Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
vendredi 13 janvier 2012
De la Free(ture) sur la ligne
Tout le monde était pris d'une frénésie numérique à l'annonce de la commercialisation de forfaits à 19,99 euros, voire moins si on passe déjà par la FreeBox pour accéder à internet. Comme si c'était le début d'une nouvelle ère, d'une révolution complète et absolue.
En réalité, ce n'est que l'application d'une recette low-cost ayant fait ses preuves dans le secteur très concurrentiel des fournisseurs d'accès à Internet. Arnaud Montebourg a même osé ce tweet : « Xavier Niel vient de faire avec son nouveau forfait illimité plus pour le pouvoir d'achat des Français que Nicolas Sarkozy en 5 ans. » Certes les dépenses des Français pour les nouvelles technologies de l'information ont fortement augmenté ces dernières années, mais pas au point de dépasser le montant de leur loyer.
Reste que cet emballement, s'il est un peu surfait, est malgré tout justifié. Pour preuve, sur lindependant.fr, l'USAP reste le maître étalon des attentes des lecteurs. Or hier, l'annonce de la signature de Marc Delpoux au poste de manager n'a vraiment pas fait le poids face au décollage de la fusée Free Mobile.
BD - Wayne Shelton est un retraité actif, comme ses deux auteurs Van Hamme et Denayer
Jean Van Hamme s'en donne à cœur joie dans cette histoire entre rebondissement convenu et véritable surprise. De la BD d'aventure sans prétention. Ni morale, ce qui est plus rare de nos jours...
« Wayne Shelton » (tome 10), Dargaud, 11,55 €
Billet - Circulez mon côlon !
On connaissait le régime Mayo qui, comme son nom ne l'indique pas, nous faisait gober des œufs durs ad nauseam. Voilà aujourd'hui le régime « nettoyage du côlon ». Impossible de passer à côté de ces nouvelles pilules tant les publicités sont omniprésentes sur tous les sites s'adressant un tant soit peu aux femmes. Et l'argument publicitaire de préciser que « chaque être vivant a au moins un parasite qui vit sur ou en lui et les humains en ont bien plus. La nourriture et l'eau sont les plus fréquentes sources d'organismes envahisseurs. » Donc pour maigrir il suffit « d'éliminer les parasites vocraces qui vivent en vous. »
Enfin, d'abord il faut identifier ce que sont des parasites « vocraces ». Je n'ai pas trouvé le mot dans le dictionnaire. Un anglicisme ? Une faute de frappe ? J'aurais bien tenté de le demander à mes parasites, mais ils boudent depuis que je leur ai annoncé mon intention de « décoller les plaques mucoïdes de la paroi du côlon », toujours grâce à ces pilules miracles...
Ces publicités pourraient faire rire si elles ne profitaient pas de la crédulité de certaines personnes en situation de détresse. A ces dernières je n'aurai qu'un conseil : lisez, tout en bas du site web, les recommandations écrites en tout petit. Elles précisent que pour obtenir des résultats optimums, vous devez « augmenter votre activité physique et réduire votre consommation calorique. » Voilà bien les seules paroles sensées à retenir à propos de ce « nettoyeur de côlon ».
(chronique parue en dernière page de l'Indépendant du Midi en janvier 2012)
jeudi 12 janvier 2012
Littérature - Mufle d'Eric Neuhoff et Le Seigneur de la route de Jean-Pierre Gattégno : des cocus magnifiques
Ils sont cocus, mais pas forcément contents les deux héros de « Mufle » d'Eric Neuhoff et « Le seigneur de la route » de Jean-Pierre Gattégno.
