Film français de Caroline Vignal avec Laure Calamy, Vincent Elbaz, Suzanne de Baecque, Laurent Poitrenaux.
Moins comique que Antoinette dans les Cévennes, mais tout aussi profond dans son message, Iris et les hommes s’appuie de nouveau sur le duo gagnant formé par Caroline Vignal (scénariste et réalisatrice) et Laure Calamy (comédienne).
Après les grands espaces de la Lozère champêtre, c’est un film résolument urbain qui devrait provoquer quelques remous dans certains couples un peu trop installé dans ses habitudes. Ces habitudes, si pratiques et confortables dans le quotidien, mais qui inéluctablement érode, voire annihile totalement, le désir qui a permis, quand ils étaient jeunes et pleins de sève, à Iris (Laure Calamy) et Stéphane (Vincent Elbaz) de devenir mari et femme et parents de deux filles.
Mais aujourd’hui Iris est triste. Cela fait des années que c’est le calme plat dans la chambre à coucher. Elle aime toujours Stéphane. C’est réciproque. Mais la flamme du désir s’est éteinte. La solution, Iris va la découvrir au hasard d’une rencontre avec la mère d’un élève qui est dans la même classe que sa fille : « Inscrivez-vous sur un site de rencontre. Vous vous sentirez de nouveau désirée ! » Ce qu’Iris fait immédiatement, avec un réel succès. Le film, de populaire, aurait pu virer au graveleux. Écueil évité car ce n’est que du point de vue de l’épouse qui cherche à retrouver confiance en elle, son corps, que l’histoire est racontée.
Iris expérimente, hésite, échoue, jouit, se remet à sourire. Ce qu’elle résume dans un étonnant point de vue à sa fille adolescente de 16 ans « Il ne faut pas toujours dire non. Dire oui, c’est accepter de vivre. » Et c’est ce message, dire oui à la vie, accepter ses envies et oser, qui risque de faire des remous dans les couples courageux qui auront vu ce film ensemble.
Dans la ville imaginaire de Norferville, dans le Grand Nord du Canada, les femmes meurent dans d’atroces souffrances. Un tueur sadique fait de la concurrence au froid mortel.
Amateurs de frissons, vous serez doublement satisfaits en lisant Norferville, le nouveau thriller signé Franck Thilliez. Des frissons de peur mais également de froid car l’action se déroule dans le Grand nord canadien.
Si le romancier français, champion des ventes, a débuté en racontant les enquêtes de Lucie Henebelle dans le Nord de la France, rejointe par Franck Sharko, il quitte cette fois le cadre de l’Hexagone pour plonger son nouveau duo d’enquêteurs dans le Québec profond, typique et peu accueillant.
Les premières scènes se déroulent pourtant près de Lyon. C’est là que le détective et criminologue Teddy Schaffran est sur la piste d’un serial killer. Au moment où il le met hors d’état de nuire, cet homme profondément blessé après la mort de sa femme (il a perdu un œil dans l’accident), apprend que la police canadienne vient de retrouver le corps de sa fille atrocement mutilé dans la forêt à proximité de la ville minière de Norferville. Teddy quitte tout pour récupérer le corps de celle qui ne lui parlait quasiment plus depuis des années.
Un début de roman coup de poing, qui présente aussi l’autre protagoniste : Léonie Rock, flic à la Sûreté du Québec et envoyée sur place pour tenter de trouver le meurtrier. Elle a été désignée car elle est métisse, à moitié Innu par sa mère, la tribu d’autochtones qui vit désormais dans une réserve. Elle aussi a un passé compliqué. Revenir à Norferville est une épreuve. Elle devra faire face à des démons du passé et tenter de ne pas céder à la facilité de la vengeance.
