mardi 20 janvier 2009

BD - Des rivières de sang sur Barcelone


Régulièrement, des auteurs espagnols ou catalans débarquent sur le marché francophone et prouvent que la BD est toujours aussi innovante de l'autre côté des Pyrénées. Dernière trouvaille des éditions Dargaud : "Jazz Maynard" de Raule (scénario) et Roger (dessin). 

Le dernier tome de ce triptyque met un point final à ce polar social et violent ayant pour cadre Barcelone. Dans cette ville entre modernité et tradition, Jazz Maynard, musicien de jazz, est venu faire une pige de son ancien métier : cambrioleur. 

Mais il découvre qu'il n'est qu'un pion dans une machination plus compliquée entre triade chinoise et politiciens corrompus. Le final, dans une tour, est inoubliable.

"Jazz Maynard" (tome 3), Dargaud, 13,50 euros 

lundi 19 janvier 2009

BD - Célibataire, mais jusqu'à quand ?


Cécily est une jeune femme moderne. Quand son mec devient trop lourd (accro aux jeux vidéo) elle décide de loger chez sa meilleure amie. 

Une bouffée de liberté, le temps de trouver un autre mec. Ou plus simplement de profiter un peu de la vie et de tester les différents produits sur le marché. Ce recueil de gags, entre tendresse et détresse, est avant tout un portrait acidulé de la vie des trentenaires d'aujourd'hui. Cécily puise dans son quotidien pour caricaturer toute une génération. 

Cela sonne souvent juste, les personnages étant très crédibles, de l'homme marié hésitant entre épouse et maîtresse à l'intellectuel déchiré à l'idée d'hypothéquer son indépendance par amour.

"Sans les mecs… ou presque !", Vent des Savanes, 12,50 euros 

dimanche 18 janvier 2009

BD - Franz, l'Irlandais


Trop souvent, des dessinateurs talentueux tombent dans l'oubli dès qu'ils n'ont plus de nouveautés dans les bacs. A plus forte raison quand ils meurent. Franz s'est éteint en 2003, mais son œuvre reste vivace, d'autant que les éditions du Lombard ont la bonne idée de régulièrement rééditer les meilleures histoires de ce conteur sans pareil. C'est le cas avec l'intégrale de la jeunesse de Lester Cockney, 128 pages qui rejoignent la collection Signé. 

Franz a débuté sa carrière en 1969. Des histoires courtes réalistes dans les pages de Spirou et Tintin. Il reprend le dessin de Jugurtha après l'immense Hermann. Il va faire ses classes dans ces histoires, parfois décousues de Jean-Luc Vernal. Il aime dessiner les femmes fières et libres, les chevaux, les espaces infinis et vierges. En se lançant, en solo, dans les aventures de Lester Cockney (série qui s'appelait à l'origine "Les fous de Kaboul"), il va franchir une étape supplémentaire dans sa carrière. De bon artisan, il passe à créateur authentique au talent reconnu.

Lester Cockney voyagera à travers toute la planète, achevant son périple en Amérique. Mais son enfance, c'est dans l'Irlande qu'il la passe. Cette enfance au centre de cette intégrale reprenant "Irish Melody" et "Shamrock Song" datant de 1994 et 1996. Le dessinateur trouvera l'inspiration dans ces verdoyantes collines irlandaises, peuplées de familles aux mœurs rudes. Un apprentissage de la vie qui explique le besoin de liberté d'un Lester devenu adulte. Une ballade à redécouvrir et qui n'a pas pris une ride.

"Irish Melody" et "Shamrock Song", Le Lombard, 20 € 

samedi 17 janvier 2009

Roman français - Vilain petit campeur


Les joies du camping, la vie au grand air, entre baignades, bronzette sur la plage et partage des douches communes, sont au centre de ce roman se passant sur la côte atlantique en été. Le Camping Atlantic : un petit paradis pour nombre de smicards heureux de passer quelques semaines loin de leur triste quotidien. Mais pour le bel Adonis, ce rituel immuable est devenu, avec les ans, totalement insupportable. Adonis qui a bien mérité son prénom. Il est beau à faire tourner les têtes. Toutes les filles remarquent cet adolescent en train de devenir un homme plein de charme et d'assurance. Adonis sait qu'il pourrait les séduire, mais il va utiliser toute sa "force de frappe" séductrice pour son frère aîné Nicolas.

