Jeanne Benameur, riche de son expérience personnelle dans l'enseignement, raconte par le menu le quotidien d'un collège dans "Présent !".
Dans un collège, la première chose que l’on fait une fois en classe, c’est l’appel. La principale, en marchant dans les couloirs vides, le constate. « Les professeurs s’assurent, nom après nom, que les élèves sont bien là. De qu’elle présence s’assure-t-on ainsi chaque matin ? On fait l’appel à l’armée, dans les prisons, à l’école. Comme si, dans les lieux clos, il fallait toujours que la présence soit établie. Il faut un registre, une feuille ; il faut noter. C’est un comble. Est-ce que la clôture crée le doute ? » Jeanne Benameur, professeur dans les établissement dits difficiles jusqu’en 2001, aborde un thème qui visiblement lui tient très à cœur. Il y a eu déjà des centaines d’essais sur l’enseignement, le blues des professeurs, la baisse de niveau des élèves et autre problème perpétuellement remis sur le tapis. Mais Jeanne Benameur, loin de l’étude théorique, s’est appuyée pour écrire ce roman sur ce qu’un collège a de plus cher : les êtres humains. Car un professeur, un élève et même la principale restent avant tout des êtres humains, avec leurs doutes et leurs passions.
Le miracle Kafka
Par petites touches, comme des scènes en couleur dans une longue journée grise, on va faire connaissance avec quelques-uns de ces habitués du collège. Il y a le prof de littérature, qui ne lit plus par plaisir, le gardien, insipide, invisible, mais qui sait tout des 30 dernières années du collège, la déléguée de classe prenant son rôle, comme la démocratie, très au sérieux, la jeune prof en pleine dépression, l’élève introvertie ou la petite brute qui pense que le respect ne s’obtient que par la force. Tout un petit monde, résumé de notre société ne fonctionnant que grâce à ses contradictions. Il y a surtout dans ce roman plusieurs moments très émouvants comme quand le prof de français décide de ne pas faire l’appel, de simplement lire un texte de Kafka à ses élèves et qu’il s’étonne de les voir captivés. Ou quand la responsable du centre de documentation justifie la réussite de ses ateliers d’écriture car « quand les élèves croient en ce qu’ils font, ils ne s’arrêtent plus. Ils travaillent. Ne rien faire n’est pas ce qu’ils recherchent. Il faut du sens à ce qu’on leur demande, c’est tout. »
Inoubliable aussi le portrait de cette professeur des Sciences de la vie et de la terre, larguée, désespérée, incapable de retourner en classe. « Elle se regarde dans le miroir de la salle de bains. Si on lui disait Demain tu ne verras plus d’élèves, tu gagneras ta vie autrement, elle se sentirait libre et joyeuse à nouveau. Jeune. Elle aurait à nouveau envie de tout ».
Une journée au collège qui s’achève par le conseil d’orientation d’une classe de troisième. Des gamins qui ne savent pas ce qu’ils vont faire de leur vie. Et qui risquent déjà de se retrouver sur une voie de garage. Loin de la caricature, Jeanne Benameur offre une galerie de portraits émouvants et justes.
« Présent ! » de Jeanne Benameur. Éditions Denoël. 16 euros.
Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
jeudi 7 septembre 2006
mercredi 6 septembre 2006
BD - Chasse à la bête dans le Marquis d'Anaon
Pas facile de se faire un nom dans les dessinateurs réalistes. Après les Giraud, Hermann et autres Blanc-Dumont on se dit que tout a déjà été fait. Que ce niveau de perfection est inégalable, qu'on ne peut pas faire mieux. Erreur. Mathieu Bonhomme avec sa série « Le Marquis d'Anaon » prouve que des jeunes, dans cet exercice de classicisme périlleux, peuvent se hisser au niveau des grands maîtres. Ce quatrième tome des aventures de ce anti-héros absolu relate la chasse, dans les Alpes, d'une bête qui décime les troupeaux. Ecrite par Fabien Vehlmann, cette BD se retrouve au coeur de l'actualité avec la mort de l'ourse Palouma. Mais ce n'est qu'une anecdote à côté des planches, véritables tableaux, se passant dans les sommets enneigés.
