jeudi 24 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Numéro à vendre, œuvre d'art en construction

Pas content Benoist Apparu. Ancien secrétaire d'État au logement, député et maire de la ville de Châlons-en-Champagne, il se retrouve au centre d'une performance d'artistes locaux, à l'insu de son plein gré.
Les trois artistes, Laurent Boijeot, Sébastien Renauld et Nicolas Turon prennent le politique au mot quand il souhaite, durant la campagne des municipales, « remettre un peu de folie en centre-ville ». Ils impriment des dizaines de panneaux indiquant « A vendre » avec le nom de la société Châlons-Immo et un numéro de téléphone à contacter. Ils les accrochent au hasard, sur des balcons, des grilles et des portes un peu partout dans Reims. C'est tellement bien imité que des centaines de personnes téléphonent pour se renseigner.
Problème, le numéro noté est celui du portable du maire de Châlons qui est rapidement submergé d'appels. Le happening est certes original, mais pas sans conséquence. Benoist Apparu a porté plainte pour violation de vie privée (il a dû changer de ligne) et le parquet a ouvert une enquête.
La police n'aura pas trop à chercher puisque les artistes expliquent leur démarche sur leur site, photos d'installation des panneaux à la clé. Ils n'en sont pas à leur premier coup politique. En janvier, ils ont imprimé et distribué 20 000 tracts annonçant la candidature d'André Rossinot et Jean-Marie Raucsh, anciens maires de Nancy et Reims. La justification de cette démarche : « 200 000 spectateurs, 24 heures d'émotions, enfin du spectacle de rue vivant. » Alors, c'est de l'art ou un tour de cochon ?

mercredi 23 avril 2014

Cinéma - L'écologisme version radicale dans "Night Moves" de Kelly Reichardt

Certains écologistes américains se radicalisent. Récit d'une dérive dans Night Moves.

Dakota Fanning, Jesse Eisenberg et Peter Sarsgaard en plein repérage au bord du lac, lieu de l'attentat.

L'agriculture biologique n'est pas une spécialisation française comme on pourrait parfois le croire. Aux USA aussi il existe des fermes communautaires qui mettent en avant les circuits courts. Josh (Jesse Eisenberg), jeune écologiste, a choisi ce mode de vie. Il travaille dans une exploitation dans l'Oregon, aux nord-ouest du pays. A son petit niveau, il tente de changer les mentalités. Problème, c'est lent, très lent. Et même si une somme de petits projets ont parfois plus d'incidence qu'un gros très médiatique, il cède à la tentation du coup d'éclat. Le film Night Moves de Kelly Reichardt raconte cette prise de conscience, le moment de la décision et l'exécution. Ses dommages collatéraux aussi...

Avec Dena (Dakota Fanning), ils se font passer pour le couple de jeune Américain de base qui veut sa part de rêve. El l'occurrence un hors bord pour faire du ski nautique sur les lacs de la région. Ils achètent le « Night Moves » (Virées nocturnes) en liquide et le rapatrient chez Harmon (Peter Sarsgaard) le troisième larron du petit commando. Il vit dans un mobil-home loin dans la forêt. L'endroit idéal pour préparer le bateau. Le bourrer d'engrais agricole, y glisser trois bâtons de dynamite pour le transformer en bombe flottante. Placé au pied d'un barrage, il détruira cet édifice qui fait des ravages dans la population des saumons.

Action et conséquences
Dans un quasi silence sépulcral, les trois complices travaillent d'arrache-pied pour boucler l'attentat en un week-end. Ainsi le lundi ils retournent tous travailler comme si de rien n'était et s'engagent à ne plus se recontacter. La réalisatrice par de petites touches permet de mieux cerner les trois personnages principaux. Josh, silencieux, torturé, semble le plus déterminé. Le plus insensible aussi, comme si tout était joué d'avance. Dena, le maillon faible, est la bâilleuse de fonds. C'est elle qui achète le bateau et l'engrais. Elle semble résignée. Même avec un barrage en moins elle sait parfaitement que dans 40 ans 90 % des poissons auront disparu par la folie des hommes. Elle sait que l'attentat est inutile, mais elle se sent obligée d'agir. Harmon, ancien marine, est le technicien de l'opération. Dose les explosifs et prépare le détonateur. Son activisme ne l'empêche pas de profiter de la vie. Avec un réel détachement, sans parti pris ni jugement, le film raconte minutieusement avant, pendant et après l'explosion. Un thriller repeint en vert, avec une touche de noir, la mort d'un campeur pris dans les eaux en furie. Une vie humaine, est-ce le minimum du prix à payer ? La belle union des trois va se fissurer avec ce dommage collatéral. La suite du film sera encore plus pessimiste que le début montrant une planète en totale déconfiture.