Une fois la psychologie des deux héros bien campée, place à l’action, à l’intrigue. Aux intrigues plus exactement tant les ramifications de ce premier meurtre vont s’étendre à toutes les couches de la population de la ville. Il y a dans cette cité qui ne vit que pour les mines de fer à ciel ouvert qui défigurent le paysage, plusieurs communautés antagonistes. Les autochtones, de la tribu des Innus, spoliés de leur terre, enfermés dans une réserve, abreuvés d’alcool et de drogue pour annihiler toute révolte. Les mineurs, forçats tenus à l’écart, loin de leurs familles restées au Sud, ne quittant que rarement leurs baraquements sordides. Et enfin les cadres de la mine, riches, opulents, maîtres des lieux avec les quelques commerçants. Mais au-dessus, il y a avant tout la police locale, tenue par une main de fer depuis pus de 20 ans par Paul Liotta, un Blanc suprémaciste appréciant d’humilier les Innus.
Une chaudière prête à exploser. Même si les températures ne dépassent que rarement les moins 15 °C. Pour preuve, quand Teddy va voir le corps de sa fille entreposé provisoirement sur la glace de la patinoire de la ville, il constate que « paradoxalement il fallait chauffer l’endroit pour garder une température d’environ moins 8 °C, idéale pour la conservation du corps. » Le froid omniprésent dans ce roman. Si Léonie sait combien sa morsure peut être douloureuse, voire mortelle à brève échéance, Teddy est ignorant des dangers et souvent il sera à deux doigts d’y laisser la vie. Notamment quand il croira voir le fantôme de sa femme s’éloigner dans les bois : « Elle lui faisait des signes et reculait dans les bois au fur et à mesure que lui avançait. Teddy n’arrivait pas à résister à la tentation de la suivre. La forêt murmurait, bruissait. La forêt l’appelait pour lui présenter ses monstres. » Et des monstres, il y en a en quantité dans cette région isolée. Le Wendigo, légende indienne, le blizzard, tueur insidieux et aussi certains hommes, prêts à tout pour satisfaire leurs instincts sadiques.
Sans répit, avec une multitude de rebondissements et un final en apothéose, Norferville prouve que Franck Thilliez sait exporter sa science de l’horreur.
Histoire familiale, fable écologique et quête personnelle : le nouveau roman de Petra Rautiainen raconte avec brio une partie cachée de la Norvège.
L’image de la Norvège, pays éclairé qui a décidé de faire profiter toute sa population de la manne du pétrole, sort un peu écornée de ce roman de Petra Rautiainen. L’or noir permet à cette contrée d’être parmi les plus riche et progressiste, mais cela reste un trésor issu d’une énergie fossile, limitée et aux conséquences écologiques catastrophiques.
La mémoire des mers, sous couvert d’une histoire familiale tragique, explore les toutes premières conséquences négatives de la recherche du pétrole dans les mers du Nord de l’Europe. Pourtant, la narratrice, Aapa, est l’employée zélée d’une compagnie pétrolière. Née dans le nord du pays au sein de la minorité kvène, elle vit désormais en Floride. Elle écrit les scénarios de documentaires destinés à présenter positivement l’action des multinationales. De la pure propagande.
L’action se déroule au début des années 80 et les premiers rapports dénonçant le réchauffement climatique à cause des gaz à effet de serre sont rendus publics. Son boulot n’en devient que plus important…
Elle va revenir en Norvège, dans le village où elle a grandi, pour un documentaire où intervient un des plus grands foreurs du pays, Henrik. Car comme elle le sait parfaitement, « la réalité n’est pas constituée de faits, elle est composée d’histoires. » Henrik a qui elle reproche d’être responsable de la mort accidentelle de sa mère ? Tuée en 1959 par une baleine devenue folle.
Reste à savoir pourquoi le cétacé est devenu agressif. Ce passé hante Aapa. Ses rêves en souffrent : « Le sommeil est semblable à la mer. Il vous appelle vers le rivage ou vous emporte vers le grand large. Il vous porte à la surface ou vous plonge en ses abîmes. Dans le monde nocturne, je suis sous la mer et une vague blanche déferle au-dessus de moi comme une queue de baleine. Elle se jette sur moi. » Un roman total, organique et glacial. Comme cet océan arctique qui pourtant, très bientôt, ne gèlera plus du tout en été.
