lundi 27 juin 2016

Cinéma : L'argent facile et si rapide

Pascal Bonitzer, dans "Tout de suite maintenant" sous couvert d'un film sur la haute finance, s'intéresse surtout aux remords, regrets et autres motifs de culpabilisation.


Nora (Agathe Bonitzer) est belle, ambitieuse et brillante. La jeune trentenaire, après deux années dans une banque, intègre une société de conseil financier spécialisée dans les fusions-acquisitions. La grande finance, dans des bureaux impersonnels. Pour son premier jour, elle passe devant les deux grands patrons de la boîte, les fondateurs. Barsac (Lambert Wilson) est le véritable décideur. Prévôt-Parédès (Pascal Greggory) n'est plus l'ombre de l'homme entreprenant de sa jeunesse. Nora, observatrice et calculatrice, se rend rapidement compte que les deux hommes affichent une certaine prudence face à la nouvelle recrue. Entre amitié et méfiance.


Obligée de travailler en binôme avec Xavier (Vincent Lacoste), elle obtient de très bons résultats. Et découvre que son père n'est pas étranger aux rumeurs qui circulent sur son sujet.
Fille de son père
Pascal Bonitzer, loin de centrer son récit sur l'ambition d'une working-girl dans un monde très macho, fait glisser l'intrigue vers les difficultés à échapper à sa famille. Son père Serge (Jean-Pierre Bacri) a fait des études avec les deux patrons. Des trois c'était le plus intelligent, le plus prometteur. Mais Serge a préféré l'enrichissement intellectuel à la bête réussite matérielle. Résultat il vivote dans un vieil appartement alors que Barsac profite d'une villa moderne et spacieuse. Barsac qui est marié à Solveig (Isabelle Huppert), une femme qui elle aussi faisait partie du cercle d'amis de Serge. Nora, dans ce panier de crabes, va tenter de comprendre et de sauver sa peau. Mais quand Serge apprend qu'elle travaille pour Barsac, il la rejette. Et devient encore plus misanthrope. La multiplication des personnages, des intrigues, des histoires d'amour (passées, ratées ou à venir), le réalisateur noie un peu le spectateur sous une profusion d'informations. Tous les personnages, très typés dans leurs différentes catégories, jouent des partitions personnelles. Que cherche Nora exactement en travaillant pour Barsac, Solveig peut-elle encore aimer Serge, Xavier va-t-il choisir entre amour et carrière, pourquoi Prévôt-Parédès est-il obsédé par les banians, des arbres d'Asie, au point de devenir suicidaire ?
Il n'y a pas de véritable morale quand on sort de la salle. Simplement la constatation qu'un banal poème écrit dans sa jeunesse peut avoir des conséquences sur toute sa vie. Et que notre société ne donne plus de temps au temps. L'immédiateté est la règle. 
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Jean-Pierre Bacri : normal et malheureux


De tous les personnages de "Tout de suite maintenant", Serge interprété par Jean-Pierre Bacri est le seul qui semble avoir conservé beaucoup d'humanité. Sceptique et pessimiste, il a consacré sa vie à des recherches en mathématiques pures. Une petite vie idéale pour cet introverti, amateur de solitude et rechignant à être heureux.

Pourtant il aurait des raisons à profiter de la vie. Notamment grâce à ses deux filles, devenues adultes, belles et si opposées. Nora est bosseuse, sérieuse. Maya (Julia Faure) voudrait être artiste, mais vivote en attendant le succès derrière le bar d'une discothèque à servir des shoots de vodka à des hommes et femmes qui eux ont réussi. Financièrement parlant.
Bacri, parfait dans la peau de cet homme désabusé, se détestant, jamais satisfait, est la pierre angulaire du film. Tout gravite en fait autour de lui. Solveig, son seul amour, Barsac, son rival amoureux, méprisant et triomphal. Pascal Bonitzer, dès le début de l'écriture, voulait Jean-Pierre Bacri dans ce rôle. Comme pour prolonger son précédent film, "Cherchez Hortense". Bacri y interprétait un fils écrasé par son père. Dans "Tout de suite maintenant", il récupère le rôle du père omniprésent. Une occasion en or pour démontrer toute l'étendue de son talent.

