mercredi 7 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Passage en sixième

Saperlipopette, ces f... d'angliches viennent de nous dépasser ! Toujours aussi déloyaux (les amateurs de rugby comprendront), ils ont fait appel aux trafiquants de drogue et aux prostituées pour devenir la 5e puissance économique mondiale, rang que la France occupait jusqu'alors. Selon les chiffres de la commission européenne, le produit intérieur brut britannique pour l'année 2014 sera supérieur de plus de 4 % à celui de la France. Les « rosbifs » devant les « froggies » ce n'était pas arrivé depuis le début des années 1970. Les économistes sérieux justifient cette reprise anglaise par la croissance, l'inflation et le taux de change de la livre sterling face à l'euro. 
Les pinailleurs de mon genre relèvent surtout que la Grande-Bretagne a intégré dans ses calculs les revenus supposés du trafic de drogue et de la prostitution. Un tabou que la France n'a pas (encore ?) voulu franchir. Loin d'être anecdotique, cela représente près de 8,5 milliards de livres, soit 0,5 % du total. On attend une réaction indignée la FNDH (Fédération nationale des dealers de hall) regrettant que la France, dans sa grande diversité, « ne prenne pas en compte l'importante contribution de ses membres à l'enrichissement du pays ». 
L'année prochaine, pour rabattre le caquet à la « perfide Albion », la France devrait non seulement intégrer drogue et prostitution, mais également tous les comptes bancaires cachés en Suisse, le travail au noir et les reventes d'objets « tombés du camion ». Même en minimisant le tout, on reprend la cinquième place aux Anglais, voire la 4e aux Japonais.    

Livre - Héros de BD en chair et en os

De qui Hergé s'est-il inspiré pour imaginer le professeur Tournesol ? les Dalton ont-ils existé ? Jugurtha a-t-il survécu aux prisons romaines ? Toutes les réponses dans ce livre érudit de Philippe Mouret.

La bande dessinée puise dans l'Histoire pour enrichir les trames de ses récits. Nombre d'auteurs ont totalement réinventé la vie de célébrités. F'Murrr a dressé le portrait d'une Jeanne d'Arc à mille lieues de la fameuse pucelle. Ou du moins de l'Histoire officielle. On croise Jules César dans les séries à succès que sont Astérix ou Alix. Une même base historique, deux personnages assez différents. 
A côté de ces exemples, il existe une foule de héros de BD qui sont directement inspirés de personnages moins connus du grand public. Philippe Mouret dans ce livre qui se lit comme une encyclopédie a tenté de démystifier certaines figures moins célèbres. L'auteur, journaliste à Midi Libre, amoureux de Sète, lui-même scénariste à ses heures, assure depuis quelques années la rubrique BD dans le quotidien de Montpellier. Sa connaissance exhaustive du 9e art associée à une curiosité insatiable lui permet de nous apprendre quantité d'anecdotes. Sur les héros de BD, mais également sur les hommes et femmes qui ont servi d'exemple.
Le professeur Tournesol, personnage de l'univers de Tintin, est l'exemple parfait. Il apparaît dans « Le Trésor de Rackham le rouge » en 1944. Un inventeur farfelu qui propose à Tintin de tester son bathyscaphe révolutionnaire en forme de requin. Loin d'être une pure invention, Tournesol est directement inspiré d'Auguste Piccard, un Suisse, concepteur d'un sous-marin révolutionnaire et passionné par l'aviation. Après avoir tutoyé les sommets (16201 mètres accroché à un ballon), il bat de nouveaux records, de profondeur cette fois. Son petit-fils, Bertrand, assure la relève : il a parcouru 6000 kilomètres d'une traite aux commandes de Solar Impulse, un avion solaire.

Des Dalton... à Dominique de Villepin
Philippe Mouret s'intéresse aussi à des héros parfois tombés dans l'oubli. Jugurtha, sous le pinceau de Hermann puis de Franz, a longtemps été un des personnages principaux du journal de Tintin. Les scénarios de Jean-Luc Vernal l'ont envoyé aux quatre coins de la planète, de l'Asie à l'Afrique en passant par les îles britanniques. En réalité, Jugurtha, roi de Numidie, a tenté de défier Rome. En vain. Capturé, humilié, il est jeté en prison et y meurt, six jours plus tard, étranglé. Si les deux premiers albums racontent la véritable histoire, la suite (à partir de « La nuit des scorpions ») est comme une revanche imaginée par le scénariste. Jugurtha s'évade juste avant son exécution, fuit Rome et tente de se faire oublier loin, très loin de l'empire. Cela a donné une superbe série, entre aventure et philosophie, avec parfois des soupçons de fantastique. En la comparant à Thorgal, Philippe Mouret permet aussi de remettre à sa juste place des histoires de qualité mais passées de mode.
Parmi les autres exemples du bouquin, un gros volet sur Lucky Luke. Si le cowboy qui tire plus vite que son ombre est totalement inventé, il n'en est pas de même pour les Dalton, Calamity Jane ou Billy the Kid. Leurs véritables vies sont retracées, sans fard, par le journaliste de Midi Libre.
Enfin ne manquez pas le chapitre sur Dominique de Villepin. Car oui, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a lui aussi servi d'inspiration à des auteurs de BD... Comme le fait remarquer Philippe Mouret dans la courte présentation de l'ouvrage : « Aujourd'hui plus que jamais, le réel enrichit et nourrit l'imaginaire. »