Dargaud, 13 €
mardi 5 septembre 2006
BD - Rockeurs français rêvant de Londres
1990 en Provence. Deux copains, Thibault et Alex ont pris leur décision : au soleil de Marseille, ils préfèrent la pluie de Londres. Exactement c'est le milieu musical londonien qui les fait rêver. Ils prennent une année sabbatique et rejoignent l'Angleterre en bus. Ils ne partent pas tout à fait à l'aventure puisque Thibault a déjà vécu une année outre-Manche dans le cadre d'un échange Erasmus. Il compte se faire héberger chez son ancien correspondant. Mais arrivé sur place, il trouve porte close. Andrew a déménagé. C'est le début d'une grosse galère. Sylvain Runberg a puisé dans ses périples britanniques pour élaborer cette histoire dessinée par Phicil.
Futuropolis, 4,90 €
lundi 4 septembre 2006
BD - Raspoutine, le grand manipulateur
Mais que faisait Raspoutine dans les montagnes syriennes en 1900 ? Tarek, le scénariste de cette nouvelle série dessinée par Vincent Pompetti donne une partie de réponse. Ce manipulateur né aurait volé dans un monastère orthodoxe un manuscrit portant un des secrets les mieux gardé de l'Eglise. Avec cette arme absolue il va pouvoir se lancer à la conquête du pouvoir en Russie. Mais au Vatican, les plus hauts responsables voient d'un très mauvais oeil l'ascension de ce « fornicateur ». Si la première partie de l'album est un peu austère, la suite, quand Raspoutine impose sa fascination à toutes les jouvencelles de Saint-Pétersbourg, est beaucoup plus intéressante. Sa science de la conspiration fait des merveilles. EP Éditions, 12,60 €
dimanche 3 septembre 2006
BD - Aventures au cimetière
La bande dessinée se féminise. Notamment côté dessin. Depuis quelques années on assiste à l'éclosion de nouveaux talents. Souvent influencées par le manga, ces petites nouvelles font merveille dès qu'il y a un peu de sentiment et de féerie. Lillycat fait partie de cette prometteuse génération. Son premier album a pour héroïne Mina, une jeune adolescente renfermée et nostalgique. Sa maman est morte il y quelques années. Ce n'est pas dit clairement mais le lecteur comprend qu'elle s'est suicidée. Le père tente de refaire sa vie. Mina rejette ses conquêtes et la veille d'Halloween décide même de passer la nuit sur la tombe de sa mère. Mais la nuit, dans le cimetières, des phénomènes étranges et mystérieux peuvent se produire. Mina va être entraînée au pays des goulues. Un monde fermé aux vivants. C'est à cette occasion que Mina se rend compte qu'elle n'est pas comme toutes les petites filles. Elle possède un « coeur de cramé ». De ce fait elle se retrouve avec des puissances ténébreuses aux trousses. Une série pleine d'invention écrite par Lylian et Nori. (Les Humanoïdes Associés, 12,90 €)
samedi 2 septembre 2006
BD - Paris sur Nil
Denis-Pierre Filippi aime inventer des mondes compliqués mais cohérents. L'histoire de cette série dessinée par Camboni se passe à Paris en 1905. Mais le Paris décrit est totalement différent de celui que tout le monde connaît. La ville lumière a subit une forte influence architecturale égyptienne. On se déplace en voiture mais aussi en dirigeable. Et surtout les fantômes sont monnaie courante. Des esprits qui trouvent refuge dans l'enveloppe corporelle d'humains normaux. Ils deviennent alors des Inspirés. Et parfois, des Déviants décident de massacrer les Inspirés. Néfésis est le nom de guerre de la jeune Margot, étudiante en égyptologie. Masquée et aidée de son double fantôme égyptien, elle maintient l'ordre dans les rues de la capitale. Mais cette fois elle aura fort à faire face à une entité maléfique aux pouvoirs extraordinaires. Elle sera aidée, contre son avis, par l'inspecteur Elias, lui aussi secondé dans son travail par un « ghost ». Histoire passionnante, dessins d'une grande fluidité : une bonne surprise de la collection Empreintes. (Dupuis, 13,50 €)
vendredi 1 septembre 2006
BD - Service public du rire