dimanche 26 juin 2016

DVD et blu-ray : Les "Amis publics", braqueurs pour la bonne cause

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Ils sont gentils les auteurs, acteurs et réalisateur d'Amis Publics 'feel good movie' sur l'équipée d'une bande de copains bras cassés sur la route du grand banditisme malgré eux. Réalisé par Édouard Pluvieux, adapté par Kev Adams sur une idée de John Eledjam : le trio se connaît depuis des années et le film a mis près de cinq années à se faire. Le temps pour peaufiner le projet, trouver des investisseurs et surtout à Kev Adams de devenir l'acteur français attirant des millions de spectateurs dans les salles ("Aladin", "Profs").
La jeune star a cependant l'élégance de ne pas ramener toute la couverture à lui, offrant à ses potes des rôles sympas et n'en faisant pas trop dans ses mimiques. Ben (Pail Bartel) est gravement malade. Un cancer du à une explosion d'une usine chimique. Ses parents sont morts et depuis c'est son grand frère, Léo (Kev Adams), qui s'occupe de lui. Bloqué à l'hôpital, Ben se morfond. Il ne pourra pas réaliser son rêve de gosse : braquer une banque. Alors Léo décide d'organiser un faux braquage pour permettre à son frère de 'partir' avec de bons souvenirs. Il met sur le coup ses deux meilleurs potes, sympas mais très gaffeurs et le directeur d'une banque, comédien raté. Résultat ils se trompent d'adresse et c'est une véritable banque qui est attaquée.


Le butin est énorme. Quand ils se rendent compte de leur méprise, il est trop tard. Ben décide alors de donner l'argent à une association d'aide aux malades et de rendre public son geste. Ou comment se transformer d'apprenti gangster en symbole de la justice sociale. Les braqueurs ont la sympathie du public, mais un flic (Vincent Elbaz) fait tout pour arrêter ces amateurs. Sans temps mort, truffé de gags (de bons sentiments aussi), "Amis publics" a remporté un beau succès lors de sa sortie en salles.
Le DVD propose quelques scènes coupées mais surtout un making-of presque exclusivement orienté sur le côté famille et amitié du tournage.
'Amis publics', Universal, 12,99 euros le DVD et le blu-ray

samedi 25 juin 2016

Livre : Evangile tueuse entre Lauragais et Rennes-le-Château

François-Claudius Simon, policier imaginé par Guillaume Prévost, enquête sur les secrets de l'abbé Saunière
Les mystères de Rennes-le-Château sont une mine inépuisable pour les romanciers. Guillaume Prévost, par ailleurs historien apporte son grain de sel dans les nombreuses hypothèses pour justifier la richesse de l'abbé Saunière, le sulfureux curé du petit village audois. L'action se déroule en 1920. Le lecteur retrouve François-Claudius Simon, le héros récurrent imaginé par le romancier. Une cinquième aventure pour prolonger un feuilleton digne des meilleures séries.
Emoi au Sacré-coeur de Paris. Un curé est retrouvé assassiné. Dans une mise en scène très macabre : « ses bras croisés sur ses cuisses retenaint une masse sanguinolente et molle, de la taille d'un gros poing fermé. On avait pris soin d'entourer la chose d'une espèce de ronce et d'enfoncer une croix de bois à son sommet. » Ce que le religieux a entre les bras c'est tous simplement son cœur. Parmi les suspects, les participants à la prière nocturne. Dont François-Claudius dont le nom est inscrit sur le rigiste.

De Limoux au Lauragais
En plein marasme (il tourne alcoolique après sa séparaton avec son amour, restée à Moscou, enceinte), cette mise en cause le remet sur les bons rails. Il va devoir se disculper et découvrir qui est ce tueur, surnomme « L'enfant de choeur » et qui a également tué à Castelnaudary et Carcassonne.
Le roman se déroule en grande partie dans l'Aude, entre l'église de Rennes et une grotte de la Montagne Noire. Une partie locale savoureuse dans sa description du département au début du siècle dernier. La force du roman reste le foisonnement de personnages et les multiples rebondissements, avec au final des révélations sur l'enfance du héros, abandonné par sa mère, élevé par des religieux et finalement au centre de cette histoire de cinquième évangile (la première en vérité) remettant en cause tous les dogmes de la chrétienté actuelle. 
« Cantique de l'assassin » de Guillaume Prévost, NiL, 20 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le rêve des îles