« La véritable histoire des héros de BD », Philippe Mouret, Le Papillon Rouge éditeur, 20,50 euros


mardi 6 janvier 2015

BD - Glissements d'univers dans RASL de Jeff Smith

Après des années et des années à dessiner les aventures de Bone (succès planétaire oblige), Jeff Smith a osé changer radicalement de style et d'univers. Dans RASL, il adopte un dessin beaucoup plus réaliste, moins rond et gentil. Et surtout il entre de plain-pied dans la science-fiction en développant son récit autour de la découverte d'une machine permettant de surfer sur les univers parallèles. 
RASL, le héros, voleur d'œuvres d'art, passe d'un monde à un autre. Il peut ainsi multiplier les toiles de grands maîtres sans être suspecté d'être un faussaire. Surtout, il a récupéré les carnets secrets de Tesla, l'inventeur de la combinaison permettant de glisser d'un monde à un autre. Des carnets convoités par une agence gouvernementale lancée à sa poursuite. Sur 200 pages, soit 7 chapitres de la trilogie complète, on en apprend un peu plus sur la gloire puis la fin misérable de Tesla, sur les relations entre RASL et son meilleur ami, chercheur lui aussi. Comment il a séduit sa femme et tenté d'empêcher une catastrophe mondiale. C'est dense, intelligent, avec de véritables morceaux de fantastique et un suspense en permanence relancé. A ne pas manquer.

« RASL » (tome 2), Delcourt, 17,95 €


BD - La vraie vie d'Agatha Christie

Romancière la plus lue au monde, Agatha Christie s'est lancée dans l'écriture à la suite d'un pari avec sa sœur. La jeune Anglaise ne rencontre pas immédiatement le succès. Au contraire, elle mettra des années avant de terminer ce premier roman et oser s'attaquer au suivant. Une longue maturation qui lui permet de sortir en 1920 « La mystérieuse affaire de Styles », première apparition d'Hercule Poirot, le détective belge qui aime faire travailler ses petites cellules grises. Le succès est phénoménal, sa vie change. Dans cette biographie de 130 pages, les auteurs s'intéressent essentiellement à la femme, délaissant un peu la romancière. 
Anne Martinetti et Guillaume Lebeau, les scénaristes, racontent son amour pour son père, ses premiers voyages avec sa mère, ses envies d'émancipation et son coup de foudre pour un beau pilote de l'armée anglaise. Une histoire d'amour qui finira mal. Trompée, elle disparaît durant 11 jours en 1926. Elle revient, divorce et poursuit sa création littéraire, multipliant les chef-d'œuvre comme « Dix petits nègres » ou « Le crime de l'Orient-Express ». Alexandre Franc, le dessinateur, propose une version très ligne claire de la vie d'Agatha, avec un Hercule Poirot très stylisé, compagnon de solitude de la grande romancière.

« Agatha », Marabout, 17,90 €


DE CHOSES ET D'AUTRES - Cherchez le message caché

Image d'Épinal, image subliminale : on ne voit pas forcément tout ce que les illustrateurs mettent dans leurs créations. Des passionnés se sont par exemple amusés à décortiquer tous les dessins animés de Disney. Et nombre de bonus cachés ont été révélés par les meilleurs observateurs.