Si le service public est de plus en plus remis en cause, notamment dans les zones rurales, ce 7e album des Fonctionnaires pourrait apporter de l'eau au moulin de certains technocrates persuadés que cette engeance est coûteuse et peu travailleuse. Mais il s'agit d'une caricature. Le trait est très forcé. Bloz (dessin) et Béka (scénario) se moquent d'ailleurs de plus en plus dans ces recueils de gags des directives ministérielles, soit aberrantes, soit en retard d'une réforme. Bref tout le monde en prend pour son grade et le lecteur rigole bien. Un album un peu plus romantique car un nouveau personnage fait son apparition : Mélissa. Jeune, jolie mais célibataire, elle cherche désespérément à se caser. Draguant ses collègues, notamment Antoine, le seul stakhanoviste du service, elle va de désillusion en désillusion. Seul Riboulet est raide dingue amoureux. Riboulet, personnage récurrent, le plus tire-au-flanc de la bande. Le plus sympathique aussi. Comme c'est étrange, malgré nos critiques, rêverions-nous tous en secret d'un poste de fonctionnaire planqué ? (Bamboo, 9,45 €)
jeudi 31 août 2006
BD - "Zone mortelle", la molécule et les diables
Tester de nouveaux médicaments avant leur mise sur le marché comporte une part de risque qui encore tout récemment s'est mal terminé pour quelques cobayes anglais. C'est un peu le thème de "Zone mortelle" cette série écrite par Thomas Mosdi et dessinée par David Vogel. Trois étudiants ont développé des facultés psychiques anormales en ingérant une nouvelle molécule. Problème, ils deviennent de dangereux tueurs psychopathes. Poursuivis par l'armée française et des mercenaires payés par le laboratoire fautif, ils explorent leur pouvoir, décuplé quand ils sont en colère. C'est au cours d'une querelle entre eux qu'ils additionnent leurs facultés et donnent naissance à un monstre de feu. Il s'appelle Hadès et semble indestructible. Cela donne une scène finale dans une carrière désaffectée du Lot des plus mouvementée. Ce quatrième tome, le dernier de la série, s'éloigne du polar pur et dur pour flirter avec le fantastique. Mais Hadès aura peut-être d'autres occasions pour déchaîner sa fureur contre les humains ? (Delcourt, 12,50 €)
mercredi 30 août 2006
Roman - Collision de fuites avec "Valdingue" de Nathalie Carter
Natalie Carter, dans « Valdingue », son premier roman, fait se rencontrer deux âmes en fuite.
Antonin, treize ans, n'a jamais connu ses parents. Recueilli très jeune par un couple de paysans basques, il a adopté la rudesse du pays. Courant dans la montagne, toujours à la recherche d'une liberté inaccessible, il a mûrement préparé sa fuite. Il met le feu à la ferme, sachant que le « vieux » est toujours à l'intérieur. Après un passage par un pic abritant un nid de vautour, il rejoint une autre vallée, bien décidé à retrouver sa mère qui serait aux USA. Une rencontre changera ses plans. Une femme, peintre célèbre, le recueille dans sa voiture. Elle le prend pour quelqu'un d'autre, son fils disparu. Antonin, dérouté, joue le jeu. Juste le temps de se rapprocher de la grande ville croit-il. La cavale de ce couple improbable, au vécu déchirant les conduit dans une maison au bord de l'océan. C'est là que la foie et la fureur trouvera un terreau favorable.
Premier roman de Natalie Carter, scénariste pour le cinéma et la télévision, explore les limites de la folie. La psychologie des personnages est dévoilée par petites touches. Elle a également soigné les lieux de l'intrigue. On sent là l'expérience du cinéma qui accorde beaucoup d'importance aux décors.
« Valdingue » de Natalie Carter. Éditions Robert Laffont. 17 €
Antonin, treize ans, n'a jamais connu ses parents. Recueilli très jeune par un couple de paysans basques, il a adopté la rudesse du pays. Courant dans la montagne, toujours à la recherche d'une liberté inaccessible, il a mûrement préparé sa fuite. Il met le feu à la ferme, sachant que le « vieux » est toujours à l'intérieur. Après un passage par un pic abritant un nid de vautour, il rejoint une autre vallée, bien décidé à retrouver sa mère qui serait aux USA. Une rencontre changera ses plans. Une femme, peintre célèbre, le recueille dans sa voiture. Elle le prend pour quelqu'un d'autre, son fils disparu. Antonin, dérouté, joue le jeu. Juste le temps de se rapprocher de la grande ville croit-il. La cavale de ce couple improbable, au vécu déchirant les conduit dans une maison au bord de l'océan. C'est là que la foie et la fureur trouvera un terreau favorable.
