mercredi 23 mars 2022

Cinéma - L’Algérie des “frères blessés”

Fernand Iveton (Vincent Lacoste), Algérien avant tout. Les Films du Belier/Laurent Thurin-Nal

La guerre d’Algérie et ses horreurs. Un conflit atroce encore dans bien des mémoires, même si certains épisodes ont été plus oubliés que d’autres. Le parcours de Fernand Iveton est au centre de ce film militant de Hélier Cisterne. De nos frères blessés, adapté du roman de Joseph Andras (Actes Sud), raconte la détermination d’un jeune militant communiste, d’origine européenne, mais né à Alger et solidaire de la lutte pour l’indépendance. 

Pour atténuer la dureté du récit, le réalisateur l’humanise avec la rencontre et le coup de foudre pour Hélène (Vicky Krieps), mère célibataire polonaise réfugiée en France pour fuir le régime communiste. Des moments de joie, de bonheur, d’équilibre, qui ne durent pas. Une fois de retour à Alger, avec sa femme et son fils adoptif, Fernand Iveton, tout en travaillant comme ouvrier dans une usine, milite au parti communiste algérien et, rapidement, décide d’aider les insurgés. Malgré les craintes de son épouse, il décide de passer à l’action. Il place dans un local désaffecté de son entreprise une bombe qui doit exploser une fois le personnel parti. Mais l’engin est découvert et Fernand arrêté. 

Torture et justice expéditive

Le film se transforme, alors, en réquisitoire contre les mesures d’exception décrétées par l’État français à l’époque et appliquées avec zèle par la police, l’armée et la justice. Torturé, Fernand avoue. Traduit devant un tribunal militaire, il est condamné à mort après un simulacre de procès. Il a encore l’espoir d’être gracié, car il n’a pas de sang sur les mains. Mais le garde des Sceaux de l’époque, François Mitterrand, émet un avis négatif. Fernand sera guillotiné moins de trois mois plus tard. D’une rare efficacité dans sa construction, De nos frères blessés, plus que la dénonciation des exactions de l’État français de l’époque, est un vibrant plaidoyer contre la peine de mort.

Film franco-algérien de Hélier Cisterne avec Vincent Lacoste, Vicky Krieps, Jules Langlade




De choses et d’autres - Un loyer très cher payé

Se loger est de plus en plus compliqué en France. Quasiment impossible de signer un bail si on n’est pas en CDI. Et comme les prix des loyers ne cessent d’augmenter, le salaire n’est souvent plus suffisant pour entrer dans les critères demandés par les propriétaires (salaire trois fois supérieur au loyer et deux personnes garantes qui, elles aussi, gagnent suffisamment d’argent chaque mois).

 

Beaucoup, dans ces conditions, n’hésitent pas à falsifier leurs bulletins de paye, s’augmentant de quelques centaines d’euros après un trucage rudimentaire. Pourtant, les procédures judiciaires contre les falsificateurs de documents destinés à obtenir un logement ne sont pas très nombreuses. La plupart du temps, cela permet de décrocher le Graal et comme le locataire est honnête, le propriétaire ne se rend même pas compte de l’entourloupe.

À Paris, par exemple, pour espérer louer une chambre de bonne, vous devez obligatoirement tripler vos revenus officiels pour avoir juste la chance de faire partie des 50 dossiers retenus et dont l’agence étudiera, un peu plus longuement, les données.

Et puis, d’autres fois, le locataire est malhonnête jusqu’au bout. Il truque les papiers et ne paye pas. Mais, à l’arrivée, cela peut coûter très cher comme à cet habitant de Vannes condamné à quatre mois de prison ferme et à 2 500 € d’indemnisation. Il est vrai qu’il avait poussé le bouchon un peu loin, ne se présentant pas, à deux reprises, aux convocations des juges.