Régulièrement, d'autres personnages font des apparitions fugitives. Qui a remarqué la présence de Dumbo (sous la forme d'une peluche) dans le film "Lilo et Stitch" ou que Nemo le petit poisson, nage au milieu des saumons dans "Frères des ours". Autre spécialité des animateurs Disney, placer la tête de Mickey un peu partout. Simplifiée au maximum, elle n'est plus qu'un gros cercle surmonté de deux plus petits pour les oreilles. Mickey prend donc l'apparence de bulles de savon dans Blanche-Neige ou de melons sur l'étal d'un primeur dans Lilo et Stitch.
Loin d'être nouvelle, cette pratique d'insérer un symbole caché dans une illustration plus grande est très ancienne, on en a retrouvé dans les vitraux de certaines abbayes. Une constante à travers les âges et les civilisations.
Comme si l'esprit humain était incapable de se contenter de choses simples. La porte ouverte à tous les amateurs de complot dotés d'un peu d'imagination. À l'instar des billets de 1 dollar US, illustrés par la prétendue pyramide des illuminatis.
Quant à cette chronique, n'étant pas illustrée, si elle cache quelque chose, c'est un mot particulier ou une suite de mots (en rouge sur le blog). Un jeu de piste, une contrainte, qui débute aujourd'hui et se prolongera demain avec un nouveau mot. Ainsi, au fil des parutions, les lecteurs attentifs et fidèles pourront lire une chronique cachée dans les chroniques...

DVD - "Mister Babadook", peurs australiennes


Les films d'horreur les plus efficaces ne sont pas ceux qui proposent quantité d'effets spéciaux. La peur, avant d'être montrée, doit être ressentie. Jennifer Kent, la réalisatrice de « Mister Babadook » a parfaitement intégré cette donnée pour son premier film. 
Des décors minimalistes (une vieille maison) et deux acteurs impliquées (la mère Essie Davis et son fils Noah Wiseman) suffisent pour vous filer une frousse mémorable. Depuis la mort de son mari dans un accident de la route, Amelia élève seule son fils Samuel. Ce dernier, comme beaucoup de petits garçons de 7 ans, est persuadé que des monstres colonisent ses placards et vivent sous son lit. Elle doit développer des trésors d'ingéniosité pour le rassurer. Jusqu'à ce qu'elle lise l'histoire de Mister Babadook, un monstre qui vient frapper à la porte de la maison la nuit venue. Réel ou imaginaire ? Le cauchemar peut commencer.
Une variation brillante et virtuose sur les névroses, la folie et l'imaginaire. Récompensé à juste titre en 2014 au festival du film fantastique de Gérardmer.

« Mister Babadook », Wild Side Vidéo, 19,99 euros DVD, 24,99 euros blu-ray 


DE CHOSES ET D'AUTRES - Vrais et faux défauts

Séduire une femme (ou un homme, tout dépend du sexe et de l'orientation sexuelle), est certainement le plus grand défi que l'on puisse se lancer. Grâce à internet, les agences matrimoniales se sont dématérialisées pour se transformer en sites de rencontres. Terminée la cour galante, place au rentre-dedans.

Et surtout vive les arrangements avec la vérité. Tout est une question de plus ou de moins. Plus grand, moins vieux, plus riche, moins gros... Quelques ajustements sur les curseurs et on passe d'insignifiant à intéressant. Problème, l'étape de la rencontre en tête-à-tête ruine tous ces beaux mensonges. Les petits malins de « Settle for love » ont eu l'idée de créer un site de rencontres où les membres ne sont pas obligés de tricher pour se présenter.
Votre profil se compose de deux colonnes : vos qualités et vos défauts. Souvent, cette seconde catégorie constitue la dominante de votre personnalité. Quelques exemples. Il s'affirme très patient, mais n'aime pas les chiens. Il adore les ours, mais passe son temps à jouer aux jeux vidéo. Les créateurs du site affirment que certaines personnes verront dans ces inconvénients de réelles qualités. Le fameux « qui se ressemble s'assemble ».
Attention cependant, certains défauts sont réellement rédhibitoires. « Je pue des pieds » reste un répulsif total et définitif dans toute relation amoureuse normale. A l'opposé, mesdames, vous n'obtiendrez aucune réponse à votre annonce si vous avouez « ne pas supporter les hommes qui laissent systématiquement les lunettes des WC relevées. » Arrêtez de vous bercer d'illusion, cet oiseau rare n'existe pas...

dimanche 4 janvier 2015

Cinéma - La triste élite britannique du "Riot Club"

Ils sont riches et intelligents. Ils sont surtout prétentieux et odieux... La jeunesse britannique est passée à la moulinette dans « The Riot Club », film de la Danoise Lone Scherfig.


Oxford. La prestigieuse université anglaise est le passage obligé pour l'élite britannique. Depuis des siècles, les meilleurs y bénéficient d'un enseignement de qualité pour les préparer à occuper les plus grandes responsabilités. Une culture de l'excellence qui a cependant ses inconvénients, ses dérives. « The Riot Club », film de la Danoise Lone Scherfig inspiré d'une pièce à succès de l'Anglaise Laura Wade qui en assure l'adaptation, décrit le fonctionnement d'un Club étudiant très extrême. Le Riot Club n'a rien à voir avec l'émeute, traduction littérale du mot. C'est en fait un club libertin en l'honneur de Lord Riot, un noble aux idées très larges en matière de sexe, étudiant à Oxford et trucidé par un mari cocufié. A chaque rentrée de premières années, le club doit recruter de nouveaux membres. Mais il ne doit jamais en compter plus de dix. Des hommes, bien évidemment.


