mercredi 16 février 2022

Cinéma - Fuir la “Maison de retraite”

Milann (Kev Adams), doit composer avec les facéties des pensionnaires dont Claudine (Marthe Villalonga). UGC Distribution

Il ne faut surtout pas prendre le titre de cet article au premier degré. Maison de retraite, film de Thomas Gilou avec Kev Adams en vedette n’est pas à fuir. Par contre, pour les pensionnaires de l’établissement en question, c’est un lieu à déserter le plus vite possible. Comme un résumé, avant l’heure, du scandale des Ehpad tenus par des sociétés qui veulent, avant tout, faire des bénéfices au détriment du bien-être des résidents. On se croirait dans un film politique et social, mais en réalité c’est une comédie qui joue intelligemment sur le fossé des générations.

Milann (Kev Adams), éternel ado qui vivote avec un ami d’enfance devenu avocat, multiplie les bêtises. Condamné à des dizaines d’heures de travail d’intérêt général, il découvre, effaré, que c’est dans une maison de retraite. Or Milann a horreur des personnes âgées. Un traumatisme enfantin qu’il va devoir surmonter. D’autant que les pensionnaires ne l’épargnent pas. Parmi eux, on retrouve quelques gloires du cinéma français, de Gérard Depardieu à Mylène Demongeot en passant par Daniel Prévost et une Marthe Villalonga exceptionnelle quand elle imite le déhanché de Shakira ou les poses langoureuses de Monica Bellucci. 

Loin d’être une grosse comédie, Maison de retraite, tout en proposant son lot de gags et de situations hilarantes, permet aussi à Kev Adams de révéler son humanité. Car les pensionnaires, en plus d’être escroqués par le directeur (Antoine Duléry), sont isolés et n’ont aucune possibilité de sortir de ce qui ressemble de plus en plus à un bagne pour vieux. Alors, Milann va se lancer dans son grand projet : organiser l’évasion des anciens et les aider à reprendre leur vie en main. Cette « Grande évasion », version déambulateur, est la bonne idée du film. 

Film français de Thomas Gilou avec Kev Adams, Gérard Depardieu, Daniel Prévost, Marthe Villalonga, Mylène Demongeot, Jean-Luc Bideau, Antoine Duléry




De choses et d’autres - Le chef coco selon Marc Dubuisson

Dans le monde réel, on ne sait pas encore qui sera élu président de la République française en avril prochain (même si beaucoup trouvent que le suspense est assez limité).

Chez Marc Dubuisson, dessinateur humoriste, le président, à la surprise générale, est une noix de coco. Un fruit exotique assez hermétique mais avec une précision importante : avec un nœud papillon.

Le président Noix de Coco l’a emporté dans la dernière ligne droite distançant le « candidat d’extrême-droite pro-armes et climato-sceptique et la candidate néo-libérale qui souhaite interdire la mort avant l’âge de la retraite pour optimiser la productivité nationale. » Alors, évidemment, une noix de coco à la tête de la France, ce n’est finalement pas si mal.

En plus, comme elle ne parle pas, il y a peu de risques de dérapages au cours d’un sommet européen.

Reste les conseillers, éditorialistes, sondeurs et simples votants qui vont se demander, durant tout cet album de 120 pages, quelle est la politique de ce président atypique. Cela donne l’occasion à l’auteur de manier l’absurde et la parabole politique jusqu’à des sommets rarement atteints.

« Le président est une noix de coco », Delcourt, 11,95 €

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 12 février 2022

mardi 15 février 2022

BD - Bagne aride


Les amateurs de Dune apprécieront ce Hurlevent de Duval et Créty. Sur une planète lointaine à la sauce héroic fantasy, l’Hélios est un continent maudit. C’est dans cet enfer que sont parqués les prisonniers. 


Un bagne redoutable où les condamnés sont obligés de creuser des canaux pour une hypothétique irrigation. Ils cohabitent avec des monstres et des tribus d’orcs. Alceste de Hurlevent, un noble, condamné à tort, est le héros de cette série exceptionnelle dont l’univers a été imaginé par Fred Blanchard.

« Hurlevent » (tome 1), Delcourt, 14,95 € 

De choses et d’autres - Voleurs et écolos

Même les voleurs de voiture voient désormais la vie en vert. Ils abandonnent les diesel pour se rabattre sur les voitures hybrides. Le traditionnel classement des voitures les plus volées l’an dernier, publié par le magazine Auto Plus à partir des chiffres des assureurs, place Toyota Prius en tête des vols de voitures en France, en 2021. Les écolos doivent se réjouir de constater que c’est une voiture un peu plus propre qui domine ce classement. Le diesel n’est plus du tout attrayant, même pour les voleurs ; et l’essence est en train de se faire dépasser par l’hybride.