Ils doivent bien rigoler les Grecs et leur très vieille invention aux effets ravageurs. La démocratie a cela de compliqué qu'elle n'est en rien une science exacte. Les Britanniques l'ont parfaitement compris, au grand dam d'autres peuples plus timorés. Le Brexit, de fantasme, devient réalité. Ils ne sont cependant pas les premiers à tourner le dos à cette Union européenne toujours très mal défendue par ses partisans. Le Groenland et Saint-Barthélémy ont également voté leur indépendance en 1985 et 2012. Deux îles, comme par hasard. Les indépendantistes corses n'ont plus qu'à monter au créneau pour réclamer un "Corsexit", préambule à toute autonomie.
A bien y réfléchir, ce résultat est aussi compréhensible car tout en appartenant à l'Union, la Grande-Bretagne a conservé quasiment toutes ses particularités comme la conduite à gauche ou la livre sterling. Sans parler de la cuisine ou de la météo. Une vraie démocratie induirait que les 52 % soient réellement entendus. Ce qui n'a pas toujours été le cas partout. En France, les mots référendum et Europe forment une association à l'arrière-goût plein d'amertume. Souvenez-vous, 2005, rejet par les Français de la nouvelle constitution européenne par plus de 54 % des votants. Trois ans plus tard, le même texte, devenu traité de Lisbonne, est adopté par les parlementaires français. De droite comme de gauche.
Au final, le résultat du référendum de jeudi peut se résumer par cette paraphrase : "Messieurs les Anglais, tirez-vous les premiers... »

vendredi 24 juin 2016

Livre : Lola, papillon de nuit


Le titre énigmatique du roman de Julie Estève ne parle qu'aux spécialistes des papillons de nuit. "Moro-sphinx" est une espèce gracieuse qui butine les fleurs à l'aide de sa longue trompe en faisant du surplace, comme un colibri. La nuit, Lola aussi aime à se charger d'odeurs. Pour attirer des hommes avec qui elle fait l'amour. Une sorte de fringale physique, comme pour se remplir de culpabilité. Avec à chaque fois un rituel pour marquer la fin de la rencontre "Elle attrape la main droite de son binôme et lui coupe l'ongle du pouce". Elle est comme ça la jeune héroïne fracassée, "quand d'autres se coupent avec des rasoirs, Lola écarte les cuisses." Texte parfois dur, ce premier roman rentre un peu dans le rang quand Lola tombe amoureuse. Reste qu'elle n'est vraiment pas faite pour la normalité.
"Moro-sphinx", Julie Estève, Stock, 18 euros.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Torture ou hypnose ?

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Le sondage fait mal au pays des droits de l'Homme : 36 % des Français estiment que dans certains cas exceptionnels (attentat, guerre, etc.), on peut accepter le recours à la torture. Une majorité, 54 % exactement, trouve normal qu'un policier "envoie des décharges électriques sur une personne soupçonnée d'avoir posé une bombe prête à exploser". Les terroristes de Daech, en tuant des innocents, nous replongent en plein Moyen Âge. D'un côté, "Ils tuent donc on a le droit de les torturer". De l'autre, "Ils nous torturent, donc on tue pour se venger".
Il doit pourtant exister d'autres solutions pour soutirer des informations aux suspects. En regardant l'autre soir une émission sur la TNT, je découvre qu'un célèbre "mentaliste" ou "hypnotiseur", est parvenu à faire croire à trois chroniqueurs du talk-show de Cyril Hanouna qu'ils étaient en présence de Rihanna. En réalité, ils étaient face à... un âne. Une séquence absolument pas bidonnée selon les victimes. Mais si cet "hypnotiseur" se révèle si bon et efficace, pourquoi ne propose-t-il pas ses services à l'État français plutôt que de chercher à remplir des salles de spectateurs crédules ? On le laisse deux heures avec Abdeslam, par exemple, et le présumé terroriste racontera en détail la soirée du 13 novembre. On saura s'il a encore des complices dans la nature, si d'autres attentats sont en préparation. On ne lui demande pas de voir un âne mais simplement de devenir doux et coopératif comme un agneau.
À moins que les fameux "hypnotiseurs" ne pratiquent le charlatanisme à tout va.

jeudi 23 juin 2016

Livres de poche : petits et grands effets de la mort


Hemda Horowitch vit ses derniers jours. Ses souvenirs s'imposent à sa conscience : un père trop exigeant, un mariage sans amour, cette difficulté à aimer équitablement ses deux enfants, Avner et Dina. Dans une langue puissante, Zeruya Shalev évoque la colère, le ressentiment et la peur qui construisent les familles autant que l'amour et le bonheur d'être ensemble.
"Ce qui reste de nos vies", Folio, 8,20 euros