Les premières images du film (après la courte scène de la mort de Lord Riot), présente les arrivées de Miles (Sam Claflin) et Allistair (Max Irons). Ce dernier va être choisi par les autres membres. Même s'il n'a pas tout à fait le profil type. Côté richesse et intelligence pas de problème, mais c'est surtout au niveau de l'humanité que le bât blesse. Il en a trop. Beaucoup trop. Allistair tombe même amoureux d'une autre étudiante. Il accepte cependant de passer les épreuves. Une sorte de bizutage extrême.

Repas de tous les excès
Déjà à ce niveau, les membres du Riot Club sont très antipathiques. D'une prétention absolue, ils se moquent des conventions, estiment que tout leur est du, qu'un chèque permet de tout obtenir. Mais c'est peu de choses à côté du repas officiel au cours duquel les membres du club vont désigner le président.
Pour plus de discrétion, ils choisissent une auberge du Pays de Galles, chez les bouseux... Ils louent une grande salle et débutent leur orgie de plaisirs. Des tonnes de nourriture, pour manger à s'en faire éclater la panse (on n'est pas loin de la Grande Bouffe), des litres d'alcool pour faire descendre le tout, une prostituée pour satisfaire les besoins des uns et des autres et surtout la volonté d'humilier le personnel et de saccager le mobilier.
Dans ce lieu clos, comme à l'abri de toute raison, ils se déchaînent. Miles est le plus violent, le plus jusqu'au boutiste. Allistair, lui, craque, préfère quitter le navire avant qu'il ne soit trop tard. Mais il est toujours trop tard quand on est membre du Riot club...

Ce n'est pas un hasard si le scénario et la mise en scène sont l'œuvre de deux femmes. Il fallait un regard féminin pour montrer toute l'horreur de la situation de mâles arrogants. Ils sont jeunes, beaux, riches et intelligents. Mais ils se ressemblent : tous pourris. Quand l'élite se délite, un pays court à sa perte. Enfin, c'est ce que l'on pourrait croire. En réalité, la fin est encore plus noire que le repas. Miles ne sera finalement pas inquiété. Au contraire, ses frasques lui ouvrent des portes car comme lui fait remarquer un ancien du club, occupant un poste prestigieux : « Les gens comme nous ne font pas d'erreur »...

samedi 3 janvier 2015

BD - Autobio inversée de Maliki à Souillon


Maliki est une héroïne de bande dessinée qui a débuté sur internet. Des strips, puis des histoires courtes. De plus en plus de vues et finalement la reprise en albums chez Ankama. Maliki, mignonne, espiègle, les cheveux roses, les oreilles pointues, est mangaka. Elle dessine ses propres histoires. Sauf que rapidement on a découvert que ce n'était qu'une couverture pour un certain Souillon, homme et français. Pour la première fois le jeune auteur signe un album sous son véritable nom. 
Ce n'est pas un hasard s'il décide de raconter sa période étudiant en arts plastiques. Mais encore une fois, il inverse cette autobiographie en donnant son rôle à Mali, une Maliki beaucoup plus trash que l'originale. En permanence avec de gros écouteurs sur la tête, elle ne supporte plus les cours théoriques. Alors elle boit (beaucoup), se fait draguer (toujours) et finit ses nuits seule dans de terribles angoisses, terrées au fond de son petit appartement. Elle a deux amis, un garçon qui est amoureux d'elle et une fille, qui elle aussi est amoureuse d'elle... Finalement, elle préfère coucher avec son prof de « Photocopie », adepte de champignons hallucinogènes. Une BD étonnante, entre introspection, satire sociale et critique sociétale.

« Hello Fucktopia », Ankama, 14,90 €

Cinéma - « Mommy », combat d'une mère

Destin violent et dramatique que celui de Steve, un adolescent turbulent, fils unique d'une veuve dépassée par les événements. Xavier Dolan frappe fort. Et juste.


Avec « Mommy », Xavier Dolan a fait sensation au dernier Festival de Cannes. Une première sélection pour ce jeune prodige et d'entrée une polémique. Lauréat du prix du Jury ex-aequo avec un Jean-Luc Godard qui n'a plus grand chose à dire, Dolan méritait selon la majorité des critiques la palme d'or décernée au beau (mais trop classique) « Winter sleep ». Il reste au public de se faire sa propre idée, « Mommy » étant sans conteste le film le plus attendu ce mercredi.