mardi 22 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Mme Irma va twitter

Encore une étude sur les réseaux sociaux qui fait causer. Après un long travail de recherche et de recoupements, l'université de Virginie aux USA prétend que "l'analyse de tweets géolocalisés permet de prédire 19 à 25 formes de criminalité, en particulier le harcèlement, le vol et certains types d'agressions." Twitter mieux qu'une boule de cristal !
Et les scientifiques de citer cet exemple : si quelqu'un tweete "Je vais me saouler ce soir" et que de nombreuses personnes disent la même chose, il est probable que certaines formes d'infractions associées à l'alcool auront lieu. Terminées les patrouilles de police au hasard dans les rues, il suffit de se connecter sur le réseau social et d'attendre les "signaux" lancés par ces idiots de délinquants.



Une nouvelle catégorie de voyantes ou de marabouts s'engouffreront à coup sûr dans le créneau. Mme Irma 2.0 prédit votre avenir par simple analyse de vos tweets.
Une technique que l'on peut même s'auto-administrer. Le 22 mars 2012, je prenais en photo le compteur de "mon vieux scooter qui aime les comptes ronds" (22 222 km). 22 mois plus tard, je tombe en panne...

Avec un peu de déduction, les messages peuvent se lire à plusieurs niveaux. Quand Nadine Morano poste un selfie pris au Sénégal, je devine le gros coup de soleil à venir. Le tweet de Valérie Trierweiler sur La Rochelle annonçait, deux ans à l'avance, la rupture avec François Hollande et le retour de Ségolène Royal au gouvernement.
Sur ce, je vous laisse. Je vais twitter que j'aimerais gagner au Loto. Ça coûte rien d'y croire...
Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Apprenti pirate à bord du Bohemian Galion


Pour devenir pirate, rien ne vaut l'apprentissage sur le tas. Stan, fils de John-Balthazar Black, terreur de toutes les mers, a tout à apprendre. Son père avait l'intention de le prendre en main mais un imprévu l'en empêche. Black meurt prématurément. La veuve, pour que la volonté de son redoutable défunt mari soit exaucée, décide de mettre en jeu son navire, le Bohemian Galion. Beau parleur et grand mythomane, Issak Red remporte le gros lot. Il est donc chargé de former le jeune Stan. Pour le galion, il devra attendre une année que l'ado soit devenu, comme son père, la terreur des mers. 
Et il y a du boulot car à la moindre contrariété ou forte émotion, Stan a la fâcheuse habitude de tourner de l'œil, voire de vomir tripes et boyaux. Thomas Labourot est au dessin de cette série résolument comique avec cependant un soupçon de fantastique. Principal ressort comique imaginé par le scénariste Maxe L'Hermenier la confrontation entre Stan et la belle et impétueuse Eloïse. Cette BD ne révolutionne pas le genre mais a de sérieux atouts pour plaire à une large majorité d'amateurs de détente sans prise de tête.

« Bohemian Galion » (tome 1), Jungle, 9,95 €

lundi 21 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'illusion Kepler-186f

La semaine dernière une information a fait rêver des millions de personnes. La NASA découvre l'existence de
Kepler-186f, une exoplanète située à un peu moins de 500 années lumière de la Terre. Elle a de quoi faire fantasmer, même dimension, même température. Quasi une jumelle, gravitant autour d'un petit Soleil. Toutes les conditions sont réunies pour l'éclosion de la vie comme sur notre bon vieux globe terrestre. Les chercheurs tentent de vulgariser leurs méthodes de recherche et la NASA diffuse une superbe représentation de la planète en question. On se croirait presque au début d'Avatar, le film de James Cameron. C'est d'ailleurs peut-être le même artiste qui a "imaginé" Kepler.
Car les scientifiques sont formels, si la taille et l'orbite sont connues, la masse et la composition sont encore du domaine de l'extrapolation. Il n'existe pas d'image de Kepler. Les télescopes ne la voient pas, ils déduisent simplement qu'elle existe en détectant "les effets induits (baisse de la luminosité de l'étoile devant laquelle elle passe, oscillations qu'elle engendre etc..)" Cette petite mise au point, je l'ai découverte sur le profil Facebook de Chris Lamquet. Non, il ne travaille pas pour la NASA ni le CNRS. Mais il sait de quoi il parle : Lamquet est un talentueux auteur de bande dessinée belge spécialisé dans la science-fiction.
Donc la belle l'image de Kepler-186f est un attrape-nigaud. Nécessaire cependant pour imager la découverte tant le concept d'espace infini est inaccessible au commun des mortels.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce lundi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Vite, toujours plus vite dans "Paci" de Vincent Perriot