Sont-ils à plaindre ces hommes délaissés ? Doit-on les prendre en pitié ou les ignorer ? Ne l'ont-ils pas cherché ? Ces deux romans très français sont, en plus de leçons de littérature, des histoires banales dans leur origine. Oui, tout passe, tout lasse, même les amours fusionnelles.Pierre Raustampon, avant de devenir au volant d'une Mercedes « Le seigneur de la route », titre du roman de Jean-Pierre Gattégno, est un petit professeur insipide. Il a séduit la belle Madeleine car il ressemble au personnage principal d'un tableau exposé au musée des Beaux-Arts de Dijon. Mais Madeleine, insatiable, a trouvé d'autres sosies au « Portrait de jeune homme » d'Emile Savitry. Dernier en date, un riche industriel.
La Mercedes de l'amant
Un jour, rentrant plus tôt que prévu, Pierre découvre, dans son salon, les habits de l'amant de sa femme. Ne voulant pas les surprendre dans le lit conjugal, il s'enfuit. Tout en emportant portefeuille, Iphone et clé de voiture du rival. C'est une puissante berline allemande. Comme envouté, Pierre va se glisser derrière le volant et se lancer dans un road-movie très mouvementé.Découvrant le plaisir de la vitesse, il fonce sur les autoroutes françaises, à plus de 200 km/h, il double en klaxonnant à tue-tête ces tortues se trainant à 130. Il dort sur les aires de service, paie avec les cartes bleues de l'amant et usurpe même son identité lors d'un contrôle de police. Au bout de plusieurs jours de cavale, Pierre s'étonne de la non réaction de l'industriel. Quittant l'autoroute, il reprend pied dans la réalité et frise la panique. Le policier qui l'a contrôlé a été tué d'une balle dans la tête et les corps de sa femme et de l'amant ont été retrouvés dans l'appartement de Pierre.Recherché, il va se réfugier dans ce monde impersonnel de l'autoroute. « De nouveau un paysage connu et rassurant. L'interminable ruban gris dont les bords se rejoignaient à l'horizon. » Les affaires de Pierre se compliquent quand il est kidnappé par des apprentis braqueurs, qu'il prend conscience qu'il est aussi recherché par des tueurs russes et qu'il tombe amoureux de Muriel, la femme de son malheureux rival.Jean-Pierre Gattégno laisse alors libre cours à son imagination, ne lésinant pas sur les coups de théâtre ni les incongruités comme cette analyse d'un hold-up, transformé... en plan de dissertation.
Le souvenir de Charlotte
Tout aussi percutant est le « Mufle » d'Eric Neuhoff. Dans ce court roman, le narrateur, la cinquantaine, tombe des nues : Charlotte le trompe. « Un amant. Elle avait un amant. Quel mot étrange. Nous ne sommes même pas mariés. L'amant, c'était moi. De quoi avais-je l'air ? Ma maîtresse a un amant. La phrase sonnait comme du boulevard. » Dans un premier temps, il est totalement anéanti. En perd le sommeil. Ne pense qu'à ça. Il l'aime toujours. Cela donne de superbes pages, d'un lyrisme étonnant sous la plume d'un Eric Neuhoff habituellement plus caustique. « Tu étais noble, farouche, conquérante. Tu semblais voler de victoire en victoire. Tu t'endormais d'un coup et ton visage devenait soudain celui d'une autre. Ton long corps amolli, souple plein. C'était un vrai corps. Je m'y noyais. »
Des mois de souffrance et puis un jour comme les autres, « devant la cage aux orangs-outans, il décida de la quitter. » Une nouvelle vie commence. « Je ne t'oublie pas, Charlotte. Je prends mes distances. Je ne te connais plus. »
« Mufle » est un petit bijou d'écriture, vif, entraînant, si distrayant. Une Charlotte en papier...
« Le seigneur de la route », Jean-Pierre Gattégno, Calmann-Lévy, 17,50 €
« Mufle », Eric Neuhoff, Albin Michel, 11,90 €
mercredi 11 janvier 2012
BD - Hydromel, valeureux chien de garde de la petite Zarla
Zarla, petite fille intrépide et inconsciente, est persuadée d'être une redoutable guerrière. Ses parents étaient chasseurs de dragons, mais ce n'est pas pour cela qu'elle a hérité de leur puissance.
