jeudi 22 avril 2010

BD - Enfants en guerre


Bienvenue à Parva Terra, monde imaginaire créé de toute pièce par Raul Arnaiz. Ce dessinateur espagnol, après avoir rodé son trait dans le monde de l'animation, a enfin concrétisé ce projet d'héroic fantasy qu'il avait dans ses cartons depuis de nombreuses années. Sur cette île, il ne reste que des enfants. Tous les adultes ont disparu. Seul Roméo, le roi des chevaliers blonds se souvient. Une mémoire qui lui donne le pouvoir sur cette petite bande, en guerre contre les mages cheveux-noirs. 

Les deux communautés se sont partagé l'île et se livrent à un conflit aux airs de guerre des Boutons. Nathan, le meilleur ami de Roméo, assailli de cauchemars, commence à douter de l'utilité de cette rivalité. 

Il sera le premier à remettre en cause l'ordre des choses et le pouvoir de Roméo. Il sera capturé par les pirates roux et livré aux mages. Ces derniers lui expliqueront qu'il a une mission : combattre un mal sournois, l'obscurité. 

Cette jolie parabole contre le racisme et la guerre est d'autant plus plaisante que les dessins d'Arnaiz sont d'une fluidité et d'une luminosité de virtuose.

« Légendes de Parva Terra » (tome 1), Le Lombard, 9,95 € 

mercredi 21 avril 2010

BD - Powa et le Chêne féerique


Cela débute comme un série pour adolescents bien ancrée dans notre époque. Nathan est un lycéen à la vie insignifiante. Il vit seul avec sa mère. Est un peu le souffre-douleur de certains de ses camarades. Côté sentiments, une timidité maladive l'empêche de faire le premier pas. Nathan pas forcément malheureux, mais pas épanoui. La première partie de cet album montre ce quotidien fait de frustrations et de petites défaites. Jusqu'à ce cours de sport qu'il redoute tant car, quand il s'agit de faire les équipes, il est toujours le dernier choisi. 

Et cette fois, il est carrément mis sur la touche. Un peu dégoûté, il quitte le terrain et va ruminer sa tristesse au pied d'un chêne. Un arbre magique où il rencontre pour la première fois une fée. Très mignonne, assez délurée, elle lui propose de lui donner un don différent chaque jour jusqu'à ce qu'il se décide pour en garder un définitivement. Nathan, après quelques heures de réflexion (et de nouvelles humiliations) lui demande de pouvoir voler... 

Remarquablement dessinée par Ben Fiquet, cette série urbano-fantastique fera rêver tous les se jeunes se désespérant de leur vie trop morne.

« Powa » (tome 1), Delcourt, 9,95 € 

mardi 20 avril 2010

Premiers polars, premiers prix

« Et on dévora leur cœur » de Sylvain Blanchot et « Turpitudes » d'Olivier Bocquet : deux premier romans primés pour des auteurs prometteurs.

Le premier vient d'être publié par les éditions du Masque car il a remporté le prix du premier roman au festival de Beaune. Le second intègre la collection thriller de Pocket après avoir séduit de milliers d'internautes qui ont voté pour son manuscrit en ligne. Sylvain Blanchot et Olivier Bocquet sont des débutants surdoués qui devraient compter dans les années à venir.


La découverte de nouveaux talents est souvent une des motivations premières de certains éditeurs. Ainsi il existe plusieurs filières pour tenter de mettre la main sur la perle rare. Une des plus originale a été lancée l'an dernier : un concours qui mettait à contribution les internautes pour donner leur avis et désigner le manuscrit gagnant. Thriller Mania a permis à 40 000 personnes de désigner les résumés les plus prometteurs puis de juger sur pièce en découvrant les premier chapitres.

A ce petit jeu, fin juin 2009, c'est Oliviou qui l'a emporté pour son histoire intitulée « Les minicrobes ». Quelques mois plus tard le pseudo a laissé la place à un véritable auteur : Olivier Bocquet. Publié dans la collection thriller entre Harlan Coben ou Maxime Chattam (qui faisait partie du jury), il propose « Turpitudes ».

Fin 2003, plusieurs phénomènes extraordinaires vont bousculer la quiétude de Fontainebleau. Meurtre sanglant, émeute et épidémie vont transformer la ville tranquille en nid de problèmes insolubles. Des événements qui semblent indépendants les uns des autres mais qui pourtant sont reliés secrètement.

