lundi 2 avril 2012

Thriller - Les maladies de l'Afrique dans "Les fantômes du delta" d'Aurélien Molas

Plongée dans l'Afrique contemporaine, celle des famines, des réfugiés, des politiques corrompus et des humanitaires avec « Les fantômes du delta ».

Une catastrophe écologique et humanitaire est en cours en Afrique. De tous les pays à l'agonie, le Nigeria a pourtant nombre d'atouts. Mais l'exploitation à outrance de ses richesses, naturelles et humaines, condamne ce géant. Ce cauchemar est au centre du second roman d'Aurélien Molas, jeune écrivain français. « Les fantômes du delta » plonge le lecteur dans cette Afrique où vivre est parfois si compliqué que la mort fait figure de délivrance, presque de chance. Remarquablement documenté, ce thriller suit le parcours de Benjamin, médecin français et Megan, infirmière américaine. Après des vies chaotiques dans leurs pays respectifs, ils ont fait le choix de l'humanitaire. Pour Médecins sans frontières, ils tentent de parer au plus pressé face à une catastrophe humanitaire sourde et implacable.

Pollution et misère
Le Nigeria souffre de sa richesse en pétrole. Le delta du Niger est surexploité. Des dizaines de plateformes pour extraire cet or noir pouvant se transformer en cauchemar. Les fuites incessantes ont transformé cette zone humide en véritable bouillon de culture invivable. C'est dans ce delta, là où les pêcheurs ne peuvent plus attraper que des cadavres de poissons, que la rébellion a pris naissance. Le MEND (Mouvement d'émancipation du delta) réclame une meilleure répartition des richesses. Et pour se battre efficacement, il faut des fonds.

Le roman débute par une opération commando dans un hôpital. Alors que Benjamin est en train de faire une inspection des conditions de vie des enfants, des hommes armés investissent les lieux. Ils sont à la recherche d'une petite fille, Naïs, supposée leur rapporter des millions de dollars.

Une fillette que Benjamin avait rencontré quelques minutes plus tôt, dans une chambre à l'écart. « Ses yeux noirs le fixaient avec une intensité peu commune chez une enfant de cet âge ». « Il remarqua la perfusion dans son bras et l'appareil à dialyse rangé dans un coin de la chambre ». Benjamin est intrigué par cette enfant qui a épinglé sur le mur ses dessins. « Quelque chose de malsain suppurait de ces gribouillis, comme si les émotions emprisonnées sous les traits figés de la fillette avaient jailli pêle-mêle sur le papier avec une brusquerie hystérique. » Durant quelques semaines, Benjamin va vivre près de Naïs car il est enlevé avec elle par les révolutionnaires. C'est un des attraits de ce roman, sans temps mort, mais se permettant quand même d'approfondir les profils psychologiques des différents personnages.

Camp de réfugiés
Megan, intervient en cours de roman. Elle a quitté son confort américain pour tenter de donner un sens à son métier d'infirmière. Pour oublier ses plaies aussi. Quand elle débarque dans ce camp de réfugiés, le décor est encore plus abominable qu'elle ne le redoutait. « Le choc fut violent, bien plus intense que ce qu'elle avait imaginé. Et durant les dix premières minutes, Megan se demanda si sa venue en Afrique n'était pas sa plus grande erreur. » Mais la demande et l'attente des populations locales sont tellement grandes que le temps du doute ne dure pas longtemps. Et Megan aussi va croiser la route de Naïs, clé de voute de ce roman. Son secret la transforme en gibier pourchassé par plusieurs équipes de mercenaires prêts à tout pour la « vendre » au plus offrant.

Ce thriller est de la veine de ceux qui vous captive du début à la fin. Une fois ouvert, vous ne pouvez plus quitter ce delta, cette lutte pour la vie. Naïs et ses secrets vous fascinent. Benjamin et Megan, écorchés de la vie vous touchent. Et même les « méchants » aux parcours si complexes sont une raison supplémentaire de dévorer ces 500 pages d'une traite.
« Les fantômes du delta », Aurélien Molas, Albin Michel, 22 euros

jeudi 29 mars 2012

BD - "Bonneval Pacha" un étonnant ancêtre


Le nouvel album de Gwen de Bonneval (Messire Guillaume, Gilgamesh) est directement inspiré de la vie de sa famille. Mais il ne s'agit pas d'autofiction. Il a trouvé beaucoup plus intéressant dans ses ancêtres. Le Bonneval Pacha a véritablement existé et c'est son histoire qui est au centre de cet album dessiné par Hugues Micol. 

Un premier tome qui explique comment ce noble français du 17e siècle, après une belle carrière dans la marine militaire, s'est exilé et est devenu, en Turquie, un Pacha. Une vie d'aventures, de duels et de séduction qui a longtemps alimenté l'imaginaire de la famille du scénariste. Peut-être est-elle même à l'origine de sa vocation...