« La mémoire des mers », Petra Rautiainen, Seuil, 256 pages, 21,50 € (« Un pays de neige et de cendres » vient de sortir en poche aux éditions Points, 320 pages, 8,30 €)
Grand spécialiste des Cathares, Michel Roquebert travaillait sur une vaste encyclopédie. Il n’a pas pu aller au bout de ce chantier colossal, somme de toutes ses connaissances.
C’est son élève, disciple et ami Patrice Teisseire-Dufour, bien connu dans l’Aude, qui a repris le flambeau, complétant les 215 entrées et effectuant un long et rigoureux travail de vérification et de synthèse.
À l’arrivée cette encyclopédie est le livre parfait (sans le moindre jeu de mot…) pour découvrir l’histoire des Cathares, l’importance de ce mouvement de pensée, le tout enluminé de gravures de Marie-Amélie Giamarchi.
Ancien policier, Patrick Caujolle a sans doute puisé dans quelques-uns de ses souvenirs pour écrire ce nouveau polar, son 5e. L’action se déroule à Toulouse mais l’essentiel de l’intrigue a pour cadre Perpignan et la Catalogne sud.
Le capitaine Bastide va donc tenter de découvrir qui a tué un certain Habib Gacem à Toulouse. Rapidement il va suivre une piste au Perthus dans le milieu de la prostitution et à proximité de Barcelone dans des plantations d’orangers.
C’est direct, percutant, très actuel et en prime on parle un peu de foot et même du village fantôme de Périllos dans les Pyrénées-Orientales.
« L’orange était sanguine », Patrick Caujolle, Cairn, 274 pages, 12 €
Pour son retour à la tête de Métal Hurlant, Jean-Pierre Dionnet coordonne un spécial… chats. L’animal préféré des décérébrés du net dans la revue de BD et de science-fiction ?
Pas si étonnant que cela tant les félins, par leurs attitudes mystérieuses et ambiguës sont encore ce qui se rapproche le plus des aliens.
On retrouve au sommaire quelques solides signatures (Jean-Claude Denis, Cestac, Olivia Clavel ou Panaccione) et des auteurs moins connus mais qui méritent le détour comme Bon Op’t Land, Manolo Carot, ou Seera sur un scénario désopilant de Jean-Luc Cornette.
Le 12 août 2022, un homme tentait d’assassiner Salman Rushdie alors qu’il prend la parole à Chautauqua aux USA. Gravement blessé, l’écrivain revient pour la première fois sur cette attaque. Le couteau, sous-titré « Réflexions suite à une tentative d’assassinat » est une plongée saisissante dans l’esprit d’un homme qui s’est vu mourir. Mais le livre aborde surtout l’après.
Si Salman Rushdie, tétanisé, ne s’est quasiment pas défendu, d’autres personnes, sur scène et dans la salle, ont volé à son secours. « A Chautauqua j’ai connu le pire et le meilleur de la nature humaine […] La possibilité d’assassiner un vieil étranger pratiquement sans raison », mais aussi « le courage, l’altruisme, la volonté de risquer sa vie pour venir au secours de ce vieil étranger gisant au sol. »
« Le couteau » de Salman Rushdie, Gallimard, 272 pages, 23 €
Policière exemplaire et d’une rare efficacité, Helen Grace est acculée. Menacée par un psychopathe, elle doit découvrir qui assassine à la hache des citoyens au-dessus de tout soupçon.
Helen Grace semble indestructible. La policière de Southampton imaginée par M. J. Arlidge vit dans Quand le chat n’est pas là… sa 11e aventure. Cet écrivain britannique, par ailleurs producteur de séries télé, maîtrise à la perfection l’art du feuilleton. Une héroïne récurrente humaine et de plus à plus à fleur de peau, quantité de personnages secondaires tout aussi attachants, des rebondissements à foison : le lecteur en a pour son argent. L’auteur, pour relancer la série, n’hésite pas à mettre son héroïne en position de plus en plus délicate.
Tout en menant une nouvelle enquête, elle devra surveiller ses arrières car un psychopathe qui lui a échappé manipule des hommes faibles pour l’éliminer. De plus, son chef, ne supporte plus son indépendance et sa réussite. La discréditer est devenu sa principale occupation.
