En 1629, des navires de la VOC (Compagnie hollandaise des Indes orientales) quittent l’Europe. Dans la flotte, le Jakarta, avec 300 personnes à bord et une énorme quantité d’or, change de cap. Jéronimus Cornélius, le second, mène une rébellion. Le Jakarta fait naufrage, une partie de l’équipage et des passagers trouve refuge sur des îlots rocheux. Le capitaine tente de rejoindre Java pour y trouver de l’aide.
Cette histoire vraie, racontée par Xavier Dorison, est illustrée par Thimothée Montaigne. Le second et dernier tome, de plus de 140 pages, raconte la survie sur ces îles démunies de toute ressource. Cornélius, avec sa bande, va rapidement éliminer toute opposition et imposer sa loi. Seule Lucrétia Hans, une jeune femme téméraire, ose lui tenir tête.
Dans ce décor minéral entouré d’eau, le dessinateur parvient à varier sans cesse les angles et points de vue. La tension, la peur puis l’horreur sont retranscrites avec brio dans des planches fourmillant de détails.
Un long cauchemar qui reste comme un des pires naufrages de l’histoire de la marine à voile. « 1629 ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (tome 2), Glénat, 144 pages, 35 €
“Leurs enfants après eux”, film des frères Boukherma, raconte l’amour destructeur de deux adolescents dans la France des années 90.
Tiré du roman de Nicolas Mathieu, prix Goncourt en 2018, ce film, sans doute un poil trop long, restera dans les mémoires pour quelques scènes d’une formidable virtuosité. Celle de la piscine, de la moto en feu ou du slow durant le bal du 14 juillet 1998 sur la chanson iconique de Francis Cabrel, Un samedi soir sur terre où il parle d’une « histoire d’enfant, une histoire ordinaire ». C’est le résumé très succinct de Leurs enfants après eux, nouveau film des toujours inattendus frères Boukherma.
Après avoir tâté de l’horreur pure avec Teddy (entièrement tourné en Vallespir dans les Pyrénées-Orientales et sorti en 2020), puis de la comédie sanguinolente avec L’année du requin, ils osent la grande saga familiale romantique et sociale.
Est de la France, dans ce bassin sidérurgique sinistré après la fermeture de toutes les aciéries, Anthony (Paul Kircher), 14 ans au début des années 90, s’ennuie comme un rat mort. Le grand ado, aux cheveux longs et rebelles, un peu lunaire et rêveur, sous un blouson de cuir, cache un romantique à la recherche du premier amour. Il est persuadé de le croiser au bord d’un lac.
Steph (Angelina Woreth) bronze avec une amie. Elles invitent Anthony et son cousin à une soirée. Pour s’y rendre, ils empruntent la moto du père, Patrick (Gilles Lellouche). Au petit matin, en plus d’avoir été repoussé par la jeune fille, Anthony découvre que la moto a été volée. Sa vie va alors basculer vers la violence et la vengeance.
Radiographie rigoureuse d’un milieu social gangrené par la crise, le film conserve une grâce innée en suivant la relation, compliquée mais si belle, entre Anthony et Steph. En contrepoint, on retrouve la montée du racisme, la délinquance (Raphaël Quenard au top dans un petit rôle de fou furieux cultissime) et la parenthèse enchantée de 1998 et de l’épopée de l’équipe de France Black blanc beur.
Côté distribution, les jeunes comédiens sont touchants de sincérité, alors que Ludivine Sagnier et Gilles Lellouche apportent plus de complexité en interprétant ces parents dépassés par les événements mais prêts à toutes les compromissions pour aider leur fils unique. Notamment le père, alcoolique, violent, colérique, incapable de trouver les bons mots pour expliquer combien il aime sa famille. Gilles Lellouche propose une prestation haut de gamme qui ne peut laisser personne de marbre.
La mode est aux comédies gentilles et familiales. Et dans le genre, Super Papa de Léa Lando avec Ahmed Sylla dans le rôle du père moderne n’est pas loin du mètre étalon. Tom adore son fils Gaby (Ismaël Bangoura). Pour lui faire plaisir, il lui offre un livre aux pages blanches.
