mardi 18 octobre 2022

Jeunesse - Deux récits royaux


Deux rois en vedette dans la très jolie collection Pastel de L’école des loisirs. 

Kristien Aertssen dans Mon papa roi raconte comment un gentil roi tente de satisfaire son fils, le prince. Un prince qui voudrait savoir qui est le roi des papas. Son père, pour tenter de trouver la réponse, va le conduire auprès de différentes personnes remarquables. Mais si l’un est le roi du vélo, un autre le roi du bricolage ou roi des gourmands, aucun ne peut prétendre au titre suprême. De retour au palais, le papa roi après avoir appris auprès des différents rois leurs secrets, reproduit joie et amusement pour le prince qui du coup, décrète qu’il n’y a qu’un seul et unique roi des papas : le sien ! 


Olivier Tallec brosse le portrait d’un roi qui s’ennuie. Il a tout, d’une planche à roulettes à un éléphant sans trompe, mais il lui manque l’essentiel : rien. 

«Mon papa roi», L’école des loisirs, 14 €, «Le roi et rien», L’école des loisirs, 15 €

lundi 17 octobre 2022

Thriller - La Réunion, côté sombre

Tristes tropiques… Pourtant ces petites îles françaises, derniers vestiges d’un empire colonial évaporé, ont tout pour être des paradis miniatures. Mais une certaine fatalité semble plus forte que les atouts intrinsèques de ces territoires. 

Le nouveau roman de Jacques Saussey, L’aigle noir, se déroule à la Réunion. Ce département français dans l’océan Indien, dans l’hémisphère sud, a des paysages d’une richesse incroyable. Quelques plages, un climat favorable, une population métissée vivant en harmonie. Mais ce thriller dresse un portrait assez sombre de cette île. 

Le héros, Paul Kessler, ancien flic dépressif qui a démissionné après un drame familial, est embauché par un riche propriétaire terrien dont la famille a fait fortune dans la culture de la vanille, pour découvrir si la mort de son fils dans un crash d’hélicoptère dans le cirque de Mafate est bien un accident comme le prétendent les gendarmes ou un sabotage. 

Kessler, totalement déboussolé au début, va tenter de trouver des pistes malgré une chape de plomb tombées sur cette affaire qui embarrasse beaucoup trop de personnes. Car le jeune pilote, riche fils à papa, séducteur et fêtard, était moins lisse qu’il n’y paraît. Mauvaises relations, vices cachés, dettes : il avait effectivement maintes raisons pour être éliminé. 

Alors Kessler va décider d’aller sur le lieu du crash, dans cette nature sauvage, accompagné d’une jeune Réunionnaise. Une épreuve pour le vieux flic : « Bientôt le chemin s’éleva. De temps à autre, une trouée dans les arbres leur permettait de voir le ciel se charger de plus en plus. Au bout d’un raidillon très escarpé, tout en haut d’une crête qui dominait une vallée noyée dans la brume, le retraité stoppa une seconde, les mains appuyées sur les genoux. » C’est dans cet enfer vert, coupé de toute civilisation, que Paul va affronter le pire ennemi de sa carrière, un sorcier vaudou qui a trouvé dans les déviances sexuelles d’une partie de la population un terreau idéal pour mettre en place sa nouvelle église. 

Un roman dépaysant, sans concession, parfois glaçant par les sujets abordés (inceste, pédophilie), mais qui reste addictif et édifiant. 

« L’aigle noir » de Jacques Saussey, Fleuve Noir, 22,90 €

Roman - Fata Morgana

« Tu veux partir à l’étranger ? » Dele, riche « commerçant » de Lagos au Nigeria recrute les plus belles filles. Celles surtout, qui se retrouvent à la dérive ou simplement rêvent d’une vie meilleure. Elles sont quatre. Dans le petit appartement de la nommée comme un présage Zwartezusterstraat (rue de la sœur noire). Sisi, Joyce, Efe et Ama. Au parcours si différent mais au désir commun : gagner le maximum de fric pour rembourser Dele, leur « Madame » et enfin commencer leur vie.

Dès le lendemain de leur arrivée, la Madame les met au turbin. À savoir, dans une vitrine du quartier rouge d’Anvers, string, pulp up et paillettes. L’enfer. Enfin elles le croyaient, jusqu’à ce matin maudit où Madame leur annonce le meurtre de Sisi. Elles se rapprochent alors, et les vannes s’ouvrent. Leur véritable histoire jaillit de leur bouche, de leur cœur, de leurs tripes. En même temps que leurs langues se délient, elles-mêmes se sentent liées à tout jamais.

L’écriture puissante de Chika Unigwe, elle-même née au Nigeria, parvient à s’insinuer aux tréfonds de notre âme. Qui en restera à jamais marquée.

