samedi 19 décembre 2015

Beaux livres et sublimes cadeaux, la sélection de fin d'année du Litoulalu

Au pied du sapin, n'oubliez pas d'offrir quelques beaux livres, ce sont des cadeaux qui s'adaptent toujours aux personnalités des êtres choyés.

Robert Laffont, Flammarion, dupuis, tibet, chêne, beaux livres, omnibus, L'art de Tibet

Longtemps considéré comme un dessinateur commercial, Tibet n'a pas connu de son vivant la pleine reconnaissance de son talent. Pourtant , le créateur de Chick Bill et de Ric Hochet est le parfait exemple de l'artiste ignoré car trop productif. Pour vivre de son crayon, Tibet dans ses jeunes années a dû multiplier les projets et les collaborations. Un rythme d'enfer qu'il n'a jamais abandonné une fois le succès en vue. En publiant entre deux et trois albums par ans, sur un demi siècle, il fait partie de ceux qui ont le plus produit en une carrière. Pourtant, que de chefs-d'œuvre dans ces histoires et couvertures fournies aux magazines qui le publiait. Cette somptueuse biographie, alliée à une exposition à la galerie parisienne Daniel Maghen, permet de découvrir les originaux de Tibet, avec crayonnés et notes dans les marges. De plus quelques raretés sont reprises comme une histoire complète du détective Dave O'Flinn, ancêtre de Ric Hochet, parue en 1952.
« Mystères », Daniel Maghen, 59 euros

Robert Laffont, Flammarion, dupuis, tibet, chêne, beaux livres, omnibus, Petit écran mais très grands souvenirs
Ce livre objet permet de nous replonger dans les grandes heures de la télévision. Patrick Mahé, emblématique directeur de la rédaction de Télé 7 jours a ouvert les archives de son magazine pour retracer l'évolution de cet objet devenu si important dans notre vie. La préface est d'Antoine de Caunes, dont la famille a véritablement traversé toute l'histoire de la télévision française. Parmi les bonus offerts dans le livre, on trouve la couverture d'un exemplaire de 1961 où Jacqueline Joubert, la plus célèbre des speakerines, pose en compagnie de son fils, Antoine qui un demi siècle plus tard sera aux manettes du Grand journal. Quant au papa, Georges de Caunes, le livre revient sur sa mésaventure de naufragé volontaire sur une île du Pacifique Sud. Su sport aux variétés en passant par les jeux et la télé-réalité, ce sont tous les genres qui sont célébrés avec un énorme chapitre pour ce qui fait de plus en plus la spécificité du petit écran : les séries, digne descendants des feuilletons du 19e siècle
« Les archives de la télévision », Chêne, 216 pages et de nombreux fac-similés, 45 euros

Robert Laffont, Flammarion, dupuis, tibet, chêne, beaux livres, omnibus, Double dose de bulles
Il était prédestiné à faire de la bande dessinée. Malabar, le personnage des célèbres chewing-gums fait d'énormes bulles roses. Une façon de s'exprimer qui a donné l'idée aux agences de publicité chargées de la promotion du produit de s'adresser directement aux consommateurs par l'intermédiaire de vignettes puis d'histoires. Le personnage, imaginé par Jean-René Le Moing (illustrateur qui a fait l'essentiel d sa carrière dans l'ombre au journal Pilote), a ensuite été confié à des signatures plus prestigieuses. Frank Margerin le premier a calqué son univers à celui du grand blond au tee-shirt jaune. Durant une année il multiplié les planches de commande lui assurant confort financier et rodage intensif avant de se consacrer à son héros plus adulte, Lucien. Poirier, Yannick et Dimberton lui ont succédé avant Olivier Taffin et Régis Loisel en 1982. Cette saga des aventures publicitaires de Malabar est reprise dans une jolie intégrale collectée et commentée par Alain Lachartre. Un album au délicieux goût de nostalgie, comme l'arôme tutti frutti des gommes d'antan...
« Malabar », Dupuis, 384 pages, 28 euros

Robert Laffont, Flammarion, dupuis, tibet, chêne, beaux livres, omnibus, Le pavé de Sherlock Holmes