Un livre magique, qui peut réaliser les rêves du petit garçon s’il les écrit en détail. Reste ensuite au papa débrouillard à réaliser ces rêves. Une comédie familiale qui sort en DVD opportunément avant les fêtes (cadeau !) chez M6 Vidéo, dans l‘air du temps et donnant l’occasion à Ahmed Sylla de conforter son personnage d’humoriste bienveillant et pote avec tout le monde.
Des pieuvres géantes, devenues mystérieusement intelligentes, menacent la suprématie des hommes. Un thriller scientifique signé d’un expert en la matière : Xavier Müller.
Jamais plus vous ne vous régalerez de petits poulpes grillés sur une plancha après avoir lu Octopus, thriller de Xavier Müller. S’il est compliqué de s’identifier à une pieuvre, c’est pourtant un des animaux les plus intelligents sur Terre, après les humains. On découvre dans ce roman comment, en très peu de temps, tous les animaux ont développé une super intelligence. Cela bouscule l’ordre des choses. Notamment pour les plus doués d’entre eux.
Singes, dauphins, mais aussi pieuvres. Et cet éveil donne l’occasion à des poulpes géants, ordinairement cantonnés au fond de leurs grottes sous-marines au fond de l’océan, de vouloir découvrir le vaste monde. Des animaux gigantesques, de 30 mètres de long, pesant une bonne tonne et aux puissants tentacules.
La confrontation de ces krakens avec les humains est inéluctable. D’autant qu’ils sont très curieux : « tout ce qui était anormal piquait sa curiosité. Nombre de ses congénères se seraient enfuis dans les tréfonds de l’océan, mais ce n’était pas son tempérament. Au contraire, il avait le goût du risque. Aller au-devant des problèmes lui procurait des ondes de plaisir qui remontaient tout le long de ses tentacules. »
Pour essayer de comprendre ces animaux, l’armée américaine fait appel à Margot Klein, une scientifique française experte en langage des animaux. C’est elle qui va tenter de décrypter le langage des poulpes, tenter de comprendre s’ils sont amicaux ou agressifs.
Une belle parabole sur la tolérance, la compréhension de l’autre et l’acceptation des différences. Tout en restant un roman d’action palpitant aux multiples rebondissements.
Avant de s’illustrer à la télévision, Thierry Ardisson a créé beaucoup de publicités. Il revient sur cet âge d’or, quand un spot devenait source de discussion autour de la machine à café. Avec Anne Saint Dreux, Ardisson revient sur les grands succès publicitaires du siècle dernier.
De l’utilisation des célébrités de l’époque pour promouvoir une marque (Alice Sapritch et Jex Four) aux musiques emblématiques (Belle des champs de Gotainer) en passant par les mannequins (Myriam, qui a enlevé le haut et le bas sur des affiches Avenir), c’est toute une épopée nostalgique qui est retracée par les auteurs.
« L’âge d’or de la pub », Thierry Ardisson et Anne Saint Dreux, Édition du Rocher, 144 pages, 17,90 €
Amateurs de nouvelles noires, Le pire des Noëls va vous plaire. Ce recueil propose 21 textes inédits signés des meilleurs auteurs français actuels. Leur point commun : ils font partie de la Ligue de l’Imaginaire, un collectif qui veut promouvoir et défendre les littératures de l’imaginaire. Parmi les signatures, on retrouve Bernard Minier, Frank Thilliez, Maxime Chattam, Olivier Bal ou Olivier Norek.
Mais en plus de découvrir des pères Noëls retors et des réveillons horribles, vous aiderez également l’association Le rire médecin. Car une partie des droits de ce livre permettront de soutenir l’action de cette association qui organise des spectacles de clowns dans les hôpitaux.