F. H.

« Fata Morgana », Chika Unigwe, Globe. 23 €


dimanche 16 octobre 2022

BD - Furieuse et déterminée

Ysabelle est fille de roi. Et pas n’importe lequel : Arthur. Mais dans Furieuse, BD écrite par Geoffroy Monde et dessinée par Mathieu Burniat, Arthur a mal vieilli. Alcoolique, il n’utilise son épée magique que pour couper du beurre. 

Aussi, quand il décide de marier sa fille à un baron, cette dernière dérobe l’épée et part à l’aventure. Un très long périple de 244 pages où elle va retrouver sa sœur Maxine, apprendre ce qu’est devenu Merlin et se lier d’amitié avec Claude, géant débonnaire un peu simple d’esprit. 

De l’aventure pure, avec monstres  sortis des enfers, remise en cause de la domination des mâles et en filigrane prise du pouvoir par les femmes. 

« Furieuse », Dargaud, 25,50 €

De choses et d’autres - Bosser juste ce qu’il faut

Pas un jour sans qu’une nouvelle mode ou pratique novatrice ne soit mise en valeur dans le monde du travail. Depuis le premier confinement, le métier de DRH (directeur des ressources humaines) a pris tout son sens. Car le personnel, pour l’instant, est composé à 100 % d’Humains qui vont plus ou moins bien. Depuis quelque temps, le fameux burn-out fait des ravages dans les effectifs.

Un terme un peu passe-partout qui englobe d’une façon plus générale tout ce qui est lié au ras-le-bol général. Un épuisement au travail, un effondrement face au stress ou aux exigences de la hiérarchie.


À l’opposé, j’ai découvert le phénomène du « quiet quitting ». En français, faire le minimum au travail sans se faire virer. Cette fois, c’est le salarié qui a toutes les cartes en main. Notamment son contrat de travail. Inimaginable pour lui de faire plus que ce qui lui est demandé. Tartempion est absent (burn-out, justement, ou tout simplement congés payés…), OK, mais ce n’est pas à son collègue, adepte du quiet quitting, de faire son boulot en plus du sien.

Et s’il est payé sur une base de 35 heures hebdomadaire, il en fait 35 et pas une de plus. Pas même une minute. Le retour de la pointeuse, mais pour le bien-être du salarié. De la même façon, une fois la journée de travail achevée, pas question de répondre, ni même de consulter les emails professionnels. Ça attendra le lendemain, à l’embauche. Le droit à la déconnexion est sacré.

En fait, le quiet quitting, c’est le stakhanovisme inversé. S’il se généralise, je prévois quantité de cas de dépression pour les cadres qui perdraient l’essentiel de leur prérogative : mettre la pression aux subalternes.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 27 octobre 2022

samedi 15 octobre 2022

BD - Manga du temps


Il y a eu la série télé, puis un film sur grand écran mais il ne faut pas oublier que Le visiteur du futur s’est également décliné sous forme de manga. Exactement ce sont les aventures de la Brigade temporelle qui ont paru en plusieurs fascicules. Pour la sortie du film sur grand écran, Ankama reprend l’intégralité des aventures de Louise dans un volume format poche de plus de 530 pages. 


La première partie raconte comment Louise arrive à la brigade et est formée pour aller remettre un peu d’ordre dans le passé afin d’éliminer les anomalies. La seconde est plus axée sur la lutte entre les flics du temps et un grand méchant, le Métronome. 

Reste enfin la partie sur la vie actuelle de Jessica, autre recrue, victime des manigances du Métronome.

« La brigade temporelle » (intégrale), Ankama, 12,90 €

De choses et d’autres - Al dente en cuisson passive

Savez-vous cuire les pâtes ? Normalement, c’est la chose la plus simple qui existe en cuisine. Une grande casserole, de l’eau qu’on porte à ébullition, puis on y plonge les pâtes et on laisse cuire le temps précisé sur le paquet. Seule variante, en fonction de vos goûts, en matière de texture, vous pouvez adapter ce temps, si vous les préférez al dente.

La simplicité de la cuisson des pâtes, c’était avant. Avant la crise de l’énergie. Désormais, faire bouillir de l’eau semble être devenu un crime entrant dans la catégorie des écocides. Car, pour faire chauffer l’eau, il faut du gaz ou de l’électricité. Bref, de l’énergie fossile ou devenue rare.


Voilà pourquoi, maintenant, faire des pâtes s’apparente à une équation à trois inconnues qu’on vous propose de résoudre pour le bien de la planète. Barilla, célèbre marque italienne, a popularisé la méthode dite de la cuisson passive. Un guide est même disponible pour que les cordons-bleus maîtrisent cette technique. L’idée est simple. On fait bouillir l’eau et les pâtes, deux minutes, puis on coupe la source de chaleur. Les économies d’énergie sont évidentes.

Mais les pâtes pas encore cuites. Il vous suffit, alors, de couvrir la casserole et de laisser la cuisson se prolonger quelques minutes. Forcément, il ne faut pas être pressé.

