Stacy, jeune Américaine de 25 ans n’a pas son permis. Pourtant dans les premières pages de Overseas Highway, elle se trouve au volant d’une voiture surpuissante, fonçant sur l’interminable pont de Key West.
Ce roman graphique de Guéraud (scénario) et Druart (dessin) raconte surtout l’amitié entre la jeune fille, un peu paumée et Sarafian, ancienne gloire des circuits reconverti en garagiste pour la mafia cubaine de Floride.
112 pages à fond la caisse, avec de vrais méchants, des rebondissements et un final apocalyptique. De la très bonne came…
Les amateurs de bande dessinée franco-belge vont adorer ce superbe livre. Sur plus de 250 pages, on retrouve le récit de la carrière de Tome & Janry, repreneurs des aventures de Spirou dans les années 80 et surtout créateur du Petit Spirou. On apprend comment ce duo de jeunes Belges, cantonnés dans des rôles d’assistants (Turk, Dupa, Greg) a décidé de prendre son destin en main quand les éditions Dupuis leur ont proposé de rependre les aventures du héros emblématique de la maison : Spirou. Cela a donné des albums géniaux, de Virus à Qui arrêtera Cyanure sans oublier le trop décrié Machine qui rêve.
On apprend leur mode de fonctionnement (Tome scénarise, Janry dessine), comment ils ont eu l’idée des gags du Petit Spirou et surtout la raison de leur arrêt brutal de la série principale.
Un beau livre richement illustré de reproduction de planches, dessins et cases en très grand format, paraissant à l’occasion des 40 ans de la parution de Virus. Un hommage aussi à Philippe Tome, mort brutalement en 2019.
« Tome & Janry, deux vies en dessins », Dupuis - Champaka, 55 €
Certaines de leurs nuits sont grises. Pas de ces nuances entre le blanc et le noir - gris clair, gris foncé. Non. Ces nuits-là, ils se magnent de rentrer et se mettre en sécurité, claquemurés, verrous tirés, plaques de fer vissées aux fenêtres, avant la tombée du jour.
Parce que les nuits grises sont peuplées de créatures malfaisantes, hurlantes, assassines. Si par malheur l’un ou l’une d’entre eux reste dehors, les autres ne retrouvent que sa peau au petit matin. Tout le reste a été bouffé par ces espèces d’ils ne savent même pas quoi, ils ne les ont jamais vues.
Eux ont décidé de s’appeler les Sensitive. Treize personnes, hommes, femmes, enfants, réunis aléatoirement dans un désert appelé le Cirque. Issus des quatre coins de la terre, ils forment désormais une famille. Et quelle famille. Jamais vous n’en connaîtrez de plus unie, tolérante, empathique. Question de survie.
Par le pouvoir d’une femme, Mardy. « Instructions de base : […] Ce qu’il faut que vous fassiez, ce que vous devez trouver, c’est le Sarkpont. Pour cela, vous avez douze chances. Douze regyres. » Pas commode la Mardy.
Les Sensitive trouvent leur havre, leur point de chute, leur refuge. Les nuits grises, ils se terrent. Le reste du temps, ils crapahutent dans le désert, à la recherche de ce satané Sarkpont. Euphémisme de dire qu’ils en bavent.
Au même moment (mais allez savoir) une ado, McKenzie, est obnubilée par les déserts, les phénomènes météorologiques et souffre d’hallucinations qui ressemblent étrangement à des souvenirs. Au hasard d’une rencontre par internet, elle découvre le message d’un certain @NewtinSeattle, « artiste du désert enfermé dans le corps d’un concepteur de logiciels ».
Ensemble, ils essaient de décrypter leurs souvenirs enfouis.
Les révélations
Au bout de toutes ces années et de dix polars plus sanglants - et addictifs - les uns que les autres, nous apprenons enfin que Mo Hayder s’appelle en réalité Theo Clare. Nous avons adoré Birdman, Tokyo et tous les autres.
Sauf qu’ici, elle sort carrément de sa zone de confort (ou pas ?) et se lance dans l’aventure d’un roman de SF, qui n’est pas sans rappeler le meilleur de Stephen King. En particulier Le Dôme. Une sorte d’allégorie sur l’espace-temps, la réalité, la fiction. L’être et son devenir.
Quel dommage qu’elle se soit lâchée si tard. L’écriture est impeccable, maîtrisée comme d’habitude. La construction du récit au cordeau. Et ce petit truc en plus, que l’on sent plus encore dans cet avant-dernier opus (oui, il y a une suite), l’amour qu’elle porte à chacun de ses personnages.