Monument de la littérature anglo-saxonne, les aventures de Sherlock Holmes ont révolutionné le genre policier. Dans une nouvelle traduction d'Eric Wittersheim, les éditions Omnibus proposent l'intégrale des nouvelles dans une édition illustrée des dessins d'origine signés Sidney Paget. On retrouve donc les 56 nouvelles, dans leur ordre chronologique, parue entre 1891 et 1927, avec une grosse interruption de dix ans, après la mort du héros puis sa résurrection à la demande des lecteurs. Une version ultime d'exceptionnelle qualité pour le plus grand personnage de la littérature policière.
« Les aventures de Sherlock Holmes », Omnibus, 820 pages, 39 euros

Robert Laffont, Flammarion, dupuis, tibet, chêne, beaux livres, omnibus, Paris, l'éternelle

Il fait du bien ce livre de Marie-Hélène Westphalen. Il retrace un siècle de vie à Paris, de 1880 à 1980. La capitale parisienne, durement touchée le 13 novembre dernier, a besoin d'être aimée. Des débuts de Picasso à la vie spécifique dans le village de « Ménilmuche », on retrouve entre les différents des documents d'époque porteur de forte nostalgie. Comment ne pas s'extasier devant le manuscrit du « J'accuse » de Zola, rêver en parcourant une brochure publicitaire pour le Lido, célèbre cabaret ou tout simplement réviser sa géographie en détaillant les stations du métro en 1900. Et puis surtout, comment ne pas avoir une pensée pour les victimes devant une photo sur une double page montrant la terrasse du Flore, bondée de gens heureux.
« L'âme de Paris », Les Arènes, 108 pages et de nombreux fac-similés, 34,80 euros

Robert Laffont, Flammarion, dupuis, tibet, chêne, beaux livres, omnibus, L'ivresse des mots

Grand expert de la langue française et des mots en général, Alain Rey vient de signer un essai sur l'ivresse. Un essai dans les beaux livres ? Normal car ce texte d'une très grande intelligence est illustré de calligraphies de Lassâd Metoui. Une association étonnante mais qui permet de transformer ce texte parfois un peu trop pointu en superbe œuvre d'art. De l'origine du pastis en passant par les différentes méthodes pour faire le vin à travers les époques, devenez incollable sur cet alcool éthylique, l'appellation chimique de ce qui fait tourner la tête des hommes et des femmes depuis de siècles. Savant et savoureux
« Pourvu qu'on ait l'ivresse », Robert Laffont, 352 pages, 30 euros

Les portraits de la création

Louis Monier, photographe français, emprisonne dans ses boitiers depuis cinquante ans les portraits des plus grands créateurs de la planète. Dans ce volumineux livre en noir et blanc, ce sont des centaines d'artistes qui sont photographiés, leurs carrières expliquées par des textes synthétiques d'Olivier Bosc. Borges, Hossein, Louis Malle : tous ont marqué leur domaine. Louis Monier les a rencontré et les montre tels qu'ils sont souvent : passionnés et passionnants.
« Création j'écris ton nom », Éditions Vents de sable, 192 pages, 39 euros


Robert Laffont, Flammarion, dupuis, tibet, chêne, beaux livres, omnibus, Radioscopie d'un passionné

Mort il y a moins d'un an, Jacques Chancel a marqué l'histoire de la radio. Comme pour se rappeler à notre bon souvenir, il est au centre d'une biographie hommage coordonnée par son épouse, Martine. On retrouve de larges extraits de ses précédents livres, quand il se racontait en toute humilité, de très nombreuses photos et des hommages de ses collègues, amis et invités, de Philippe Bouvard à Gabriel Matzneff. Jacques Chancel c'était Radioscopie du France Inter et Le grand échiquier mais il semble avoir vécu mille vies, de ses débuts de journaliste en en Indochine, la création d'Antenne 2 avec Marcel Jullian ou la direction de collections de prestigieuses maisons d'éditions comme Juillard. Enfin une large part est faite à l'autre grande passion de cet homme de Bigorre : le sport.
« Les années Chancel », Flammarion et Radio France, 204 pages, 24,90 euros

Robert Laffont, Flammarion, dupuis, tibet, chêne, beaux livres, omnibus, Napoléon sur grand écran