C'est cet enchaînement de coïncidences qu'Olivier Bocquet va raconter avec brio, d'une plume alerte non dénuée d'humour et de fantaisie. On remarque en premier lieu dans ce premier roman la maîtrise de l'intrigue et le bon timing pour présenter les différents protagonistes. On surfe ainsi du maire ripoux à Rachel, sa fille désabusée, du prof opportuniste à la petite racaille flairant le bon coup. Un roman classique entrelardé de faits divers véritables (tirés de la presse locale) et d'extraits du journal intime de Rachel. Et comme tout thriller qui se respecte, ce n'est pas forcément politiquement correct.

A noter que le concours Thriller Mania vient de débuter pour une seconde saison. Vous avez jusqu'à la mi-août pour déposer en ligne un résumé et le manuscrit de votre thriller. Après sélection du jury, dix projets seront soumis au vote des internautes à partir de septembre. Le nom du lauréat sera dévoilé mi novembre et édité en 2011 par Pocket.

A l'américaine


Plus classique est la désignation du prix du premier roman du festival du film policier de Beaune. Un jury, composé de professionnels (journalistes, scénariste, acteur et écrivain), sous la présidence de Jean-Christophe Grangé, choisit le manuscrit qui est édité dans la prestigieuse collection du Masque Jaune. Cette année c'est Sylvain Blanchot qui est distingué pour « Et on dévora leur cœur », un thriller digne des meilleurs romanciers américains. Il est vrai que l'action se déroule de l'autre côté de l'Atlantique et que la tension, omniprésente dans l'histoire, donne ce petit air très américain. Samuel Johnson, le héros, cherche à sauver sa peau. Il est poursuivi par les tueurs de Miguel Beaumont, l'homme à qui il a volé 50 000 dollars. Il se réfugie à Murton Caves, une petite localité au pied de la montagne. Mais sur place, il va devoir affronter un danger encore plus grand.

Particulièrement abouti, ce premier roman est plus que prometteur. Son auteur a de fortes chances pour rejoindre la petite légion des auteurs de polar français qui comptent.

« Turpitudes », Olivier Bocquet, Pocket, 6,50 €

« Et on dévora leur cœur », Sylvain Blanchot, Le Masque, 6,50 €

lundi 19 avril 2010

BD - Explorateur perdu


Le baron Alexandre de Humbolt est un célèbre explorateur et naturaliste du 19e siècle. Etienne Le Roux fait le récit de son dernier voyage, en Amérique du Sud et c'est Vincent Froissard qui se charge de l'illustrer. Derrière une couverture assez austère, se cache un objet graphique d'une grande originalité. D'une grande beauté surtout. 

Les errances de l'explorateur (accompagné d'une jeune femme et poursuivi par un rival) sont prétexte à des tableaux somptueux, entre gravure d'époque et effets actuels. Au fil des pages, on est littéralement transporté dans cette jungle hostile et inamicale, on sent l'humidité et la moiteur, on fait corps avec le milieu.

 Rarement un dessinateur aura réussi à ce point à faire passer des sensations avec de simples images.

« Le dernier voyage » (tome 1), Futuropolis, 17 €

dimanche 18 avril 2010

BD - Toutes les vies


Après les films chorales, voici les BD du même genre. Ce roman graphique de Gloris (scénario) et Charve (dessin) raconte le quotidien de six amis, quatre garçons et deux filles, la trentaine. Avec de très nombreux retours en arrière, quand ils étaient encore étudiants, déconneurs et plein d'enthousiasme. 

Stéph se frotte à la dure vie du chef d'entreprise, Laurent végète dans son emploi de banquier, Sophie tente d'intéresser une classe d'adolescents, Djed est chômeur longue durée, Natacha est toujours étudiante. Quant à François, le personnage pivot, il est resté le geek passionné de jeux vidéo, casanier, amoureux transi. Au début, cela ressemble à une version plus jeunes de Plus belle la vie, mais rapidement on découvre les failles des personnages, leurs échecs, leurs renoncements. 

Un petit bijou de psychologie où chacun y trouvera un peu de son histoire.

« Ainsi va la vie », Drugstore, 17 € 

samedi 17 avril 2010

BD - Un renard futé


Cyril Trichet n'avait qu'une seule série à son actif : « Les arcanes de Midi-Minuit ». Ce jeune dessinateur ayant fait ses premières armes au côté de Crisse étend sa palette graphique avec « Les McFox », BD animalière ancré dans la réalité. Son trait rond et dynamique, entre Disney et « Monster Allergy » permet au lecteur d'accrocher immédiatement aux aventures de cette famille de renards. 