Theo Clare est morte en août 2021 à 59 ans. Espérons qu’elle ait trouvé La Porte.
Depuis son premier roman policier La part du démon paru en 2021 (disponible en poche chez Pocket), Mathieu Lecerf est régulièrement présenté comme une des valeurs montantes du polar français. Une écriture vive et directe, des intrigues originales, du réalisme : il a tout pour passionner les amateurs de ce genre de littérature. Avec le petit plus qui lui permet de se distinguer : ses héros sont particulièrement humains. Pas de flic à l’épreuve de toutes les situations dans le second roman, Au royaume des cris. Au contraire les deux policiers qui sont au centre de l’intrigue se révèlent de plus en plus fragiles. Manuel de Almeida, Manny pour les collègues, le plus âgé, d’origine portugaise, vient d’être papa pour la seconde fois mais rentre surtout d’une longue convalescence. Régulièrement, du bout des doigts, il touche la boursouflure formée par la cicatrice qu’il a à la tête.
La mort, il l’a frôlée. Sa coéquipière, Esperanza, d’origine espagnole elle, est encore plus mal en point. Cela fait sept mois que sa fillette de dix ans a été enlevée. Elle s’est mise en congé sans solde pour tenter de retrouver la fillette. Mais la jeune policière est désespérée car sans piste. Elle dépérit et croit devenir folle dans son studio : « Et subitement, Esperanza se mit à hurler, elle lâcha un cri puissant et déchirant ; si intense qu’elle s’accroupit en s’époumonant, avant de se laisser tomber sur le sol au moment où la plainte s’éteignait. » Finalement, elle reprendra le boulot, tout comme Manny, comme pour préserver ses dernières strates de santé mentale.
En plus de l’évolution de la vie des deux policiers, Mathieu Lecerf greffe une intrigue extérieure qui donne son originalité du roman. Au petit matin, un sniper caché sur le toit d’un immeuble de la rue de Rivoli à Paris fait un carnage dans le Jardin des Tuileries.
Six personnes sont abattues en quelques minutes. Clément Choisy est chargé de l’enquête. Le frère de Manny, Cristian, journaliste, y voit matière à un nouveau livre d’investigation. Tout le monde pense à un attentat terroriste (l’État islamique a revendiqué), mais le journaliste est persuadé qu’il y a une autre raison cachée à ce massacre. Car dans les six personnes assassinées, s’il y a une retraitée, un restaurateur chinois, une mère de famille et son fils et une employée de banque, il y a surtout un riche patron. Cristian va tenter d’en savoir un peu plus sur ce magnat de la presse et l’industrie pharmaceutique en interrogeant son épouse, une célèbre comédienne, à peine veuve et qui va craquer pour le beau reporter.
Une intrigue suivie par le lecteur en parallèle avec la recherche des ravisseurs de la fille d’Esperanza. Un rapt dont la scène finale se déroule à… Collioure.
Enfin un film qui aborde le problème de l’ego de ces acteurs de cinéma avec réaliste et humour. Trop souvent les réalisateurs n’osent pas dire tout le mal qu’ils pensent de cette matière première essentielle pour donner corps à leurs créations. Mariano Cohn et Gastón Duprat, réalisateurs argentins de ce Compétition officielle savoureux, sont sans pitié pour leurs deux stars : Antonio Banderas et Oscar Martinez.
Exactement, les deux comédiens jouent dans cette comédie leurs doubles caricaturaux. Le premier, acteur populaire qui multiplie les conquêtes, les navets et les millions, espère enfin être reconnu pour son « art ». Le second, professeur d théâtre, est un chantre du classicisme, d’extrême gauche, persuadé que son talent va permettre au film de devenir un classique. Ils sont embauchés par une réalisatrice torturée, encensée par la critique et les « professionnels de la profession ».
Pour l’incarner, c’est une Pénélope Cruz méconnaissable qui va, elle aussi, prendre beaucoup de plaisir à se moquer de ces intellectuels, persuadés qu’ils vont changer la face du cinéma, mais qui espèrent surtout attirer des millions de spectateurs.
Un film brillant et caustique, avec un trio de comédiens qui mérite, chacun, la palme de la méchanceté.