Napoléon est certainement le personnage de l'Histoire française qui a le plus été adapté au cinéma u à la télévision. Son incroyable épopée, de simple soldat à empereur régnant sur la moitié de l'Europe pour terminer en exil au milieu de l'Atlantique Sud offre des centaines d'angles et d'interprétation. Hervé Dumont a collecté dans encyclopédie tous les films mettant en scène le grand homme. Pas moins de 1000 dont plus de la moitié sont toujours inédits en France. Napoléon a pris les traits de Charles Boyer, Marlon Brando ou Christian Clavier. Il a inspiré les plus grands réalisateurs comme les plus obscurs. De la tragédie à la comédie satirique, la vie de l'empereur brille dans les cinémas. Et ce n'est pas près d'arrêter...
« Napoléon, l'épopée en 1000 films », Ides et Calendes, 724 pages, 39 euros


DE CHOSES ET D'AUTRES : Écriture et robotique

robot, journaliste, élection, sport, objectif nul
Dimanche dernier, vous avez peut-être surfé sur les sites d'information pour suivre en direct les résultats des élections régionales. Rapides et synthétiques, plusieurs brèves annonçaient le nom des élus, les pourcentages obtenus par les listes, la composition des nouvelles majorités. Quelques phrases informatives rédigées par… des robots. Les journalistes aussi risquent de se faire subtiliser leur travail par des machines. Notamment les soirs d'élections où une avalanche de chiffres tombe sur la rédaction. Certes, ces logiciels ne sont pas encore au point pour élaborer des suites complexes de mots, mais ils présentent un avantage sur l'humain : la rapidité (outre le fait qu'ils n'ont pas besoin d'un plateau-repas et de carburant liquide, local de préférence, pour fonctionner).
Mettez un tableau de résultats devant un rédacteur. Le temps pour lui de comprendre la différence entre inscrits et exprimés, de convertir les voix en pourcentages (après avoir une nouvelle fois oublié la règle de trois) et de saisir le titre, le robot a pondu quatre brèves, directement mises en ligne. Le lecteur n'y voit que du feu. Expérimental il y a encore quelques années, le système a fonctionné à plein aux régionales. Avec satisfaction. Donnez de bons chiffres à ces machines, elles les transformeront en articles. Ça marche également pour les informations économiques et les résultats sportifs.
Cette rubrique n'est pas encore en danger. Mais le jour où un robot aura conscience de son existence, qu'il peut manier le "je" (lui) et je (moi) pourrai aller pointer à Pôle Emploi.

En bonus, le meilleur robot de tous les temps : Syntax Error d'Objectif Nul :

vendredi 18 décembre 2015

Cinéma : Monsieur Sim, naufragé de la vie



A quoi voit-on que l'on devient dépressif ? Quand on se met à parler à son GPS comme Jean-Pierre Bacri dans "La vie très privée de Monsieur Sim", il est souvent trop tard.



Bavard ce monsieur Sim. Dramatiquement bavard, même mortellement ennuyeux. La preuve dans la scène d'ouverture du film de Michel Leclerc. François Sim (comme la carte…) prend place en classe affaires de l'avion qui le conduit en Italie voir son père. Il raconte à son voisin ses récents déboires. Sa femme l'a quitté, il a perdu son travail et est en pleine dépression. Mais il essaie de rebondir. Il a des projets. Qu'il ne pourra cependant pas détailler à son infortuné voisin. Ce dernier a préféré mourir plutôt que de continuer à entendre la litanie de ce dépressif invasif. Le vol à côté d'un cadavre sera une nouvelle histoire à raconter par cet étrange monsieur Sim interprété par Jean-Pierre Bacri.
Souvenirs d'enfance
Adaptée d'un roman de Jonathan Coe, cette histoire mêle allégrement situations hilarantes et grandes désespérances. François Sim ne supporte plus cette solitude. Au point qu'il drague même les jeunes filles dans les aéroports. Poppy (Vimala Pons) hante les halls pour enregistrer des annonces de départs d'avions, sons qu'elle revend à des maris infidèles en mal d'alibis sonores. Poppy est fascinée par ce quinquagénaire qui parle si bien de son ancienne femme Caroline (Isabelle Gélinas). Elle l'invite à une soirée organisée par son oncle Samuel (Mathieu Amalric). François ne délaisse Poppy que le temps de découvrir l'histoire d'un navigateur en solitaire disparu en mer après avoir fait semblant de boucler un tour du monde.
Une destinée qu'il va longtemps ruminer dans son nouveau travail, représentant en brosse à dent. Au volant d'une rutilante Peugeot hybride, il met le cap au sud pour révolutionner l'hygiène dentaire. En théorie. Dans les faits, il retourne dans la ville de son enfance. Retrouve son premier amour et découvre le secret de son père, le secret de sa naissance. Un peu perdu face à ce flot d'émotions, il passe ses nerfs sur Emmanuelle. Elle n'est pas contrariante Emmanuelle. Toujours prête à "recalculer l'itinéraire" puis à donner de bons conseils "restez sur la file de gauche". N'ayant presque plus de relation avec les humains, Sim tombe littéralement amoureux de la voix de son GPS (Jeanne Cherhal).
Le film de Michel Leclerc fait partie des rares œuvres qui vous font aller très loin dans l'introspection. Comme le héros, on se pose des questions sur notre parcours, nos choix, renoncements et mensonges. Cela ne se fait pas toujours sans casse. François Sim, en éclaireur des naufragés de la vie, donne l'exemple. Jean-Pierre Bacri est très convaincant dans ce rôle de "dépressif joyeux", comme le définit le réalisateur du film.
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Jean-Pierre Bacri bougon génial