À la troisième, ils ont été particulièrement sévères, lui offrant ce pour quoi il a été puni : un toit, nourri logé qui plus est, pour quatre mois et sans débourser le moindre centime.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le 10 mars 2022

mardi 22 mars 2022

Série télé - Toni Colette cache « Son vrai visage » sur Netflix


Pour survivre dans notre société, mieux vaut parfois porter des masques. Un faux visage, une autre identité, pour simplement exister loin d’un passé encombrant. La série Son vrai visage de Charlotte Stoudt d’après un roman de Karin Slaughter, actuellement sur Netflix, exploite à fond ce principe en dévoilant, épisode après épisode, le passé d’une mère de famille tout ce qu’il y a de normale. A priori…

Avant de plonger dans le passé de Laura Oliver (Toni Colette), on découvre le quotidien peu intéressant de sa fille, Andy (Bella Heathcote). La trentaine, célibataire, elle travaille de nuit au standard de police secours de la petite ville de Belle Isle en Georgie. Elle vit toujours chez sa mère qui est rééducatrice pour des vétérans de l’armée américaine blessés au combat. Quand elles sont prises dans une fusillade dans un restaurant, Laura fait tout pour protéger sa fille, tuant l’agresseur d’un coup de couteau. Devenue célèbre, une véritable héroïne, Laura panique et demande à sa fille de partir le plus loin possible dans une voiture cachée et avec 500 000 dollars en cash. Andy va obéir dans un premier temps puis se poser bien de questions et finalement faire demi-tour et demander des explications à cette mère qui semble avoir de lourds secrets. 

Les huit épisodes, très rythmés, passent par de nombreux retour en arrière, quand Laura avait 18 ans (Jessicca Barden), était une pianiste célèbre tombée sous la coupe d’un homme malfaisant. Le meilleur reste la relation compliquée entre mère et fille, comme si une séparation était impossible entre ces deux femmes fusionnelles.

 


De choses et d’autres - Du papier au QR code

Ce lundi matin, au courrier, ma nouvelle carte électorale. Premier étonnement : pourquoi une carte toute neuve alors que la précédente n’a quasiment pas servi ? En fait, le document officiel est désormais orné d’un splendide QR code.

J’imagine immédiatement la gamberge de tous les complotistes et autres « anti-tout » qui voient dans ces idéogrammes numériques une façon aisée de nous fliquer, de fouiller dans notre vie privée. Les plus alarmistes vont y détecter les prémices du vote électronique et donc, forcément, selon leur paranoïa absolue, au trucage des élections. La réalité est moins effrayante. Le QR Code est destiné à accéder aisément au site internet elections.interieur.gouv.fr qui donne des indications au détenteur de la carte électorale.

Assez étonnamment, les deux premières fonctionnalités sont de « vérifier votre situation électorale et trouver votre bureau de vote. » A priori, si j’ai cette nouvelle carte, c’est que je suis inscrit. Ou alors, il y a vraiment un gros bug…

Quant à mon bureau de vote, son adresse est inscrite en clair sur la carte… Autre incongruité : le QR code permet de s’inscrire en ligne sur les listes électorales. Mais si on a un QR code, c’est qu’on est déjà inscrit. L’administration française m’étonnera toujours.

De toute manière, en parcourant le manuel expliquant à quoi sert ce document officiel, on découvre au chapitre « Une carte électorale : pour quoi faire ? » cette précision qui remet bien des choses à leur place : « Toutefois, la présentation de la carte électorale n’est pas une obligation pour voter ». Au moins, comme ça, toutes les inquiétudes sont levées : la carte électorale, avec ou sans QR code, ne sert visiblement à rien le jour du vote.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 22 mars 2022

lundi 21 mars 2022

Cinéma - Deux Adam pour sauver le monde


Film de science-fiction au budget conséquent et au casting de prestige, The Adam Project, produit et diffusé directement sur Netflix, prouve que la plateforme sait parfois mettre en avant originalité et qualité. 

Réalisé par Shawn Levy et avec Ryan Gosling en tête d’affiche, cette histoire de voyage dans le temps débute par une bizarrerie qui devrait heurter les experts des paradoxes temporels. Normalement, il est impossible à un être humain d’avoir des interactions directes avec lui-même dans le passé au risque de provoquer des catastrophes irréparables et modifier radicalement le futur, son futur. 

Un père et ses deux fils

Dans ce film, Adam Reed (Ryan Gosling), pilote de chasse et voyageur dans le temps venu de 2050, va directement se poser chez lui pour s’auto demander de l’aide. En 2050, Adam veut retrouver sa femme, disparue en 2018. Mais quand il vole un vaisseau temporel et tente de s’échapper, il est pris en chasse par les méchants et finalement stoppe son périple en 2022. Blessé, il va avoir besoin de sa version adolescente pour réparer le vaisseau. C’est la grande trouvaille du scénario, celle que la science normalement nous interdit d’exploiter : faire dialoguer une même personne mais à deux âges différents. 