A ce rythme, la voiture la plus volée dans 5 ans sera une tout électrique.

Il faut cependant tempérer ce résultat. Car, selon la revue spécialisée, si la Toyota Prius attire tant les margoulins, ce n’est pas en raison d’une conversion de ses derniers à la protection de la planète et au combat contre le réchauffement climatique. Plus prosaïquement, c’est en raison de la présence de nombreux métaux rares dans le pot d’échappement catalytique de la Prius qu’elle est si recherchée. Certains se contentent même de démonter le pot et de laisser le reste de la voiture sur place.

Un peu comme à une certaine époque, quand seuls les sièges arrière des Clio étaient volés, uniquement pour alimenter un trafic de voitures de sociétés qui en étaient dépourvues.

Par contre, dans la suite du classement, pas de doute, ce sont les voitures en entier qui sont volées : la luxueuse DS 7 Crossback et la sportive Renault Mégane RS.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 11 février 2022

lundi 14 février 2022

BD - Bibliothécaire de l’Ouest sauvage


La nouvelle héroïne imaginée par Charlot (scénario) et Fourquemin (dessin) se nomme Molly West. Mais ce n’est pas son véritable nom. Cette jeune bibliothécaire itinérante est en réalité originaire de France et se nomme Isabelle Talbot


C’est un orphelin qu’elle a pris sous son aile qui a trouvé sa nouvelle identité, plus en adéquation avec ses activités. Car Molly, dans cet Ouest américain d’après la guerre de Sécession, doit faire face à nombre de malfrats. Un western frais et original avec une héroïne attachante.

« Molly West » (tome 1), Vents d’Ouest, 14,50 €

De choses et d’autres - Amour, toujours

Le 14 février, jour de la Saint-Valentin, tout est bon pour déclarer sa flamme ou la raviver. « Encore une opération commerciale pour nous faire dépenser l’argent qu’on n’a pas ! » vont protester les plus aigris, souvent célibataires. Certes, mais allez expliquer ça à votre petite amie, compagne, épouse ou maîtresse (je vois large en matière d’amour, sans limite ni exclusive). Le repas, en amoureux, par exemple. Certains restaurants préparent des menus dignes des réveillons du Nouvel An

Il est cependant possible de faire des économies en choisissant la soirée en tête à tête à une « table en coin VIP pour profiter d’un service à table pour un moment de détente en amoureux ». Moment de détente, mais pas de gastronomie, car dans ce fast-food, pour un menu acheté, vous aurez droit à un café, une glace et une surprise en cadeau. J’espère quand même que le chevalier servant d’un soir aura l’élégance d’aller vider le plateau de sa belle dans la poubelle.

Dans mon village, depuis une bonne décennie, des cœurs sont accrochés aux lampadaires avec écrit dessus des maximes à la gloire de l’amour qui auraient pu, pour certaines, terminer comme titre d’un roman de la collection Harlequin. J’ai même découvert un fauteuil en acier (pas du genre Game of Thrones…), peint en rose bonbon et orné d’un superbe cœur pour réaliser des clichés inoubliables. Enfin, sauf en cas de rupture dans les deux semaines. A priori l’amour n’est pas une maladie, mais j’ai parfois des doutes sur les effets de ce sentiment si mystérieux sur l’intelligence des « infectés ». Même si, par chance, il n’existe pas de vaccin.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 10 février 2022

dimanche 13 février 2022

BD - Gags sautillants sur fond de "Houba Houba !"


Fin janvier 1952, un drôle d’animal faisait son apparition dans la nouvelle aventure de Spirou et Fantasio. Franquin venait d’inventer le Marsupilami, géniale bestiole de Palombie, dont la queue préhensile et interminable allait lui permettre de sauver à bien des reprises le groom rouge. Devenu héros à part entière, le Marsu est désormais animé par Batem. 


Un dessinateur formé par Franquin et qui en plus d’un album par an, a dessiné une centaine de strips (aidé de Désert au scénario) pour être publiés dans la presse quotidienne. Des gags sautillants, mis en couleurs et repris dans ce joli album à l’italienne. Vous verrez que le Marsupilami (et les auteurs), ne manque pas d’imagination pour valoriser sa queue couteau suisse. 

« Houba Gags », Dupuis, 14,50 €

Cinéma - Avant-première du film "À demain mon amour" au Castillet

Monique et Michel Pinçon-Charlot ont longtemps été sociologues dans les beaux quartiers de la capitale. Le réalisateur Basile Carré-Agostini les a suivis durant plusieurs années pour un documentaire retraçant leur combat contre les capitalismes. Le film est présenté en avant-première ce mercredi 16 février à 19 h en présence de Monique Pinçon-Charlot.