Quand il n'écrit ou ne tourne pas avec sa compagne Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri accepte quelques rôles chez des cinéastes qui ne cachent pas leur admiration face à ce géant du 7e art français. Le personnage de Monsieur Sim semble coller à merveille à ses mimiques entre bougon râleur et éternel optimiste, ravi de la vie. Son visage à la Droopy passe du rire aux larmes avec une étonnante facilité. Il nous touche. Tout le temps. Dans le film de Michel Leclerc, il est clair que François Sim est un grave dépressif qui s'ignore. Son ex-femme lui demande s'il voit quelqu'un. Lui ne s'imagine même pas malade… Pourtant, ce soutien psychologique il se le trouve tout seul dans la voix si harmonieuse de ce GPS si docile. Au point de lui jouer des tours, enchaînant les tours de rond-point comme les enfants de manège, juste pour entendre les hésitations de la machine, perdue dans cette ronde incertaine. Mais tourner en rond ne mène nulle part. Un jour Sim-Bacri va enfin aller de l'avant, vers l'inconnu, vers soi. Un cheminement intérieur qui le bouleverse, comme le spectateur qui oublie les rires de la première partie pour cette difficile remise en cause personnelle et incontournable.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Star Wars VII, fort, très fort !


Beaucoup de nostalgie, encore plus de combats (dans l'espace et à terre, avec des sabres-lasers), quelques rebondissements, une fin très ouverte : Le réveil de la Force, épisode VII de la saga Star Wars n'a rien du chef-d'œuvre immortel, mais plaira à toutes les générations.
J.J. Abrams, le réalisateur, a essentiellement voulu jouer avec les mythes de sa jeunesse. Sur un canevas presque imposé, il pose ses personnages, ressort de la naphtaline quelques madeleines intergalactiques ou "vieux tas de ferraille" et multiplie les références aux épisodes précédents.
N'attendez pas que je vous révèle les nœuds de l'intrigue. Je ne vous imposerai pas ce que j'aurais eu horreur de subir. Mais comme on s'en doutait un peu, un personnage emblématique de la saga meurt dans cet épisode. Il vaut mieux également réviser l'arbre généalogique des six précédents films pour démêler convenablement les liens de parenté entre les uns et les autres.
Avec un sacré brio, J.J. Abrams instille beaucoup d'émotion dans ce 7e volet. Il peut remercier ses acteurs, anciens comme nouveaux, pour des performances irréprochables. Parmi les nouveaux venus, Oscar Isaac semble sous-exploité, ce qui n'est pas le cas de Daisy Ridley et John Boyega. Quant à Adam Driver, dans un genre radicalement différent, il se révèle aussi bon que dans "Girls", la série de Lena Dunham.
Saluons enfin la fidélité de J.J. Abrams pour certains compagnons de route comme Greg Grunberg (Alias, Super 8, Star Trek) ou Ken Leung (Lost, Person of Interest). On aura beaucoup de plaisir à les retrouver dans l'épisode VIII.

jeudi 17 décembre 2015

DVD : Quatre bannis et de la dynamite dans "Sorcerer" de William Friedkin

Renaissance dans un coffret réservé aux cinéastes exigeants de 'Sorcerer' de William Friedkin avec Roy Scheider.