« Le pire des Noëls », Le Livre de Poche, 240 pages, 7,90 €
L’Occitanie regorge de célébrités. Certaines ont marqué l’Histoire. D’autres se sont perdues dans les limbes. Georges-Patrick Gleize propose dans ce recueil le destin d’une cinquantaine d’hommes et de femmes qui ont compté mais qui désormais font partie de la cohorte des oubliés. L’Aude et les Pyrénées-Orientales en fournissent un joli bataillon. Qui se souvient, à part les Narbonnais, de Benjamin Crémieux, écrivain mort en déportation ou de Jean Danjou, militaire de Chalabre qui a marqué le corps de la Légion étrangère.
Côté Catalan, Eloi Pino, de Saint-Laurent-de-la-Salanque est plus célèbre à Djibouti quant à André Marty, communiste réfractaire, sa vie n’aura été qu’un long combat contre l’appareil du parti. « Les oubliés de l’Histoire en Occitanie », Georges-Patrick Gleize, Le Papillon Rouge, 264 pages, 21,90 €
Lancée il y a dix ans par les éditions Pocket pour soutenir les Restos du cœur, l’opération 13 à table se poursuit avec de nouveau des nouvelles signées par de grands écrivains français. Un livre acheté, ce sont 5 repas de financés. Cette année, sous une couverture de Catherine Meurisse célébrant l’union qui fait la force, on retrouve au sommaire du recueil des nouvelles tournant autour du thème : dans le même bateau.
Au générique en cette année 2024 14 auteurs aux styles très diversifiés comme Sandrine Collette, Lorraine Fouchet, Karine Giebel, Raphaëlle Giordano, Christian Jacq, Marie-Hélène Lafon, Alexandra Lapierre, Marc Levy, Marcus Malte, Agnès Martin-Lugand, Étienne de Montety, François Morel, Romain Puértolas et Jacques Ravenne. « 13 à table », Pocket, 240 pages, 5 €
Toute enquête policière sur une affaire d’homicide passe par une autopsie. Le personnage principal de cette nouvelle série écrite par Antoine Tracqui et dessinée par Follini et Antiga est Jennie Lund, une jeune médecin légiste à l’institut médico-légal de Göteborg en Suède.
À peine formée, elle doit s’occuper d’une affaire particulièrement sensible et sordide. Dans les bois, des randonneurs ont découvert un homme crucifié sur un arbre. Le tueur lui a coupé les jambes, les bras, le sexe et a retiré ses yeux. A ses pieds, des bouts de chair forment comme un message en langage ancien. D’autres cadavres sont découverts et l’enquête est confiée à l’oncle de Jennie.
Dans des paysages enneigés, entre salle d’autopsie sinistre et lieu de massacre horrifique, l’action est racontée par Jennie, beaucoup plus impliquée qu’elle le croit dans une affaire aux effets dévastateurs. A ne pas mettre entre toutes les mains certaines scènes étant particulièrement gore. « Autopsie » (tome 1), Oxymore Éditions, 64 pages, 15,95 €
Pour attraper les méchants, il y a les policiers mais aussi les détectives privés. Un grand classique dans la littérature et BD américaine, revisitée par deux scénaristes de talent : Jeff Lemire et Matt Kindt. Ils ont imaginé les péripéties de ce Cosmic Detective dans un futur lointain et ont demandé à l’Espagnol David Rubin de traduire le récit en superbes planches.
Ce détective, qui travaille pour une agence non officielle, arrive sur la scène d’un crime avant la police. Pour la première fois de sa carrière, il constate que la victime n’est pas un humain mais un… Dieu. Dans cet univers, ces êtres supérieurs, prétendument immortels, sont au-dessus des Humains. Qui a réussi à en occire un ? Avec quelle arme ? Et surtout pourquoi ?
En recherchant la dernière personne ayant vu le Dieu mort, une jeune femme, le détective tombe sur une information capable de faire s’écrouler le monde actuel. Une longue descente aux enfers pour un homme inflexible, partagé entre son devoir et l’envie de simplement profiter de sa famille. « Cosmic Detective », Delcourt, 192 pages, 23,75 €