« Bonneval Pacha » (tome 1), Dargaud, 13,99 € 

mercredi 28 mars 2012

BD - Les redresseurs du temps de Kris et Duhamel



Depuis Valérian, rares étaient les auteurs de BD ayant osé affronter les paradoxes temporels. Kris au scénario et Bruno Duhamel au dessin ont relevé le défi, se consacrant uniquement aux méandres de l'Histoire sur terre. Dans un futur d'autant plus difficile à définir qu'il est très aléatoire, les Brigades du temps sont chargées d'empêcher toute déviation de la grande histoire de l'Humanité.
Le premier tome débute par l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Mais à peine un pied posé sur la terre ferme du Nouveau Monde, il est criblé de flèches. Finalement, l'Amérique ne sera pas découverte. Une altération du temps à corriger immédiatement. Sont envoyés dans le passé les deux héros : Montcalm Stuart, tout juste diplômé de l'université Ukronia et Kallaghan Dagobert, un vieux de la vieille.
Humour, aventure, imagination : une série plus que prometteuse.

« Les Brigades du temps » (tome 1), Dupuis, 10,45 €

mardi 27 mars 2012

BD - Pacco, père à mi-temps dans « Une semaine sur deux »

Maé est une petite fille heureuse et comblée. Certes, chaque semaine son cœur se brise, mais le reste du temps elle profite pleinement de son statut de fille unique de parents divorcés ayant opté pour la garde alternée. Pacco, le créateur de la série est donc ce papa « Une semaine sur deux ». Il raconte dans des gags et histoires courtes cette vie branchée sur courant alternatif. Le calme des semaines de solitude, la tornade provoquée par la présence de Maé.
De l'humour mais aussi de la gravité dans ces instantanés de la vie familiale, typique des années 2000. Et au final, on se dit que Maé, malgré cette situation anormale, sera doublement une enfant équilibrée, heureuse et ouverte. Quant à Pacco, s'il n'est pas le meilleur papa du monde, il permettra à des milliers d'hommes de se reconnaître un peu dans ses doutes, enthousiasmes et renoncements.

« Une semaine sur deux », Fluide G., 14 €

lundi 26 mars 2012

BD - Les racines noires de l'héroïne de « L'appel des origines » de Callède et Séjourné



Changement complet de cadre et de décors pour le second tome de la série « L'appel des origines » de Callède (scénario) et Séjourné (dessin). Anna, l'héroïne métisse, après des aventures au cœur du Harlem des années 20, est cette fois au centre d'une intrigue se déroulant dans la savane africaine. Anna, découverte par Simon, producteur, est engagée comme actrice dans un grand film tourné en décors naturels. Cette expédition au Kenya a plusieurs objectifs. En plus du film qui pourrait être un succès planétaire, Anna tente de retrouver son père, un chasseur blanc disparu quelques années auparavant en pleine expédition. Une expédition de scientifiques qui auraient découverts les vestiges de la présence de l'homme en Afrique remettant en cause toutes les certitudes de l'époque.

Un récit un peu trop romantique (Anna est d'une grande beauté qui ne laisse personne insensible) rattrapé par des dessins d'une extraordinaire beauté. Joël Callède ne fait que des crayonnés, comme pour garder la puissance et la finesse de son trait mis en couleurs par Jean Verney.  
« L'appel des origines » (tome 2), Vents d'Ouest, 13,90 €


dimanche 25 mars 2012

BD - « Sian Loriel », la mécanique guerrière



Sian Loriel est un mercenaire, un soldat se vendant au plus offrant. Il manie parfaitement l'épée et combat dans une armure mécanique le transformant en géant d'acier. Une armure qui, telle une mécanique de précision, a besoin d'un servant pour l'entretenir, voire la dépanner en pleine bataille. La tâche incombe à Cass, une orpheline déguisée en homme. Elle est amoureuse de Sian. Lui est totalement insensible, uniquement intéressé à améliorer sa technique guerrière. Dans ce monde imaginaire, entre mécanique triomphante et magie ancestrale, la lutte pour le pouvoir fait de nombreuses victimes. C'est le ressort principal de l'intrigue de Benoit Attinost, grand spécialiste de jeux de rôles. Un premier tome plein de bruit et de fureur dessiné par Mauro de Luca, un Italien passé par Panini, Disney et la conception de décors de théâtre. Il s'était déjà fait remarqué en France avec son adaptation de Soltrois d'après le roman de Julia Verlanger. Avec Sian Loriel, il marque de nouveaux points. Ses guerriers sont spectaculaires, tout comme les machines qui leur permettent de combattre à l'abri derrière de redoutables plaques d'acier.
« Sian Loriel » (tome 1), Le Lombard, 14,45 €

samedi 24 mars 2012

BD - Algérie, première révolte dans les "Leçons coloniales" de Azouz Begag et Defali



