lundi 1 février 2016

Livre : Nouvelles des singes


cerqueux, dilettante
Renaud Cerqueux doit avoir un petit faible pour les singes. Dans deux des nouvelles composant ce recueil pourtant très diversifié, ils tiennent un rôle important. Des nouvelles qui risquent de vous plomber le moral, le monde décrit par cet écrivain français n’étant pas folichon.
Comme la vie du personnage principal du premier texte. Ce commercial a tout pour être heureux. Une femme jolie et aimante, des enfants en pleine santé, une belle maison, voiture de fonction. Pourquoi alors est-il tellement déprimé qu’il a l’impression qu’un chimpanzé le suit partout ? Un singe mal élevé, qui pisse sur ses rendez-vous ou se masturbe ostensiblement lors de ses rendez-vous galants avec sa maîtresse ? Un singe qui a une histoire : ce serait le fantôme du premier astronaute américain, un dénommé Enos qui a pris la place d'un fier conquérant.
Un autre singe intervient dans la nouvelle se déroulant en pleine jungle amazonienne. Un orang-outang. Bizarre car le personnage principal, un ancien trader devenu orpailleur en Guyane, sait parfaitement que cette espèce ne vit pas sous ces latitudes. Dans un bordel glauque, le singe fume un joint et engage la conversation avec l’homme blanc. Ce n’est pas un singe, mais Dieu. Extraterrestre en exil forcé, il a créé les humains pour se divertir. Et depuis il ne le regrette pas...
Par ailleurs scénariste de BD, Renaud Cerqueux propose également des textes sur les irradiés japonais, la mythologie zombie et même le Père Noël. Totalement barré et très dépaysant.
« Un peu plus bas vers la terre », Le Dilettante, 17 euros



Livre : Moites tropiques

alie,guyane,hc éditions
Dans un village à l'orée de la forêt amazonienne, la vie s'écoule aussi lentement que poussent les arbres majestueux. Une petite communauté loin de tout, où tout le monde se connaît et passe quasi quotidiennement dans la petite échoppe de Félicité. Une des nombreuses femmes de ce roman torride de Marijosé Alie.
Félicité "avait beaucoup donné, exultant son corps avec urgence ou volupté, mais elle n'avait pas tellement eu le temps d'aimer". La belle, généreuse avec ses clients, s'occupe de toute la marmaille du village. Notamment de Marie, la fille d'une de ses cousines. Parmi les autres femmes de ce roman, on croise la mère de Félicité, une centenaire atteinte d'Alzheimer qui s'est réfugiée au plus profond de la forêt, Julie, une Parisienne blasée et sa compagne Maïla, ancien mannequin. Toutes convergent vers le village qui bruisse de rumeurs. Il se passerait d'étranges choses dans la forêt, même les Indiens se méfient. Le fameux convoi qui donne son titre au roman n'est pas loin.
Ancienne journaliste, originaire de la Martinique, Marijosé Alie signe son premier roman, largement alimenté par ses reportages en Guyane. Elle raconte ce pays, ses croyances et ses espoirs avec une sensibilité toute féminine, voire féline. On retrouve dans ses écrits la sensualité de son tube sorti durant les années 80, "Caréssé mwen", un des premiers zouk-love à conquérir la métropole.
"Le convoi" de Marijosé Alie, HC éditions, 19 euros.


dimanche 31 janvier 2016

BD : Hermann, enfin au sommet !

