mardi 11 avril 2017

Roman : Le village sans bruit de "Silencieuse" de Michèle Gazier



Michèle Gazier aime raconter l’intime et l’enfance. Originaire de la région, l’ancienne journaliste à Télérama a déjà souvent situé ses romans dans des villages que l’on reconnaît. Dans « Silencieuse », l’action se déroule dans un petit village d’une vallée qui pourrait se trouver autant dans l’Aude que les Pyrénées-Orientales, les personnages visitent le parc animalier de Sigean.
Tout le monde se connaît et quand deux étrangers viennent s’installer, ils deviennent des attractions. Mais si le « Blondin », discret, arrive à se faire oublier et même à séduire une fille du pays, l’artiste allemand Hans Glawe fait l’unanimité contre lui. Il est et restera le « Boche ».
La romancière raconte avec simplicité et sans niaiserie cette vie de village entre repli sur soi et besoin de l’autre. Mais de toutes les nouveautés l’arrivée d’une petite fille différente, joyeuse mais silencieuse, va tout bouleverser.
 ➤ « Silencieuse » de Michèle Gazier », Seuil, 17 €

De choses et d'autres : de l'efficacité des élus


« Paroles, paroles, paroles » dirait Dalida dont le 30e anniversaire de sa disparition sera commémoré début mai. Les politiques font beaucoup de promesses qui se transforment en paroles s’envolant au vent une fois les urnes remisées au placard. Pourtant, quand ils le veulent, les élus sont efficaces. Et rapides.
Prenez Patrick Ollier, maire de Rueil-Malmaison. Son sang n’a fait qu’un tour en découvrant dans la rue une campagne d’affichage pour un produit vaisselle. « Elu et efficace, c’est possible » proclament les publicités « Maison verte ». Le liquide vaisselle écologique vient de remporter le titre de « produit de l’année ». Sur le visuel, le flacon est ceint d’une écharpe tricolore. « Une vulgarisation anormale et populiste de la fonction d’élu » selon Patrick Ollier. Il ne supporte pas que l’on laisse entendre que les élus (lui en l’occurrence, membre du conseil municipal puis maire depuis 1974, passé par la case ministre et président de l’Assemblée nationale) ne produisent pas le travail escompté. Et il le prouve immédiatement puisqu’il a pris dans la foulée de sa déclaration indignée un arrêté pour faire retirer toutes les affiches « Maison verte » de sa ville.
Vous voyez que les élus sont efficaces. Ils dégraissent les panneaux publicitaires aussi bien que le produit vaisselle rend de nouveau nickel et comme neuves les casseroles les plus brûlées, de celles que l’on traîne depuis des années derrière soi. 
(Chronique parue le 11 avril en dernière page de l'Indépendant)

lundi 10 avril 2017

Roman : Mais qui a trucidé la jolie starlette dans le roman "VIP" de Laurent Chalumeau ?



