vendredi 20 août 2010

Roman - Une vie, des existences


Roman fou ou flou ? Le lecteur en refermant ce court récit, première œuvre de Sibylle Grimbert, ne peut s'empêcher de se poser la question. L'héroïne, Muriel Ortisveiler, apparaît un jour dans une rue. On ne connaît rien de son enfance, elle est simplement devenue nette, visible à ses contemporains. Elle vit dans un hôtel en compagnie d'amis et puis un jour part, disparaît avant de nouveau être "réelle" dans une ville de province. Elle se marie, se range, puis s'efface de nouveau... pour revivre ailleurs, chanteuse puis actrice de théâtre.

D'une force rare, ce premier roman met en équation littéraire la problématique du nouveau départ dans la vie. Et si on faisait comme Muriel ? Disparaître pour mieux exister ?

« Birth days » de Sibylle Grimbert, Stock, 12 € (roman paru en 2000) 

jeudi 19 août 2010

Polar - Cadavre encombrant


Quelle poisse ! Se retrouver avec un cadavre, non pas dans le placard mais dans sa propre camionnette, on avouera qu'il existe des situations plus agréables. Et pas n'importe quel cadavre, celui d'un flic de surcroît ! Bref, Eric Beaulieu, brocanteur (très) moyennement honnête, se retrouve dans la mouise la plus noire. D'autant plus noire qu'il vient aussi de retrouver son papa raide mort dans son fauteuil, étouffé par le sac plastique qu'il s'était fixé sur la tête. Y a des jours où on ferait mieux de rester couché ! Enfin, le seul avantage de la situation, c'est qu'il ne devra plus se cacher (de papa du moins) pour planquer les cinq cents kilos de hasch dans le garage du décédé. Un dernier gros coup, s'était juré Eric et puis je deviens honnête ! C'était sans compter avec l'encombrant colis de la camionnette, qui raidit à vue d'œil et dont il faudra bien se débarrasser...

Difficile de faire plus cocasse que cette histoire ! On se bidonne du début à la fin bien que les questionnements d'Eric finissent par nous interpeller quelque part. Quant à la chute, on n'en dira pas plus mais on s'est régalé !

« L'encombrant » de William Olivier Desmond, Seuil, 15 € (roman paru en 2000) 

mercredi 18 août 2010

BD - Petits trolls énervés


Les petits trolls sont de retour. Et ils ne sont pas contents. Dans le précédent album signé Arleston et Mourier, Gnondpom et Tyneth étaient tombés dans les griffes de Lady Romande, une tortionnaire capturant des orphelins pour ensuite les revendre comme main-d'œuvre à des industriels peu scrupuleux. Mais il n'est pas facile de dresser des petits trolls. Et cela se complique car leurs parents et amis viennent les délivrer. 

L'intrigue n'est certes pas très étoffée mais ce n'est pas ce que l'on recherche dans cette série. L'intérêt réside dans les bagarres, dialogues absurdes et jeux de mots tirés par les cheveux. Et pour une fois, les trolls se feront aider par un humain, Könan le barbare. Un personnage secondaire savoureux, qui en prend plein les dents mais nous fait bien sourire quand même.

« Trolls de Troy » (tome 13), Soleil, 13,50 €

mardi 17 août 2010

BD - Toutes les richesses humaines du Grand Nord


Venue voir l'ancienne mine d'or de son père, Valentine Pitié, 20 ans, riche héritière, se retrouve seule dans le Grand Nord canadien à la suite d'un accident. Elle verra la mort de près, mais l'intervention miraculeuse d'un chasseur inuit, Yakupi, lui redonne espoir. Dès cet instant sa vie va changer du tout au tout. La jeune occidentale va découvrir les mœurs et coutumes de ce peuple ayant su s'adapter à des conditions de vie si rudes. 

Durant de longues semaines, elle va se lier d'amitié (et un peu plus même) avec Yakupi, sa femme, ses enfants et les autres membres de la tribu. La jeune femme, poète dans l'âme, est souvent en admiration devant les paysages vierges. 

Ces mêmes paysages qui permettent à Benn se signer un album d'une exceptionnelle luminosité. Ce dessinateur belge a déjà une très longue carrière mais a pris le risque du récit réaliste. Coup d'essai, coup de maître !

« Valentine Pitié » (tome 1), Dargaud, 15,50 € 

lundi 16 août 2010

BD - People : à eux la honte !