Une famille très ordinaire, le père, colérique est chauffeur de poids lourds, la mère, gentille et attentionnée s'occupe du foyer et de ses deux fils, Praxis et Ecto. Le premier, adolescent amateur de skate, est écartelé entre l'envie de s'amuser et succomber aux premiers amours. Le second, plus jeune, est encore un bébé très naïf et innocent. 

Une BD tout public scénarisée par Gaudin et qui plaira plus spécialement aux moins de12 ans.

« Les McFox » (tome 1), Soleil, 9,95 €

vendredi 16 avril 2010

Roman jeunesse - Le mur du futur


Destiné aux adolescents, « Le Mur » d'Emma Clayton est un roman d'anticipation qui utilise subtilement les grandes peurs de notre quotidien : nouvelles maladies, surpopulation, pollution. L'action se déroule dans un futur proche. Exactement cinquante ans après l'apparition de la peste animale. Du jour au lendemain, tous les animaux se sont transformés en monstres assoiffés de sang. Chats, chiens, oiseaux se sont mis à attaquer les humains. 

Les gouvernements n'ont trouvé qu'une solution pour protéger la population : ériger un immense mur qui permet de préserver l'hémisphère nord de la planète. C'est dans ce contexte que le lecteur fait connaissance avec Ellie. Cette jeune Anglaise de 12 ans est aux commandes d'un Pod Fighter. Elle vient de s'échapper d'une station spatiale où elle était prisonnière depuis une année. Elle n'a qu'une envie : rejoindre sa famille et notamment son frère jumeau, Mika. Mika qui est l'autre héros du roman. Il est persuadé que sa sœur, considérée comme morte par le reste de sa famille, est toujours en vie. Il va développer des pouvoirs paranormaux avec sa jumelle. 

Deux enfants exceptionnels, des mutants en vérité, qui ont une valeur très importante pour le gouvernement. Ce premier tome (une suite est prévue en 2011) en plus de planter le décor, nous plonge dans ce monde cauchemardesque qui risque d'être une réalité pour les enfants des lecteurs d'Emma Clayton. 

Un roman de SF engagé qui vaut bien des discours politiques.

« Le Mur » (1. La peste animale), Emma Clayton, Pocket Jeunesse, 18 €

jeudi 15 avril 2010

Roman - Chronique d'une haine ordinaire

Dans le Vieux Sud américain, les passions et les brutalités déchirent une population tiraillée par les sentiments ambivalents que ressentent Blancs et Noirs des années 40. "Mississippi", un roman de Hillary Jordan.


Une ferme et de la boue. Des champs de coton et de la boue. Une petite, toute petite ville du Vieux Sud et de la boue. « Quand je pense à la ferme, je pense à la boue. (...) Avec elle, impossible d'avoir le dessus. Elle recouvrait tout. Je rêvais en marron. » A 31 ans, Laura, professeur d'anglais dans une école privée de garçons à Memphis, vit encore chez ses parents et s'est déjà résignée à son statut de « vieille fille ». C'est pourquoi elle n'ose pas croire à sa chance quand, au printemps 1939, elle rencontre Henry McAllan, invité à partager le repas dominical par son frère Teddy, de qui il est le nouveau patron.

La mère de Laura, flairant l'aubaine, réitère son invitation pour le dimanche suivant. « C'était une créature rare et merveilleuse : un célibataire de quarante et un an. » Arriva ce qui devait arriver, après quelques mois d'une cour assidue, Henry demande à Laura de l'épouser. Folle de bonheur, comment la pauvre jeune femme, éprise de littérature, de musique et de tout l'attrait culturel qu'offre une grande ville, aurait-elle pu deviner que son époux tout neuf, fils de fermier et amoureux dans l'âme de la terre qui a fait vivre ses ancêtres, achèterait quelques années après leur mariage, une ferme perdue au milieu de nulle part ?