Premier roman de Natalie Carter, scénariste pour le cinéma et la télévision, explore les limites de la folie. La psychologie des personnages est dévoilée par petites touches. Elle a également soigné les lieux de l'intrigue. On sent là l'expérience du cinéma qui accorde beaucoup d'importance aux décors.
« Valdingue » de Natalie Carter. Éditions Robert Laffont. 17 €
mardi 29 août 2006
Roman - Cinquantenaires en vadrouille
Jean-Marc Roberts de souvient de ses copains, de sa jeunesse, des premiers flirts. Aujourd'hui il a « Cinquante ans passés ».
La mémoire nous joue toujours des tours. Elle s'accumule sans cesse. Chaque jour passé est un jour de souvenirs. Quand on atteint la cinquantaine, on sait que les souvenirs passés sont plus nombreux que ceux à venir. Jean-Marc Roberts dans « Cinquante ans passés » feuillette cette histoire révolue, son histoire. Ou plus exactement l'histoire de trois copains, jeunes chiens fous profitant de la vie au maximum. Des années plus tard, aujourd'hui donc, ils se retrouvent pour aller à l'anniversaire d'un quatrième larron. En chemin, alors qu'ils ressassent leur riante jeunesse, ils en retrouvent l'insouciance en changeant de direction, décidant qu'il serait plus marrant d'aller faire une virée à Londres.
Il est souvent question de musique et de jeunes filles dans leurs débats. Sur ce dernier sujet le narrateur se souvient de Maryse : « la première fiancée dont j'ai caressé les seins, au cinéma Marignan, un mercredi à 16 heures. Sans doute un De Funès, peut-être Le grand restaurant ». Au gré de la discussion, chacun ne peut s'empêcher de se remettre en cause. Avec des « si », les souvenirs se transforment en romans non écrits. Jean-Marc Roberts, lui, romance son passé, remettant au passage en lumière la mémoire de Teddy Gaillard, un des Frères ennemis, disparu du jour au lendemain. Qui se souvient de lui ? Pourquoi a-t-il tout arrêté d'un coup ? Pourquoi pas eux ? 100 pages de pure nostalgie.
« Cinquante ans passés » de Jean-Marc Roberts. Éditions Grasset. 11 €.
La mémoire nous joue toujours des tours. Elle s'accumule sans cesse. Chaque jour passé est un jour de souvenirs. Quand on atteint la cinquantaine, on sait que les souvenirs passés sont plus nombreux que ceux à venir. Jean-Marc Roberts dans « Cinquante ans passés » feuillette cette histoire révolue, son histoire. Ou plus exactement l'histoire de trois copains, jeunes chiens fous profitant de la vie au maximum. Des années plus tard, aujourd'hui donc, ils se retrouvent pour aller à l'anniversaire d'un quatrième larron. En chemin, alors qu'ils ressassent leur riante jeunesse, ils en retrouvent l'insouciance en changeant de direction, décidant qu'il serait plus marrant d'aller faire une virée à Londres.
Il est souvent question de musique et de jeunes filles dans leurs débats. Sur ce dernier sujet le narrateur se souvient de Maryse : « la première fiancée dont j'ai caressé les seins, au cinéma Marignan, un mercredi à 16 heures. Sans doute un De Funès, peut-être Le grand restaurant ». Au gré de la discussion, chacun ne peut s'empêcher de se remettre en cause. Avec des « si », les souvenirs se transforment en romans non écrits. Jean-Marc Roberts, lui, romance son passé, remettant au passage en lumière la mémoire de Teddy Gaillard, un des Frères ennemis, disparu du jour au lendemain. Qui se souvient de lui ? Pourquoi a-t-il tout arrêté d'un coup ? Pourquoi pas eux ? 100 pages de pure nostalgie.
« Cinquante ans passés » de Jean-Marc Roberts. Éditions Grasset. 11 €.
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