samedi 28 avril 2012

BD - Redécouvrir l'oeuvre de Will pour les adultes


Le dessinateur Will, après des décennies à animer les aventures de Tif et Tondu (le dernier tome de l'intégrale vient de sortir), a radicalement changé de genre. Sur des scénarios de Desberg, il s'est plongé dans la BD adulte. 

Ses femmes, aux courbes irréelles et si explicites, se dénudaient régulièrement dans « Le jardin des désirs ». Un essai transformé dans deux autres récits repris dans ce copieux album de plus de 208 pages. 

Passant à la couleur directe, il a mis en scène quelques-uns de ses tableaux qui ne quittaient malheureusement pas son atelier. Sensuels et libertins, ces contes modernes n'ont pas pris une ride et le dessin de Will reste le summum de ce qui se faisait dans le style franco-belge.

« Trilogie avec dames », Dupuis, 30 € 

vendredi 27 avril 2012

BD - Courts et violents, seconde dose de Doggy Bags chez Ankama


Seconde livraison de Doggy Bags, revue animée par le scénariste Run. Sous la forme d'un comic, on retrouve dans ces 120 pages trois récits courts ayant en commun érotisme et violence. Le premier, écrit par Ozanam et dessiné par Kieran, est le plus extrême. Elwood, le héros, un Texan attardé, extermine toutes les femmes qu'il croise à coups de pelle, persuadé qu'elles sont une avant-garde d'aliens chargés d'envahir la terre.

La seconde histoire, dessinée par Singelin, se déroule en plein désert. Des néo-nazis espèrent tirer sur des clandestins. Ils tombent sur plus méchant qu'eux.

Enfin, l'histoire du Vol Express 666 de Mathieu Bablet est la plus violente. Elle est pourtant tirée d'un fait divers réel. Âmes sensibles s'abstenir.

« Doggy Bags » (tome 2), Ankama, 13,90 € 

jeudi 26 avril 2012

BD - Amours temporelles entre Steve et Angie d'Antoine Perrot


Finalement, être un spécialiste de la pêche à la mouche quand on se retrouve naufragé temporel à la Préhistoire a du bon. Steve, au moins, ne mourra pas de faim. Enfin s'il arrive à échapper aux grandes dents des nombreux dinosaures se délectant du goût, très nouveau, de la chair des humains. Steve n'est pas seul perdu dans le temps. Il est en compagnie de la charmante Angie. Mais cette chercheuse en cosmétiques n'est pas du tout armée pour faire face à la situation. Steve va donc la prendre sous son aile et les rapports, assez conflictuels dans le premier album, vont s'adoucir dans le second.

Antoine Perrot, le scénariste et dessinateur de cette fantaisie parfaitement dans l'esprit de la collection Poisson Pilote, soigne l'évolution de ce tête à tête. Mais n'en oublie pas pour autant l'autre volet de l'histoire : actuellement et dans le futur, entre chasseurs d'esclaves et paysans décérébrés experts du maniement de la tronçonneuse. Imaginatif, décalé et romantique, un album riche en émotions.

« Steve et Angie » (tome 2), Dargaud, 11,99 € 

mercredi 25 avril 2012

Polar - Règlements de contes, à la moulinette, par Nadine Monfils

Tous plus dingues les uns que les autres, les personnages du roman de Nadine Monfils séduisent malgré leur monstruosité.

Entre polar, thriller sanglant et délire surréaliste, ce nouveau roman de Nadine Monfils confirme l'incroyable talent de cet auteur belge vivant à Montmartre. La littérature francophone privilégie en général les gens « normaux » aux cas sociaux. Chez elle, on retrouve dans ses personnages une outrance rare. Son style a des airs de San-Antonio ou des dialogues d'Audiard. Mais c'est avant tout du Nadine Monfils, totalement barré, un peu poétique et franchement abracadabrantesque.