Exceptionnel parcours que celui du couple Pinçon-Charlot. Monique et Michel se rencontrent à la bibliothèque universitaire de Lille. Encore étudiants en sociologie, ils sont mariés depuis 50 ans. Résolument de gauche et adeptes des méthodes de Pierre Bourdieu, ils décident de se lancer dans une étude exhaustive d'une catégorie sociale peu référencée jusqu'alors : la grande bourgeoisie fortunée.

Un travail de très longue haleine (20 ans comme directeurs de recherche au CNRS), qui leur permet de signer de nombreux ouvrages de référence. Une fois à la retraite, ils abandonnent les beaux quartiers pour continuer leur engagement contre le capitalisme. Toujours très amoureux, ils ont accepté d'ouvrir leur quotidien à la caméra de Basile Carré-Agostini, réalisateur de documentaire. Durant plusieurs années il a filmé leur vie privée de toujours jeunes amoureux mais aussi leurs luttes quotidiennes et interventions universitaires.

"Vivre la lutte dans la joie"

Le film, présenté en avant-première ce mercredi 16 février à 19 heures au Castillet sort nationalement le 9 mars prochain. Entre manifestation de Gilets Jaunes, rencontres avec des militants ou retour dans les beaux quartiers, "À demain mon amour" raconte la France de ces années 2010, celle des petites gens qui ne s'en sortent plus. Des inégalités sociales qui ne font que grandir mais qui ne découragent pas le couple de sociologues.

Monique Pinçon-Charlot sera présente lors de la projection et se prêtera au jeu des questions après le documentaire. Elle pourra sans doute expliquer, comme elle l'a fait dans le dossier de presse du film, pourquoi "le tout est de vivre la lutte dans la joie. C’est la seule règle. C’est ce que nous avons vécu tous les deux pendant 50 ans. Il faut lutter dans le plaisir, l’issue est incertaine, on n’a qu’une vie, autant qu’elle soit le plus joyeuse possible ! La camaraderie et la solidarité évitent également d’être tétanisés et de se décourager face à la violence des capitalistes." Elle reviendra aussi sur leur but commun : "Aujourd’hui à la retraite, nous essayons d’aider le prolétariat, à se défendre dans la lutte des classes en cours, mais dont seuls les dominants semblent avoir conscience." 

 

samedi 12 février 2022

BD - Mais quel effrayant corbeau !


Chouette, le Label 619 est de retour. Les auteurs menés par Run quittent Ankama pour Rue de Sèvres et proposent une nouvelle anthologie d’horreur. Lowreader met en vedette un corbeau et les armes à feu. 


Trois récits complets au menu, dont un très physique de Masiko, l’héroïne de Florent Maudoux. Le meilleur récit est sans doute celui de M. Sato. Au Japon, un homme insignifiant tente de reprendre sa vie en main en fabriquant une arme avec une imprimante 3D. Une création de Run et Singelin.

« Lowreader », Label 619, 14,90 €


De choses et d’autres - « Calmez-vous, ça va bien se passer »

À ceux qui se demandent à quoi ça ressemble le sexisme, je conseille de regarder la passe d’armes entre Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et Apolline de Malherbe, journaliste à RMC et BFM.

Dans ce face-à-face matinal popularisé par Jean-Jacques Bourdin, l’intervieweuse aborde le problème des chiffres de la délinquance, soulignant l’augmentation des atteintes aux personnes, notamment des violences sexuelles et demande au ministre si le gouvernement n’a pas réagi trop tardivement. Gérald Darmanin, avec ce sourire en coin qui ne le quitte jamais, s’étonne d’abord du ton populiste, se demandant s’il est bien sur BFM et pas CNews.

La journaliste ne relève pas l’attaque et le relance sur la délinquance. Immédiatement il s’indigne qu’on ne le laisse pas parler et a cette tirade qui en dit long sur sa vision des femmes : « Non mais ne vous vexez pas, calmez-vous, madame, ça va bien se passer ». La journaliste ne se laisse pas faire : « Je vous demande pardon ? Gérald Darmanin, attendez, comment vous me parlez ? »

Comment il lui parle ? Mais tout simplement comme il parle aux femmes en général. Il leur demande tout d’abord de se calmer car il semble persuadé qu’elles sont toutes hystériques. Et le « tout va bien se passer » sous-entend qu’elle n’a pas la compétence pour mener cet entretien.

Ce décryptage, parfaitement mis en lumière par Cécile Duflot, grande experte du sexisme dans la vie politique, devrait entraîner une mise au point de l’ensemble des journalistes politiques. Pas de communiqué ni de motion de soutien. Juste remettre les choses à leur place et débuter, désormais, toutes les interviews de Gérald Darmanin par cette phrase : « M. Darmanin, calmez-vous, ça va bien se passer. »

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 9 février