S'il est difficile de prévoir à l'avance le succès d'un film, il est encore plus compliqué de tabler sur son échec. En 1977, quand sort 'Sorcerer' de William Friedkin, tout laisse à penser que cette grosse production, tournée durant près d'une année en pleine jungle de République Dominicaine, attirera autant de spectateurs que 'French Connection' et 'L'Exorciste', les deux précédents films du réalisateur américain. Même si le casting n'est pas au niveau du projet initial (il devait réunir Steve McQueen, Marcelllo Mastroianni et Lino Ventura), l'histoire reste la même : remake du 'Salaire de la peur' de Clouzot. Le film sera un bide retentissant. Deux semaines à l'affiche, peu d'entrées et une déferlante qui va précipiter sa disparition dans les limbes cinématographiques : la sortie de 'Star Wars'.
Friedkin mettra de longues années pour se remettre de cet échec. D'autant qu'il considère ce film comme sa meilleure réalisation. Aujourd'hui encore il persiste quand il prétend qu'il ne changerait rien au résultat final. Il faudra attendre près de dix ans pour qu'il retrouve son brio dans le palpitant 'Police Federale Los Angeles'.
'Sorcerer' est le récit de la rédemption de quatre bannis. Quatre hommes aux destins tragiques, inéluctables. Il y a un tueur à gage sud-américain, Nilo (Francisco Rabal), un terroriste palestinien Kassem (Amidou), un banquier français véreux Serrano (Bruno Cremer) et un gangster américain Scanlon (Roy Scheider).

Tournage en enfer



Roy Scheider, à la fin des années 70, est un acteur qui monte. Sa performance dans 'Les dents de la mer' l'a propulsé au sommet. Par contre les autres acteurs, européens, sont totalement inconnus aux USA. C'est certainement le principal handicap de ce film injustement oublié. Sa ressortie en DVD et blu-ray dans un coffret riche de bonus et d'un livret de 50 pages, permet enfin à cette œuvre de bénéficier d'une reconnaissance méritée.
Le scénario est basique. Quatre scènes d'ouverture permettent de présenter les héros. L'un tue sans remords, l'autre pose des bombes dans la foule, le troisième a ruiné sa belle-famille et le dernier, pour quelques milliers de dollars, participe au braquage d'une église. Acculés, recherchés, ils n'ont d'autre solution que l'exil. Un pays d'Amérique du Sud, sur un chantier de forage pétrolier. Quand il faut récupérer des caisses de dynamite instable à plusieurs kilomètres, ils sont volontaires pour conduire les camions. Un long et dangereux périple dans la jungle.
Le tournage, éprouvant, a souvent failli être abandonné. Chaleur, humidité, accident : rien n'est épargné aux équipes. Le long-métrage est finalement achevé dans la douleur, pour le résultat que l'on sait…
Film noir sur le destin et la rédemption, 'Sorcerer' a l'étiquette de production maudite. Le coffret offre un long entretien enregistré en février dernier entre William Friedkin, 80 ans, l'œil vif et la parole taquine et Nicolas Winding Refn, le jeune prodige danois dont le "Drive" est directement inspiré des productions de Friedkin.

'Sorcerer', La Rabbia & Wild Side, 19,99 euros le pack DVD, 24,99 le pack blu-ray.

mercredi 16 décembre 2015

BD : Double fin du monde dans "Le Grand Mort"



Triple récit pour une double fin du monde : « Le grand Mort », série écrite par Régis Loisel et Jean-Blaise Djian, dessinée par Vincent Mallié, s'affirme de plus en plus comme le feuilleton BD le plus passionnant de ces dernières années. En plus du trait élégant du repreneur graphique de « La Quête de l'oiseau du temps », l'histoire, sur trois plans différents, est de plus en plus prenante. Et les rebondissements se multiplient. On suit Gaëlle et et Pauline, fuyant Paris en plein chaos pour rejoindre la Bretagne. A pied, elles rejoignent un groupe qui leur prête des vélos. Mais il faut se méfier des rencontres hasardeuses dans ce monde en pleine déliquescence, frappé par une série de séisme qui a détruit toute civilisation. Erwann, de son côté, découvre les pouvoirs de Blanche, la petite métis issue de ses amours avec la prêtresse Macare du Petit Monde. Blanche, sans coeur, tue comme elle respire. Troisième arc narratif, la révolte dans l'autre monde. Les bouleversements sur Terre ne sont pas sans conséquence dans les villages. Tout en s'attachant aux différents personnages, on tremble de plus en plus pour leur avenir, de plus en plus compromis dans ce récit d'apocalypse.