Forcément, en refermant ce roman jubilatoire de Laurent Chalumeau, on se demande ce qui retourne du vrai et ce qui n’est que fiction pure et dure. Puis on se souvient qu’avant la première page du récit, il y a un avertissement vite parcouru et qui prend, une fois le livre refermé, toute sa signification. « Alors, personne ne le croira, mais tant pis : toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait fortuite et involontaire. Surtout, franchement, elle serait assez déprimante. » Mais pourquoi ce serait si déprimant vous demandez-vous ? Impossible de vous donner le fin mot de l’histoire, il est des précisions qu’il v
aut mieux ne jamais savoir avant de lire un roman. Dans la vraie vie non plus d’ailleurs... L’entame de « VIP » (comme Very important people) a tout du polar. Dans un appartement luxueux du Paris bourgeois, deux cambrioleurs fouillent les tiroirs à la recherche des objets de valeur. Une jeune femme, quasi nue, sort de la salle de bain. Panique. Des deux côtés. Maîtrisée, elle n’a pas le temps de donner l’alerte et de prévenir son amant qui doit la rejoindre dans quelques minutes.
Jeune actrice, primée d’un césar du meilleur espoir, Anaïs Carvin est une habituée des pages people. Pourtant les deux malfrats mettent du temps à la reconnaître. Sans maquillage elle a une tout autre apparence. Mais reste très belle. Beaucoup plus que le plus haut de gamme de leur banlieue minable. Encore plus quand ils enlèvent la serviette de bain.
■ Scandale étouffé
La starlette se croit seule et abandonnée mais un témoin ne rate rien de la scène. Patrice Corso est paparazzi. Il a eu l’info que la jolie mais très volage Anaïs serait rejointe par son nouvel amant. Un autre people, du croustillant. Patrice, qui a déjà perdu nombre de procès contre la comédienne, y voit l’occasion de se venger. Et de vendre cher ces clichés exclusifs pris depuis l’appartement en travaux en face de celui d’Anaïs. Même quand ça dérape, il continue à photographier et filmer. Juste avant que le viol ne débute, une quatrième personne arrive dans la pièce.
Et là, Patrice n’en croit pas ses yeux. Il voulait du scoop, mais à ce point... Du très haut niveau. Mais comment exploiter l’événement quand la scène se transforme en carnage ? Faisons confiance à Patrice qui sait que « Dans la presse caniveau, mon petit pote, t’es dégourdi ou tu dures pas. »
15 minutes plus tard pourtant, Patrice s’enfuit, terrorisé, laissant quatre morts dans l’appartement, dont sa starlette. La suite du roman décrit comment ce scandale sera méticuleusement étouffé, malgré la perspicacité de policiers et l’opiniâtreté d’une juge d’instruction.
Une description minutieuse du travail d’enquête par un Laurent Chalumeau particulièrement au fait. Et quand de grands intérêts entrent en jeu, dictature africaine et ambitions politiques, les quatre morts de la scène première sont rejoints par quelques lampistes pour noyer le tout. Mais tout ça n’est que fiction. Du moins, on l’espère.
 ➤ «VIP» de Laurent Chalumeau, Grasset, 18,90 €


De choses et d'autres : Seule la victoire compte


La politique, comme le sport, est une histoire de classement. Une seule place importe : la première. Si au soir du 23 avril prochain, ils ne restent plus que deux en lice - la course par élimination laissera 9 candidats sur le bord de la route - la victoire ne sera en aucun cas fêtée par celui qui, deux semaines plus tard, terminera second. Cruauté de la démocratie et de la majorité, une fois que les urnes ont parlé, un peu moins de la moitié des voix exprimées, celles qui se sont portées sur le perdant, partent à la poubelle et le vaincu aux oubliettes. 
Cela explique sans doute l’acharnement de certains (Mitterrand et Chirac) à se représenter jusqu’à l’obtention de la place tant convoitée. Car à la différence du sport, les occasions de monter au sommet du podium sont beaucoup plus rares en politique, surtout dans une élection présidentielle. 
Hier, Lewis Hamilton a remporté le grand prix de Chine. Il devait être content, mais ce n’est qu’un début. Il gagnera d’autres courses en 2017 et même les années prochaines. L’USAP a battu le Racing à Narbonne. Espoir d’un côté, désespoir de l’autre. Néanmoins rien n’est encore joué pour la qualification ou la descente. 
Au marathon de Paris, l’exploit de Paul Lonyangata et Purity Rionoripo doit surtout à leur situation particulière. Habitués des médailles, chacun devait certainement être plus heureux de la victoire de l’autre. Normal, quoi de plus sympa que de gagner la même compétition que son ou sa compagne. Dommage que l’on ne puisse pas voter pour la première dame, voilà qui pimenterait encore plus cette élection. 
(Chronique parue le 10 avril en dernière page de l'Indépendant.)

dimanche 9 avril 2017

Livres de poche : histoires de pauvres et de minorités



Dans une langue épurée et puissante, Erri De Luca nous offre ici l’histoire d’une jeune femme vivant sur une île grecque qui passe ses nuits à nager avec les dauphins. Un ré- cit inclassable aux frontières du réalisme, traversé de références à la mythologie grecque mais aussi à la Bible. Ce texte est accompagné de deux autres courts récits, « Le ciel dans une étable » et « Une chose très stupide ».
➤ « Histoire d’Irène », Folio, 5,90 €


