemain de la journée internationale des droits des femmes. Ce drame raconte comment une jeune femme va prendre conscience de l’enfermement volontaire que représente son mariage. Toko (Kaho) est une femme au foyer japonaise qui, selon la nomenclature sociale du pays, a tout pour être heureuse : un mari qui gagne bien sa vie, une maison moderne, une petite fille de 6 ans. Seule ombre au tableau, pour élever son enfant, elle a abandonné son travail dans un cabinet d’architecte. La première partie du film montre une Toko qui fait tout pour être aimée par son mari. 

Mais ce commercial ambitieux a des attitudes très machistes. Aussi, quand Toko, lors d’une réception où son mari l’exhibe comme un trophée, tombe sur Kodata (Tasuku Emoto), son premier amour, elle comprend immédiatement tout ce qu’elle a perdu en acceptant ce mariage de raison. Mais, à l’époque, Kodata était, lui aussi, marié et ne voulait pas quitter son épouse. Aujourd’hui, il est divorcé et voudrait refaire sa vie avec celle qu’il aime plus que tout. Un amour fou réciproque qui va pousser Toko à postuler dans le cabinet d’architecte de Kodata. Elle devra batailler pour obtenir le poste et le faire admettre à son mari. La suite du film montre cette formidable libération d’une femme ne vivant plus pour elle même. Toko renaît au travail, retrouve de la confiance, ose rire, s’amuser et envisager autrement son avenir. 

Véritable plaidoyer pour l’indépendance des femmes, dans des sociétés trop contraignantes, The housewife ne gomme pourtant pas les doutes et questionnements d’une femme qui sait les conséquences de ses actes sur sa famille, notamment sa petite fille. Aimer ou protéger, il faut parfois savoir choisir.    

Film japonais de Yukiko Mishima avec Kaho, Tasuku Emoto, Shôtarô Mamiya