Film espagnol de Mariano Cohn et Gastón Duprat avec Pénélope Cruz, Antonio Banderas, Oscar Martinez
Maby, avocat, a décidé de raconter un pan de son enfance sous forme d’une bande dessinée illustrée par Valentin Maréchal. En plein Mai 68, le jeune Jean-Jean fuit Paris paralysé avec sa mère et ses deux sœurs. Réfugiés dans la grande maison de campagne du Beaujolais.
L’occasion de découvrir les secrets de cette maman qui a perdu une jambe, fervente gaulliste et fumeuse invétérée. Le petit Jean, privé de ses amis qui eux vont toujours à l’école, surprend une nuit un géant dans la cuisine. Qui est cet ogre recherché par la police. Une belle histoire de solidarité et de résilience. .
Troisième et dernier tome du premier cycle des aventures d’un groupe de hip-hop dans une ville qui ressemble fort à Carcassonne. Normal, la scénariste, CeeCee Mia réside dans la préfecture audoise.
Dans ces 60 dernières pages dessinées par Lesdeuxpareilles (des sœurs jumelles canadiennes), le crew des Étoiles va sauver le quartier populaire où ils évoluent de promoteurs immobiliers avides.
Les histoires d’amour vont se conclure ou naître et on espère que la petite bande de danseurs reviendra dans un second cycle.
Très intrigante histoire que ce comics de Ram V et Filipe Andrade. Toutes les morts de Laila Starr se déroule dans un futur proche en Inde. Le jour où une jeune étudiante, Laila Starr meurt défenestrée, la déesse de la Mort apprend son licenciement.
Dieu a décidé de tester l’immortalité pour les Humains. Exactement c’est un certain Darius qui va découvrir un remède miracle. La Mort, redescend sur Terre, prend le corps de Laila et va tenter d’empêcher Darius de lui enlever son job. Un thriller qui glisse vers le conte philosophique.
« Toutes les morts de Laila Starr », Urban Comics, 19 €
El Diablo et Romain Baudy s’essaient à la SF courte et délirante. Ce Space Connexion propose quatre histoires complètes de rencontres entre humains et extraterrestres. Sans déflorer les fins, sachez que cela ne se termine jamais bien pour les premiers.
La première histoire, Abduction, raconte l’enlèvement de brillants scientifiques par des aliens. Ils sont testés et malgré leur savoir immense, se trouvent finalement catalogués comme primates agressifs, justes bons à être dégustés au repas du soir.
Entre thriller, polar et roman social, Duchess de Chris Whitaker est avant un grand roman américain, de ceux qui vous prennent aux tripes avec des personnages qui longtemps vont hanter votre mémoire. Il y a bien évidemment Duchess, l’adolescente qui donne son nom au livre, son frère, Robin et puis Walt, le flic qui tente d’avoir raison contre tout le monde, impuissant dans un monde qui ne tourne plus rond.
L’action se déroule à Cape Haven, une petite station balnéaire de Californie, perchée au bord du Pacifique. Premier drame : une petite fille disparaît. Son corps est retrouvé par Walt, encore enfant. Sissy est morte par la faute de Vincent King, le meilleur ami de Walt et amoureux de Star, la sœur de Sissy. Dans ce petit paradis, ce drame va durablement marquer les esprits. La suite du roman se déroule 30 ans plus tard. Vincent va sortir de prison. Walt est devenu le policier municipal de Cape Haven et Star, alcoolique, a deux enfants, Robin et Duchess. Cette dernière fait office de maman de substitution. Dure au mal, déterminée, elle s’accroche à une certitude : ses ancêtres étaient des hors-la-loi.
Elle aussi sort du cadre, provoque, dynamite tout ce qui l’approche : « Duchess préférait Cape Haven en hiver, quand une certaine honnêteté décapait le vernis et laissait apparaître une petite ville ordinaire. Elle détestait les étés, longs, beaux, affreux. » Ce roman propose le meilleur portrait d’une adolescente depuis très longtemps. À la psychologie compliquée. « Le bruit flottait jusqu’à elle et lui glissait dessus. Elle avait cette capacité à se sentir complètement seule sur une plage noire de monde ou dans une classe remplie d’élèves. »
Duchess qu’on aimerait pouvoir aider, protéger. Mais c’est une boule de nerfs qui n’a plus confiance en personne. Duchess, qui tente de sauver sa mère du naufrage et de préserver son petit frère. Mais le retour de Vincent King va provoquer un nouveau drame. Le roman prend alors une dimension supplémentaire dans la douleur.