Les premières pages du roman, d'une façon tout à fait classique, nous permet de faire connaissance avec les différents protagonistes. Nake en premier lieu. Une jeune femme, droguée, capable de se prostituer pour se payer ses doses. Justement elle est en pleine transaction avec un client. Louche le client. Nake lui plante un couteau dans le ventre et déguerpit. Place ensuite à Mémé Cornemuse. Elle décroche haut la main le pompon dans la catégorie iconoclaste. Cette presque centenaire, « espèce de vieille guenon à casquette armée d'un flingue », surprend un couple en pleins ébats dans les dunes. Elle veut participer. Refus de la dame. Pan ! Une balle dans la tête pour la mégère pas partageuse. Mémé Cornemuse revient régulièrement dans le récit, toujours avec des réactions extrêmes et des attitudes libidineuses.

Michou ou Betty ?

Le côté policier du récit est fourni par l'inspecteur Cooper et son coéquipier Jean-Michel. Un vieux flic bourru et un jeune diplômé. Le premier est de la vieille école, le second plus en adéquation avec l'univers de Nadine Monfils. Jean-Michel préfère qu'on l'appelle Michou, a les airs efféminés de l'homosexuel qui s'assume et devient carrément Betty en dehors de ses heures de service. Betty, danseuse dans une boîte de strip tease, qui elle aussi vend son corps pour arrondir les fins de mois. Elle joue aussi à dealer un peu. Notamment à Nake. La boucle est bouclée, les nez bien remplis.

Tous ces fous en liberté évoluent dans la ville imaginaire de Pandore, cité inspirée d'un tableau de Magritte. Pandore a peur. Un tueur en série sévit depuis quelques jours. Il assassine des fillettes ou des jeunes femmes, transforme les scènes de meurtres en reconstitution de contes de Perrault. Après le petit chaperon rouge les fesses à l'air et une patte de chat dans la bouche, c'est le Petit Poucet qui est retrouvé égorgé puis Blanche Neige pas en meilleur état...

Ces crimes mystérieux donnent du fil à retordre à Cooper. Heureusement il reçoit l'aide de Mémé Cornemuse venue renforcer son équipe. Car cette fan d'Annie Cordy – son truc c'est de tchatcher avec un Jean-Claude Van Damme imaginaire - s'impose de force au commissariat et se fait plein d'amis dans la fonction publique en échange de quelques gâteries savamment distillées...

Alors qui est le tueur ? Pourquoi Perrault ? Quel rapport avec Nake qui n'a jamais connu son père ? Mémé Cornemuse parviendra-t-elle à faire changer les orientations sexuelles de Jean-Michel ? Cooper peut-il tomber dans les bras de Betty ? Et qui sont ces hommes à chapeau melon ne sortant que la nuit ? Ce n'est qu'un petit échantillon des nombreuses questions rythmant ce roman gigogne, sans morale mais bardé d'humour. Ubuesque.

« La Petite Fêlée aux allumettes », Nadine Monfils, Belfond, 19 € 

mardi 24 avril 2012

BD - "Mary Kingsley" : une vie d'exploratrice chez Glénat


Nouvelle collection pour les éditions Glénat. « Explora » entraîne les lecteurs dans le sillage des grands découvreurs de notre planète. Des BD dépaysantes et pleines d'aventures. Deux titres pour l'inaugurer : « Magellan » et « Mary Kingsley ». Si le navigateur est mondialement connu, le parcours de l'exploratrice anglaise est plus discret. Après une enfance sage et les dix premières années de sa vie d'adultes à s'occuper de sa mère malade, Mary Kingsley a profité de la mort de ses parents pour partir en Afrique noire.

Seule, en robe victorienne et protégée du soleil par une élégante ombrelle, elle va s'enfoncer dans la forêt équatoriale du Congo. Elle vivra avec les Fangs, une tribu de cannibales. Elle en tirera des livres qui seront des succès de librairie. Dix années durant elle les défendra, étudiera leurs coutumes et tentera de sauver leur civilisation.

Cette vie d'aventure est dessinée par Julien Telo sur un scénario de Mathieu et Dorison. Un dossier historique élaboré par Christian Clot complète la BD.

« Mary Kingsley », Glénat, 14,50 € 

lundi 23 avril 2012

BD - Le dernier rempart ? Super Patriote !