« Le grand mort » (tome 6), Vents d'Ouest, 14,50 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Luke Skywalker pour toujours

Mark Hamill personnifie pour toujours Luke Skywalker. Quasiment inconnu quand George Lucas le choisit pour incarner la vedette de son nouveau film, Star Wars, Hamill n'est pourtant pas un débutant. Il a derrière lui des dizaines d'apparitions dans des séries télé et des téléfilms. Par contre il n'a pas du tout percé au cinéma. Le réalisateur visionnaire, contre l'avis de ses producteurs, ne veut pas de stars dans son film. La véritable vedette doit être l'histoire et les effets spéciaux. Mais le succès aidant, les trois principaux rôles propulsent leurs interprètes au sommet.
Si Harrison Ford a parfaitement négocié l'après Star Wars, Carrie Fisher a rencontré un peu plus de difficulté pour continuer d'exister artistiquement. Quant à Mark Hamill, il est presque tombé dans l'oubli, multipliant les séries B et les doublages voix. Un acteur un peu fantasque, qui a frôlé la catastrophe à la fin du tournage du premier épisode. Selon la légende, un accident de voiture l'aurait quasiment défiguré. Il n'a pu revenir dans L'empire contre-attaque qu'après de longues opérations de chirurgie esthétique. En réalité il s'est cassé le nez, ce qui a surtout atténué son air poupin.
Le secret absolu préservé par la production autour du Réveil de la Force, à l'affiche dès demain, concerne aussi le rôle de Luke. Pas une seule photo n'a filtré. Simple apparition ou présence importante ? Tous les passionnés se demandent surtout si le Jedi ne serait pas passé du mauvais côté de la Force. Ce serait un coup de théâtre digne de J. J. Abrams, le réalisateur. 
Réponse aujourd'hui...

mardi 15 décembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Nostalgie étoilée

A chacun ses madeleines. Si d'aucuns se souviennent avec nostalgie de Thierry La Fronde et du Vélosolex, mon panthéon de bons souvenirs se place dans un autre registre. Mes goûts me portent sur la revue Métal Hurlant, les ordinateurs Amstrad, les sabres-lasers et la trilogie Star Wars. Cette dernière tient une place à part dans mon imaginaire. Trop jeune pour voir les deux premiers films au cinéma, je n'ai découvert la saga qu'avec l'ultime épisode, "Le retour du Jedi" (que j'ai, honte à moi, orthographie Djedaï dans un fanzine en 1983). Mercredi, l'épisode VII de Star Wars sera enfin sur tous les écrans. Un succès planétaire annoncé qui a tout du marketing commercial. Et pourtant...
A 50 ans passés, je bous d'impatience de replonger dans l'univers de la "Force". Oubliés les attentats, les élections et la COP 21. Une seule chose m'importe : que devient Luke Skywalker (Mark Hamill) dans le film de J. J. Abrams et à quoi ressemble Adam Driver en Kylo Ren, le nouveau "grand méchant" qui a le lourd privilège de remplacer Dark Vador.
Pour patienter, je relis le très informé "Star Wars décrypté" de Fabrice Labrousse et Francis Schall. Ce pavé de 650 pages regorge d'anecdotes souvent méconnues. On apprend par exemple que le bourdonnement du sabre-laser imaginé par Ben Burtt est "la combinaison du moteur d'un vieux projecteur et des parasites captés par le tube cathodique de son téléviseur, parasites générés par le câble défectueux de son magnétophone". Vivement mercredi pour entendre de nouveau ce son.