Ariel Kenig décrit avec force détails les relations compliquées entre les deux hommes. Nicolas, émancipé, ayant un travail et une petite copine qu'il a même emmenée cette année au camping avec les parents. Adonis, toujours lycéen, sous la coupe de ses parents. Adonis qui a bien l'intention durant ces vacances de tout faire exploser, humilier les parents, ridiculiser la fiancée, brûler le camping et les idiots qui y vivent en été. Si parfois les rapports entre les deux frères déroutent le lecteur, parce qu'à la limite de l'homosexualité et de l'inceste, l'intérêt de ce roman réside surtout dans la description des faits et gestes des campeurs. Vus par les yeux d'Adonis, ils sont abjects. Ainsi le jeune rebelle constate que "c'est rassurant pour les vieux de savoir les jeunes avec les jeunes, les filles avec les filles, les malades avec les malades... Les ploucs avec les ploucs, ce sont les étés au camping et les parents parfaitement intégrés, sont assurément confiants en l'avenir. Ils reviendront l'année prochaine".

Ce "Camping Atlantic" nous met en présence de deux mondes totalement opposés. Celui de la normalité, qui entend profiter au maximum de ces congés payés durement conquis, même si inconsciemment on reproduit la vie de tous les jours mais au soleil. A l'opposé, Adonis représente cette envie d'absolu, de changement, de jouissance immédiate. La médiocrité doit être combattue. Même si c'est au détriment de sa raison...

"Camping Atlantic" d'Ariel Kenig. Editions Denoël. 15 € (En format poche chez J'ai Lu)  

vendredi 16 janvier 2009

BD - Birmane et résistante


Infatigable voyageur, Jonathan fait escale dans ce 14e album en Birmanie. Un pays dirigé par une dictature militaire intransigeante. Le héros, libre comme l'air, se sent bien à l'étroit dans ce carcan qu'un de ses amis compare au monde décrit par George Orwell dans 1984. Mais Jonathan sait être patient et persévérant. 

Il doit endormir la méfiance des autorités car il a un rôle important de messager à jouer. Messager de la résistance, malgré les arrestations, les déportations et les exécutions sommaires. 

Cela donne l'occasion à Cosey de longuement décrire ses errances dans la campagne, d'un temple à un autre, en barque sur des rivières calmes et parsemées de cabanes surélevées. Et enfin il la rencontrera, "Elle", femme "nat" porteuse des preuves des exactions du régime birman. Une rencontre magique, comme tous les albums de cette série devenue rare. Cosey, avec l'âge, a gagné en calme et en plénitude. Mais son message est toujours aussi fort. 

N'oublions pas qu'il fut un des premiers, en Occident, à dénoncer dans cette série, l'invasion du Tibet par les Chinois.

"Jonathan" (tome 14), Le Lombard, 10,40 € 

jeudi 15 janvier 2009

BD - Confessions villageoises


La vie suit son cours au sein de la petite communauté de Notre-Dame-des-Lacs, paroisse du Québec des années 20. Marie, la belle veuve, craque toujours autant pour le beau Serge, cuisinier parisien récemment débarqué dans la Belle province. 

Ils travaillent ensemble, vivent sous le même toit et naturellement les commères s'en donnent à cœur joie se demandant pour quand sera le mariage. Mais un soir, alors que Marie a enfin le courage de faire le premier pas, Serge lui avoue son secret. Et de ce fait le mariage devient impossible ainsi que l'amour de Marie. 

La jeune femme décide alors de se confesser et de révéler le secret au curé. Serge va devoir trouver quelques alliés pour tenter d'apaiser l'incendie qui menace. 