Robert Kirkman, le scénariste de Walking Dead, la série fantastique vedette de ces dernières années, fait aussi dans le super héros. Avec son humour décalé habituel. Pour le dessinateur Cory Walker, il a imaginé des aventures de Super Patriote, un personnage apparu dans les pages de Savage Dragon. Super Patriote est un soldat américain blessé par les nazis, puis soigné et amélioré. Depuis, ses bras bioniques font des ravages dans les rangs des méchants. Mais l'intérêt de cette BD réside surtout dans le côté humain du personnage. 

Super Patriote est le père de Justice, grand benêt encore très gamin et Liberty, une femme de tête résolument indépendante. Le fils est tellement idiot qu'il donne tout son charme à ce comic hors normes. D'autant que Super Patriote n'est pas de bois. Il tombe sous le charme d'une jeune journaliste dont il pourrait être le père... Conséquence, les combats semblent être de simples entractes dans ces histoires de famille contrariées.

« Super patriote » (tome 1), Delcourt, 14,95 € 

dimanche 22 avril 2012

BD - Le Spirit, Doc Savage, Batman : Héros de légende dans "First Wave"


L'extraordinaire richesse du monde des comics américains permet toutes les combinaisons possibles. Exemple avec « First Wave », série écrite par Brian Azzarello et dessinée par Rags Morales et Phil Noto. Il s'agit de narrer la rencontre entre trois légendes de la BD US : Doc Savage, Batman et The Spirit. 

Si Doc Savage est déjà l'homme de bronze, implacable, droit et quasiment sans défaut, Batman n'est pas encore au faîte de sa gloire. Le jeune super héros se cherche encore. Il semble déjà désabusé, comme submergé par l'ampleur de sa tâche. Quant au Spirit, le « justicier masqué » imaginé par Will Eisner, il est fidèle à sa légende, dilettante mais vite énervé. Le Spirit, revenu d'entre les morts, ancien flic, devenu gardien de cimetière et justicier la nuit. 

Le trio dans ce premier tome composé de quatre histoires, va se trouver mêlé à un trafic de cadavre et affrontera de redoutables mercenaires. Machination et action vous sautent au visage au fil de ces 136 pages nerveuses.

« First Wave » (tome 1), Ankama éditions, 14,90 € 

samedi 21 avril 2012

BD - Les politiques du pire dans « Sarkolanta » chez Jungle


Vous n'êtes pas sans savoir que 2012 est une année électorale. La présidentielle a suscité pléthore de livres, des plus sérieux aux plus drôles. Dans cette dernière catégorie, « Sarkolanta, les naufragés » est très réussi. Les auteurs ont imaginé le crash d'un avion sur une île déserte. A son bord toute la classe politique française. Face à l'adversité, chacun va réagir en fonction de ses opinions politiques. 

Les ficelles sont parfois grosses, mais on rit bien quand même. Honneur au sortant (et au plus facile à caricaturer) : Sarkozy se taille la part du lion dans ce recueil de gags et d'histoires courtes. Il est vrai que l'imaginer dans une nature hostile, sans gardes du corps et militants à son service, est en soi une incroyable fiction. Et les piques sont légion au fil des pages, comme quand il se met à boiter : « cheville foulée, je n'ai plus l'habitude de marcher sans talonnettes... »

François Hollande en prend aussi pour son grade, d'autant qu'il doit de nouveau cohabiter avec une Ségolène Royal toujours aussi déjantée. Gaston (scénario) et Bart (dessin) dépoussièrent la BD politique.

« Sarkolanta », Jungle, 10,45 € 

vendredi 20 avril 2012

Thriller - "Saigne pour moi" : manipulateurs et tueurs

Certains meurtriers, avant de passer à l'acte, ont besoin de dominer leur victime. Des manipulateurs décrits dans ce thriller de Michael Robotham.