Fin 44, le gouvernement français a décidé de scolariser tous les Français musulmans d'Algérie. Une décision politique très mal vue par les colons. Cet album de BD, écrit par Azouz Begag, écrivain et ancien ministre de Dominique de Villepin, et dessiné par Djillali Defali raconte la courte expérience d'une jeune institutrice pleine d'idéal. Marie arrive de métropole. Elle prend son poste à Sétif, dans l'arrière-pays. 
Cette femme seule, osant enseigner des rudiments d'arabes aux enfants de colons, est rapidement prise en grippe par la communauté pieds-noirs. Mais forte de la loi, elle insiste. Alors que la libération de la France donne des idées aux Algériens, dans sa classe, Marie constate que les élèves musulmans sont de plus en plus nombreux. Ils deviennent même majoritaires quand les parents européens décident de retirer leurs enfants en signe de protestation. Le 8 mai 45, une manifestation en faveur de l'indépendance dégénère. L'école détruite, Marie préfère rentrer en France, amère, déçue.
Sans manichéisme excessif, Azouz Begag a certainement puisé dans les souvenirs de ses parents, ouvriers agricoles à Sétif, pour raconter cette étape, une des premières dans les désirs d'indépendance de l'Algérie.

« Leçons coloniales », Delcourt, 16,95 €

vendredi 23 mars 2012

BD - Tout l'or de l'Afrique convoité dans "L'expédition" de Marazano et Frusin



L'Afrique, avant d'être ce continent affamé et spolié de toute part, a été une terre mystérieuse, théâtre des plus grandes aventures humaines. « L'expédition » écrite par Richard Marazano et dessinée par Marcelo Frusin se déroule en 719. A Thèbes, l'empire romain est malmené de toute part. Il lui faut encore et toujours chercher de nouveaux territoires à conquérir, de nouvelles richesses pour maintenir sa puissance. L'arrivée en barque d'un Nubien, mort, le corps chargé de bijoux en or, donne des idées à Caïus Bracca, un centurion. Il monte une expédition pour aller au delà des sources du Nil, à la recherche de cette civilisation si riche.
C'est Marcus Livius qui prend la tête de la colonne formée d'une dizaine de mercenaires. Ils devront affronter les tempêtes de sable du désert, les longues traversées sous un soleil de plomb, les maladies et les attaques. Finalement ils se retrouvent au cœur d'une forêt vierge et vont enfin approcher du but.
Cette série prévue en quatre tomes est d'une redoutable efficacité. Scénario sans temps mort, entre formation de la troupe, progression difficile et tension entre ses membres. Le dessin de Frusin, académique et détaillé, montre des soldats dans toute leur noirceur d'âme.

« L'expédition » (tome 1), Dargaud, 13,95 €

jeudi 22 mars 2012

BD - Le pouvoir des jumeaux baigne de fantastique « Geminis Panico » de Cepo et Martinez



Dans un monde imaginaire, entre ruine et chaos, un savant fou, au service d'un pouvoir dictatorial, fait de véritables rafles parmi les derniers enfants de la population. Il leur fait passer des tests psychiques. S'ils réagissent positivement, il les garde pour ses expériences. Sinon, ils sont éliminés, inutiles et en sachant trop. Pour mener les tests, c'est une femme qui est derrière les pupitres : le docteur Wallen qui tente de sauver le plus d'enfants possibles, quitte à trafiquer les résultats. Elle ne sait pas exactement la teneur des expériences, mais au moins ils ont une petite chance de survivre. Dans la dernière cargaison débarquée dans le sinistre château, elle repère deux jumeaux, Yvan et Maria. Ils ne réagissent pas du tout mais Wallen fait le nécessaire pour qu'ils partent avec les autres gamins. Là, on saura enfin en quoi consistent les expériences et finalement, la mort semble douce à côté. Mais la particularité des jumeaux va mettre en péril la grande œuvre du savant.
Un conte fantastique magnifique et terrifiant de Robert Cepo et Stéphane Martinez, passés par l'animation, notamment dans les sociétés de production de Luc Besson.

« Geminis Panico » (tome 1), Glénat, 13,90 €

mercredi 21 mars 2012

BD - Rouge désespoir pour la vie de "Garance" imaginée par Mauricet


Garance est une adolescente mal dans sa peau. Un peu grosse, rêveuse, triste. Elle a tendance à s'habiller gothique, sort avec une copine, couche parfois avec elle, mais espère toujours de rencontrer le grand amour. Un prince charmant si possible. Garance est la première incursion de Mauricet (Cosmic patrouille, Basket Dunk) dans la BD fantastique réaliste. Une réussite tant au niveau dessin que pour l'histoire. Tout commence quand Thôt, le chat de Garance disparaît. Elle distribue dans le quartier des affichettes avec son numéro de téléphone. Un soir, en cherchant le matou, elle pénètre dans un cimetière et tombe en arrêt devant le mystérieux Ambroise, parlant aux statues des stèles mortuaires. Bien qu'il soit presque aussi vieux que son père, Garance tombe sous le charme de cet homme hors du temps. C'est lui qui ramènera Thôt chez Garance. Mais c'est aussi la seconde fois qu'elle est confrontée à la mort. La première c'était aux obsèques de sa mère. Elle n'était qu'une petite fille. Garance si attachante, si fragile. Ses cauchemars vont-ils cesser ? A moins qu'ils ne deviennent réalité avec Ambroise. On tombe sous le charme de Garance dans la première partie de ce diptyque atypique.

« Garance » (tome 1), Bamboo, 13,90 €