Adam adulte trouve Adam enfant beaucoup trop mou et intello. Adam enfant trouve Adam adulte complètement idiot, mais drôlement musclé. La première partie est savoureuse et Ryan Gosling s’en donne à cœur joie face à un très jeune comédien qui ne se laisse pas démonter. Ensuite, une fois les bases posées, place à l’action. Les effets spéciaux sont à la hauteur de cet ambitieux film. Combats aériens ou bagarre avec sabres lasers au sol, les amateurs de ce type de cinéma auront leur dose. 

Le film prend une nouvelle dimension quand les deux Adam, pour sauver le futur de la terre, se rendent ensemble en 2018. Leur mission : contacter leur père (Mark Ruffalo) pour le dissuader de mettre au point le voyage temporel.  Un passage qui permet aux scénaristes américains de mettre en valeur cette famille toujours sacrée dans les films grand public. Encore plus quand le père peut se retrouver face à sa descendance à deux âges différents et surtout lui dire avant qu’il ne soit trop tard combien il l’aime. Mark Ruffalo apporte une émotion salutaire dans un film d’action bourré de gags aux dialogues enlevés. 

 


De choses et d’autres - La guerre des bêtes

La rivalité entre chiens et chats vient carrément de terminer aux assises des Bouches-du-Rhône. Tout débute en 2018 par un fait divers peu commun.

Un homme se rend à la gendarmerie en avouant qu’il vient d’abattre son voisin. La cause de ce différend ; une histoire de chien et de chat. Le chat du meurtrier s’aventure dans le jardin du futur mort. Là, le félin tombe nez à nez avec le chien qui le mord. Peu de temps après, le chat meurt de ses blessures. Dans la foulée, le propriétaire du minou prend son fusil, va chez le voisin et tire.

Il a expliqué avoir l’intention de tuer le chien. Finalement c’est sur le maître qu’il a déchargé son arme. Il vient d’être condamné à 12 ans de prison.

Cette histoire de la vraie vie doit sembler hallucinante aux millions d’internautes qui passent leur temps à partager des vidéos de gentils chiens et d’adorables félins. La rivalité entre ces deux animaux de compagnie n’est pourtant pas une invention digne des fake news. Mais si l’on en croit les images les plus partagées sur le net, c’est l’entente parfaite, la paix permanente, voire de l’amour absolu. Qui n’a pas souri devant un chaton espiègle (et inconscient) jouant avec la queue d’un gros chien placide.

Mais pour une vidéo vue des millions de fois, il y a 25 bébés chats qui ont fini croqué d’un seul coup de dent sans avoir les honneurs de Facebook.

Enfin, puisqu’on parle de chien du Sud de la France, Douglas, le militant à quatre pattes qui a voté à la primaire des Républicains, a officiellement annoncé ne pas vouloir faire partie du futur gouvernement de Valérie Pécresse. Après Teddy Riner ou Leïla Slimani, cela en fait un de plus qui semble insensible aux arguments de la candidate de droite.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 21 mars 2022

dimanche 20 mars 2022

Ciné nanar : le meilleur du pire

TV connectée. Les possesseurs de téléviseurs Samsung ont la chance (toute relative parfois) d’avoir accès à plusieurs chaînes exclusives. Lancée récemment, Ciné Nanar propose une grille composée exclusivement de films navrants, idiots et mauvais.  Le meilleur du pire du cinéma de genre… 

Pour en être certain, ne ratez pas la « chose » signée Nick Everhart et intitulée « 2012 ; Doomsday ». S’il y est question de fin du monde (en décembre 2012), l’action ne se déroule pas à Bugarach mais au Mexique. Pas d’effets spéciaux, jeu d’acteurs abominable, lumière crasseuse : cela devrait déjà suffire pour être catalogué nanar d’or. Mais en plus le scénario n’est qu’un ramassis de clichés sur la force de Dieu et la puissance de la religion.  

Pas loin de remporter le titre de plus mauvais film du monde de tous les temps.  Et si vous en redemandez, sur Ciné Nanar vous aurez aussi à des Nazis au centre de la terre. On devrait y envoyer Poutine !