Entre ses deux filles, la prunelle de ses yeux, son mari et le père de celui-ci, vieux bonhomme acariâtre et membre du Ku Klux Klan, Laura tente bon gré mal gré, d'être une épouse et une mère exemplaire et se résigne à la situation. « Que les choses étaient simples pour Henry ! Que je regrettais parfois de ne pouvoir le rejoindre dans cet univers austère et carré où tout était soit bien soit mal et où il n'y avait aucun doute sur ce qui était quoi. Quel luxe inimaginable que de ne jamais avoir à batailler avec des peut-être et des pourquoi, de ne jamais passer des nuits blanches à s'interroger sur des si. »

Un racisme récurrent

Dans l'après-guerre de ce coin du sud des États-Unis, les Blancs sont bien décidés à défendre la supériorité de leur race face à un peuple noir dépendant économiquement du travail que veulent bien leur donner ces mêmes Blancs. Mais la guerre a changé la donne... Et quand Ronsel Jackson, le fils des métayers noirs des McAllan rentre au pays, couvert de gloire et de médailles, il refuse de se plier à ces lois iniques, lui qui s'est battu pour son pays et a connu la considération des Européens, faisant fi de la couleur de peau de leurs libérateurs.

Dans le même temps, Jamie, le jeune frère d'Henry, ancien pilote de bombardier, revient lui aussi au bercail et s'installe à la ferme familiale.

Entre ces deux-là, qui ont partagé les mêmes angoisses pendant toutes ces années de guerre, se noue une amitié improbable. Une amitié qui va attiser la haine des Blancs de la petite ville...

Faisant parler tour à tour chacun des protagonistes du roman, Hillary Jordan réussit le pari risqué de dresser des portraits tout en nuances et en contradictions, mettant en lumière les sentiments complexes qui habitent les Blancs comme les Noirs de cette époque incertaine. « Henry se moquerait de moi pour ce que je vais dire, mais je crois que les Noirs ont la faculté innée, qui nous manque à nous autres Blancs, de pressentir les choses, une sorte de prémonition. Elle se différencie de la raison, dont nous sommes plus pourvus qu'eux, et provient d'une contrée plus ancienne, plus sombre. » pense un Jamie déchiré entre son amitié pour Ronsel, le Noir, et son éducation pétrie de racisme.

Ronsel qui s'attire les foudres de la population blanche parce qu'il refuse par exemple d'emprunter la porte de derrière de la seule épicerie du village, celle de devant étant réservée à « l'élite blanche ».

L'écriture de la romancière est puissante, bouleversante, ciselée. Elle emmène le lecteur dans les tréfonds d'une intrigue en partie inspirée par les récits dont Hillary Jordan a été bercée dans sa jeunesse passée entre le Texas et l'Oklahoma. Sans nul doute une première œuvre menée de main de maître, qui ne sera, espérons-le, que le début de sa carrière d'écrivain.

Fabienne HUART

« Mississippi » de Hillary Jordan, éditions Belfond, 19 euros.

mercredi 14 avril 2010

BD - Sherlock démasqué


Sherlock Holmes est certainement le personnage de fiction ayant le plus fait rêver et fantasmer tous les écrivains tentés de prendre la suite de Conan Doyle. « L'ultime défi de Sherlock Holmes » de Michael Dibdin, roman paru en 1978, fait se rencontrer le célèbre détective et Jack l'Eventreur dans les bas-fonds de Londres. 

Un polar adapté par Olivier Cotte et dessiné par Jules Stromboni alors que le film cartonne sur les écrans. On admire particulièrement le dessin de Stromboni qui a soigné les ambiances. On se croirait dans un bouquin de l'époque, quelques gravures pleine page renforçant cette impression. 

Un futur must pour tous les fans du locataire du 221 b Baker Street.

« L'ultime défi de Sherlock Holmes », Casterman/Rivages, 18 €

mardi 13 avril 2010

BD - Vies de sorcières


Depuis la nuit des temps, les hommes ont cherché des bouc-émissaires à leurs erreurs. Dans cette catégorie, les sorcières ont souvent été bien utiles, un simple bucher permettant de calmer la vindicte populaire. Des vies de sorcières qui sont au centre de cette série de BD, toutes indépendantes les unes des autres et entièrement réalisées par des femmes. 

Les deux premiers titres se penchent sur le destin de Bianca et d'Hypathie. La première dans la Venise de la Renaissance, la seconde au Ve siècle, à Alexandrie, en pleine expansion de la religion chrétienne. Des sorcières, ou supposée telles, racontées par You et Alexine (Bianca) et Greinier et Pecout (Hypathie). On ne peut que tomber sous le charme de ces femmes envoûtantes.

« Sorcières » (tome 1 et 2), Dupuis, 13,50 € chaque volume