Période critique s'il en est, l'adolescence est également le moment de tous les dangers. Esprit rebelle mais aussi malléable. Certains l'ont parfaitement compris. Des prédateurs, manipulateurs, parfois violeurs et tueurs. Ils sont d'autant plus dangereux qu'ils cachent parfaitement leur jeu. Dans ce cas, seul un fin psychologue saura déceler leur véritable personnalité. Un expert comme Joe O'Loughlin, le héros de « Saigne pour moi », un thriller signé Michael Robotham.

Joe, en instance de divorce, conserve de très bonnes relations avec sa femme et ses deux filles. Emma, la petite dernière et Charlie, une adolescente de plus en plus secrète. Elle se confie beaucoup plus à sa meilleure amie, Sienna, qu'à ses parents. Sienna passe souvent la nuit chez Charlie. C'est donc naturellement là qu'elle vient se réfugier quand elle découvre son père mort, égorgé, dans sa chambre. Sienna devient la première suspecte quand la police apprend que son père abusait d'elle.

Personnages complexes

Certes elle le détestait, mais elle crie son innocence. Elle a vu quelqu'un s'échapper de la chambre. Et paniquée a pris elle aussi la fuite. Joe est bien le seul à la croire. Mais il connait bien cette jeune fille. Le soir même, en compagnie de Charlie, c'est lui qui l'a raccompagnée à la sortie de l'école. Sienna et Charlie, inséparables, participent toutes les deux à la comédie musicale de fin d'année. Elles sont presque en compétition pour le premier rôle. Ce sera le professeur d'art dramatique, Gordon Ellis qui aura le dernier mot. Tout est remis en cause avec le drame touchant Sienna. Cette dernière craque et tente de se suicider. Pour la police, cela a presque valeur d'aveu...

Toute la force de ce thriller est dans la minutie prise par Michael Robotham à dresser les portraits des différents protagonistes. Chaque personnage est criant de vérité. Multiple aussi. Chez cet auteur américain, résidant en Australie et dont les romans se passent en Angleterre, le manichéisme est une pure invention de l'esprit. L'humain est complexe. Très complexe.

Joe par exemple, malgré sa formation de psychologue, est au bord du gouffre. Il souffre de la maladie de Parkinson, parvient de moins en moins à contrôler son corps. Résultat il a les nerfs à vifs. Quand quelqu'un prétend être l'amant de sa fille, il réagit avec brutalité.

La commissaire qui mène l'enquête est elle aussi peu banale. Grosse, négligée et ouvertement homosexuelle, elle est pourtant une parfaite meneuse d'hommes. On rencontre également au fil de l'intrigue un militant d'extrême-droite suspecté d'avoir mis le feu à un bâtiment abritant des immigrés, une conseillère d'orientation sexy et provocante, un ancien flic porté sur la bouteille mais toujours prêt à rendre service et le mystérieux « pleureur », un homme taciturne avec des larmes tatouées sous les yeux.

Richesse des personnages, richesse des rebondissements : le lecteur en a pour son argent. Et surtout il est happé par cette enquête, de plus en plus inquiet, aux côtés de Joe, pour ces adolescentes, proies si faciles pour ce prédateur et manipulateur qui n'en est pas à son coup d'essai.

« Saigne pour moi », Michael Robotham, Lattès, 22,50 € 

jeudi 19 avril 2012

BD - Soldats de la liberté dans "Airborne 44" de Jarbinet


La Normandie, été 1944. Les forces américaines viennent de débarquer. Les pertes sont considérables. Les Allemands jettent leurs dernières forces dans la bataille. Ils savent qu'en cédant la France, c'est toute la guerre qu'ils sont en train de perdre. Philippe Jarbinet, loin du récit didactique, nous fait vivre cette offensive de l'intérieur en suivant un soldat, Gavin, et la femme qu'il aime, une Française engagée dans la Résistance, Joanne. 

Une histoire d'amour comme pour mieux faire passer ces dizaines de morts et de blessés, exorbitant prix à payer pour la liberté. Avec au final un hymne sincère pour l'Europe, la paix et la tolérance. Une BD pour ne pas oublier, garde-fou contre la folie de certains hommes.

« Airborne 44 » (tome 4), Casterman, 11,95 €