Le spectateur est mis à rude épreuve dans les premières scènes. Il doit tout d'abord s'adapter au format de l'image. Pour être au plus près des visages, le réalisateur a coupé le superflu et gardé le centre de l'image. Ajouter à cela un déluge de phrases argotiques assénées par Die (Anne Dorval), la mère d'un enfant à problème. Elle vient le récupérer dans un centre fermé qui ne peut plus le garder. Steve (Antoine-Olivier Pilon) vient d'incendier le réfectoire. Pas mal de dégâts matériels mais surtout un de ses camarades sérieusement brûlé. Les retrouvailles entre la mère et son fils sont hautes en couleur. L'ado, totalement insouciant des conséquences de ses actes, ne cache pas sa joie à grand renforts de tonitruants « tabernacle ! » traduits en français par autant de « putain ! » Des sous-titres écrits par Xavier Dolan en personne. Une tâche qu'il n'a pas délégué en plus d'écrire le scénario, de réaliser, de concevoir les costumes et d'assurer le montage...

Hyperactif et violent

Steve, sous une gueule d'ange blond, abrite une personnalité complexe et velléitaire. Il souffre de TDAH, trouble de l'attention et hyperactivité. A la moindre contrariété, il part en vrille. Hurlements avant de devenir violent. Carrément dangereux. Die, dans sa nouvelle maison et son nouveau quartier, tente de s'intégrer. Elle se fait draguer par un voisin avocat, tente de rompre la glace avec la mère de famille de la maison d'en face. C'est elle, Kyra (Suzanne Clément) qui parviendra un jour à mettre fin à une crise de Steve. Une étrange relation va se mettre en place entre l'exéburante mère, la voisine introvertie et bègue et le fils, pas encore homme mais si séduisant malgré ses défauts. Par une des ces trouvailles qui montre toute l'étendue du talent de Xavier Dolan, le film passe d'un univers étriqué et oppressant à une ambiance large et pleine de bonheur partagé. Quelques minutes d'espoir qui verra son summum avec la douce rêverie de Die, imaginant son fils guéri, brillant, mari attentionné, père exemplaire. Un songe de courte durée. La maladie semble la plus forte. Et comme le fait remarquer une assistante sociale en début de film : « ce n'est pas parce qu'on aime quelqu'un qu'on peut le sauver. » Le film, dans son réalisme implacable, nous fait encore plus toucher du doigt le désespoir et l'infinie tristesse de cette mère, impuissante mais obligée de faire des choix mortifères. Du très grand cinéma par un réalisateur qui aurait dû avoir, effectivement, la palme d'or dès sa première participation au Festival de Cannes.

Un réalisateur, deux muses


« Mommy » est le sixième long-métrage de Xavier Dolan. Il n'a que 25 ans mais fait déjà partie des valeurs sûres de ce nouveau cinéma canadien, affranchi des stéréotypes européens et bousculant les conventions hollywoodiennes. Son premier film, « J'ai tué ma mère » explorait déjà les rapports entre mère et fils. Il y réglait ses comptes avec sa génitrice. Dans « Mommy », il lui donne sa revanche. Le réalisateur a trouvé dans Anne Dorval et Suzanne Clément deux muses essentielles dans son processus de création. Anne Dorval est donc abonnée aux rôles de mères dans ses films. Si dans le premier film elle est sobre et responsable, dans le second elle montre l'étendue de son registre de comédienne. Die est formidable dans ses attitudes de quinqua qui s'habille toujours en midinette et qui aime séduire, comme pour se rassurer sur sa place dans la société. Cela n'empêche pas la profondeur et la complexité du personnage symbolisée par les dernières minutes : face, l'enthousiasme, pile le désespoir. Ces quelques minutes à elles seules auraient mérité à Anne Dorval un prix d'interprétation à Cannes. L'autre femme essentielle dans la filmographie de Xavier Dolan est Suzanne Clément. La rousse flamboyante endosse la personnalité d'une femme blessée, traumatisée, incapable de parler en public, de s'affirmer. Il n'y que le duo Die/Steve qui va pouvoir lui redonner un semblant de vie sociale. Un rôle tout en retrait et en silence, ingrat mais essentiel dans la trame du film.

Et comme d'habitude Xavier Dolan a truffé son film de musique. Souvent actuelle, de Céline Dion (« Notre trésor national » s'exclame Steve en invitant Kyra à danser) à Lana Del Rey dont le dernier tube illustre à merveille la scène finale.