mardi 11 mai 2010

BD - Petits Hommes, grands de la BD


Pierre Seron a longtemps été considéré comme le meilleur disciple de Franquin (certains militaient d'ailleurs pour qu'il reprenne les aventures de Spirou). Un dessinateur discret, efficace et productif. Il ne s'est quasiment consacré qu'à une seule série : Les Petits Hommes. 

Les éditions Dupuis, dans leur collection des intégrales, entreprend la réédition, dans l'ordre chronologique, des aventures de ces petits héros, devenus minuscules après avoir été touchés par une météorite. Le premier volume reprend plusieurs histoires non publiées en album, l'occasion de découvrir les premiers pas d'un futur grand. Car Seron, sous un certain classicisme, a toujours aimé les expériences : des planches à l'italienne à l'intervention des lecteurs en passant par l'utilisation d'autres héros (Khéna). 

Un bel hommage pour un dessinateur injustement oublié mais qui continue à publier chez Bamboo.

« Les Petits Hommes » (intégrale, tomes 1 et 2), Dupuis, 24 € chaque volume 

lundi 10 mai 2010

BD - L'aventurier ultime


Bernard Prince est le prototype parfait du héros de BD aventurier, libre et humain. Il est né de l'imagination débordante de Greg, durant ces années 60 au cours desquelles il lançait un personnage tous les trois mois. Le dessin en a été confié à Hermann, encore débutant. Il deviendra au fil des albums un des meilleurs dessinateur réaliste de sa génération. 

Bernard Prince qui va reprendre du service, mais avant de découvrir la nouveauté (en août prochain), plongez dans les débuts de la série grâce à cette superbe intégrale. Une redécouverte grâce au format plus grand et le long dossier qui revient sur la genèse de la série. 

Le volume 1 reprend les cinq premiers titres avec en bonus de nombreuses gouaches illustrant les couvertures du Journal Tintin.

« Bernard Prince » (intégrale, tome 1), Le Lombard, 35 €

samedi 8 mai 2010

BD - Un album à déguster


Une bande dessinée peut-elle avoir du goût ? Dans le sens de goûteuse, comme un de ces plats raffinés que l'on sert dans les restaurant étoilés. « Lord of Burger » tente de concilier histoire dessinée et grande cuisine. Une association étonnante qui l'est un peu moins quand on découvre que Christophe Arleston en signe le scénario. Le créateur du monde de Troy (Lanfeust, Trolls...) est un grand épicurien. Il n'a jamais caché son attirance pour les grands crus et les tables renommées. Il a simplement tenté, en compagnie d'Alwett, de faire découvrir aux lecteurs de BD le fonctionnement d'un restaurant 3 étoiles. Avec cependant une bonne dose de comédie et de suspense. Alessandro Caprese est à la tête du Clos des épices. Son talent de cuisinier a permis à ce restaurant gastronomique d'obtenir les légendaires trois étoiles au guide rouge. Alessandro connait la réussite derrière les fourneaux. 


Par contre, côté famille, il est en échec. Sa femme, pâtissière sans génie, est internée dans une clinique psy, sa fille Ambre refuse de cuisiner, sa passion étant la sculpture sur glace et son fils, Arthur, bien que très doué, travaille carrément pour un fast-food...

Mais quand le chef est assassiné, ses enfants vont tout faire pour maintenir le restaurant à flot pour permettre de rembourser les dettes. Ce premier tome de 100 pages plante parfaitement le décor en reproduisant assez bien l'ambiance survoltée dans les cuisines de ces temples du bien manger. Le personnage d'Ambre est particulièrement développé et on sent que derrière la volonté de cette jeune fille se cache l'âme de son père. 

Côté dessin, Balak et Zimra sont deux jeunes passés par la filière de l'animation et marqués par les mangas japonais. Cela donne une BD très vive, pleine de mouvement et d'action. Certes cela ne mérite pas encore trois étoiles, mais le résultat peut facilement prétendre à un premier macaron.

« Lord of Burger » (tome 1), Glénat, 10 € 

vendredi 7 mai 2010

BD - Le petit chat est mort


La nouvelle aventure de Jeremiah, le héros solitaire créé par Hermann, a des airs de règlement de compte en famille. La famille. Pas évident de vivre avec cette entité réductrice quand on ne jure que par la liberté. Jeremiah est de retour auprès de la belle Léna. Avec son mari elle élève son enfant. Un gamin qui ressemble étrangement à Jeremiah. 

Un toit, un travail, une femme, des enfants... On sent le héros hésiter. Mais son naturel libertaire va revenir au galop et le mettre dans de fâcheux draps. Un soir, il intervient dans une bagarre. Il cloue le bec à une brute qui tabassait un mineur. Ce dernier avait eu l'affront de critiquer Ricky, le fils pourri gâté du patron de la mine. Ricky, haineux, violent, autoritaire, une véritable peste. « Un bon garçon » selon sa mère, aveuglée. Ricky qui va tenter de se venger de Jeremiah.