Elle se croit invincible mais en fait, elle se tire de tous les mauvais pas grâce à son chien, Hydromel. Ce brave toutou est en réalité un redoutable bull-guerrier. En cas de danger, il se transforme. Un être hybride conçu à l'époque par les chasseurs de dragons pour les aider dans leur combat contre les créatures volantes.
Hydromel est resté fidèle à sa jeune maîtresse. Mais ce n'est pas le cas de tous les bull-guerriers. Plusieurs d'entre eux se sont révoltés. Une meute écume le pays, semant la terreur, se nourrissant des rares humains osant l'affronter. Zarla va croiser son chemin. Et Hydromel ne pourra rien pour elle. C'est le grand-père de l'héroïne, Lotfrig, qui devra intervenir.
Dans ce 4e album de la série imaginée par Janssens et dessiné par Guilhem (originaire de l'Aveyron comme son frère, Christophe Bec), Zarla s'efface un peu. Ce sont les bull-guerriers qui ont la vedette, notamment Hydromel.
« Zarla » (tome 4), Dupuis, 10,45 €
mardi 10 janvier 2012
BD - Gamineries à la sauce Roux
C'est le genre de bande dessinée qui vous fait regretter vos 10 ans, quand vous étiez plein d'imagination, qu'un rien vous permettait de vous amuser des heures. Les gamins de Mickaël Roux sont trois. Max, Théo et Léon sont en vacances, se retrouvent tous les jours au bord de la mer, prêts à affronter les monstres marins et le grand large. Le trio s'imagine en pirates. Un chapeau bricolé, des bandanas, un carton pour le navire, un foulard faisant office de grand voile : les voilà voguant à l'aventure.
Un voyage immobile mais très rafraîchissant. Le chaton se transforme en grand requin blanc, une poule (et des tubes de gouache) fera office de perroquet et le trésor sera caché dans le bac à sable. Chacun joue son rôle avec sérieux, du capitaine au simple matelot, sauf quand vient l'heure du goûter...
Les gags sont inventifs et poétiques. Oui, en refermant cet album on a envie nous aussi de transformer nos objets du quotidien. Plus qu'un bol d'air, cette BD est une inépuisable réserve d'oxygène pur.
« Jeu de gamins » (tome 1), Bamboo, 10,40 €
dimanche 8 janvier 2012
BD - Yiya, une orpheline têtue part à la découverte de mondes fantastiques
Daniel Pecqueur multiplie les séries depuis quelques années. Cet ancien pilote de course a mis du temps à s'imposer. Il a rencontré le succès avec Golden City et depuis il a toute latitude pour développer les différents mondes issus de son imagination. « Yiya » est le nom de son héroïne. Cette adolescente vit sur un bateau en compagnie de Rogo, le marin qui l'a recueillie alors qu'elle allait mourir de froid sur un quai.
Nous sommes en 2020 et pour survivre, Rogo accepte de conduire un mystérieux Chinois en mer, en pleine tempête. Rogo va disparaître au cours d'une plongée et Yiya va tout faire pour le retrouver. Gajic, le dessinateur, offre deux facettes de son talent dans cet album. L'histoire est très réaliste dans un premier temps, puis, quand Yiya plonge à son tour, le décor change totalement. Prisonnière d'un labyrinthe souterrain, elle va rencontrer d'inquiétantes créatures et devra se lancer à la recherche d'un trésor. Deux mondes très contrastés donnant tout son sel à ce premier tome.
« Yiya » (tome 1), Delcourt, 13,50 €
samedi 7 janvier 2012
BD - "La vénus du Dahomey", attraction exotique de l'exposition universelle de 1889
Il y a guère plus d'un siècle, l'Occident triomphant traitait les Africains comme de vulgaires animaux. « La Vénus du Dahomey » revient sur cette page noire de l'histoire française. L'exposition universelle de 1889 devait célébrer la Révolution française mais à côté de la Tour Eiffel et de la reconstitution de la Bastille, les Parisiens pouvaient flâner dans le village nègre.