D'ordinaire, les amis imaginaires s'éteignent naturellement, peu à peu négligés par ceux qui les ont inventés. Pas Boddah. Pendant les vingt-sept années de sa courte vie, Kurt Cobain n'a jamais cessé de s'adresser à lui. Mêlant scènes réelles et imaginaires, conversations authentiques et inventées, le texte de Héloïse Guay de Bellissen s'offre un narrateur omniscient.
"Le roman de Boddah", Pocket, 6,95 euros


Adolescente taciturne, June rêve d'art et de son oncle Finn, un peintre new-yorkais reconnu. Mais Finn est très affaibli et meurt bientôt de cette maladie qu'on n'évoque qu'à demi-mot en 1980, le sida. Inconsolable, la jeune fille se lie d'amitié avec le mystérieux Toby, l'ami de Finn. Carol Rifka Brunt raconte le passage à l'âge adulte après un deuil.
"Dites aux loups que je suis chez moi", 10/18, 8,80 euros


mercredi 22 juin 2016

BD : "Amour austral", une romance aux antipodes


L'amour se moque des frontières. Jan Bauer, dessinateur allemand, pour oublier ses problèmes européens, se lance dans une randonnée au cœur du bush australien. Un parcours en solitaire. Il fuit les autres marcheurs, jusqu'à sa rencontre avec une Française qui semble aussi paumée que lui. Ils vont faire un bout de route ensemble. Jusqu'à partager la tente au cours de nuits glaciales qui vont vite devenir torrides. Parenthèse amoureuse, loin de tout, Jan voudrait que cela se prolonge. Mais la fille est trop sauvage. Pour se remettre de cet amour brisé en plein vol, le dessinateur a reproduit son périple au lavis en noir et blanc. 240 pages tendres et dépaysantes
"Amour austral", Warum, 20 euros

mardi 21 juin 2016

BD : Pères impurs et manque...

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Jean-Philippe Peyraud, après avoir adapté plusieurs romans de Philippe Djian, se lance en solo sur un long roman graphique que l'auteur de "No" ou "Mise en bouche" ne renierait certainement pas. Robinson, quadra désinvolte, vivote en tentant de sauver son magasin de vente et de location de DVD. Célibataire, il multiplie les conquêtes grâce à son bagout sur un site internet. Il vient de passer la nuit avec Amandine, jeune femme aux formes avantageuses. Elle se réveille seule, mais heureuse de revoir sa copine Charlène de retour d'Amérique du Sud. Cette Française revient à Paris pour rencontrer son père. Un père indigne qui a abandonné mère et fille à la naissance. Des retrouvailles sous forme d'enquête policière. Son seul indice : il tient un vidéo-club... En multipliant les personnages et les intrigues entrecroisées, Peyraud transforme sa BD en une sorte de sitcom déjantée, avec rebondissements et fausses pistes à la pelle. 192 pages menées de main de maître et qui pourraient bien se prolonger dans un second tome.
« L'inversion de la courbe des sentiments", Futuropolis, 26 euros

lundi 20 juin 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Paris est définitivement trop loin de la province

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Pourquoi alors proposer à Paris le service de livraison Amazon en une heure ? Le Parisien est-il si fainéant pour ne plus se déplacer ? Car le géant de la distribution en ligne, en plus des bouquins, propose de l'alimentaire et du frais. Bref, avec un peu de wifi et un compte en banque bien approvisionné, on peut rester cloîtré chez soi sans manquer de quoi que ce soit. D'un autre côté, si les Parisiens ne sortent plus, la ville n'en sera que plus agréable pour les touristes.
Toujours à Paris, un nouveau moyen de locomotion va tenter de s'imposer : le scooter électrique en libre-service. Comme les Vélib, sans l'exercice physique. Idéal pour les dépressifs suicidaires prêts à affronter les hordes de 4 x 4 composant l'essentiel du trafic. Le scooter à Paris, en été ça passe. Mais cet hiver, qui osera monter sur des engins ouverts à la pluie et au froid.
Avec un peu de chance, quand ils seront délaissés par les Parisiens, ces engins seront rapatriés chez nous, dans ces villes du Sud qui bénéficient de 300 jours d'ensoleillement par an. Car nous, on n'habite pas à la capitale, mais on est bronzé toute l'année et naturellement.