lundi 17 juin 2024

Littérature italienne - « Les règles du mikado » pour apprendre à vivre caché

Un homme, une femme, la montagne. L’écrivain italien Erri De Luca va au plus simple dans ce roman, sorte de conte philosophique au ton doux-amer. 

Certains jeux de société sont parfaits pour comprendre la vie en société. Les échecs sont les plus connus. Pourtant, selon Erri De Luca, on est mieux préparé si on intègre parfaitement les règles du mikado. Loin d’être un simple jeu d’adresse, il faut en réalité anticiper et se cacher pour être celui qui, au final, enlèvera le bâton noir.

Avant de jouer, les deux personnages de ce roman vont apprendre à se connaître. Il y a un vieil homme, un ancien horloger, très riche, qui passe ses nuits sous une simple tente plantée dans la montagne italienne, à quelques encablures de la frontière. Une nuit, une jeune femme pénètre dans la tente. Pour se cacher. C’est une gitane. Elle craint sa famille. Les policiers aussi. Comme deux animaux sauvages, ils vont se renifler longuement, presque s’apprivoiser l’un l’autre.

Composée essentiellement de dialogues, cette première partie est percutante. La fille fuit un mariage arrangé. L’homme, qui est lui-même originaire de l’Europe de l’Est, lui explique qu’elle a choisi l’exil. « J’ai choisi de ne pas me marier » explique-t-elle. «Le reste, je ne choisis pas, je l’affronte. Le monde est vaste et je trouverai bien un endroit. » Le vieux va secourir la jeune. Comme un éternel recommencement car ce n’est pas la première personne que l’ancien horloger aide dans la montagne. On apprendra pourquoi dans la dernière partie du roman. Et alors les règles du mikado deviendront limpides pour le lecteur. La finalité des parties. Pourquoi le vieillard est si bon, pourquoi il décide, du jour au lendemain de ne plus jouer, de léguer les bâtons à la jeune gitane en cavale.

Un roman qui fait du bien en ces temps troubles où rares sont ceux qui ont un idéal. Encore moins ceux qui osent aller vers les inconnus. Avec, disséminés entre les scènes, quelques vérités comme cette constatation de l’horloger : « J’ai plus d’années que de kilos. Les vieux doivent être légers » ou celle très actuelle : « La guerre anéantit, dévore, et une fois commencé elle n’a besoin d’aucune cause. »

« Les règles du mikado » d’Erri De Luca, Gallimard, 160 pages, 18 €

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