Cette belle histoire d'envie et de tolérance est rondement menée par le duo le plus remarqué de ces dernières années : Loisel et Tripp. Le premier s'occupe du découpage et de la mise en scène alors que le second assure un encrage « enrichi ». Ajoutez les couleurs de François Lapierre et vous avec un petit bijou entre les mains...

« Magasin général » (tome 4), Casterman, 14 € 

mercredi 14 janvier 2009

BD - Fuite sur le Mississippi


Librement inspirée du roman de Mark Twain, « Les aventures de Huckleberry Finn », cette série entraîne le lecteur dans le sillage d'un gamin effronté dans le Mississippi des années 30. Huck Finn vit dans une cabane avec son père, Tape-dur, alcoolique et violent. 

Huck sera finalement placé chez de bons bourgeois après la fuite de Tape-dur, soupçonné de meurtre. Une nouvelle vie pour le gamin habitué à se débrouiller seul dans les marécages. Dans cette exploitation d'élevage de poissons-chats, il rencontre Charley Williams. Le jeune Noir, tire-au-flanc, est persuadé d'avoir un grand avenir dans la musique. 

Après quelques péripéties ils prendront la fuite ensemble sur une barque, dérivant sur le fleuve à la recherche d'un peu de bonheur. Ce que Charley ne sait pas c'est que Huck a fait croire qu'il avait été assassiné. Et la police découvre un suspect tout naturel : Charley. 

Un récit prenant et dense imaginé par Philippe Thirault et Steve Cuzor, ce dernier assurant en plus le dessin de son trait réaliste et précis.

« O'Boys » (tome1), Dargaud, 13,50 € 

mardi 13 janvier 2009

BD - Brève paternité


Préparez vos mouchoirs. Cet album, le dernier de la série marquant les 20 ans de la collection Aire Libre, est un mélodrame dans toute sa dureté. Cela commence à 200 à l'heure. Xavier, 35 ans, est à la tête d'une petite entreprise. 

C'est le prototype du jouisseur. Grosse voiture, belles nanas : il est riche, le montre et en profite. Avouons que le trait est un peu gros. Les auteurs (Alcante au scénario, Fanny Montgermont au dessin) ont noirci le personnage. Peu sympathique, Xavier va devoir changer radicalement quand il découvre qu'il est le père de Julien. 

La mère, une de ses conquêtes quand il était étudiant, est malade. Elle lui demande de s'occuper de l'enfant. Il refusera dans un premier temps et, par la force des choses, devra héberger Julien durant quelques jours. Un choc pour le trentenaire car Julien, malgré ses 14 ans, en paraît 50. Il souffre d'une maladie génétique rare. Son espérance de vie est très limitée. 

Les auteurs ont décortiqué les relations entre ces deux êtres que tout oppose. Une relation tardive et brève. Intense aussi, malgré le difficile début.

« Quelques jours ensemble », Dupuis, 15 € 

lundi 12 janvier 2009

Thriller - Dantec survitaminé

Deux braqueurs en cavale, aux pouvoirs extraordinaires, sont les héros de ce roman de Maurice G. Dantec, de retour à ses premières amours.


Auteur détesté par certains, vénéré par d'autres, Maurice G. Dantec laisse rarement insensible. Ses rares apparitions publiques sont souvent folkloriques car l'homme n'a pas sa langue dans la poche. Sous des airs de chanteur rock, limite gothique, il aime provoquer les tièdes ou autres politiquement corrects en citant la bible et quantité de théories kabbalistes. Dans ses romans, c'est un peu le même topo. Vous ne trouverez pas de belle envolée lyrique ou de fin optimiste. Ce sera obligatoirement dérangeant et speed. Son nouveau roman au titre étonnamment long (« Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute ») mais se révélant harmonieux et facile à retenir, joue dans la catégorie des textes courts et parfois très terre-à-terre, en opposition avec d'autres productions comme « Cosmos Incorporated », long et très cérébral.