Dans cette histoire de révolte ouvrière et de règlement de compte, l'action semble un simple prétexte pour étaler tout au long des pages la difficulté pour certains parents d'assumer leur progéniture. Un message personnel de l'auteur ?

« Jeremiah » (tome 29), Dupuis, 10,95 € 

jeudi 6 mai 2010

BD - Aux sources de l'inspiration de Jules Verne


Deux jeunes auteurs espagnols rendent hommage au génie de Jules Verne dans cette série pour adolescents. 

Jules Verne, avant de devenir l'écrivain à l'imagination foisonnante, a été un enfant. Et déjà il était enclin à inventer des histoires. Nous sommes en novembre 1857 près de Nantes, le jeune Jules Verne a déjà pour ambition de vivre de sa plume. Avec son frère Paul et sa cousine Caroline, ils se voient déjà en train de voguer sur les mers, à la découvert de l'île de Robinson Crusoë. En fait un ilot sur la Loire. 

Mais l'aventure est quand même au coin du bois. Un énorme dolmen et un fantôme provoquent une belle frousse aux enfants. Cet album, signé Jorge Garcia (scénario) et Pedro Rodriguez (dessin) est une extrapolation sur les sources d'inspiration de Jules Verne. 

Un peu de fantastique, un soupçon d'aventure saupoudré de vie familiale : l'ensemble est très plaisant. En bonus, une nouvelle en fin d'album raconte la rencontre entre le jeune Jules Verne et les deux auteurs espagnols, voyageurs dans le temps.

« Les aventures du jeune Jules Verne » (tome 1), Glénat, 9,40 € 

mercredi 5 mai 2010

BD - Mémoire fugitive


En couverture, les auteurs de Re-mind annoncent la couleur : « La technologie du FBI n'a plus de limites ». Cette série (en deux parties seulement) est à la frontière entre thriller et science-fiction. Tout commence le 11 septembre 2001. John Geb est médecin aux urgences. Il est au pied des tours. Il parvient à sauver une femme en arrêt cardiaque. Elle lui en sera reconnaissante, avouant après coup avoir vu sa vie défiler devant ses yeux. 

Un phénomène bien connu du FBI qui a mis au point un appareil permettant de filmer cette vie en accéléré. Il faut juste être là au bon moment. Une formidable machine à aveux. Car si la personne ne veut pas parler, il suffit de l'abattre pour récupérer toutes ses connaissances. Une vie contre des informations. Les froids agents du FBI ne se posent pas longtemps la question. John va en faire les frais, obligé de mettre son fils à l'abri car il détiendrai des révélations sur un possible attentat. 

Palpitant, digne d'un film à grand spectacle américain, cette BD d'Alcante (Pandora Box) est illustrée par l'Italien Andrea Mutti (Nero).

« Re-mind » (tome 1), Dargaud, 10,95 € 

mardi 4 mai 2010

BD - Ric Hochet et les acteurs


Ric Hochet a été, durant des décennies, un des héros emblématique de l'hebdo Tintin, le journal des jeunes de 7 à 77 ans. 77, un chiffre symbole, qui est en couverture du 77e titre de la série imaginée par Duchâteau et dessinée par Tibet. Un chiffre maudit également car il marque la mort de Tibet. « Ici 77 ! » aura été le dernier album entièrement dessiné par Tibet, mort en janvier dernier. 

Ric Hochet se plonge cette fois dans le milieu des feuilletons télévisés. Il doit démasquer un tueur dans l'équipe de tournage d'une série policière. Il se trouve surtout face à des acteurs qui cabotinent en diable. La vieille star sur le retour qui ne veut pas laisser la place à la jeune première, l'acteur en fin de carrière que les producteurs veulent à tout prix faire mourir pour injecter un peu de jeunesse dans la distribution, le scénariste frustré, le metteur en scène ayant la folie des grandeurs mais pas le budget... 

Duchâteau prend beaucoup de plaisir à brocarder un milieu qui ressemble parfois étrangement à celui de la BD.

« Ric Hochet » (tome 77), Le Lombard, 9,95 € 

lundi 3 mai 2010

Roman - Les papys pètent les plombs

« Série Z », de J. M. Erre, est un roman déjanté où un scénariste immature imagine un film de série Z joué par des acteurs retraités de seconde zone.


Amateurs de bon goût à la française, passez votre chemin. « Série Z », roman de J. M. Erre a tendance à dépasser les bornes. Rien ne semble trop osé pour cet auteur à la plume alerte. Il y a du San Antonio dans les situations scabreuses qu'il imagine. Du politiquement incorrect, à la Jean-Pierre Mocky, un cinéaste régulièrement cité dans ce roman hommage aux nanars, de France et d'ailleurs.

Félix Zac est mieux connu sur le net sous le pseudo de Docteur Z. Il anime un blog entièrement consacré aux pires films de séries Z. Félix, 33 ans, père d'une petite Zoé encore bébé mais déjà turbulente, vit un peu aux crochets de son amie, Sophie. L'animation du blog ne rapporte pas un centime et, au contraire, l'achat de dizaines de cassettes vidéo dans les vide-greniers, grève sérieusement le budget familial. Pourtant Félix sent que son heure est venue. Il va proposer à un producteur son scénario de film d'horreur : « L'hospice de l'angoisse ».