herman, angoulême, grand prix, old pa anderson, lombard
Finalement, la désignation du Grand prix de la ville d'Angoulême 2016 s'achève par un quasi-consensus. Après la polémique sur la sélection sexiste, puis la désignation des noms des trois finalistes (dont Claire Wendling), c'est Hermann qui l'emporte. Dessinateur réaliste aussi doué que prolixe, il fait partie des derniers géants des grandes heures du journal de Tintin. Qui, adolescent durant les années 60 à 80, n'a pas rêvé en découvrant les aventures de Bernard Prince ou de la belle Comanche ? Inlassable créateur d'univers, il a également exploré le récit historique avec "Les Tours de Bois Maury" chez Glénat et le récit d'anticipation dans le monde post-apocalyptique de Jeremiah (Dupuis). Une centaine d'albums à son actif, cette reconnaissance n'est que méritée. Hermann a longtemps été un maître du trait nerveux à la plume. Quand la notoriété lui a permis de faire des choix plus personnels, il s'est lancé dans la couleur directe, des aquarelles fragiles et sublimes. Là encore, il a égalé, voire dépassé, tout ce qui se faisait de mieux.
De plus, il est toujours très actif. Son nouvel album (avec Yves H., son fils, au scénario), vient de paraître dans la prestigieuse collection Signé du Lombard. "Old Pa Anderson" raconte une histoire de vengeance sur fond de ségrégation raciale dans le Mississippi des années 50. Le vieux Anderson, quand sa femme meurt de chagrin, décide de découvrir qui, il y a quelques années, a enlevé et tué sa petite-fille. Il va remuer des souvenirs désagréables et se frotter à la communauté blanche pour qui l'esclavagisme est loin d'être oublié. Une quête violente et sans espoir. Comme la société de l'époque. Et nombre des albums de Hermann qui ne fait pas partie des auteurs qui enjolivent la réalité.
"Old Pa Anderson", Le Lombard, 14,45 euros.

samedi 30 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Non, il n'a pas changé


Il faut toujours se méfier des grandes déclarations des hommes politiques après une défaite. Nicolas Sarkozy, battu en 2012, quitte dans un premier temps la sphère publique. Puis se ravise en précisant qu'il a changé. Maintenant il se retrouve à nouveau dans le rôle de l'outsider qui va tout casser pour reprendre sa place au sommet. Une reconquête qui passe par un livre paru la semaine dernière. Sarkozy dans ces pages a beau faire un certain nombre de mea culpa (Fouquet's, yacht de Bolloré...), il redevient la bête politique préférée des médias quand il répond aux nombreuses attaques à propos de son ouvrage. Et de se lancer dans une de ces comparaisons dont les plaisantins des réseaux sociaux s'emparent immédiatement. Racine, "a été très perturbé par les critiques quand il a sorti Phèdre. Les critiques sont oubliées, Racine non." L'ancien président ne doute de rien (c'est d'ailleurs une de ses forces), mais se comparer à Racine, faut oser... Résultat il déguste sur Twitter : "Sarkozy se compare à Racine ? Il a raison : son retour est une vraie tragédie !" écrit méchamment un certain Daarjeeling. Sarkozy n'a pas changé non plus alors qu'il agonit d'injures (selon le Canard Enchaîné), deux maires héraultais Les Républicains coupables d'avoir soutenu Dominique Reynié aux dernières régionales. Sarkozy tel qu'en lui-même donc, sûr de lui et en mode bulldozer. Mais son livre politique "La France pour la vie" dépassera certainement en succès "Pourquoi pas moi !", l'autobiographie de Jean-Vincent Placé qui plafonne à moins de 400 exemplaires.
Edit vendredi à 19 heures : Plusieurs lecteurs (Catherine, Aline...) m'ont signalé par email l'horrible faute publiée ce matin dans ce texte. Non, Nicolas Sarkozy "n'agonise" pas. Il""agonit" plus justement d'injures les deux maires. Je sens que cette faute risque de se retrouver dans les perles de la presse déchaînée du prochain Canard.

vendredi 29 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'odeur des sons

sons, odeurs, chirac, bach
Si Jacques Chirac a parlé, il y a très longtemps, des "bruits et des odeurs", des chercheurs américains ont eux planché sur la musique et les senteurs. Ces spécialistes en sciences cognitives ont interrogé des étudiants pour déterminer si une odeur pouvait caractériser divers sons ou styles de musique.
Un petit tableau synthétique circule sur internet, expliquant que le piano évoque la rose, le blues s'associe au cuir, le jazz au café et la funk à la banane. Plus étrangement, le heavy metal a des accointances avec le poisson et la cannelle alors que la pop des années 80 embaumerait l'ananas. Enfin de la musique de Bach, d'une façon générale, émanent des effluves de menthe.
Sans vouloir remettre en cause ces résultats obtenus, n'en doutons pas, après de longues recherches, il me semble que certaines associations semblent directement issues de l'imagerie populaire américaine. Le blues, musique des esclaves sent le cuir ? Comme la matière des fouets maniés par les maîtres ? Le café, breuvage sombre par excellence, associé au jazz, l'autre musique noire des USA, l'idée paraît un peu simpliste. Et si l'étude avait été réalisée en France ? La variété sentirait la guimauve ?
Personnellement, quand j'entends certains artistes à la radio, ils me dirigent illico vers des odeurs précises : Mireille Mathieu à la naphtaline, Renaud au tabac froid, Dave au fromage, Jo Dassin aux croissants chauds et Nolwenn Leroy au chou-fleur. Enfin, je vous épargnerai les remugles que m'inspirent Johnny Hallyday...