De choses et d’autres - Dommages collatéraux russes

La guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine semble à certains très lointaine. Pourtant elle a de plus en plus des conséquences directes pour notre vie quotidienne. Voici trois exemples, heureusement assez futiles.

Depuis le début du conflit, le satellite chargé de fournir internet aux abonnés de Nordnet est en panne. Il serait victime d’une cyberattaque commanditée par Moscou. Car l’Ukraine utilise le système… Certains n’ont donc plus Facebook en Haute Vallée de l’Aude et dans le Capcir, à cause de Poutine. Qui l’eut cru ?

Asphalt 8 Airborne est un jeu de courses de voitures pour téléphone portable, très utilisé partout dans le monde et produit par la société française Gameloft. Un moyen de se distraire, même dans les pires conditions. Mais depuis quelques jours, un message à l’ouverture du programme explique que les mises à jour seront compliquées à réaliser, car l’équipe chargée de maintenir le jeu à niveau est basée à Kharkiv, au cœur des combats. Il est donc quasi impossible pour les employés d’avoir accès à leurs ordinateurs et même leurs logements. Si le jeu plante, ce sera la faute de Poutine. Qui l’eut cru ?

Enfin, sachez que le chanteur de rap français Booba vient de rompre son contrat avec l’équipementier sportif Puma. La marque allemande a fermé provisoirement ses magasins en Russie. Grosse colère de Booba qui décide, en rétorsion, de ne plus travailler avec ceux qui, selon ses accusations, « font de la politique ». Et de continuer selon une rhétorique guerrière très inappropriée à destination de la marque : « Sachez qu’en cas d’agression, la riposte sera là. » Booba va devoir refaire sa garde-robe à cause de Poutine. Qui l’eut cru ?

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 8 mars 2022

samedi 19 mars 2022

DVD et Blu-ray - Des Bodin's exotiques

La Thaïlande a toujours attiré les comédies françaises. Les Bodin’s n’échappent pas à la règle avec un film se déroulant dans ce pays touristique aux célèbres masseuses. Le film de Frédéric Forestier, en pleine pandémie, a battu des records de fréquentation. Sa sortie en DVD et blu-ray (avec quelques scènes coupées en bonus chez M6 Vidéo), permet de découvrir ou de se remémorer cette sympathique farce. 

Les gags s’enchaînent, les dialogues sont truculents et le film offre l’avantage de présenter le pays sous tous ses aspects. Un peu de plage et d’hôtel de luxe, puis direction Bangkok, ses marchés et clubs louches pour finir dans un village traditionnel au cœur de la jungle. Il fallait du dépaysement au Christian très dépressif, c’est le spectateur qui en profite le plus. 


De choses et d’autres - Le chaos après la mort

Les publicités un peu provocantes sont passées de mode. Je me souviens des fausses pubs de Hara-Kiri qui ont sans doute donné des idées à ces enfants de Pub des années 80-90 pour des slogans et visuels décoiffants. Comme ce slogan un peu long mais qui ne passe plus en ces temps de wokisme pur et dur : « J’aime ma femme. J’aime la Kronembourg. Ma femme achète la Kronembourg par pack de six. C’est fou ce que j’aime ma femme. »

Maintenant, le politiquement correct est la ligne à respecter. Comme si titiller les potentiels clients dans leurs pires instincts était une faute de goût éliminatoire. Il existe, pourtant, quelques iconoclastes qui sont persuadés qu’un sourire aura plus d’effet qu’un message édulcoré.

Transmissio, une société contre le chaos après la mort, vend « un service sécurisé d’organisation, de sauvegarde, et de transmission - à vos proches - de l’inventaire de vos biens matériels, de vos souvenirs numériques et de vos volontés obsèques » et joue ouvertement la carte de l’humour. On voit, gravé sur des urnes funéraires ou des plaques mortuaires, le dernier message de proches mécontents.

Quelques exemples : « A notre grand-mère, décédée sans avoir dit où elle cachait ses lingots, bordel. » « À notre grand-père, mort sans avoir rien prévu pour ses obsèques, le relou », « A notre cousin, mort sans avoir communiqué le code de son coffre-fort… »

Il existe même un petit spot racontant comment un homme participe à son premier saut en parachute. Enthousiaste, il saute… sans parachute. Et le film de quelques secondes de prévenir à la fin : « Mourir, ça arrive dans la vie. Préparez votre transmission à l’avance. »

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 9 mars 2022