Vous ne verrez pas Pacifique, dit Paci, en short. Normal, il n'a pas spécialement envie que tout le monde voit le bracelet électronique symbole de sa fragile liberté conditionnelle. En attendant d'en être totalement débarrassé, il est conducteur d'engin sur un chantier. Conduire cela le connaît. Avant de passer quelques années derrière les barreaux, au volant, il était le meilleur dans sa spécialité : le go fast. Aujourd'hui il veut tirer un trait définitif sur cette période de sa vie et comme il le dit froidement au juge d'application des peines, «
 je veux trouver un travail qui me permettra juste de bien dormir ». Ce n'est pas l'avis de ses associés qui viennent lui proposent un nouveau coup. Pas évident de rester dans le droit chemin... Ce polar nerveux, mené à 100 à l'heure, est écrit et dessiné par Vincent Perriot avec une mise en couleurs d'Isabelle Merlet. Paci, grand Noir au torse recouvert de tatouages tribaux, est en fait un sage dans une jungle urbaine. Placide dans l'adversité, il semble avoir déjà tout vu, tout subi. La série est prévue en trois tomes. Les deux suivants seront publiés avant la fin de l'année. Vite, toujours plus vite...
« Paci » (Tome 1), Dargaud, 16,95 euros

samedi 19 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Âne au volant



Gros bouchon, hier, sur la RD 673 entre Dampierre et Saint-Vit dans le Jura. La cause ? Une charrette tirée par un âne… Il ne divague pas seul. Son propriétaire l'accompagne. Un artisan, Benjamin Converset de son nom, organise en fait une opération escargot (opération âne aurait été plus juste) contre le problème des retraits de permis. L'artisan vient de perdre ses derniers points. Plus de permis, donc plus de voiture pour se déplacer. Réponse du Jurassien : utiliser une charrette avec un âne. Une grande pancarte explique sa démarche "Je n'ai plus de points, donc plus de permis, mais je dois aller travailler, désolé pour le dérangement". Une telle initiative a bien évidemment remporté un beau succès sur les réseaux sociaux. Tout ce qui touche à la route (et par ricochet aux voitures) interpelle.

Comme le faux radar et le
 "gendarme pisseurde Pierrot Le Zygo installé devant chez lui à Lodève dans l'Hérault. Il réclame des ralentisseurs. Sans réponse des autorités, il installe ces figures en carton et immédiatement tout le monde lève le pied… Mais comme il a croqué le gendarme dans ce qu'il considère comme leur sport de prédilection, le "laisser pisser", la maréchaussée déboulonne l'ensemble. Pierrot, qui a de la suite dans les idées, en installe une nouvelle. Un livreur de pizzas cette fois.
Ces initiatives seront peut-être débattues ce soir au cinéma Castillet à Perpignan à la présentation du documentaire "Tout est permis" de Coline Serreau  sur les stages de récupération de points du permis de conduire. Les propriétaires d'ânes sont les bienvenus.
 

vendredi 18 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Des œufs, une cloche

Nous avons tous des souvenirs de chasse à l'œuf les matins de Pâques. Peut-être est-ce la proximité avec le week-end pascal qui a donné l'idée de sa performance à Milo Moiré, une artiste suisse de 31 ans.

Intitulé "PlopEgg#1", son happening s'est déroulé en début de semaine sur le parvis de l'immense bâtiment accueillant la foire d'art contemporain de Cologne en Allemagne. Entièrement nue (c'est sa marque de fabrique, sa signature artistique...) elle peint une toile avec des œufs de couleur. Pour être sûre d'être remarquée (la nudité ne semble plus être un critère suffisant pour attirer les regards), elle utilise une technique très particulière. Et d'expliquer le plus sérieusement du monde que "pour créer, j'utilise la source originale de la féminité : mon vagin." Juchée sur une échelle, dissimulée derrière un drap blanc, elle "prépare" sa couleur. Puis se place, jambes écartées, au-dessus de la toile posée à plat et "pond" un œuf qui, en éclatant, répand ses nuances.
L'opération est répétée une dizaine de fois et produit un galimatias multicolore. Au final, Milo Moiré plie la toile en deux pour obtenir une forme du genre test de Rorschach. Le résultat ressemble étonnamment à la représentation schématique de l'appareil génital féminin.
Milo Moiré a déjà fait parler d'elle quand elle s'est promenée dans le tram entièrement nue. Elle s'est également filmée, toujours nue, marchant de nuit dans une rue déserte recouverte de 40 cm de neige. Est-ce véritablement de l'art ? Je ne sais pas. Seule certitude : si Pâques est le jour des œufs... c'est aussi celui des cloches. 