Les locaux du site d’info W3 ont été soufflés par une terrible explosion. Qui a voulu museler la voix des innocents ? S’agit-il d’un complot d’État comme tous les pensent ? Ou bien de tout autre chose, que les membres de W3 n’ont pas su voir ? Les survivants comprennent vite qu’ils ne sont pas sortis d’affaire. Après le succès des deux premiers volumes de la série Jérôme Camut et Nathalie Hug clôturent la saga W3 sans laisser le moindre répit à leurs personnages.
➤ « Le calice jusqu’à la lie », Le Livre de Poche, 9,40 €


Yonkers, dans l’État de New York. Ville paisible où il fait bon vivre. S’il n’y avait pas cette ligne invisible : d’un côté des quartiers aux pavillons coquets, aux rues propres bordées d’arbres. De l’autre, les barres d’immeubles, les graffitis, la misère. Lorsque tombe l’annonce qu’une loterie permettra à certaines familles modestes d’intégrer des maisons flambant neuves dans les beaux quartiers, ce qui paraît comme un rêve pour certains est vécu comme un cauchemar par d’autres. Roman dur et réaliste de Lisa Belkin.
➤ « Show me a hero », 10/18, 8,80 €

samedi 8 avril 2017

De choses et d'autres : Un amour de végane


L’amour nous réserve souvent d’étranges surprises. Fausto Brizzi, romancier, l’a appris à ses dépens. Quand il tombe follement amoureux de Claudia, actrice italienne passée par la case Miss Monde, il met tout en œuvre pour la séduire. Conscient de l’importance du premier rendez-vous, il l’invite dans un restaurant huppé, spécialisé dans les grillades. Lorsqu’elle lui apprend qu’elle est végane, non seulement il comprend que ses rêves érotiques s’arrêtent là ce soir mais qu’en plus il n’y aura même « pas de rapprochement entre sa cavité buccale végane et immaculée et mes lèvres carnivores et voraces. » Fin de la belle histoire d’amour ? Que nenni !
À force de surveiller le contenu de son frigo et sa forme physique, il conquiert le cœur de la belle qui, pour le bien de son futur mari, entame la révolution de ses papilles. Comment abandonner le jambon « pata negra », le fromage et même le miel ? (« Pauvres abeilles ! » s’exclame Claudia).
Ce récit, entre rite d’initiation et franche rigolade, en plus de nous en apprendre beaucoup sur le véganisme, est une jolie histoire d’amour, de partage et de renaissance.
➤ « J’ai épousé une végane », Fleuve éditions, 14,90 €

vendredi 7 avril 2017

BD : Beauté hypnotique


A Paris en 1918, Camille élève seule sa fille, tuberculeuse. Le père n’est pas rentré de la guerre. Il n’est pas mort au combat. Fusillé pour insubordination. Pas de pension pour la veuve. Quand elle perd son emploi d’ouvrière, elle n’a plus le choix. Pour payer un séjour dans un sanatorium, elle décide d’utiliser ses dons d’hypnotiseuse pour détrousser un bourgeois. Arrêtée par la police, elle finit dans un asile d’aliéné et en voulant sauver une femme meurtrie par la perte de son enfant, elle intègre un groupe d’anarchistes en passe de commettre un attentat contre Clemenceau. La petite histoire des gens normaux rejoint la Grande histoire des célébrités dans cette série écrite par Galandon et dessinée par un virtuose du pinceau, Attila Futaki, Hongrois ayant déjà collaboré sur de nombreux comics, de Conan à Percy Jackson.
➤ « Hypnos », Le Lombard, 13,99 € 