Tout le monde en parle, en ce moment, mais franchement, je n’ai pas attendu que l’Europe se retrouve au bord du black-out électrique pour utiliser cette technique. Quand il est recommandé 7 minutes de cuisson, j’éteins la plaque à 4 et laisse les pâtes mijoter, 4 minutes de plus.

De toute manière, que cela soit al dente ou bien cuites, aux pâtes, je préfère de loin le basmati cuit au rice-cooker. Et là, impossible de faire des économies d’électricité, tout est automatique.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 26 octobre 2022

vendredi 14 octobre 2022

BD - Espions numériques connus sous le nom d'H@cktivists


Des quatre coins de la planète, plusieurs experts du piratage informatique unissent leurs talents pour rendre le monde un peu plus juste. Ces H@cktivists, imaginés par Bollée et dessinés par Holland, ont fort à faire dans leur première aventure se déroulant à Miami. 

Ils vont devoir affronter les services secrets russes. Très à l’aise devant leurs écrans, ils sont un peu moins alertes quand des soldats d’élite et surarmés se mettent à les pourchasser. 

Une BD très réaliste et actuelle, qui révise les codes de l’espionnage à la sauce XXIe siècle : le tout numérique. Il y a un peu du Commando Caïman de Bruno Brazil dans cette série dont le premier album se termine sur une révélation qui remet tout à zéro.  

« H@cktivists » (tome 1), Soleil, 14,95 €

De choses et d’autres - Recettes picturales

Des goûts et des couleurs. Des œuvres et des recettes. C’est la nouvelle mode chez les écolos radicaux qui cherchent à interpeller l’opinion publique sur les ravages du réchauffement climatique : jeter, sur une œuvre d’art, un plat comestible. Les premières, deux gamines, ont jeté de la soupe de tomate sur le tableau de Van Gogh Les Tournesols. Quel rapport entre tomate et tournesols ?

Certains y ont vu une interaction entre l’art moderne d’Andy Warhol et les trésors du peintre néerlandais installé en France. D’autres pensent que c’est le symbole de l’huile qui est visé. L’huile de tournesol qui a déserté les rayons des supermarchés depuis longtemps. Bref, c’est peu explicite. Et de toute manière, le tableau n’a rien, parfaitement protégé derrière une vitre blindée.


Quelques jours plus tard, c’est un Monet qui est attaqué. Les Meules est aspergé de purée. De la paille, du blé, submergé par une préparation à base de pommes de terre… Y a-t-il une signification sur l’invasion commerciale de l’Europe (blé) par les USA (la pomme de terre ramenée par Parmentier) ? Là encore, mystère et boule de gomme.

Dernière action d’éclat, l’entartage de la statue de cire du nouveau roi d’Angleterre, Charles III. De la crème sur une statue. Moins marrant que les tirs originaux de Noël Godin sur cible réelle.

Si la mode se prolonge, on peut prévoir un lancer de cassoulet sur Femmes de Tahiti de Gauguin (dénonciation de la colonisation occidentale des peuples primitifs) ; l’arrivée d’une pizza Hut sur le sourire de la Joconde (malbouffe contre tradition) ; et, pour le plus tordu des symboles, de pieds de cochons à la vinaigrette, sur la Vénus de Milo. Comprenne qui pourra !

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 25 octobre 2022

jeudi 13 octobre 2022

De choses et d’autres - Festival de compromissions

L’avantage de la crise énergétique (après la crise sanitaire), c’est qu’elle prend toute la place dans l’actualité. Conséquence, de nombreux scandales ou affaires judiciaires qui d’ordinaire auraient fait les gros titres passent complètement inaperçus.

Qui sait par exemple que Valérie Pécresse est suspectée de « détournement de fonds » dans le financement de sa campagne électorale de la dernière présidentielle ? À part les écolos (qui ont dénoncé les faits à la justice), personne n’est au courant. Vous me direz, la majorité des Français ne savent même plus qui est Valérie Pécresse…


Dans le camp des Républicains, un autre leader est chahuté. Médiapart a révélé que Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, organise des dîners de galas pour des personnalités qu’il choisit personnellement. Ils ont de la chance car c’est le grand luxe : chaque invité représente un coût de 1 100 €. S’il payait de sa poche, personne n’aurait rien à redire, mais ce sont les contribuables de la région qui financent ces agapes au coût exorbitant.

Or, dans le même temps, Laurent Wauquiez a décidé, officiellement pour ménager les finances locales, de retirer de nombreuses subventions aux festivals de littérature de la vaste région. 4 millions aux oubliettes.

Quelle idée aussi de vouloir cultiver et par là même faire réfléchir les simples gens ? Wauquiez préfère flatter les décideurs en leur offrant des menus de prestige.

Pourtant il existe une solution toute simple pour conserver ses subventions. On en a eu l’exemple récemment quand le président d’un festival a rejoint très officiellement l’équipe municipale de la ville qui finance en partie sa manifestation. Dans les deux cas, cela s’apparente à « manger à tous les râteliers ».

Billet paru en dernière page de l’Indépendant du lundi 24 octobre 2022