La société secrète des VV

J. M. Erre ne livre pas toutes ces informations d'un bloc. Il aime distiller lentement et entrelarder de digressions les différentes séquences. Entre notes du blog, coupures publicitaires et apartés avec un lecteur de Knokke-le-Zoute, on a droit notamment à de longs extraits du scénario qui vaut son pesant de cacahuètes. L'action se déroule dans une maison de retraite n'accueillant que des acteurs en fin de vie. Tous plus cabotins les uns que les autres, ils sont mesquins, méchants, séniles et rarement propres.

Or en moins de deux mois, quatre pensionnaires ont disparus. De quoi faire cogiter les membres de « la société secrète des VV, alias les Vétérans Vigilants ». A moins que cela ne soit les « Vaillants Valides » ou les « Vigoureux Vioques ». Pour en faire partie il suffit de réussir les trois épreuves de base : « Courir le cent mètres en moins de cinq minutes, retrouver en quelle année nous sommes en moins de dix secondes, changer sa couche tout seul. » Le lecteur sait à partir de ce moment que les personnes âgées du roman ne seront pas forcément très fréquentables. D'autant que certaines sont d'anciennes stars du cinéma porno et que malgré le poids des années, ils sont toujours partant pour quelques galipettes, les contorsions en moins, l'arthrose en plus...

Boucheries productions

Tout se complique pour le héros, Félix, quand il rencontre son futur producteur : « Isidore Boudini, le roi de la bidoche discount ». Ce boucher accueille Félix dans son abattoir rempli de cadavres environnés de rivières de sang. Et lui explique qu'il cherche un scénario pour son fils qui s'est mis en tête de devenir cinéaste. Il tique un peu en lisant le début du scénario (trop de vieux, pas assez de sexe et d'hémoglobine), mais semble emballé après que Félix lui ait assuré qu'il pourrait y rajouter, selon les désirs du producteur, « de la mamelle et du cannibale. » Sans oublier « un monstre marin et un extraterrestre ». Le gros problème pour Félix c'est l'hospice existe vraiment de même que ses personnages. Et la police enquête justement sur ces disparitions qui sont en fait de véritables meurtres. Son scénario transforme Félix en suspect numéro 1.

Totalement déjanté, un peu foutraque mais regorgeant de trouvailles, ce roman, entre la parodie et le polar, est un réel hommage à ce cinéma du pauvre, où souvent le meilleur était dans le titre du film. Des titres repris comme tête de chapitres, de « Y a un os dans la moulinette » (Raoul André, 1974) à « Arrête de ramer, t'attaques la falaise » (Michel Caputo, 1979).

« Série Z » de J. M. Erre, Buchet-Chastel, 20 € 

dimanche 2 mai 2010

BD - Tranches de vies à l'américaine


La nouvelle BD indépendante américaine regorge de talents mis en valeur dans Outsider, la nouvelle collection des éditions Delcourt. Gabrielle Bell est indéniablement une très belle découverte. Scénariste et dessinatrice de ces courts récits, elle a débuté en s'auto-publiant puis s'est lancée dans une longue autobiographie. 

De sa vie, on en retrouve des bribes dans les onze histoire courtes reprises dans ce recueil de 150 pages. La première est comme un uppercut. Une jeune femme, venue s'installer à New York, se sentant de plus en plus insignifiante, se transforme en chaise et débute une nouvelle vie, immobile. 

Gabrielle Bell raconte également la rencontre entre un grand artiste contemporain et une étudiante des beaux-arts dont les tableaux, très figuratifs, plaisent au jeune fils du sculpteur. Des tranches de vie entre insignifiance et banal ennui. Au final, magie de la création, cela se transforme en recherche graphique et littéraire de très haut niveau.

« Cecil et Jordan à New York », Delcourt, 17,50 € 

samedi 1 mai 2010

BD - Un quartier en fête


Cette BD de 80 pages a des airs de « Plus belle la vie ». Amélie Sarn et Marc Moreno ont écrit le quotidien de ce quartier où il fait encore bon vivre. L'illustration en a été confiée à Julien Mariolle qui signe son premier album et fait preuve, d'entrée, d'une forte personnalité dans son dessin, entre caricature gros nez, avec des décors réalistes et l'apparition de quelques scènes animalières criantes de vérité. 

Mme Mouchet, une charmante retraitée, ouvre et ferme ce premier tome. Elle parle à ses canaris, fait ses courses chez l'épicier du coin, houspille Aziz, son fils, un peu trop turbulent à son goût, croise Raymond, le balayeur, Robert Lesec, le pied-noir regrettant son village natal et Mlle Chmolowski, vieille fille qui débute sa tournée pour demander de l'aide dans l'organisation de la fête du quartier. 

Attendrissant par certains côtés, cette histoire est pourtant ancrée dans notre réalité sociale, notamment quand un couple d'homosexuelles tente vainement de louer un appartement dans le quartier.

« Le temps des cerises », Soleil Quadrants, 15 €