La couverture, sorte de pastiche d'une revue people, n'est pas très engageante pour l'amateur de BD. Adeline Blondieau, le nom de la scénariste, aussi, risque d'en faire fuir quelques-uns. Et pourtant. Nicolin, au dessin, a percé en signant un blog radical et comique. Alors on ouvre, on lit un premier gag, puis un second et on se dit finalement que les aprioris c'est ridicule. Car on se bidonne en lisant ces anecdotes véridiques arrivées à des peoples connus, souvent des connaissances de Blondieau. 

Vous ne pourrez pas rester insensible aux aventures de « l'anaconda » de Pascal Gentil ou aux tracas de papier hygiénique de Bernard Montiel. Le dessin, très caricatural, est atténué par des décors quasi photographiques, renforçant le côté réalité des histoires. Bref, ces gags, prépubliés dans l'Echo des Savanes, sont une des bonnes surprises de l'été.

« Ma vie de People » (tome 1), Drugstore, 9 € 

dimanche 15 août 2010

BD - Les ogres ont trouvé leur maître


Surfant sur la mode des jeux vidéos et de la magie, Michel Rodrigue, déjà dessinateur de Cubitus, ajoute une nouvelle corde à son arc en signant le scénario de cette nouvelle série destinée à un public compris entre 8 et 14 ans. 

Le héros, Karl, est un jeune ado timide, passionné de jeu vidéo. Notamment du tout dernier sorti sur le marché : « Le maître des ogres ». Karl brille dans ce jeu de rôle entre quête mystique et combats violents. Dans la première partie de l'album, le lecteur suit le progression de Karnos, le roi des ogres (vert, armé d'un marteau, plus de 2 mètres au garot...) qui tente de libérer sa fille Phaline. Il est aidé par Karl qui endosse le costume d'un magicien. Mais au moment crucial, l'écran s'éteint d'un coup. 

C'est la belle-mère de Karl qui vient de sévir, il est l'heure de manger. Après le repas, Karl retourne dans sa chambre. Il y découvre sa télévision explosée et deux personnages du jeu en chair et en os sur son lit : Karnos et Phaline. L'imaginaire va alors s'inviter dans la vie très banale de Karl. Karnos, toujours affamé, manquera de boulotter la demi-sœur de Karl avant de se contenter d'un vigile de supermarché. Assez peu discrets, ils auront rapidement la police aux trousses. Karl va sauver la situation... en renvoyant tout le monde dans le jeu, lui y compris. 

En passant du réel à l'imaginaire, les personnages vont devoir d'adapter et surtout craindre une certaine Althéa, sorcière de son état derrière qui se cache un autre joueur. Cette BD plaisante est dessinée par Vicenzo Cucca, un Italien, aux influences très « disneyennes ».

« Le maître des ogres » (tome 1), Le Lombard, 9,95 €

samedi 14 août 2010

BD - Afrique : du rêve à la réalité


Il ne vit que pour l'Afrique. Une Afrique du passé, celle des colonies. Quand la savane regorgeait de fauves que l'on pouvait chasser en toute impunité. Dans son appartement parisien, ses murs sont ornés de masques tribaux, il écoute Joséphine Baker et sa femme de ménage est noire. Charles n'est pourtant pas méchant. Simplement un peu perdu dans le temps et l'espace. L'Afrique, il la rêve. Et un jour, le rêve devient réalité. Il gagne à un concours sponsorisé par Banania. Le premier prix : un voyage organisé. Direction Cotonou au Bénin. L'aventure peut commencer...

Jean-Christophe Chauzy aime dessiner les chaudes ambiances africaines. Il se régale également à montrer ses personnages perdus dans un monde qu'ils ne comprennent pas. Charles ne fait pas exception à la règle. Le continent noir a beaucoup évolué depuis ses lectures de jeunesse. Il se trouve confronté à un tourisme de masse, à des populations urbaines, des fauves apprivoisés et des « tigresses » peu farouches au premier abord, très mordantes dans l'intimité de la chambre. Ecrite par Anne Barrois, cette histoire balance entre nostalgie du temps des colonies et description réaliste d'une Afrique moderne où tous les coups sont permis pour s'en sortir.

« Bonne arrivée à Cotonou », Dargaud, 13,50 € 

vendredi 13 août 2010

Roman - Où une Lolita en écrit l'histoire d'une autre

L'histoire d'une petite provinciale de 20 ans avec des rêves parisiens plein la tête, qui vous scotche au fauteuil comme un « Bubble gum ».