Une reconstitution d'un habitat africain typique, avec 400 déracinés pour interpréter leur propre rôle, derrière ces grilles les faisant passer pour des animaux en cage. Laurent Galandon, sur cette base historique, suit les traces de Diamanka, la dernière Amazone du Dahomey. Cette redoutable guerrière n'a plus de roi à défendre, mais elle a toujours sa fierté. Exhibée, moquée, elle découvre le monde sans pitié des Blancs.
C'est la maladie qui va lui permettre de quitter cet enfer. Un médecin est appelé à son chevet car elle a une bronchite. Cet érudit va être séduit par cette femme hors du commun. Il va la soigner avec un médicament allemand tout nouveau sur le marché.
Dessiné par Stéfano Casini, cet album est instructif à plus d'un titre.
« La Vénus du Dahomey » (tome 1), Dargaud, 13,90 €
vendredi 6 janvier 2012
Chronique - laredoute.fr : la boulette et les boules
Pour une boulette, c'est une boulette ! Un vent de panique a dû souffler ce matin dans les locaux de laredoute.fr, le site de vente en ligne. Sur la page vantant un tee-shirt garçon rose portant l'inscription « Keep the move & enjoy the holydays » une photo a fait scandale.
Pas à cause de la faute (il ne faut pas deux y à holidays) ni parce que la société de vente par correspondance de Roubaix proposait la couleur rose (essayez donc d'habiller votre fils avec du rose...). A l'arrière-plan de cette photo montrant des gamins courant sur une plage, un homme entièrement nu ne cache rien de son anatomie.
Des enfants + un homme nu : la photo s'est répandue sur Twitter et les autres réseaux sociaux à une vitesse folle. Coté réactions, il y en avait pour tous les goûts. Les offusqués, les rigolards, les parodieurs (avec Sarkozy dans le rôle des enfants) et même ceux qui étaient du côté de l'homme nu : « Moi je pense au mec à poil, qui se promène tranquille sur sa plage nudiste préférée et qu'a rien demandé à personne. » La photo compromettante a été retirée du site vers 14 heures, quelques minutes après que la société se soit officiellement excusée sur son compte Twitter. « La Redoute vous présente ses excuses pour la photographie publiée sur son site et fait le nécessaire pour la supprimer. »
Le mot de la fin revient à ce tweet de Didier Botella, totalement imaginaire, mais qui ne doit pas être si loin de la vérité : « On m'informe qu'au Q.G. des 3 Suisses, c'est champagne pour tous à la cantine ce midi. »
(Chronique parue à la dernière page de l'Indépendant en janvier 2012)
jeudi 5 janvier 2012
BD - Contes orientaux dans "Habibi" de Craig Thompson chez Casterman
Auteur majeur de la BD américaine, Craig Thompson n'avait rien publié depuis le sublime « Blankets » Sept années de silence ? Non, un laps de temps nécessaire pour finaliser son nouveau roman dessiné, Habibi. Près de 700 pages en noir et blanc publiées dans la collection « Ecritures » de Casterman qui fête en 2012 ses 10 ans d'existence. Thompson revisite les contes orientaux dans ce long voyage onirique.
Une jeune femme voit son mari assassiné par des voleurs. Elle parvient à s'échapper et trouver refuge sur une épave de bateau échoué en plein désert. Elle rencontre dans ce lieu improbable, un enfant, Habibi. Ensemble, ils vont tenter de se protéger de la violence des hommes. Et il n'existe rien de mieux que de se raconter des histoires pour oublier un quotidien trop rude.
On est subjugué par les dessins de Craig Thompson. Il s'est totalement imprégné de la grâce de la calligraphie orientale et des paysages désertiques. On baigne dans cette magie intemporelle issue en droite ligne des contes des mille et une nuits. Une œuvre majeure, notamment en ces temps troublés d'intolérance et de suspicion.
« Habibi », Casterman, 24,95 €