Cap au Sud

Dès la première page on se retrouve dans le feu de l'action. Le braquage d'une poste. Le héros, et narrateur, rempli un sac de billets et prend la fuite dans la voiture conduite par sa compagne, Karen. Le dernier hold-up de la série. Avec le pactole accumulé en quelques mois, ils ont bien l'intention d'aller vivre heureux et tranquilles dans un pays d'Asie du Sud-Est. Maurice G. Dantec va nous raconter par le menu leur cavale à travers l'Europe puis l'Afrique, dans ce futur proche qui nous pend au bout du nez si on n'y prend garde.

Le couple s'est connu dans un centre de rétention. Ils y avaient été enfermés car porteurs d'un neurovirus, supposé dangereux par des autorités sanitaires frileuses. « On ne savait rien du neurovirus qui nous bouffait le cerveau, Karen et moi, mais comme tous les autres malades atteints du syndrome de Schiron-Aldiss, je suppose, on faisait de ces putains de rêves hyperintenses (...), des fois hyperlumineux, extatiques, où on revoit nos ancêtres et nos amis morts, et d'autres fois où c'est les ténèbres, la destruction, le feu, la douleur, la terreur... »

Baston à Abidjan

Armés de fausses cartes d'identités, ils traversent la France puis l'Espagne pour atterrir au Maroc. Là, ils auront affaire avec un flic véreux qui cherchera à leur mettre des bâtons dans les roues. Karen découvrira alors que le neurovirus donne des moyens de tuer tout à fait nouveaux et étonnants. Et de communiquer avec une sorte de « grand tout », chapeauté par un jazzman, Albert Ayler, dont le fantôme hante la station Mir en train de s'enfoncer dans l'atmosphère terrestre, au grand désespoir de l'équipage. L'auteur va en profiter pour placer quelques unes de ses tirades mystiques, sans pour autant négliger la partie action du roman, comme cette baston entre le narrateur et un dealer sur un quai du port d'Abidjan : « J'ai contre-attaqué avec un enchaînement thaïe-boxe de Shaolin, knee kick à la Bruce Lee, avec le talon, juste derrière le genou de sa jambe d'appui – ça lui fait un mal fou et ça l'a stoppé net -, enchaînement direct avec un leading side kick, en plein dans le thorax... » Et cela continue comme cela durant quelques pages.

S'il n'a pas l'ampleur de ses derniers textes, ce roman de Maurice G. Dantec reste un excellent amuse-gueule, comme une gorgée pour goûter à ce grand cru de la littérature française. Si vous avez aimé, rassurez-vous, ses autres titres sont copieux, flamboyants et dantesques. Dans tous les sens du terme.

« Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute », Maurice G. Dantec, Albin Michel, 16 € 

dimanche 11 janvier 2009

BD - L'art de flâner selon Taniguchi


Si dessins animés et mangas japonais sont souvent associés à une certaine violence et frénésie d'action, tous les auteurs ne mangent pas de ce pain. A l'opposé de cette tendance, Jirô Taniguchi propose des histoires de tous les jours, marquées par une certaine nostalgie. 

« Le promeneur », sur des scénarios de Masayuki Kusumi, entraîne le lecteur dans les pas qu'un quadragénaire redécouvrant sa ville au gré de ses promenades. Des marches forcées au début car il vient de se faire voler son vélo. Rapidement il prend beaucoup de plaisir dans ces pérégrinations, à toute heure de la journée et même de la nuit. Avec lui on s'extasie devant une vieille boutique, une rue en pente, un vendeur de soques (ces chaussures traditionnelles). 

En fin de volume, Taniguchi explique son amour de la marche, de la promenade sans but : « J'ai le sentiment que, parmi les actions quotidiennes des humains, la marche est la plus naturelle. » Et une fois l'album terminé, vous ne pourrez vous empêcher de prendre un peu de temps pour redécouvrir, à pied, votre environnement...

« Le promeneur », Casterman, 15 €