BD - Contrat rempli pour les "héritiers" de Jessica Blandy


Gihef au scénario et Renaud au dessin poursuivent l'histoire de Jessica Blandy. La belle romancière imaginée par Dufaux n'intervient pas directement dans cette fausse suite. Le lecteur découvre en fait la cavale meurtrière de deux personnages secondaires de la série mère, le tueur Soldier Sun et sa fille Agripa. Après avoir semé quelques cadavres le long de ces routes américaines si inhumaines, ils se retrouvent dans un petit patelin au milieu du désert. Il y a un shérif ambitieux, quelques ploucs de bases, une riche propriétaire et des dizaines de crotales
Paradoxalement ce ne sont pas ces serpents à sonnettes les plus dangereux de l'histoire, même s'ils sont responsables de quelques morts dans d'atroces souffrances. Soldier Sun n'est pas là par hasard. Il a pour contrat d'éliminer la vieille et riche veuve. Il temporise. Pour se faire oublier. Et aussi car il fait un passage par son lit... Agripa, toujours aussi impulsive, précipite les choses. Cela donne un final dense et surprenant. Le contrat est doublement rempli. Pour les tueurs. Pour les auteurs aussi qui signent un diptyque tout à fait dans l'esprit de la série initiale.

« Crotales » (tome 2), Dupuis, 14,50 €

jeudi 17 avril 2014

Cinéma - La belle et les toiles du film "The Best Offer"

L'art et l'amour s'imbriquent à l'unisson dans The Best Offer, film italien de Giuseppe Tornatore.


Brillant commissaire-priseur depuis des décennies, Virgil Oldman mène une vie quasi monacale. Seul l’art l’intéresse. Cet expert, capable de déceler d’un simple coup d’œil une imitation d’un original ne supporte plus le contact humain. Dans sa vaste maison, silencieuse et déserte, il a une armoire remplie de gants de toutes sortes. Jamais il n’en sort sans avoir auparavant protégé ses mains.

Les dix premières minutes du film de Giuseppe Tornatore montrent le quotidien de ce sexagénaire interprété par un Geoffrey Rush distingué et distant. À vrai dire, il n’est pas très sympathique. Il donne des ordres tranchants à son personnel, maltraite ses assistants, particulièrement les femmes.
Les femmes, il ne peut les voir qu’en peinture. Au propre. Derrière son armoire à gants, il a dissimulé l’entrée secrète de sa salle coffre-fort dans laquelle il accumule les chefs-d’œuvre. Des dizaines de toiles, exclusivement des portraits féminins d’une valeur inestimable.

Automate et faussaire
Ce n’est qu’une fois ce décor planté qu’intervient la mystérieuse Claire Ibbetson (Sylvia Hoeks) et que le film entraîne le spectateur dans un suspense digne des meilleurs thrillers. Mais tout en parlant d’art. Claire veut une estimation des meubles et œuvres d’art stockés dans sa villa. Cette jeune orpheline refuse de sortir de chez elle. Agoraphobe, elle reste cloîtrée dans sa chambre depuis près de 10 ans.
Virgil, intrigué, accepte de se déplacer. En découvrant un engrenage dans la cave, il flaire la trouvaille d’exception. Malgré les sautes d’humeur de la jeune fille, il insiste, notamment pour récupérer d’autres pièces de ce qui pourrait être les restes d’un automate de Vaucanson. Il confie les rouages à un jeune virtuose de la mécanique, Robert (Jim Sturgess). Virgil, tout en rêvant de l’automate, se passionne surtout pour la jeune propriétaire dont il n’a toujours pas vu le visage. Une obsession qui va tourner à l’amour fou. Il tente de la séduire, mais n’a aucune expérience. Il va demander des conseils à Robert, beau gosse qui collectionne les conquêtes. Un vieil homme sans expérience, une jeune femme timide à l’excès : l’histoire d’amour est improbable. Mais tel un dresseur qui apprivoise une bête sauvage, Virgil va gagner la confiance de Claire et même tenter de la soigner.
Loin de n'être qu'une histoire d’amour compliquée, le film de Giuseppe Tornatore parle aussi de contrefaçon et de l’art des faussaires. Ils sont partout et ont souvent le dernier mot.