jeudi 28 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Frit, on grossit

belgique,friterie,calories
Quatre kilos pris en une semaine lors de mon séjour en Belgique. La cause de ce surpoids express ? Un simple déjeuner dans une friterie typique appelée "fritkot" en langage autochtone. En bord de route, la baraque ne paye pas de mine. Ici on peut consommer sur place ou à emporter. Le client qui me précède part avec une généreuse mitraillette, nom donné à ces sandwiches remplis de saucisses et de frites, le tout recouvert de mayonnaise.
Sur les conseils de ma belle-fille, Belge pur jus, je prends des "balls", un gros boudin aux herbes et une portion de frites. J'opte pour la grande. La vendeuse-cuisinière prend les ingrédients et plonge le tout dans les immenses bacs remplis d'huile bouillante. Malgré les hottes aspirantes gigantesques, l'odeur de friture envahit le préfabriqué. Et s'accroche à nos vêtements par la même occasion.
Sur mon plateau, cinq "balls", un boudin dégoulinant, de la sauce "américaine" et des frites en veux-tu en voilà. En fait, une grosse portion correspond à un cornet normal et deux fois plus à côté. Trop heureux de ma chance, je n'en laisse pas une seule ; je regretterai les 18 heures que durera ma digestion laborieuse. Les balls contiennent à de la préparation pour vol-au-vent (connu sous le nom de bouchée à la reine en France), entourées de chapelure. Le tout frit, il ne peut pas en être autrement...
Chaud, gras, succulent : tout ce que l'on cherche dans ces établissements très éloignés des sommets de la gastronomie mais qui, question chaleur humaine, ne connaissent pas d'équivalent.

mercredi 27 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Saveurs belges

belgique,ver,sauterelles,gastronomie,moulesUne semaine en Belgique : quatre kilos de plus. Le Belge aime la bonne chère et encore plus la partager. Invité chez des amis ou en famille, j'ai passé mon temps à manger. Des moules notamment. Des bestioles tendres et goûteuses, énormes, cuisinées nature avec beaucoup de légumes. Rien à voir avec les rachitiques espagnoles. Objectivement, dix moules belges valent en quantité une portion servie dans la région.
Après le classique, le bizarre. Chez ma belle-sœur, toujours en quête d'aventures gastronomiques, j'ai échappé heureusement aux graines germées dont elle parsemait il y a peu toutes ses préparations au grand désespoir de ses enfants. L'entrée restait assez étonnante, composée de poisson cru agrémenté de chips de gingembre. "Que des calories négatives" selon cette experte en nutrition allégée.
Le plat principal se révélait succulent, des pâtes bio passées au wok avec des morceaux de chorizo fort, des tomates cerise et une sauce à la crème de soja. Le pire arriva en guise de 'trou normand'. Alors que la discussion s'animait sur les malheurs du monde, la sœur de mon épouse sort du frigo deux coupelles de ce qui constitue selon elle l'avenir nutritionnel de la planète. Dans la première des vers, dans la seconde des sauterelles, l'ensemble frit. Ça croque sous la dent, n'a pas beaucoup de saveur et nécessite de grandes rasades de vin pour faire passer une sensation peu agréable. Sauf les vers de farine au petit arrière-goût de spéculoos.
Mange, c'est du Belge !