Mais en attendant, Helen doit veiller sur les citoyens. Or, un crime effroyable vient de remonter d’un cran la paranoïa des habitants de la ville du sud de l’Angleterre. Une femme a été tuée, le crâne fracturé d’un coup de hache, dans son lit. Quelques bijoux ont été dérobés.
Tout en développant des intrigues annexes (Charlie, l’adjointe d’Helen, est persuadée que son mari la trompe, Emilia la journaliste est prête aux pires actions pour un scoop…), M. J. Arlidge lance les enquêteurs sur plusieurs pistes, du collègue harceleur au cambrioleur violent et sadique. Des impasses qui font douter Helen, d’autant que de nouveaux meurtres sont commis (un ado et une autre femme au foyer) et qu’elle se retrouve après un accident, mise à pied, quasiment renvoyée de la police.
Même si parfois c’est presque un peu trop gros, ce polar reste d’une efficacité radicale. On est avec Helen, on veut savoir comment elle va pouvoir se sortir de cette situation quasi désespérée, tout en se demandant qui est ce tueur à la hache.
« Quand le chat n’est pas là… » de M. J. Arlidge, Les Escales, 480 pages, 22 €
La planète explorée par Nyota, jeune cadet en formation au Poste de surveillance des étoiles, n’a pas de nom. Juste un matricule : AL-X2. Dans cette série destinée aux plus jeunes, imaginée par Pierre Joly et dessinée en couleurs directes par Lucile Thibaudier, Nyota vient de terminer ses examens. Il pense avoir réussi et va enfin pouvoir intégrer ce corps d’élite qui sillonne l’espace pour secourir des planètes en danger.
Patatras, il n’est finalement pas reçu. Il reste à la base, déçu, quand il reçoit un appel au secours en provenance de la planète AL-X2. Seul en poste, il décide de se précipiter au secours des habitants qui subissent les assauts de leur étoile devenue beaucoup trop chaude.
Il embarque dans un vaisseau de nettoyage (le Waship, excellente trouvaille) en compagnie d’un droïde d’entretien, Jean-Michel. Ensemble ils vont faire preuve de beaucoup de courage pour sauver la population sans nuire à l’étoile.
Une BD avec des bouts de science, quelques planches plus didactiques refermant cette première aventure.
Si des scénaristes imaginent de nouvelles planètes, d’autres se contentent de l’existant. Mais le lecteur, dans tous les cas, se retrouve embarqué dans de formidables voyages stellaires. Bruno Lecigne, scénariste passé par la télévision (Cassandre…), ancien éditeur des Humanoïdes Associés, a mis en place une série pour mieux connaître les planètes de notre système solaire.
Mais tout en apportant rigueur scientifique et quantité d’informations véridiques, il a ajouté une trame imaginaire pour mieux faire rêver.
Avant de rejoindre Mars et Jupiter, les deux premiers tomes parus, tout débute sur la Lune. Les Chinois découvrent un vaisseau spatial accidenté. Tout l’équipage est mort excepté Clarke, Alien mystérieux qui propose aux Terriens de bénéficier de sa technologie pour aller sur les autres planètes gravitant autour du Soleil. Une aubaine pour les scientifiques (menés par un Français).
Ils vont pouvoir marcher sur Mars (dessins de Fabien Bedouel), puis descendre en profondeur dans l’atmosphère orageuse de Jupiter et explorer un océan souterrain du satellite Europe (dessins de Xavier Dujardin et Afif Khaled).
L’avantage c’est que si les données scientifiques vous semblent un peu rébarbatives, vous pouvez toujours les zapper et vous contenter de l’intrigue. Car Clarke semble cacher son jeu, même s’il avoue assez rapidement qu’un autre vaisseau alien a disparu dans les parages.
Huit albums au total sont prévus pour explorer notre système solaire, le dernier (parution 2027) étant consacré au Soleil.
« Mars » et « Saturne », Glénat, 64 pages, 15,50 €