Abracadabrant n'est pas vraiment le mot. Invraisemblable peut-être dans la forme mais le fond colle tellement à la réalité qu'il nous cloue le bec. Quoiqu'il en soit, Lolita Pille, nous écrit une histoire aux rebondissements époustouflants avec une maitrise de la langue française et une justesse de ton remarquables pour la post-adolescente qu'elle est encore. Au temps pour les détracteurs des jeunes qui-ne-savent-plus-écrire ! On trouve ici un style teinté d'un classicisme scolaire de bon aloi mais cependant très perso, avec des tas de références tant littéraires que musicales. Et qui nous prouve qu'on peut encore écrire jeune et branché au participe présent.

La vie n'est pas rose...

Comme pourrait nous le laisser croire la couleur de la couverture ou celle du chewing-gum lambda, de fait, la vie n'est pas facile pour Manon, jeune et belle provinciale qui, comme beaucoup, décide de monter à Paris pour connaître enfin la vraie vie. Fini le noir et blanc de Terminus, le village qu'elle connaît par cœur et à elle le technicolor de la grande ville. Dans la capitale, Manon trouve un petit boulot de serveuse et un studio plutôt minable mais elle y croit : un jour elle sera un mannequin adulé par, les foules et fera la couverture de Elle, Vogue ou autre Cosmopolitan.

Arrive dans le restau où elle se fatigue dur, tel le Prince Charmant des contes de son enfance, le beau et ténébreux Derek Delano, fils à papa milliardaire, qui lui ouvre, si ce n'est son cœur du moins son lit, ainsi que les portes d'une agence de mannequin réputée. De défilé de mode en couverture de magazine, l'image de Manon s'étale à tous les coins de rue. Jusque sur les affiches du film, produit par Derek, qu'elle tourne sous la houlette d'un réalisateur prestigieux en compagnie d'un acteur adoré des foules. Le hic de l'histoire, c'est que plus sa vie prend la tournure dont elle rêvait à Terminus, plus la belle Manon s'étiole.

Alcool, cocaïne, elle ne supporte plus rien ni personne et maigrit à faire peur, perdant à la fois la fraîcheur de sa beauté et le goût à la vie. Cette vie dont elle avait tant rêvé semblerait-elle aussi inconsistante que l'air contenu dans une bulle de chewing-gum ?

Fabienne Huart

« Bubble gum » de Lolita Pille aux éditions Grasset, 18 € (également au Livre de Poche, 6 euros) 

jeudi 12 août 2010

BD - Le pouvoir des livres de la série "Hypertext"


Une série, trois époques. « Hypertext », BD écrite par Sébastien Viaud, permet au dessinateur, Adrien Villesange, d'alterner ambiances futuriste, contemporaine et moyenâgeuse. De nos jours, une journaliste découvre dans les sous-sols de Paris un mystérieux livre très convoité. Plusieurs siècles auparavant, ce même livre semble être au centre de la relation torride entre un moine copiste et une châtelaine. 

Une partie des explications se trouve dans le futur. Notre monde a été frappé par un vaste bug. Depuis, toute la connaissance et le pouvoir repose sur les derniers livres existants. Les bouquinistes sont les rois. Mais des groupes luttent contre ce nouvel ordre mondial. Notamment les femmes du groupe « Hypertext », sortes de terroristes détruisant le plus de livres possibles. 

Cette fiction est une jolie parabole sur le pouvoir des livres. Aujourd'hui ils sont nombreux et peu chers. Profitons-en !

« Hypertext » (tome 2), Delcourt, 12,90 € 

mercredi 11 août 2010

BD - Chasse à l'homme et au lion


Au cœur du Kenya, dans la vallée du Rift, un homme est seul. Il court. A ses trousses, un lion. Chasseur ou chassé, les rôles sont parfois inversé et tiennent à peu de choses. C'est un peu la philosophie de cette nouvelle série écrite de Perrissin et dessinée par Pavlovic. Dans cet immense pays, quelques fermiers blancs ont fait fortune en produisant du café. L'homme en fuite est Sean Munroe. 

Condamné pour le meurtre de sa compagne, il vient de fausser compagnie à ses gardiens. Il est Blanc. Sa femme était noire. Et il a toujours clamé son innocence. D'ailleurs, cette évasion il n'y voit qu'un seul avantage. Il va pouvoir venger la femme qu'il aimait. Si une partie de l'action se déroule dans la brousse, l'autre est centrée sur la plantation Munroe. Le père de Sean, Robert, espère beaucoup de son mariage avec la riche héritière d'un pasteur blanc. L'exploitation n'est pas au mieux et l'apport d'argent frais pourrait empêcher la faillite.

 La série décrit minutieusement cette société sombre et en perdition, vénérant l'argent et attisant les haines entre les communautés.

« Les Munroe » (tome 1), Glénat, 13 €