mardi 26 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Belgique, sans Molenbeek

belgique,molenbeek,bruxelles,communautarismeDepuis très longtemps j'ai une relation particulière avec la Belgique. Avant même d'épouser une Wallonne (rencontrée à Tahiti) le fameux Plat pays chanté par Brel m'attirait. La faute à ma passion pour la bande dessinée. De Franquin à Hergé en passant par Hermann ou Tillieux, grâce à la lecture hebdomadaire de Spirou et Tintin, je connaissais mieux les rues de Bruxelles ou de Charleroi que celles du petit village français où j'habitais (j'avoue, je n'ai jamais entendu parler de Molenbeek avant les événements de novembre dernier).
Après une fouille complète et exhaustive de ma valise à l'aéroport de Perpignan, je me suis envolé pour une semaine de vacances en famille, impatient de sonder l'état d'esprit des Belges. Pour ce qui est de tomber sur un repère de djihadistes, je repasserai. Mon séjour fut d'un calme absolu. Excepté quelques averses de neige et glissades sur les routes verglacées, pas le moindre danger en vue. Quant à l'état d'esprit des habitants, il est beaucoup plus serein que celui des Français. La psychose ne semble pas avoir traversé la frontière et l'état d'urgence très éloigné des préoccupations locales.
Et lorsqu'on parle de communautarisme, n'allez pas y voir l'affrontement entre « Français de souche » et « immigrés de la troisième génération ». En Belgique, la guerre civile, si elle doit avoir lieu un jour dans ce royaume tranquille, mettra aux prises francophones et néerlandophones. L'éternel conflit linguistique entre Wallons et Flamands qui doit faire bien rire à Molenbeek où la majorité de la population parle... arabe.

lundi 25 janvier 2016

BD : Aile volante en pleine uchronie

pécau,maza,charlier,delcourt
Suite de l'uchronie imaginée par Jean-Pierre Pécau. Hitler, renversé par des généraux, est un mauvais souvenir que l'Europe tente d'oublier. Les USA occupent la partie ouest. Mais la guerre n'est pas terminée. Maintenant l'ennemi est à l'Est, Staline refusant de cesser le combat. Dans cette France toujours occupée (par les Américains et certains Allemands qui ont changé de camp), le général de Gaulle est en exil à Colombey-les deux églises. Dans les Landes, la très secrète base 51 sert de laboratoire à des ingénieurs en aéronautique. Le près prometteur Dassault tente de mettre au point une aile volante capable de dépasser le mur du son. Il doit pour cela avoir de bons pilotes. Nicolas Charlier est de ceux-là. Mais des années d'emprisonnement en Sibérie font que les Américains le soupçonnent d'être un agent infiltré. Sous le dessin efficace et précis de Maza, Pécau réécrit la guerre froide. Il fait intervenir quelques personnages réels. Notamment un certain Kennedy, témoin de moralité pour Charlier. Et pour faire encore plus vrai, le troisième tome devrait voir l'entrée en scène du préfet de Bordeaux. Un certain... Maurice Papon.
« USA über alles » (tome 2), Delcourt, 14,95 €


dimanche 24 janvier 2016

BD : Une Lady à Guantanamo


lady s,aymond,van hamme,dupuis,guantanamo
Terminées les multiples identités pour la ravissante Lady S. L'héroïne imaginée par Jan Van Hamme et dessinée par Philippe Aymond est redevenue définitivement Shania. Oubliées également les missions secrètes pour cette espionne de haut vol. C'est à visage et identité découverte qu'elle travaille pour l'ONG Action 19. Au début de ce 11e tome de ses aventures, écrit et dessiné par Aymond qui a repris seul les destinées de la belle, elle participe à une conférence au conseil des droits de l'Homme pour obtenir une aide d'urgence pour les milliers de réfugiés. Dans les couloirs du bâtiment à Genève, elle croise Conrad, son ancien ami et « collègue » de la CIA. Ce dernier est en Suisse pour intercepter un agent de liaison qui possèderait des informations sur un futur attentat anti-américain. Or ce mystérieux homme n'est autre qu'Anton, l'ami d'enfance de Shania. Elle assiste à son enlèvement et fait tout pour le retrouver. Il croupit depuis quelques semaines dans la prison de Guantanamo quand elle parvient enfin à entrer en contact avec lui. Grâce à l'aide d'un avocat défenseur des droits de l'Homme, elle découvre que celui que les Américains prennent pour un activiste islamique est en réalité un agent infiltré. Mais alors qui est le véritable traitre ? Et l'attentat peut-il avoir lieu au cour même de la prison américaine sur territoire cubain ? L'album donne l'occasion de mieux comprendre l'histoire de Guantanamo et les exactions des militaires US. De l'action pure, avec rebondissements et coups de théâtre. Une excellente BD de divertissement.
« Lady S » (tome 11), Dupuis, 12 euros