De choses et d'autres : Final à l’arrière-plan


Ce débat à 11 avant le premier tour, inédit, mérite un ultime commentaire. Non sur le plan politique, de moins en moins important malheureusement, mais sur les conclusions, dernier message diffusé à plus de minuit. Face à la caméra, les candidats ont quitté l’improvisation pour tenter de délivrer une péroraison convaincante.
Premier choc avec Marine Le Pen. Pas tant son discours que la personne à l’arrière-plan. Une dame aux cheveux gris peu souriante. Le flou de la profondeur fait qu’elle ressemble trait pour trait à Penelope Fillon. Un sosie, embauché par le Front National pour déstabiliser le candidat Les Républicains ? Non, mais encore une histoire de famille puisqu’il s’agit de Marie-Caroline Le Pen, grande sœur de Marine. Fâchée avec le père, l’aînée a renoué avec sa cadette au point de s’asseoir au premier rang.
J’ai tenté d’écouter ce qu’a dit François « en vertu de l’article XX de la constitution » Asselineau. Mais mon attention a été accaparée par un jeune placé derrière lui, petite barbe bien taillée. Il semble souffrir d’une maladie rare, genre syndrome de la Tourette version clin d’œil. Ses paupières ne cessaient de s’ouvrir et se fermer deux à trois fois par seconde. Inoffensif, mais totalement fascinant.
Benoît Hamon s’est essayé à la poé- sie pour énumérer la diversité des Français qu’il veut rassembler, les Bretons, les Catalans, ceux qui viennent du pays Dogon, des « rives du fleuve Sénégal » ou qui ont « laissé derrière eux l’odeur du jasmin d’Alger ».
Enfin, respect à la « figurante » derrière Emmanuel Macron, au sourire figé du début à la fin, tête penchée, telle une Madone écoutant religieusement son mentor. 
(Chronique parue le 7 avril en dernière page de L'Indépendant)

jeudi 6 avril 2017

Bande dessinée : Trop belles pour être vraies


Nouvelle de Neil Gaiman parue en 2007, « Comment aborder les filles en soirée », de bijou littéraire, devient une BD passionnante avant d’être adaptée au cinéma avec Nicole Kidman et Elle Fanning, film qui devrait, selon les dernières indiscrétions, être en compétition au prochain festival de Cannes. L’histoire se déroule en Angleterre dans les années 80. Enn, adolescent timide, suit Vic son meilleur ami, un tombeur absolu, dans une soirée privée. Le jeune garçon rêve de tomber amoureux, de tenir une fille dans ses bras, de l’embrasser, de l’aimer. Mais là où Vic conclut toujours, Enn échoue systématiquement. Mais ce soir, cela va changer. D’autant que dans la grande maison, il n’y a que des filles, des touristes d’une beauté suprême, étranges mais accueillantes. Dessiné par Fabio Moon et Gabriel Ba, des auteurs brésiliens, ce comic étrange a des airs de fable fantastique digne des récits de Poe.
➤ « Comment aborder les filles en soirée », Urban Comics, 13 €

De choses et d'autres : Se retrousser les manches


Long ce débat à 11. Très long. Mais pour les chaînes d’info, notamment BFMTV, il fallait continuer dans la foulée à le transformer en événement historique et dé- crypter immédiatement les interventions des uns et des autres. Un « After débat » avec en plateau des journalistes politiques habitués des projecteurs.
Parmi eux, Anna Cabana du Journal du Dimanche n’a pas caché sa stupéfaction face à l’attitude de Philippe Poutou. On sentait que la désinvolture du candidat du NPA, son vocabulaire, jusqu’à ses vêtements l’ont heurtée. On peut ne pas être d’accord avec les propositions d’un candidat. Mais pourquoi juger son apparence plutôt que son programme ? Anna Cabana n’a pas aimé que Poutou ne participe pas à la photo de famille. « Et alors ? » pourrait-il répondre comme d’autres. S’est-il rendu sur le plateau pour se retrouver immortalisé à côté de Marine Le Pen comme Nathalie Arthaud qui doit maudire le tirage au sort ? Sûrement pas. Elle stigmatise le fait qu’il ne porte pas de veste. Voire de costume. Attention, sujet sensible.
Enfin elle a osé cette incroyable critique en affichant une moue de dégoût très perceptible : « Il s’est retroussé les manches ». Rappelons à Mme Cabana que Philippe Poutou, ouvrier, incarne la signification de l’expression. Souvent sur un chantier ou une chaîne de production, on doit effectivement se retrousser les manches. Un monde abstrait pour des journalistes politiques totalement coupés des réalités. 
(Chronique parue le 6 avril en dernière page de L'Indépendant)