lundi 14 décembre 2015

BD : Bosch, peintre démoniaque


Les historiens ne savent pas grand chose de la vie de Hiéronimus Bosch. Le peintre flamand a pourtant marqué l’art de son époque. Ses tableaux, foisonnants de démons et autres monstres hybrides digne des pires cauchemars ont fasciné ses contemporains et les générations suivantes. Il intègre logiquement la collection “Les grands peintres” et c’est Griffo qui s’est frotté à son univers démoniaque. Le dessinateur de Giacomo C abrodé une double histoire sur les peurs de l’artiste. Le jeune apprenti, pour faire cesser ses cauchemars, décide d’(enfermer les créatures qui le hante sur ses tableaux. Mais ces dernières parviennent à s’échapper. Il va devoir demander de l’aide pour mettre au point un “fixateur”. En parallèle, une jeune conservatrice de la ville de Gand, entreprend de restaurer un tableu de Bosch, retire ce vernis magique et se retrouve envahie à son tour par les monstres. Un album essentiellement graphique, les inventions de Bosch s’accordant parfaitement avec l’univers de Griffo.

"Les grands peintres : Bosch", Glénat, 14,50 euros.

dimanche 13 décembre 2015

Livre : Les mauvais fils des USA


Le premier a tenté d'abattre Ronald Reagan, le second a fait mouche en visant John Lennon. Parcours croisé de deux jeunes Américains sous la plume d'Héloïse Guay de Bellissen.


Personnages réels aux vies imaginaires, personnage imaginaire aux rêves réels : drôle de mayonnaise dans le roman d'Héloïse Guay de Bellissen. Holden, un des trois protagonistes, écrit cette lettre à son « père » : « Maintenant j'ai vingt-cinq ans d'existence et je suis toujours coincé dans une adolescence bancale. Je me sens prêt pour une nouvelle histoire. Alors je te le demande, fais-moi grandir, J'ai encore tellement de rêves. » Un joli cri de désespoir d'un personnage à son créateur. Holden est le personnage principal de « L'attrappe-coeurs » de Salinger. Il intervient régulièrement dans le roman car il a aussi le problème d'être adulé par de mauvaises âmes. C'est souvent le lot des créatures de papier, de fausses existences mais qui influent fortement sur de véritables hommes et femmes qui ne font pas toujours bien la différence entre une vie rêvée et une existence morne.
La jeune romancière française, après avoir dans son premier roman, raconté la vie de Kurt Cobain par l'intermédiaire de Boddah, son double imaginaire, se penche cette fois sur ce que l'Amérique produit de pire : les tueurs fous. Premier à entrer en scène Mark David Chapman. Ce petit gros, persuadé justement de capturer les cœurs des gens l'entourant, est un grand détraqué. Interné dans un centre pour jeunes obèses, il a cette pensée en chemin « Dans le car en voyant la forêt défiler, j'ai compris que si j'étais un arbre, je couperais mon tronc et laisserais pourrir mes racines. » Mark, en 1980, a tué John Lennon dans une rue de New York.

Amoureux de Jodie Foster
Le second petit Américain membre des « Enfants de chœur de l'Amérique » a pour nom John Hinckley. Lui aussi a lu le livre de Salinger, mais ce n'est pas Holden son modèle absolu. Lui fantasme à n'en plus finir sur Jodie Foster. Exactement Iris, la gamine du film « Taxi Driver ». Il va voir le film tous les jours. Se contentant au bout d'un certain moment de la fin, quand « Iris part se réfugier à côté du canapé, elle s'accroupit en pleurant, le visage caché dans une main. (…) On voit la fin de ses hanches et le début de son dos. Je regarde sa colonne vertébrale qui pleure, et j'ai envie de la prendre dans mes bras. »
Après avoir tué Lennon, Mark Chapman répondait à la police qui lui demandait comment il s'appelait : « Je suis l'Attrape-coeurs ». En lisant les articles sur le fait divers, John se découvre un frère. Un frère célèbre. Alors lui aussi décide de franchir le pas. Il se rêve marié à Jodie Foster et ambitionne de prendre la place de Ronald Reagan et sa femme Nancy dans les appartements de la Maison Blanche. Pour cela une seule solution : éliminer le gêneur.
D'une puissance poétique forte, le roman flirte en permanence avec la folie pure. Folie des deux tireurs, folie du personnage enfermé dans son roman. Et derrière la littérature, on découvre en filigrane un essai sur l'influence des créatures fictives sur nos vies quotidiennes.
Michel Litout

« Les enfants de chœur de l'Amérique », Héloïse Guay de Bellissen, Anne Carrière, 17,50 €